Quelques jours étaient passés depuis que Thésée avait partagé à ses camarades les dernières informations qu'il avait pu recevoir grâce à la correspondance qu'il entretenait avec le professeur Dumbledore depuis leur départ. Il avait d'ailleurs appris que le fameux ami qu'ils devaient retrouver se nommait William Smith et devait normalement les accueillir avec une phrase clé – ils n'étaient pas à l'abri d'imposture puisque qu'aucun de ceux partis en mission ne connaissait cet homme. La phrase paraissait loufoque, mais c'était sûrement ce qui la rendait si sécurisante.

Ce fut Jacob qui annonça que le port était en vue, ce qui provoqua un mélange d'excitation et d'anxiété chez tous les sorciers. Ils passèrent donc les dernières heures à préparer leurs affaires et se rejoignirent à l'endroit où ils devaient descendre.

— Où est Aysha ? demanda Dean.

— Elle avait déjà embarqué ses affaires lorsque je suis arrivée dans la cabine, expliqua April en posant sa valise à ses pieds Elle a sûrement dû passer avant que je ne songe même à y aller moi aussi.

— Je… hésita le magizoologiste en s'avançant de quelques pas. Je vais aller la chercher.

Personne ne répondit, alors le jeune sorcier s'éloigna, sa valise à la main, sans un mot de plus. Inconsciemment, il se dirigea vers un banc un peu reculé où il avait vu son amie lire à plusieurs reprises. Lorsqu'il arriva devant ce dernier, il constata qu'elle s'y trouvait bien, plongée dans ses pensées, les yeux clos.

— Aysha ? demanda-t-il, la prévenant de sa présence.

L'intéressée ouvrit immédiatement les yeux et les plongea dans ceux du magizoologiste, leur couleur verte devenant étrangement clairs.

— Tu nous rejoins ? proposa Norbert en essayant de sourire le plus naturellement possible. Nous sommes tous réunis devant la sortie.

L'Occlumens se contenta de hocher la tête avant de se lever et d'attraper sa valise. Dans un silence pesant, ils rejoignirent les autres qui les fixèrent à leur arrivée. Lorsqu'Aysha se posta entre ses sœurs, Helena se pencha vers elle et lui chuchota :

— Cela fait plaisir de t'avoir en notre compagnie.

— Désolée, marmonna-t-elle en retour. J'aime bien être seule.

Helena ne trouva rien à répondre et baissa la tête en poussant un soupire silencieux, tandis que sa sœur remettait ses mèches derrière ses oreilles, regardant le port qui était à présent très proche.

À peine quelque temps plus tard, ils avaient tous passé les contrôles et cherchaient leur hôte en s'élevant sur la pointe des pieds.

— Par ici, mes amis ! cria une voix derrière eux.

Ils se retournèrent et un homme, tout sourire, s'approcha d'eux et passa un bras autour des épaules d'Aysha qui eut un sursaut de surprise.

— Je me demandais quand vous alliez arriver. Un somptueux dîner vous sera offert une fois dans mon immense demeure ! Oh ! s'exclama-t-il soudainement. J'allais oublier la phrase ! Que la vérité soit révélée par un Niffleur ! Cela est étrange de prononcer cette phrase, mais je suis bien William Smith, ami d'Albus Dumbledore.

— Si la vérité brille, alors le Niffleur n'aura aucun mal à la trouver, railla Aysha en levant un sourcil.

Ce commentaire fit rire Norbert et Thésée, mais l'homme ne sembla pas comprendre. Il cligna deux fois des yeux avant de s'écrier :

— Suivez-moi !

Sans ajouter quoi que ce soit, le groupe suivit l'homme qui chantonnait à présent des airs dans une langue qu'aucun d'eux ne put comprendre. Ainsi, ils traversèrent plusieurs rues en attirant certains regards sur eux, et, enfin, s'arrêtèrent devant une immense maison assez différente et isolée. Un jardin fleuri et bien entretenu l'entourait et laissait bouche bée les visiteurs. L'homme les fit alors entrer, toujours aussi jovial, et ils purent découvrir un intérieur chaleureux et bien décoré. Une cheminée recouverte de photos animées donnait un air familial au salon et les nombreuses bougies exposées laissaient imaginer que le maître de la demeure de les affectionnait particulièrement.

— Asseyez-vous donc, annonça-t-il en faisant venir des chaises de toute part. Le voyage n'a pas été de tout repos, je l'imagine bien. Reposez-vous le temps que je finisse de préparer le dîner et posez vos affaires, nous les monterons plus tard.

Il pivota sur ses talons et fit quelques pas pour quitter la pièce, laissant le groupe dans un étonnement total.

— C'est qu'il est énergique… finit par dire Emy en ouvrant de grands yeux.

Ils se contentèrent d'acquiescer d'un mouvement de la tête, plongeant la pièce dans un silence pesant, bientôt brisé par l'ouverture de la porte. Une jeune fille aux longs cheveux bruns apparut alors. Un gigantesque sourire sur les lèvres, elle se dirigea vers eux et les salua :

— Bien le bonjour, très chers ! Je suis Manuela Smith, fille de William. Je suis Auror et souhaite vous apporter mon aide, en espérant qu'elle vous soit utile, car je n'estime aucunement être particulièrement puissante.

Elle leur adressa un gigantesque sourire et ce fut à ce moment que leur hôte revint.

— Le repas est prêt !

Aussitôt, William retourna de là où il était venu.

— Mon père est un grand cuisinier et il n'est pas du genre à empoisonner ses invités, les rassura Manuela. Vous n'avez rien à craindre.

Même si personne n'avait besoin de ces paroles pour accepter de manger, la plupart des membres du groupe se levèrent après celles-ci. Bientôt, ils se retrouvèrent à table, dégustant un délicieux repas. Seuls Helena, Emy, April et Dean participaient à la conversation que leurs hôtes entretenaient.

— Tu ne manges pas ? chuchota Thésée à Aysha qui se trouvait à sa droite et n'avait pas touché du tout à son assiette.

— Je n'ai pas faim, répondit-elle sur un ton dégagé.

— Ce n'est pas très poli.

— Tu n'es pas mon père aux dernières nouvelles.

L'Auror ne put répondre, car William venait de l'interpeller :

— Et donc, vous, Thésée, si j'ai bien compris, vous êtes le frère de notre cher Norbert ?

Le concerné ne put que hocher la tête.

— Cela doit être génial d'être le frère du célèbre auteur de Vie et habitat des animaux fantastiques.

— C'est génial d'être le frère de Norbert, tout simplement, répondit Thésée le plus naturellement possible.

Le magizoologiste leva la tête, surpris, et plongea son regard dans celui de son aîné.

— Ah ! s'exclama l'hôte. Quelle belle relation ! Si seulement j'avais eu la même avec mon frère.

— Et si seulement mon frère était encore là… murmura Manuela assez fort pour que tout le monde l'entende.

Un silence pesant s'installa pendant lequel de nombreux regards naviguaient entre la Brésilienne et Tina qui regardait ses mains, posées sur ses jambes.

— Perdre quelqu'un de cher fait toujours mal, finit par dire Aysha, surprenant tout le monde. La douleur ne disparaîtra jamais, elle ne fera que s'atténuer.

William la fixa pendant quelques secondes avant de reprendre :

— Vous devez être Aysha Wilson ? Albus m'a beaucoup parlé de vous. Pas en mal, je vous assure.

— Ouais… marmonna-t-elle. Bien sûr.

Le repas se termina dans un silence lourd, personne n'osant parler. Mais lorsque William remarqua que plus personne ne mangeait, il s'exclama comme si la conversation ne s'était jamais arrêtée :

— Je vois que vous avez terminé ! Je vais pouvoir vous montrer vos chambres. Vous devez être fatigués !

Il se leva, rapidement imité par les autres, et ils se dirigèrent vers la porte.

— Ma fille s'occupera de vos bagages, précisa l'hôte en voyant Helena se diriger vers ses affaires. Ne vous inquiétez pas. Bon ! Montons !

Ils s'exécutèrent sans un mot et se retrouvèrent bientôt dans un long couloir aux couleurs sombres.

— Malheureusement, murmura William en se tournant vers le groupe, j'ai beau avoir une maison assez grande, je n'ai pas assez de chambres pour vous tous. Je n'en ai que six à proposer.

— Ce n'est pas un problème, assura Emy. Je peux dormir avec Helena et Aysha avec April. Et les frères Dragonneau ensemble.

Ils se répartirent ainsi et Manuela apporta à chacun des invités leurs affaires, non sans magie. Lorsqu'elle arriva dans la chambre de Norbert et Thésée, elle ne put s'empêcher de s'étonner :

— Je pensais que vous, Norbert Dragonneau, souhaiteriez partager votre chambre avec Mademoiselle Goldstein.

À cette annonce, l'intéressé s'empourpra, tandis que son frère étouffait son fou rire.

— Je… balbutia l'auteur. Enfin…

— J'ai dit quelque chose de mal ? demanda la jeune fille d'un air perdu.

— Disons que… commença Thésée, essayant d'effacer son sourire, ce que vous avez vu est bien de l'amour, mais aucun des deux ne veut l'admettre.

— Oh. Je suis désolée, s'excusa-t-elle. C'est gênant.

Cette fois, Thésée ne put se retenir et éclata de rire comme il ne l'avait plus fait depuis longtemps. Il fut bientôt rejoint par Manuela et ils ne purent s'arrêter que lorsqu'Emy et Helena poussèrent la porte de leur chambre.

— Que se passe-t-il, ici ? demanda l'aînée en entrant.

— Rien du tout, répondit Norbert, gêné.

— Ils rient pour… rien ?

— Non, murmura Thésée après avoir repris son souffle. Nous nous moquons juste de Norbert et Tina.

Helena leur adressa un sourire malicieux avant de sortir de la chambre en leur souhaitant une bonne nuit.

— Si Aysha pouvait rire comme ça… marmonna Emy d'un œil mauvais. Elle serait moins bizarre et démoralisante.

— Ne dis pas une telle chose, répondit l'aîné des Dragonneau d'un ton sec. C'est ta sœur !

— Cela ne change pas qu'au minimum un sourire lui permettrait d'avoir l'air plus humaine.

Personne ne répondit, car tous étaient à la fois surpris et choqués par les propos de la sorcière.

— Bon… hésita Emy en posant sa main sur la poignée de la porte, je vais y aller. Je vous souhaite une bonne nuit.

Là encore, personne ne répondit, tout le monde se contentant de la regarder sortir.

— Je ne connais pas trop Aysha, chuchota Manuela d'une voix douce, mais…

— Attention à ce que vous allez dire sur elle, l'interrompit Thésée d'une voix grave.

— Je ne comptais pas en dire du mal, le rassura la jeune femme. Je voulais juste dire que… enfin… elle semble triste, mais quelque chose en elle me fait me sentir en sécurité.

— C'est une grande sorcière, admit le magizoologiste qui n'avait pas parlé depuis l'intervention de la sœur d'Aysha. Elle est puissante, mais elle est brisée.

Manuela baissa la tête et laissa un silence pesant s'installer quelques secondes avant de reprendre :

— Elle a perdu quelqu'un ? Enfin, je ne veux pas… être indiscrète, balbutia-t-elle sous les regards étonnés de ses interlocuteurs, mais… pendant le dîner, elle a dit quelque chose sur le fait de perdre quelqu'un et… enfin… je me demandais… c'est tout.

— Ses parents sont morts quelques jours après sa naissance, expliqua Norbert d'une voix posée, comme si cela était une discussion courante. Et… très dernièrement… une amie.

Cette fois, sa voix se perdit. Aucun des deux frères ne put ajouter quoi que ce soit.

— Je suis désolée, s'excusa l'hôte d'un air sincère. Je ne voulais pas vous faire parler d'un sujet qui fait du mal…

— Ce n'est rien, ne vous inquiétez pas, la rassura Thésée d'une voix tremblante. Vous ne pouviez pas savoir.

Plus personne ne parla avant que Manuela ne sorte de la chambre en les saluant.

Cette nuit-là, personne ne dormit correctement. La nuit fut longue et agitée, comme si leurs pensées étaient communes et que leurs inquiétudes faisaient de leur lit un nid peu confortable.