Hermione repoussa fermement tous ses souvenirs, refusant de se perdre un peu plus dans le passé, puis elle fit tinter la clochette près du portail d'un geste ferme. Pendant quelques secondes, elle se demanda si elle devait pousser elle-même la grille et entrer, il lui semblait impossible que quiconque puisse entendre le son depuis le manoir, puis un elfe apparut dans un « pop » discret, vêtu d'une taie d'oreiller immaculée. C'était bien plus que ce que Dobby avait eu à l'époque pour se vêtir et Hermione se demanda si les Malefoy traitaient mieux leurs elfes désormais.
La créature maussade la dévisagea longuement, avec une hostilité à peine déguisée, et Hermione soupira, avant de s'adresser à elle poliment.
— Je voudrais voir Drago Malefoy, s'il te plaît.
L'elfe grimaça et disparut aussitôt, sans un mot. Hermione se résigna à attendre, espérant que le message serait transmis et que sa requête serait acceptée. Elle n'était pas vraiment certaine d'être la bienvenue, surtout en venant à l'improviste sans avoir annoncé sa visite à l'avance.
Alors qu'elle allait perdre patience et utiliser la clochette de nouveau, le portail grinça en s'ouvrant lentement et Hermione avança sans hésitation, la tête haute, cachant son manque d'assurance derrière une fausse bravade.
Elle nota en regardant autour d'elle que les jardins du Manoir Malefoy semblaient moins bien entretenus que la dernière fois qu'elle était venue. Tout semblait plus sauvage, sans être totalement à l'abandon. Elle ne vit pas un seul paon blanc, alors que ces oiseaux majestueux se promenaient librement lorsque les raffleurs les avaient traînés jusqu'à l'entrée du manoir, leurs cris stridents les effrayant.
Elle monta les trois marches qui menaient à la porte d'entrée et elle sursauta presque lorsque la porte s'ouvrit en silence à son approche, l'invitant à entrer.
Hermione prit une grande inspiration pour rassembler son courage et elle passa le seuil, marquant une pause pour laisser à ses yeux le temps de s'accoutumer à la semi-obscurité qui régnait dans l'entrée.
L'elfe sortit de l'ombre, la surprenant alors qu'elle observait les lieux avec attention et il lui fit signe de le suivre avec un peu d'impatience, toujours sans prononcer un mot. Hermione obéit, le cœur battant, tout en se demandant si la créature était muette.
La créature la conduisit directement dans la pièce qui hantait encore ses cauchemars. Le petit salon où ils avaient été traînés, où elle avait été torturée par Bellatrix.
Elle hésita brièvement, non sans remarquer le regard de l'elfe, qui semblait satisfait de son malaise. Hermione fronça les sourcils et redressa la tête avant d'entrer, droite et fière, cachant son cœur battant et ses mains moites sous un sourire avenant, défiant l'elfe de faire la moindre remarque à son sujet.
Drago Malefoy lui tournait le dos, debout devant la cheminée, permettant à Hermione de l'observer un instant avant de pénétrer dans la pièce. Ses cheveux semblaient un peu plus longs, toujours aussi clairs, ressortant vivement sur ses vêtements noirs. Il fixait les flammes, les épaules basses, apparemment perdu dans ses pensées.
Lorsqu'il entendit le son de ses pas sur le parquet, il se tourna et son visage se contracta d'effroi en la découvrant. Il regarda autour de lui avec une expression paniquée, comme si sa tante cinglée pouvait se cacher dans un coin, avant de murmurer, la gorge serrée.
— Granger…
Apparemment, l'elfe savait qui elle était, mais il avait omis de le préciser à son maître. Elle hocha la tête, un peu sèchement, essayant de repousser ses mauvais souvenirs. Malefoy avança vers elle, un peu affolé.
— Suis-moi, nous devrions nous installer dans une autre pièce.
En comprenant qu'il n'avait jamais eu l'intention de la recevoir à l'endroit de ses pires cauchemars, elle se détendit et sourit un peu plus naturellement.
— Tout va bien. Ne te donne pas cette peine.
Ils se dévisagèrent un instant, puis Drago hocha la tête avec raideur, mal à l'aise. Il lança un regard noir à l'elfe et il le congédia d'un geste sec, avant de fermer un instant les yeux. Puis, il soupira.
— C'était un elfe de mon père. Fidèle à… enfin. Tu vois.
Il y eut un silence alors qu'ils se fixaient, puis Drago se redressa, reprenant le contrôle de ses émotions.
— Je n'imaginais pas recevoir ta visite un jour.
Hermione sourit, un peu tendue, et elle regarda autour d'elle, frissonnant légèrement. En dehors du lustre qui était tombé sur Bellatrix pour l'empêcher de les suivre, le reste du salon n'avait pas changé. En fermant les yeux, elle pourrait presque entendre les rires gras des raffleurs et les exclamations ravies de Bellatrix.
— Je ne pensais pas revenir ici un jour. Cependant, je voulais… te parler.
Drago sembla surpris et il lui fit signe de prendre place dans un fauteuil. Il attendit qu'elle soit assise pour s'asseoir à son tour, face à elle.
Il se frotta les cuisses nerveusement, puis il se redressa, les lèvres pincées.
— Je dois te remercier, Granger.
Hermione leva un sourcil surpris, mais elle resta silencieuse, attendant une explication. Drago se frotta les mains, puis ajouta, un peu brusquement.
— Pour tes notes de cours. Potter me les a fait parvenir, et c'est particulièrement utile pour me maintenir à niveau.
Hermione cacha sa surprise et elle sourit, avant de hausser les épaules.
— Ce n'est pas grand-chose.
Elle prévoyait cependant de demander quelques explications à Harry, certaine que ce dernier avait une idée en tête en laissant croire au Serpentard que c'était son initiative à elle…
En attendant, elle comptait utiliser cette gratitude à son avantage et elle se pencha légèrement vers Drago, essayant de cacher sa nervosité. Il allait probablement éclater de rire lorsqu'elle aurait exposé les raisons de sa venue. Ou il se mettrait en colère et il ordonnerait à son elfe de la jeter dehors, horrifié de sa proposition. Repoussant ses craintes, elle prit une grande inspiration.
— Je suis venue te voir parce que j'ai une proposition à te faire.
Drago leva un sourcil perplexe, la fixant avec attention, le visage neutre, en attendant ses prochains mots. Hermione passa la langue sur ses lèvres et soupira, en lissant nerveusement son pantalon.
— D'abord, j'aimerais que tu m'écoutes jusqu'au bout avant de réagir. Je veux dire… enfin…
Elle s'arrêta, bégayant presque et elle reprit son souffle, sans regarder le Serpentard. Elle ne voulait pas avoir à croiser son regard, pour garder le peu de courage insensé qui lui restait.
