Pas vraiment d'avertissement, je pense... Au cas où tout de même : TW : relation sexuelle évoquée.


Macnair ne travaillait déjà plus aux cuisines.

Quand Drago interrogea Ackerley à son propos, le prisonnier lui jeta un regard assassin et répondit qu'il n'avait effectué qu'un remplacement d'une journée, uniquement le temps de transmettre son « message ».

Drago lui demanda s'il avait laissé des consignes.

« Uniquement celles de passer exclusivement par moi, Malfoy ! Apparemment, je suis en période d'essai ! » A son ton, on aurait pu croire qu'il avait été insulté de Sang-de-Bourbe ou de Cracmol.

Lucius Malfoy avait de toute évidence été satisfait des offrandes filiales et du rapport de son bourreau.

Drago ne chercha pas à éprouver la patience du prisonnier. Il se rendit à son chariot et entreprit de remplir son document de travail en passant inaperçu.

Une voix grave dans son dos le fit se retourner :

« Vous autres, les petites bêtes, vous vous remettez vite. » Rosier lui tournait le dos et s'occupait de transvaser du café moulu dans des sacs de jute. « Hier, j'ai bien cru qu'ils t'avaient envoyé à l'infirmerie pour une semaine ou deux… Il faut croire que Macnair sait ce qu'il fait.

– J'ai reçu des soins », répondit finalement Drago. Il ne savait pas vraiment quoi penser de cet individu, mais il était certain de ne pas vouloir se le mettre à dos.

« Est-ce que tu as dit à ton papa que j'avais été gentil ? » Il versait maintenant du café en grain dans une grosse machine métallique.

« J'ai oublié, répondit honnêtement Drago après une hésitation. Mais je… » Sa parole fut recouverte par le bruit assourdissant de la machine que Rosier venait de mettre en route. Les grains de café furent pulvérisés en un instant, une poussière brune fut projetée sur les hublots de verre, et Rosier lui sourit doucereusement par-dessus son épaule.

Drago n'était pas certain qu'il s'agisse d'un avertissement. Il avait vraiment du mal à jauger l'homme. Celui-ci clarifia pourtant le message quand la machine s'éteignit :

« Les cafards, les pigeons, les petites souris dans ton genre… On peut leur arracher les pattes et ils continuent de se débattre pour survivre pendant des jours et des jours. Je vous admire, dans un sens.

– C'est… gentil de ta part, Rosier. Bien sûr j'en informerai mon père. »

Rosier souleva un plateau sur lequel ses sacs étaient empilés. L'ensemble semblait peser un hippogriffe mort.

« Tu sais quoi, chuchota-t-il. Dans le fond je pense que le plus important, c'est que toi, tu en sois convaincu. » Et Rosier s'éloigna.

Les chariots ensorcelés s'étaient mis en mouvement. Drago ne perdit pas plus de temps et s'empressa de les suivre.

La porte du Directeur ne s'ouvrit pas la première fois qu'il frappa. Il dût insister pour qu'elle s'écarte violemment sous l'emprise d'un sortilège puissant.

« Je vous ai dit d'entrer ! hurla Potter qui était de nouveau agenouillé devant la cheminée.

– Et moi je t'ai dit que je t'entendais parfaitement bien, Harry, merci ! »

C'était apparemment le retour de Granger. Drago sourit, referma derrière lui et alla dresser la table.

« Désolé, Hermione. J'en étais à… Proctor ? Qui est Proctor ?

– Horace Proctor est le président du comité d'aide à la régularisation des créatures dangereuses. Doren Jacobowitz, c'est une collègue du ministère à qui j'ai déjà tout résumé. Elle travaille au bureau de classification des Êtres, Non-Êtres, et Créatures magiques. Sa cheffe de service s'appelle Johanna Torme et elle…

– Attends, attends Jacobo-quoi ? Comment tu écris ça ? »

Granger épela patiemment le nom.

Drago s'installa sur le tapis blanc du salon, coucha doucement le chariot enchanté sur le flanc après l'avoir vidé de son chargement, et commença à nettoyer les quatre petites roues pour trouver celle qui grinçait. La clochette d'or tinta misérablement. Il fouilla son chariot de ménage et trouva une petite fiole d'huile destinée à l'entretient des charnières des portes et placards. Il se mit au travail en écoutant malicieusement Potter paniquer et Granger perdre patience. C'était un délice.

« Et pour finir, tu devrais envoyer un compte-rendu de toutes les démarches entamées à Hedge, histoire que Kingsley ne t'accuse pas de faire tout ça dans son dos.

– Hedge ? Je croyais qu'elle avait quitté le Ministère quand elle est tombée enceinte. Elle va bien ?

– Elle va très bien. Elle a accouché la semaine dernière. Mais elle est revenue travailler avec son bébé. Kingsley ne s'en sortait pas avec son remplaçant. »

On trouvait toujours des incompétents aux postes les plus hauts placés. Ministre, Directeur d'école ou de prison… Les hommes compétents, avait appris Lucius Malfoy à son fils, se tenaient dans l'ombre et indiquaient à tout ce beau monde que faire et comment se comporter. De toute évidence, Granger était la femme de l'ombre de Potter.

« Au fait, Harry, j'ai retrouvé le livre sur les Elfes dont je t'ai parlé hier. Il était disponible chez Fleury et Bott, alors je l'ai commandé, et tu devrais le recevoir demain.

– En parlant d'Elfes, est-ce que tu as réfléchi au…

– Pour la dernière fois, il est absolument hors de question que des Elfes de mon association ne viennent travailler à Azkaban ! La plupart d'entre eux ont au moins un ancien maître enfermé là-bas, et…

– Et Kreattur ? coupa Potter.

– Kreattur a plus de 119 ans ! Tu veux vraiment lui faire faire le trajet ?! Laisse ce pauvre vieil Elfe de Maison tranquille, par Merlin ! »

Et la femme de l'ombre avait suffisamment de cran pour sermonner le célèbre Harry Potter comme un vilain petit garçon. Si elle continuait comme ça, Drago finirait par apprécier la Née-Moldue…

Une autre voix intervint :

« Harry, je t'adore, t'es mon pote, mais arrête de parler des Elfes à Hermione ! Elle a raison, tu as tort, et je dis pas ça parce qu'elle est ma femme.

– Je suis ton épouse, Ronald ! Ton épouse ! Pas ta femme !

– Bravo, Harry ! Bravo ! » s'agaça Weasley pendant que Potter plaidait son innocence.

Ils se chamaillèrent ainsi quelques minutes, jusqu'à ce que Granger ne prétexte une réunion matinale et ne mette fin à la conversation après avoir assuré Potter de son soutien et de sa disponibilité, s'il avait besoin de quoi que ce soit.

A la gerbe de flammes turquoise succéda un soupir audible de Potter et un baragouinage tandis qu'il relisait visiblement ses papiers. Un « fait chier » délectable vint résumer la réussite de la prise de notes.

Drago resserrait un écrou quand il sentit la présence de Potter au-dessus de lui. Il tenait son mug de café dans une main et un toast entamé dans l'autre.

« Qu'est-ce que tu fais ?

– Il grinçait, expliqua Drago en désignant le chariot.

–Wah, ironisa Potter en le rejoignant sur le tapis. T'as vraiment eu raison de mettre ça au sommet de ta liste de priorités, ça devait être insupportable.

– Est-ce que tu aurais préféré que je te suce pendant ta communication ? Est-ce que ça fait partie de tes fantasmes ? » demanda Drago en mimant l'intérêt.

Potter sourit et s'approcha. « Ne me donne pas ce genre d'idées. »

Drago, amusé malgré lui, secoua la tête sans répondre.

Potter lui attrapa la joue, tourna son visage vers lui, et l'embrassa délicatement. Ces marques de tendresse étaient… déconcertantes. Drago ignorait à qui elles étaient destinées.

Il l'embrassa une seconde fois, avec plus de passion, puis une troisième fois, où il poussa franchement Drago sur le dos. Il fit remonter la robe grise le long des jambes, puis se figea. Il fixa sa proie avec un sourire salace.

« Et bien, et bien… Je peux savoir depuis quand tu ne mets plus de sous-vêtement, Malfoy ?

– Depuis qu'un abruti leur a lancé un Evanesco » répondit Drago, à la fois sérieux et passablement vexé.

Potter éclata de rire. Après quoi, probablement qu'il était de bonne humeur, il n'exigea rien de bizarre de la part de Drago, et se contenta d'un missionnaire rapide et sans douleur. Quand sa montre moldue lui indiqua qu'il était l'heure de quitter ses appartements, il embrassa de nouveau Drago, comme un homme partant travailler le ferait avec son épouse femme au foyer.

Drago s'occupa de ses tâches journalières. Ce jour était censé être dédié aux changements de la literie, mais Drago décida de remettre cette tâche au lendemain, afin de glisser sa propre housse de couette dans le panier du Directeur.

Il s'occupa ensuite d'écrire une longue lettre à son père – codée, bien entendue – où il lista les produits dont il disposait, l'informa de ce qu'il avait compris des projets du directeur concernant le bannissement définitif des Détraqueurs ou les travaux de réhabilitation des lieux. Il expliqua avoir convaincu Potter de s'entretenir avec lui, et espérait que le résultat de cette discussion serait positif. Enfin, il lui fallait parler de Rosier… Il opta pour la formule vague « Il semblerait que Rosier cherche à obtenir votre attention. » Satisfait, il effectua un pliage compliqué qui permettait de deviner si la missive avait été ouverte avant d'atteindre les mains de son destinataire.

Drago s'accorda ensuite une pause devant le bol de porridge et la découverte du pot de confiture du jour, presque transparente. Il l'empocha ainsi que la baguette de pain non entamée, puis se rendit dans la garde-robe du Directeur pour subtiliser également trois boxers noirs et trois paires de chaussettes de la même couleur.

Enfin, il revint au salon et poursuivit son rangement de la bibliothèque. Il se permit carrément d'ouvrir les cartons « livres » qui ne l'étaient pas, et modifia légèrement son organisation afin de pouvoir mettre en valeur trois ouvrages de collection qui méritaient mieux que d'être présentés par la tranche. Curieux, il survola un roman moldu, et se sentit vite dépassé par tous les termes bizarres qu'il ne comprenait pas : L'inspecteur moldu portait des joggings, mangeait des tupperwares, et appelait sans cesse son téléphone, sans que Drago ne comprenne s'il s'agissait d'un animal ou d'une sorte d'esprit farceur de poche. Il rangea le roman avec les autres, sur l'étagère la moins accessible possible.

Il décida d'embarquer les cartons vides, dont la taille était régulière, afin de s'en servir de rangement.

Avant de regagner sa cellule, il remit sa lettre à Ackerley qui ne lui accorda pas un regard.

C'était une bonne journée.

De retour chez lui, il décida que les rideaux du lit à baldaquin permettaient une sorte d'intimité nouvelle et fit effectuer au meuble un nouveau quart de tour. L'opération lui prit presqu'une heure, avec des pauses, car le poids de l'objet avait été surmultiplié. Le paravent fut déplacé pour mettre en valeur l'espace salle d'eau, et un carton fut sacrifié pour servir d'étagère aux chaussures. Les autres furent empilés et devinrent une petite bibliothèque qui accueillit aussitôt le papier, l'encre, et la plume. La souche conserva son rôle de table basse. Drago y posa le pain et le pot de confiture du jour autours de la chope d'étain.

Celle-ci était encore chaude, et Drago se demanda si c'était le métal ou le liquide qu'il contenait qui avait subi un sortilège de préservation thermique. Dans le premier cas, la chope devrait servir de tasse ou de mug. Dans le second, elle pourrait devenir un verre. Drago transvasa une partie du liquide dans le bocal de confiture vide de la veille, et sirota du romanian whiskey en attendant le résultat de l'expérience. Quand, plusieurs heures plus tard, les chariots de services défilèrent pour leur service du soir, le petit bocal était encore chaud. Drago décida de le conserver bien fermé afin d'avoir une bouillotte à glisser entre ses draps.

Drago refusait d'espérer que les choses continuent à s'améliorer. Il ne voulait pas être capricieux, il avait peur que de trop s'habituer au bonheur ne rende la chute plus douloureuse quand elle adviendrait.

Mais les choses s'amélioraient, et il lui était impossible de résister au plaisir qu'elles lui apportaient.

Pire, il ne voulait pas résister. Il voulait profiter de chaque instant de ce luxe inouï qu'il avait de se sentir bien.


Alors, il est pas mignon et heureux tout plein, notre petit Drago ? Qui pense que ça va durer sur plus d'un chapitre ? (°u°)/