Passer le week-end en dehors de Poudlard avait été une véritable bouffée d'oxygène pour Hermione. Bien qu'elle ait assuré à Harry qu'elle refusait d'abandonner sa dernière année en cours de route — même avec la certitude de pouvoir passer ses Aspics quand même — la jeune femme ne retournait pas au château avec impatience…

Lorsqu'elle passa les grilles de Poudlard en compagnie de Théo, elle ralentit presque inconsciemment et elle regarda une dernière fois Harry qui les observait, après les avoir raccompagnés.

Drago avait proposé de venir lui aussi, mais Hermione l'avait gentiment dissuadé, lui assurant qu'il n'avait pas besoin de se déplacer pour venir la voir passer les grilles de Poudlard.

Ils avancèrent de quelques pas et Théo glissa un regard en direction de Hermione.

— Tu sembles plutôt proche de Drago, finalement.

Hermione hésita brièvement, puis elle soupira.

— Il n'est pas vraiment comme je l'imaginais.

Théo laissa échapper un petit rire amusé.

— Vraiment ?

Après un bref silence, Hermione reprit, le regard fixé droit devant elle, sur le château de Poudlard qui apparaissait peu à peu au bout du chemin.

— Lorsque nous… étions tous à Poudlard, lorsqu'il se battait avec nous — surtout avec Harry — je voyais une petite brute idiote.

— Mais ce n'est plus le cas ?

Hermione sourit.

— Pas vraiment. J'ai été réellement surprise de pouvoir discuter avec lui, d'oublier le temps qui passe parce que nous étions pris par le sujet dont nous débattions. À Poudlard, j'imaginais que ses bonnes notes étaient influencées par son père, parce qu'il semblait tellement… nonchalant.

Théo laissa échapper un rire moqueur et il s'arrêta pour fixer Hermione, choqué de ses paroles.

— Drago Malefoy ? Nonchalant ? Comment as-tu pu croire ça de lui ? Il a toujours été excellent pour masquer sa véritable personnalité, mais je t'assure qu'il était probablement l'élève le plus assidu et le plus travailleur de notre année.

Hermione fronça les sourcils, perplexe.

— Mais…

Théo leva la main pour l'interrompre.

— A-t-il déjà parlé de son père devant toi ?

Hermione grimaça.

— Le jour où j'ai fait cette proposition, Drago l'a mentionné en disant qu'il n'approuverait pas ce mariage.

Théo soupira et il donna un coup de pied à un caillou du bout de sa chaussure.

— Je te fais assez confiance pour te parler de ça, mais… ne lui dis pas que tu es au courant. Drago… n'aime pas être en position de faiblesse.

Hermione resta silencieuse et immobile, les yeux écarquillés, buvant les paroles de Théo. Elle hocha juste la tête pour lui confirmer qu'elle n'en parlerait à personne et Théo sourit, puis il baissa la tête pour fixer le sol.

— Mon père est un salaud cruel, mais… il ne se cache pas. Il l'est en permanence et je sais que je n'ai rien à attendre de lui. Son emprisonnement a été la meilleure chose qui puisse m'arriver, même en étant mis à l'écart à cause de mon nom. Lucius Malefoy pour sa part est… beaucoup plus sournois. Il a dressé son fils comme un maître cruel dresserait un animal, le cajolant d'une main pour le frapper de l'autre. Lorsqu'il était petit, Drago ne vivait que pour avoir l'approbation de son père. Il se comportait comme son père, le nez en l'air, prétentieux et imbu de lui-même.

Hermione hocha la tête, se souvenant du petit Drago de onze ans, si exécrables. Elle murmura, indécise.

— Qu'est-ce qui a changé ?

Théo regarda autour de lui, puis il souffla, soudain pâle.

— La guerre. Lucius a littéralement offert son fils en sacrifice pour expier ses péchés auprès de… tu-sais-qui. Drago a été tiré du lit une nuit pour être torturé, parce que son père avait échoué et était à Azkaban. Ils l'ont marqué en suivant, mais tous les Mangemorts savaient que sa marque était une punition. Il a été torturé à nouveau lorsque Lucius s'est échappé d'Azkaban. Il y a eu beaucoup d'autres punitions et il n'a jamais voulu en parler.

Hermione plaqua la main sur sa bouche, nauséeuse.

— Le jour où nous nous sommes échappés, grâce à lui. Il l'a payé, n'est-ce pas ?

Théo haussa les épaules sans répondre, mais Hermione savait qu'elle ne se trompait pas en formulant cette hypothèse. Théo murmura, avec un petit sourire triste.

— Il aurait pu devenir fou, se transformer en ce monstre sanguinaire que son père voulait. À la place, Drago a repoussé toute son éducation, couche après couche. Il s'est défait de tout ce que son père lui a inculqué de force, mais je suppose qu'au fond de lui, il reste le petit garçon effrayé qui s'attend à prendre un coup de canne.

Hermione soupira et elle se frotta les yeux, horrifiée.

— Il semblait toujours tellement fier de son père, prêt à lui rapporter chaque détail de ce qui se passait à l'école.

Théo resta un instant silencieux, puis il murmura en recommençant à marcher, rapidement suivi de la jeune femme.

— Dis-moi, combien de fois Harry a-t-il explicitement avoué qu'il était malheureux chez sa famille moldue ?

Hermione hoqueta.

— Comment…

Théo haussa brièvement les épaules, comme si l'information n'avait pas d'importance.

— Nous en avons parlé tous les deux. Mais s'est-il plaint ?

Hermione ferma un instant les yeux, puis elle secoua la tête.

— Non. Il… disait qu'il ne voulait plus y aller, que sa famille ne comprenait pas la magie ou ne l'aimait pas. Nous avons juste supposé que le problème était bien plus grave qu'il ne voulait l'avouer et apparemment nous n'avions pas tort si j'en crois ce que tu viens de dire.

Théo haussa les épaules.

— Ce n'est pas à moi de te donner les détails et Harry m'a dit que vous vous doutiez de quelque chose. Tout comme Harry, Drago ne s'est jamais plaint, mais nous avons… deviné. Ceux d'entre nous qui étaient les plus proches de lui.

Hermione hocha lentement la tête, alors que sa perception de Drago Malefoy changeait une fois de plus. Elle se demanda ce qui se serait passé si une seule personne avait tendu la main au jeune homme lorsqu'il était enfant. Une main amicale, sans arrière-pensée.

Elle repoussa rapidement cette idée, parce que même sans aide, il avait réussi à surmonter son éducation. La marque sur son bras était sa plus grande erreur et il devrait la regarder jusqu'à la fin de sa vie, mais elle ne le définissait pas, loin de là.

Elle repensa à Viktor Krum, le garçon maussade et taciturne qui s'était révélé être charmant et un peu timide en privé. Hermione avait juste accepté de le suivre pour une promenade, alors qu'elle avait envie de fuir à toutes jambes ce joueur de Quidditch qu'elle pensait imbu de lui-même, et elle n'avait jamais regretté son choix. Cette pensée fut suffisante pour repousser toutes ses questions et tous ses doutes.