Drago haussa les épaules, défaitiste.
— Si ma mère décide que c'est une excellente idée, elle n'aura de cesse de nous pousser l'un vers l'autre. Elle peut se montrer… particulièrement butée. La seule chose qu'elle n'a pas réussi à changer a été la décision de mon père de retourner vers… de redevenir Mangemort et elle n'hésitera pas à me le rappeler jusqu'à ce que je cède…
Hermione hocha la tête, se sentant mal à l'aise face à l'expression résignée du Serpentard. Elle avait imaginé qu'il accepterait ou qu'il refuserait, mais certainement pas qu'il soit contraint à mimer une romance avec elle sur ordre de sa mère.
— Je ne voulais certainement pas te contraindre à ce genre de choses. J'imaginais que tu verrais les avantages à retrouver une vie normale.
Drago eut un bref sourire et il lui lança un regard moqueur.
— Si tu t'es renseignée sur les habitudes des sangs purs comme tu l'as si fièrement annoncé, tu dois savoir que nous n'avons pas vraiment de prise sur notre destin. Quoi qu'il arrive, je serais marié selon les souhaits de mes parents, peu importe mes sentiments à ce sujet. Toi ou une autre, comme tu l'as dit… qu'importe ?
Hermione resta silencieuse, ne sachant pas vraiment quoi répondre. Drago la regarda un instant pensivement, avant de désigner une direction du bras.
— La roseraie est par ici. Tu viens ?
La jeune femme hocha la tête lentement, les sourcils légèrement froncés, et elle suivit Drago sans poser davantage de questions. Ils marchèrent en silence jusqu'à la serre, immense, dont les vitres scintillaient doucement au soleil.
La main sur la poignée de la porte vitrée, Drago se tourna vers elle, visiblement curieux, mais également méfiant.
— Qu'en est-il du romantisme permanent des Gryffondor ? L'amour qui devait venir à bout de tous les obstacles ?
Hermione haussa les épaules, caressant un instant l'envie de lui répondre sèchement pour clore le sujet avant de se décider à être honnête. S'ils se mariaient réellement, ils devraient développer une certaine complicité après tout. L'idée lui donna légèrement le vertige et elle fixa les yeux gris du jeune homme un instant, se demandant une fois de plus si elle n'avait pas perdu l'esprit.
Finalement, elle eut un petit sourire.
— Je crois en l'amour, tu as raison. J'ai vu la façon dont l'amour de sa mère a sauvé Harry, encore et encore. J'ai vu Rémus et Tonks rester unis dans la mort. Sirius se sacrifier pour Harry. Tant d'autres preuves d'amour dans les pires moments de nos vies… Cependant, j'ai pris conscience également que les parents de Harry se sont mariés en étant presque des inconnus puisqu'ils se sont détesté la majeure partie de leurs années à Poudlard. Pourtant, tout le monde se souvient de leur couple, de leur amour et a oublié leur passé. Je croyais… être amoureuse de Ron, puis je me suis rendu compte que nous étions bien trop différents pour pouvoir nous accorder. C'était juste une illusion éphémère, probablement provoquée par notre proximité et les dangers que nous avons traversés ensemble.
Drago leva un sourcil perplexe.
— Alors tu es venue me voir, moi ? Parce que la belette n'était pas ton prince charmant ?
Hermione eut un léger rire et elle secoua la tête.
— Lorsque j'ai découvert que le métier de mes rêves était inaccessible, j'ai été furieuse. Je veux dire, je trouve ça terriblement injuste ! Quelles que soient mes connaissances, mes compétences, je ne pourrais jamais y accéder uniquement parce que je suis née-moldue… Théo m'a parlé des mariages arrangés et de leurs avantages. Au début, ça me semblait impossible à accepter. C'était loin de tout ce à quoi je croyais, de tout ce que j'imaginais pour mon futur. J'ai passé des heures à y réfléchir, à peser le pour et le contre, à hésiter. Parfois, je me disais que j'étais horrible d'envisager de le faire réellement, parfois je pensais que ce n'était pas si terrible. Que c'était juste une façon pratique de voir des choses.
Elle marqua une pause, mais Drago resta silencieux, attendant la réponse à sa question. Hermione haussa les épaules, puis poursuivit.
— Pour être franche, jusqu'à la dernière seconde j'ai hésité à faire demi-tour. Je sais que nous n'avons jamais été amis, mais je te connais, Mal… Drago. Je sais que tu as des défauts et autant de qualités, je sais que tu es capable de comprendre ma démarche, même si tu sembles… choqué. Je sais aussi que tu es probablement le seul qui a besoin de moi autant que j'ai besoin de ton aide.
Drago se renfrogna.
— Je suis ton petit projet de charité ? Le pauvre Mangemort raté qui a besoin de sa rédemption ?
Hermione renifla en lui lançant un regard noir.
— Te vois-tu réellement comme une pauvre victime sans défense ? Tu n'as pas été condamné, il me semble. Ma présence à tes côtés te permettra juste de reprendre une vie normale plutôt que d'être ostracisé comme ça semble être le cas actuellement.
Drago serra les poings, sa peau pâle rougissant de son cou jusqu'à ses joues, ses yeux gris prenant le tranchant de l'acier alors qu'il laissait entrevoir la colère qu'il ressentait.
— Je n'ai pas été condamné uniquement parce que Potter l'a décidé !
Hermione le dévisagea longuement sans un mot, jusqu'à ce qu'il détourne le regard, honteux. Elle murmura, avec douceur, comprenant soudain l'étendue de son mal-être, de sa culpabilité.
— Tu n'as pas été condamné parce que tu n'avais pas le choix. Parce que tu as fait de ton mieux. Parce que si je suis en vie aujourd'hui, c'est grâce à toi. Harry l'a compris et c'est pour cette raison qu'il a parlé pour toi. Ça aurait été particulièrement injuste de te jeter à Azkaban pour avoir voulu protéger tes parents !
Le jeune homme redressa la tête si vite qu'il vacilla légèrement, la fixant d'un air incrédule, les yeux écarquillés. Il murmura, incertain.
— Quoi ?
Hermione haussa les épaules avec un rictus embarrassé. D'un geste lent, elle défit le bouton du poignet de son chemisier et elle remonta la manche, la main légèrement tremblante, assez haut pour exposer la cicatrice infligée par Bellatrix. C'était cicatrisé — merci aux potions qu'elle avait appliquées — mais elle devrait vivre toute sa vie avec cette insulte gravée dans la chair. Bellatrix avait utilisé un couteau en argent, probablement enchanté ou imbibé de poison, afin de laisser une marque indélébile.
Drago baissa les yeux vers son bras, lorsqu'elle le tourna pour exposer la chair pâle de son avant-bras et il pâlit brusquement en découvrant la marque, vacillant lorsqu'il fit un pas en arrière.
Sa réaction rassura Hermione et confirma ce qu'elle pensait : il n'était pas le monstre qu'il imaginait ou que le monde magique dépeignait. Il était un jeune homme perdu, qui avait suivi ses parents et fait de son mieux pour les protéger. Cependant, lorsqu'il s'était retrouvé confronté à des choix vitaux, il avait fait de son mieux avec le peu de marge de manœuvre qu'il avait eu.
