Durant toute la semaine suivante, la conversation avec Théo tourna dans la tête de Hermione.

L'idée de se marier de cette façon, sans le moindre sentiment, la révulsait, mais elle voulait poursuivre ses rêves.

Ce n'était pas une question de prestige ou d'accès au pouvoir. Elle voulait avoir la chance de pouvoir changer les choses, de corriger les injustices.

Au fil des années, Hermione avait pris conscience que le monde magique était resté coincé dans le passé et avait arrêté d'évoluer. Sans compter que la guerre avait créé une instabilité dangereuse en faisant disparaître des lignées sorcières.

Si autrefois les sang-purs étaient plus nombreux que les sangs-mêlés, ce n'était plus le cas désormais. Il y avait de plus en plus d'enfants sorciers qui grandissaient dans le monde moldu et arrivaient dans le monde magique, sans la moindre connaissance.

Elle n'avait pas abordé de nouveau le sujet avec Théo, mais le Serpentard l'observait parfois avec une lueur amusée dans le regard, comme s'il devinait ses pensées. Par bien des aspects, le jeune homme lui rappelait Harry et elle avait appris à le considérer comme un véritable ami.

Ce fut pour cette raison qu'elle se tourna vers lui lorsqu'elle eut envie de creuser un peu le sujet, pour être certaine d'avoir toutes les données en main.

— Qu'est-ce que j'aurais à apporter à un mariage arrangé ? Tu sais ce que je veux et ce que j'ai à gagner, mais je n'ai pas de fortune familiale.

Théo leva les yeux vers elle et il secoua la tête, avec un petit sourire.

— Tu représentes du sang neuf pour une lignée. Tu es une sorcière puissante alors tes parents moldus ne seront pas un obstacle. Tu es l'amie de Harry et donc un accès direct à des relations étroites avec le sauveur. Tu es une héroïne de guerre également, quelqu'un dont la probité ne pourrait pas être remise en question. Dois-je réellement continuer ?

Hermione avait légèrement rosi, mais elle avait les sourcils froncés.

— Tu veux dire que si j'épousais quelqu'un dont la réputation n'est pas bonne, ma présence suffirait à racheter ses fautes ?

Théo hocha tranquillement la tête.

— C'est exactement ça. Contrairement à ce que tu imagines, dans une telle union, c'est toi qui détiens le pouvoir. Tu es en position de force, parce que te laisser libre de mener ta vie telle que tu l'entends n'est pas réellement une contrainte…

Hermione laissa échapper un rire amusé.

— Je vois. Je ne sais pas si je dois être horrifiée d'être capable d'envisager cette option ou si je dois continuer quoi qu'il arrive parce que je veux…

Théo l'arrêta avec un sourire en coin.

— Vouloir réaliser ses rêves n'est pas un crime. Et tu n'es pas obligée de crier sur les toits qu'il s'agit d'un mariage arrangé. Tout est une question de perception et de… compromis.

Étrangement, alors qu'elle pensait à la possibilité pour elle de s'engager dans un mariage arrangé pour suivre ses ambitions, Hermione ne se posa pas une seule fois la question de l'identité d'un éventuel candidat. Avant même d'envisager de partager sa vie avec quelqu'un — probablement un inconnu — elle devait accepter cette possibilité. Lorsqu'elle chercherait un époux potentiel, elle admettrait avoir pris une décision.

Une part d'elle trouvait la pratique du mariage arrangé horrifiante et moyenâgeuse. C'était ce qui restait de son éducation moldue, qui la poussait à rêver d'indépendance et de liberté.

L'idée de se lier à un homme qu'elle ne connaissait pratiquement pas pour l'épouser et vivre avec lui lui faisait peur, bien plus que de se battre durant une guerre. Elle devrait faire confiance à ce futur époux mystérieux, les yeux fermés, et espérer qu'il ne soit pas violent ou dominateur.

Il y avait également une toute petite partie d'elle qui rêvait encore au grand amour et aux serments éternels, mais ce n'était que les restes des contes d'enfant que sa mère avait lu pour elle, lorsqu'elle pensait être une princesse qui avait un prince charmant qui l'attendait, quelque part.

Ce romantisme était étouffé par le pragmatisme. Elle pouvait toujours refuser de se marier pour attendre l'amour, mais l'expérience malheureuse avec Ron lui avait ouvert les yeux : rien n'était éternel.

Pourrait-elle sacrifier ses rêves pour un amour qui se fanerait dans quelques années ? Pourrait-elle être heureuse dans une vie de famille imposée et abandonner tous ses espoirs, sans même essayer ?

Une petite voix lui chuchotait qu'elle pouvait aussi passer à côté de l'amour à cause de sa carrière… Qu'elle pourrait finalement vieillir aux côtés d'un homme austère, qui ne s'intéresserait pas à elle.

Toutes ces possibilités tournaient dans sa tête, indéfiniment, l'empêchant de se décider.

Hermione se retrancha alors dans une salle de classe déserte pour y réfléchir au calme et elle se frotta le visage, en essayant de rester rationnelle. Lorsque la porte s'ouvrit, elle s'attendait presque à voir Théo, mais ce fut Pansy Parkinson qui entra.

Elles avaient été ennemies durant toute leur scolarité, ne perdant jamais une occasion de s'insulter ou de se bousculer. Comme la plupart des autres Serpentard, Pansy avait fini par se montrer un peu plus ouverte, mais elle était loin d'être aussi amicale que Blaise ou Théo.

Une fois la porte fermée derrière elle, Pansy lança un assurdiato, assurant à Hermione que personne ne pourrait entendre leur conversation. Puis, elle déclara, abruptement.

— Je t'ai vu à la bibliothèque faire des recherches sur les contrats de mariage et les mariages arrangés.

Hermione pinça les lèvres, gardant le silence, mais Pansy continua, s'installant face à elle, avec un soupir.

— Je sais depuis toujours que je ne choisirais pas mon époux. Je sais qu'il devra apporter quelque chose à ma lignée pour être accepté par mes parents et… ça me convient. Ma mère m'a un jour expliqué que c'était la façon dont nous, les femmes, prenions le pouvoir dans un monde gouverné par les hommes. Des épouses qui siègent au magenmagot, qui assistent leurs maris dans leurs affaires. Ainsi, en tant que fille, je ne peux pas hériter de mon père, mais si je suis mariée… tout change. Je peux prendre son siège au Ministère, notamment.

Perplexe, Hermione fronça les sourcils.

— C'est illogique ! Et injuste !