Chapitre 4 : plan

Les trois hommes montèrent dans le 4x4 et Gabriel les conduisit jusqu'au cabinet de Maître Vargas dans le silence. L'avocat leur demanda d'attendre quelques minutes alors qu'il s'enfermait dans son bureau.

Carlos se sentait abattu. Il n'avait plus les menottes, il était sorti du poste de police, mais il ne pouvait pas se rendre aux côtés de son amant, ni rentrer chez eux. Il ne pouvait pas enquêter ni chercher à prouver son innocence. Il n'avait même pas de téléphone pour appeler ses amis !

Comme si son père avait lu dans ses pensées, il lui tendit son portable déverrouillé sur le numéro d'Owen. Le plus jeune s'en saisit avidement et appela son beau-père.

"Gabriel ? demanda la voix du pompier dans un chuchotement.

- Non, Carlos.

- Ils t'ont relâché ?

- Oui, mais j'ai interdiction de venir à l'hôpital.

- Ils ont peur que tu t'en prennes à nouveau à lui…"

Carlos ne sut si Owen insinuait qu'il le croyait coupable ou s'il suivait juste le raisonnement des enquêteurs, mais ce doute le blessa.

"Je ne lui ai rien fait, Owen. Vous me croyez, non ?"

Le silence qui lui répondit lui fit encore plus mal.

"Owen, je vous jure que ce n'est pas moi, je n'ai jamais levé la main sur TK.

- Je, le pompier marqua une nouvelle hésitation avant de soupirer. J'ai envie de te croire Carlos, vraiment, mais les policiers semblaient tellement sûrs d'eux.

- Ces deux inspecteurs sont des homophobes qui me haïssent. Leurs preuves ne tiennent pas.

- Va falloir trouver qui lui a fait ça."

Un poids se souleva des épaules du jeune homme.

"Oui, mais d'abord, comment va TK ? Vous êtes avec lui ? Je peux le voir ?"

Owen bascula l'appel en visio et tourna la caméra vers son fils. Il était blanc sous les draps, et entre les énormes marques violacées qui couvraient son visage. Un bandage entourait son crâne et un autre se devinait autour de son épaule avant d'être caché par le drap. Ses bras aussi étaient recouverts d'hématomes et de bandages. Un tube sortait de sa bouche et de nombreux autres étaient reliés à son corps. Carlos ne put empêcher ses larmes de couler, sans bruit cette fois.

"Il est dans le coma, les médecins sont inquiets à cause du traumatisme crânien. Ils vont lui faire plus d'examens plus tard. On va se relayer avec les membres du 126 pour qu'il y ait toujours quelqu'un à ses côtés.

- Vous me tiendrez au courant ?

- Bien sûr, appelle aussi souvent que tu veux Carlos.

- Owen ? rappela le jeune homme avant que la communication ne soit coupée. Je n'ai plus de téléphone, vous pouvez m'envoyer le numéro de Paul sur le portable de mon père ?

- Pas de soucis.

- Merci."

Carlos rendit son téléphone à son père et se prit la tête entre les mains, les larmes coulant toujours. Il avait réellement peur pour son fiancé, peur de le perdre pour toujours et il ne comprenait pas qui avait bien pu lui faire ça, ni pourquoi. Son père posa sa main sur sa nuque, mais ne dit rien. Les deux hommes restèrent ainsi une vingtaine de minutes, les larmes du plus jeune tarissant, mais pas sa détresse, jusqu'à ce qu'ils soient appelés dans le bureau de l'avocat.

"Désolé de vous avoir fait attendre, il m'a fallu un petit peu de temps pour reprendre le dossier des enquêteurs contre vous et pour regarder la vidéo."

Carlos l'observait sans vraiment savoir quoi espérer, ce qu'il voulait par-dessus tout était d'être blanchi et de pouvoir se rendre aux côtés de son fiancé, mais il doutait que l'avocat ait ce pouvoir là.

"La bonne nouvelle est que votre dossier et votre interrogatoire n'ont pas été faits dans les règles. Ces deux inspecteurs ont laissé leur homophobie dicter leur enquête, ce qui nous donne plusieurs angles d'attaque. Le premier consiste à faire annuler les charges qui pèsent contre vous pour vice de procédure. Le deuxième est de demander une enquête interne à l'encontre de ces deux inspecteurs et enfin de demander le transfert de l'enquête à un autre service."

Carlos ne savait pas trop quoi penser de tout ça et avait peur de comprendre qu'il n'allait pas être libre de ses mouvements pendant encore une longue période.

"Est-ce qu'on peut lancer les trois en même temps ? demanda-t-il.

- Oui, et si ces trois angles vous conviennent je lance les démarches dès que vous quittez ce bureau.

- Combien de temps ça va prendre ?

- Pardon ?

- Il faudra combien de temps pour que je puisse être aux côtés de mon fiancé et tenir sa main ?"

Il y eut un moment de silence durant lequel Carlos sentit l'impatience le gagner. Il n'était pas dans ce cauchemar depuis une journée, qu'il se demandait déjà comment il allait faire pour ne pas être aux côtés de son homme sans devenir fou d'inquiétude.

"Entre quelques jours et un mois.

- Un mois ? s'exclama Carlos, abasourdi.

- Ce qui peut prendre du temps dans votre cas est qu'aucun juge n'a été saisi, il faut donc que j'en saisisse un, ce qui peut prendre du temps car certains seront plus favorables que d'autres à votre dossier, seulement ils peuvent être plus difficiles à contacter. Par contre, une fois un juge saisi, les choses ne devraient pas trop traîner, j'ai même bon espoir que votre chef nous aide dans ces démarches. Le transfert de l'enquête à un autre service devra être ordonnée par le juge. Pour l'enquête interne, je vais appeler le service habilité dès aujourd'hui, de leur côté ça devrait aller vite."

Abattu par l'attente à venir, Carlos remercia l'avocat et sortit du bureau. Perdu dans ses pensées pour son homme entre la vie et la mort dans un lit d'hôpital, il ne dit pas un mot du trajet. Il salua à peine sa mère lorsque son père et lui arrivèrent au ranch et alla trouver refuge dans sa chambre d'enfant. Allongé sur son lit, il cherchait à comprendre la situation, à trouver une explication, un indice, quelque chose, mais rien ne lui venait, l'agression de TK chez eux n'avait aucun sens pour lui. Plus l'incompréhension montait en lui, plus la colère se faisait forte, finalement, à bout de nerfs, il se leva, emprunta de vieux vêtements à son père et partit faire un footing dans la propriété.