Le calme revint, mais la table Serpentard était désormais la cible de toutes les attentions.
Hermione se servit en grommelant, furieuse. Blaise l'observa un instant en souriant, avant de se tourner vers Harry.
— Alors, Potter… enfin, Harry… qu'est ce que tu comptes faire, si tu ne reviens pas à Poudlard ?
Harry posa le plat qu'il tenait, puis il haussa les épaules avec un petit sourire.
— Je ne suis pas vraiment fixé, en fait. Je devais intégrer une formation pour être Auror, mais j'hésite encore.
Hermione le dévisagea en haussant un sourcil.
— Je croyais que tu avais pris ta décision ?
Harry soupira, en évitant son regard.
— Je… Disons que j'étudie mes options.
Il rougit légèrement en se rendant compte que tout leur petit groupe le fixait et il ajouta, avec une pointe de malice.
— Promis, je vous le dirais dès que je serais fixé. À condition que la Gazette me laisse le temps d'écrire une lettre…
Pansy déplaçait les aliments dans son assiette depuis un moment, évitant le regard de tout le monde. Lorsqu'il y eut un silence, elle murmura, mal à l'aise.
— Tu as eu des nouvelles de Drago ?
Harry se tourna vers elle et il hocha la tête, surprenant Hermione. Elle resta cependant silencieuse, attentive, attendant la réponse avec autant d'impatience que Pansy.
— Madame Marchbank ne tarit pas d'éloges sur son sérieux et sur son travail.
Pansy eut un sourire triste.
— À quoi bon ? Nous pouvons toujours être diplômés, nous n'aurons jamais de travail ensuite… Je me demande parfois si ça vaut la peine de continuer.
Harry secoua la tête.
— Ne t'en fais pas pour ça. Le ministère ne jugera personne sur sa maison ou sur son nom de famille. Sans compter qu'il y a probablement des tas d'endroits où les employeurs seront tolérants. La guerre a… laissé des traces, mais ils auront besoin de recruter lorsque la vie reprendra pour de bon.
Pansy grimaça, visiblement dubitative. Théo murmura alors, les joues légèrement rouges et le regard fixé sur la table.
— Donc… Drago et toi vous avez enterré la hache de guerre ?
Harry haussa les épaules avec un petit rire nerveux.
— Oh… je dirais que… qu'on arrive à se comprendre, peut-être. Disons que nous avons notre propre mode de communication.
Hermione renifla, détaillant l'expression prudente de Harry.
— S'insulter n'est pas un mode de communication, Harry.
Le jeune homme fit la moue en haussant les épaules et Neville éclata de rire. Il secoua la tête avant de commenter, souriant.
— Sérieusement, durant notre scolarité, j'ai l'impression que Harry n'a fait que se plaindre de Malefoy. Dean et Seamus avaient même parié qu'il se passerait un truc entre eux…
Hermione était en train de boire une gorgée d'eau et elle s'étouffa à demi, les yeux écarquillés.
— Pendant que je m'épuisais à les tenir loin de l'autre, ces deux idiots imaginaient que…
Harry avait la tête rentrée dans les épaules et il rougissait, semblant terriblement mal à l'aise. Pansy et Théo le dévisageaient avec surprise, mais Blaise gloussa nerveusement.
— Merde… Drago ne parlait que de lui aussi. Potter ceci, Potter cela… Quelle que soit la conversation en cours, on en arrivait là. Peut-être qu'on aurait dû les enfermer tous les deux dans une pièce, pour vérifier si ce pari avait une chance d'être remporté…
Les joues plus rouges que jamais, Harry posa les mains sur son visage avec un gémissement désespéré. Cependant, il ne pouvait pas s'empêcher de sourire alors que leur petit groupe se mettait à rire, amusé.
Lorsqu'il fut plus calme, Harry dévia habilement la conversation vers les cours, mais Hermione ne pouvait s'empêcher de lui offrir à un sourire moqueur à chaque fois que leurs yeux se rencontraient.
Ils quittèrent la table ensemble et Harry invita les trois Serpentard à rester avec eux. Ils s'installèrent au soleil dans le parc de Poudlard, près du lac, et Harry regarda autour de lui, avec tristesse.
— J'avais peur qu'il reste des traces… tout semble tellement normal…
Neville soupira.
— Il reste des traces, Harry. Dans nos mémoires.
Il y eut quelques secondes d'un lourd silence, puis Théo murmura alors qu'il jouait distraitement avec un brin d'herbe.
— J'aurais aimé avoir le droit de me battre à vos côtés.
Harry sursauta et le regarda, avant de souffler.
— Mais ton père était…
Le visage de Théo se ferma et il hocha sèchement la tête.
— Oui, un Mangemort. J'ai juré à ma mère sur son lit de mort que je ne deviendrais jamais comme lui… j'aurais aimé la rendre fière de moi.
Harry secoua doucement la tête.
— Ça ne fonctionne pas comme ça, tu sais. Aucune mère n'aimerait voir son enfant sur un champ de bataille. Elle doit être soulagée que tu… sois resté à l'abri. Mais c'est à partir de maintenant que tu peux la rendre fière, en montrant qui tu es réellement sans l'influence de ton père.
Les deux jeunes hommes se fixèrent un long moment en silence, puis Théo baissa brusquement la tête, les larmes aux yeux. Hermione lui posa une main amicale sur l'épaule, lui offrant un léger sourire de réconfort.
Face à lui, Pansy murmura.
— Crois-moi, Théo, tu as de la chance de détester ton père. Le mien… il a toujours été… Je n'ai jamais pensé qu'il pourrait faire toutes ces horreurs. Je ne sais pas si je pourrais lui pardonner un jour ce que j'ai appris à son procès. Je ne voulais pas revenir ici, mais j'avais besoin d'être loin de ma mère, parce que je me demande à chaque fois que je croise son regard si elle était au courant du monstre qu'elle avait épousé.
Harry secoua la tête.
— Peut-être que ce n'est pas si simple ? Lorsqu'ils ont pris la marque, Voldemort était un mage noir charismatique. Il savait… comment attiser l'envie de se battre. Ils l'ont rejoint, pensant qu'ils allaient rendre le monde magique meilleur, puis… il a montré son vrai visage. Ils étaient piégés et il les a modelés par la peur et la torture.
Pansy fronça les sourcils.
— Alors quoi ? Il faut leur pardonner ?
Harry lui sourit doucement.
— Je dis juste que c'est à toi de décider si tu peux pardonner à ton père d'avoir été crédule. D'avoir obéi à un maître cruel pour ne pas être tué. Si j'avais échoué à arrêter Voldemort, tu n'aurais probablement jamais appris ce que ton père avait fait. Ou ses actes auraient été qualifiés d'héroïques.
Une larme coula sur la joue de la jeune fille.
— Quel héroïsme y-a-t-il de tuer des femmes et des enfants moldus pour semer la terreur ? J'ai envie de vomir en pensant qu'il venait me prendre dans ses bras alors qu'il venait de massacrer des enfants de mon âge !
