NDA 15/09/2021 : Et bonsoir, désolée pour l'attente. Bon, en même temps je n'avais pas promis de date, et là j'ai juste été occupée, ce n'est pas que je n'avais pas écrit. Comme dit précédemment, j'ai encore beaucoup d'avance.

J'espère que l'histoire vous plait, même si elle est morose pour l'instant, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, y compris si vous n'aimez pas. Les critiques constructives, ça permet de s'améliorer.

Bref, je vous souhaite une bonne lecture, et vous dit à bientôt !

Chapitre 4 : Derrière le miroir

Je savais déjà que mon arrivée ici n'allait rien apporter de bon.

Mais ce sont lors des premiers cours que j'ai compris en quoi ça allait devenir infernal. Mes migraines devenaient de plus en plus intenses à mesure que j'arpentais les couloirs, les allées, la cours et le parc. Et j'ai compris pourquoi petit à petit. La mémoire substantielle de l'autre moi voulait écraser la mienne. Mais seules les informations scolaires, et quelques bribes de son passé ici parvenaient à passer les murailles d'horreur et de détresse qui me hantaient déjà. C'est pourquoi rien n'allait plus.

Comme dit, le plus dur n'était pas cette mémoire intrusive qui voulait écraser la mienne. C'était le fait d'avoir eu des cours de magie, d'avoir assister à ce fiasco ridicule, et d'avoir agité une baguette sans absolument rien ressentir. Et évidemment, rien ne s'est produit. C'était même risible. Le pire, c'était qu'une part de moi avait voulu produire quelque chose avec cette baguette. Mais l'autre savait que ce n'était pas possible. Je n'avais pas de magie comme ces sorciers. J'étais Sélène, la rêveuse, celle qui voit, mais ne peut rien changer. Je possédais le lien avec Meleth nin, et c'était tout.

Je ne lançais pas de sort, ni de formule magique. J'apprenais juste à ne pas me laisser envahir par les rêves, et ce que nos ancêtres avaient subis parce qu'ils étaient bizarres. Et maintenant, je ne pouvais même plus sentir le lien avec Meleth. C'était comme s'il y avait un mur entre lui et moi. Et c'était bien plus ignoble que de ne pas savoir faire de magie. Mais ça ils s'en fichaient. Pour eux, j'étais la petite Sacha de 14 ans qui ne savait plus lancer un accio ni un lumos.

Et je les confortais dans cette idée à cause de ma détresse. Je ne savais pas quoi faire, alors j'acquiesçais lorsqu'on me disait que ce n'était pas grave, que ça irait mieux après quelques mois, que ma magie était encore abimée par l'accident. Je disais oui, j'acceptais d'être amenée à l'infirmerie, où je passais les heures qui suivaient à faire semblant de dormir pour qu'on me laisse tranquille.

C'était le cas, présentement. Mais Miss Pomfresh disait ne pas aimer que je traine là dès les premiers jours, que je ferais mieux de rester proche de mes amis pour me souvenir. Elle ne comprenait pas. On lui avait dit que j'étais fragilisée, une pauvre petite sorcière qui a besoin de ses précieux amis débiles et de ce monde ridicule pour aller mieux.

« Miss O'Nigay, vous feriez mieux de vous rendre à la grande salle pour vos heures d'étude, ce serait plus agréable pour vous. » Je ne pouvais pas dire non, même si j'en avais envie.

« D'accord. » Répondis-je en me redressant. Je quittais le lit en métal, et rajustais ma robe de sorcière, avant de quitter la pièce.

La seconde mémoire était parfois utile pour le nom des choses ou des gens, en plus de mes connaissances, mais parfois, elle se brouillait avec ce que je croyais avoir lu et vu dans mon monde, et ça devenait n'importe quoi. J'étais donc une élève capable de trouver son chemin plus rapide qu'un 7e année, et le reperdre dans la seconde qui suit. Donc je devais passer du 3e étage au rez-de-chaussée, sans me tromper, me perdre, me blesser…Et prier pour que personne ne me reconnaisse où me parle. Je trainais les pieds, fixant le sol la plupart du temps, et ne levant la tête qu'aux intersections.

J'en étais arrivée au stade où je me sentais mal à l'aise même en étant seule. Ce qui n'était pas bon signe du tout, mais je ne savais pas quoi faire pour y remédier. Je ne supportais pas non plus les gens, les pseudos amis, et les professeurs m'angoissaient. Enfin, pas dans le sens crainte de ces gens, je connaissais probablement leurs histoires mieux que tous les élèves de Poudlard réunis, mais leur nature m'angoissait. Il y en avait des trop collants, d'autres trop culs pincés, certains étaient dangereux, et je n'étais pas certaine de vouloir qu'ils découvrent mon identité.

En soi je me fichais éperdument de la trame de cette histoire mensongère, mais il était hors de question qu'on me séquestre dans un coin ou qu'on me coupe de ma déjà bien restreinte liberté. Je voulais partir, et je savais que ces gens ne le permettraient pas s'ils découvraient la réalité. Je m'efforçais donc de ne pas croiser le regard de Dumbledore, Rogue ou encore le faux fol'œil. Il ne manquerait plus qu'il lise ce qu'il se passe dans ma tête, et j'étais condamnée.

J'arrivais finalement au couloir rempli d'escaliers allant et venant. Je devais reconnaitre que c'était impressionnant, mais ça ne remplaçait pas mes parents, ni mon envie de partir. Et ça ne calmait pas l'absence de lien que je sentais cruellement. Je m'engageais sur l'un des escaliers qui descendait, et attendit qu'il fasse son office. J'entendis des pas derrière moi, mais je ne pris même pas la peine de me retourner.

« C'est fou comme t'es différente sans tes copines, O'Nigay, moins chiante. » La voix était grave, un peu en train de muer.

« Ronald ! Ce ne sont pas des choses qu'on dit. » Répliqua une autre voix, féminine cette fois. Je me retournais alors.

« Non, laisse. Il dit juste ce qu'il pense. » Répondis-je lasse.

Notre escalier s'est arrêté au premier étage finalement, et j'ai préféré les abandonner là. Mais je les ai entendu parler encore un peu malgré moi.

« Tu aurais dû te taire… Tu ne sais donc pas ? » La voix féminine.

« Pas savoir quoi ? On ne me dit jamais rien, à moi… » Râla Ronald.

« O'Nigay a perdu la mémoire dans un accident. Il parait qu'elle ne se souvenait même pas de son prénom le mois dernier. » C'était une autre voix masculine, le 3e membre du trio d'or, quoi. Harry Saint Potter.

« Sérieux ? »

« Oui, Ron, t'as pas trouvé qu'elle est bizarre ? Elle ne nous a pas traités de bouseux depuis son arrivée, elle ne fout rien en classe, et reste muette même avec ses amies. » Renchérit le brun.

« Je pensais qu'elle avait juste ses règles, moi… » Il sembla qu'il ait prit un coup, car sa voix fut étouffée sur la fin.

Premier étage donc… La classe de métamorphose, le bureau de McGonagall, la classe d'histoire, et deux salles vides. Je n'avais rien à faire ici. Mais je n'avais rien à faire en salle d'étude non plus. Seule au milieu de l'allée de torches allumées, avec pour seul bruit le crépitement des flammes, j'ai soudainement ressenti le besoin d'air. Il fallait que je sorte, tout de suite. Mais tout s'est mis à tourner. J'avais chaud, la tête qui tourne, et je ne l'entendais toujours pas. Il n'était pas là, plus là.

Depuis mon arrivée, je ne ressens plus sa présence. Je ne peux plus lire ses messages, je ne peux plus entendre ses battements de cœur lointains. C'est le vide. Et là, j'étais perdue dans ce long couloir, sans personne pour m'aider, personne à qui dire que j'étais mal. Seule.

J'ai souvent été seule. Plus précisément, je me suis souvent sentie seule même en étant avec du monde. C'est une sensation lourde. Celle de ne pas être à la bonne place, que tout semble décalé avec soi. On ne sait pas comment faire pour s'en détacher, et ça nous oppresse. Mais c'est là, et ça vous envahit tout entier. J'aurais mis quatre jours avant de faire une crise d'angoisse. Ma main droite essayait de réguler mon pouls en tapotant la mesure dessus, et je respirais vite. J'avais chaud, j'étais en nage. Infernal.

Et Pluton n'est pas là pour me calmer. Il n'y a plus personne pour le faire.

Merde.

Je vois flou maintenant, ça va devenir n'importe quoi. Il ne faut pas que je pleure. Ça va aller, c'est normal. C'est juste que la personne que j'aime le plus n'est plus là et que tous mes repères ont disparus avec. Zen. Sacha respire, reprends-toi, ce n'est pas bon, tu n'es pas en lieux sûr pour ça. Il faut que je me trouve un coin tranquille, mais même avancer ce n'est pas possible.

C'est un miaulement inquiet qui m'a sortie de ma torpeur.

Et je suis restée bloquée sur ce chat écaille de tortue, aux grands yeux dorés, qui me fixait et miaulait à mon adresse. Les animaux sentent lorsque nous sommes en souffrance. J'avais toujours constaté ça, mes chats débarquaient de nulle part pour se lover contre moi, et me faire des câlins dès que j'étais mal ou que je pleurais.

Ce chat était assis sur son séant, et me fixait, la queue enroulée autour de ses pattes. Il miaulait, ça sonnait d'abord comme un avertissement, puis, le miaulement se fit plus doux, et l'animal vint se rapprocher de moi. Quand étais-je tombée au sol ? Je l'ignorais. Je constatais juste que j'étais à hauteur de l'animal, et qu'il tendait désormais sa patte vers moi. Alors j'ai attiré l'animal vers moi, et je l'ai serré contre mon cœur en enfouissant ma tête dans son pelage multicolore.

« Il n'y a vraiment que vous, les chats, pour voir quand ça ne va pas… Les autres ne voient jamais rien… Jamais… Je suis fatiguée d'être ici… »

oOoOoOo

Ça sentait la moisissure, le cuivre, et les plantes qui mijotent.

J'étais présentement en cours de potion, une classe qui normalement aurait dû être facile pour moi, qui retenait avec une facilité déconcertante toutes les recettes de cuisine que j'utilisais. Mais je n'avais pas le cœur à ça. Je ne parvenais déjà pas à lire les consignes au tableau, et surtout, même si mon cerveau semblait avoir enregistré la langue bien mieux que lors de mes cours à la fac, je n'arrivais pas à comprendre la quasi-totalité des instructions dans le bouquin que j'avais sur la table. Et je n'essayais pas de faire plus d'effort non plus.

Je touillais sans conviction mon propre chaudron. Pas de binôme pour moi, j'étais seule. Apparemment, l'autre version de moi était trop bavarde pour travailler en compagnie de quelqu'un, alors elle avait été exclue dans un coin de la salle l'année précédente, et cela n'avait pas changé. Rogue m'avait dans le collimateur, non pas à cause de ma nouvelle nature, mais clairement parce que mon autre moi l'avait raillé à plusieurs reprises et en public sur son apparence.

La veille, c'était ce même professeur qui m'avait trouvé inconsciente au milieu des couloirs. Certainement déçu de ne pas pouvoir me coller. J'avais fait un retour assez rapide à l'infirmerie au final, et madame Pomfresh semblait suspecter une commotion encore présente, doutant ainsi de ses collègues à Ste Mangouste.

Je n'écoutais pas le cours.

Ou plutôt si, je faisais ce que je faisais à la fac. J'écoutais le cours dans son ensemble, les bavardages plus ou moins forts des élèves, les bruits de chaudron et de cuillères, d'ingrédients, de claquement de chaise, tout. Et ça rentrait par une oreille pour ressortir par l'autre. Je devais touiller depuis bien un quart d'heure, lorsque je me rappelais qu'il fallait ajouter quelque chose à la potion. Sauf que je ne savais plus quoi. J'étais monstrueusement fatiguée, et j'avais mal au cœur.

J'ai saisi ce que je croyais être un pot de scarabée réduit en poudre, et j'ai commencé à l'agiter un peu au-dessus, mais mon poignet fut saisi au vol par une main pâle et immense. La poigne était forte, un peu abimée aussi. J'ai arrêté mon geste, et mes yeux sont remontés le long du bras de celui qui me tenait. Une longue robe noire de sorcier, un col montant, et le visage blême et aigrit de Rogue.

« Malheureuse, vous n'avez rien suivi ou bien vous souhaitiez nous faire tous sauter ?! » La voix était froide, doucereuse, et le timbre presque rauque.

Il m'a arraché le pot des mains et l'a reposé aussi sèchement que possible sur le bureau. Il plongea alors les billes noires qui lui servait d'iris dans mes yeux, et fronça les sourcils. J'avais provoqué ce que je craignais. Il allait probablement découvrir ce qu'il y avait dans ma tête… Ce que j'étais, ou n'étais pas, plutôt.

« Le cours est fini. » Sortant sa baguette, le contenu des chaudrons bouillonnants disparus aussi rapidement qu'il retournait à son office. « O'Nigay, restez, j'ai deux mots à vous dire. »

La classe se vida en quelques minutes, et il ne resta plus que le batard graisseux des cachots, son bureau, et moi. Je me suis approchée, la tête basse, trainant des pieds. Je voulais juste retourner me coucher, en fait. Ne plus entendre le silence, ne plus voir ces gens tout autour, ces mensonges éhontés.

« Puis-je savoir ce que vous faites ici ? » La voix était toujours froide.

« On se le demande bien. » Répondis-je malgré moi.

« Pardon ?! » ses narines s'écartèrent sous sa respiration furibonde, il ne devait pas s'attendre à un retour de ma part. « Je vais être honnêtes avec vous, je me fiche éperdument de votre accident et de votre petit traumatisme bien facile, vous n'êtes pas attentive en cours et nous ne sommes qu'au début de l'année. Alors je répète, qu'est-ce que vous faites ici ? »

« J'obéis, monsieur. On m'a dit de retourner à Poudlard, j'y suis. Ça ne veut pas dire que j'ai quoi que ce soit à faire ici. » Il a rougi, serré les poings, puis s'est recentré sur moi, avant de détourner la tête.

« Pourquoi vous êtes-vous écroulé hier ? »

« J'avais mal à la tête. » Je répondis, aussi simplement.

« Vous me prenez pour un imbécile. Vous teniez votre cœur, non votre tête, et vous appeliez quelqu'un. » Je ne sais pas ce qu'il veut, mais j'ai commencé à me sentir mal à l'aise, en colère, aussi… Il n'avait pas le droit de me voir dans cet état.

« Qui est Meleth ? » Je me suis rattrapée à son bureau, ma tête s'est remise à tourner, et j'ai eu soudainement très chaud.

« Personne… » Dis dans un murmure malade.

« Répondez ! »

J'ai mis quelques secondes avant de relever la tête, et j'ai laissé toute ma haine et ma rancœur envers cet endroit m'envahir.

« J'ai dit, ce n'est personne. »

Je suis partie en prenant mes affaires. Je ne sais pas pourquoi il ne m'a pas suivi, ni même s'il a voulu le faire puis renoncer. Je sais juste que je suis partie des cachots, et que je suis allée me perdre dans les couloirs de nouveau. J'avais cours de botanique je crois, ou métamorphose. Mais je renonçais. Je me perdais juste. Ça ne servait à rien d'être là, je ne pouvais rien faire de toutes façons, je n'étais pas une sorcière comme eux. J'étais juste… Moi.

Sélène.

« Sacha, qu'est-ce que tu fiches encore ici. Viens… » On m'attrapa le bras, et le malaise reprit.

Je me suis retrouvée en salle de métamorphose, à côté de l'imbécile blonde dont je n'arrivais pas à retenir le nom, mais qui ressemblait vraiment au genre de salope qu'on croise dans les séries. Le malaise ne s'était pas du tout estompé, au contraire, à ce dernier s'était joint une nausée de tous les diables. Et je n'écoutais évidemment pas le professeur.

Nous étions sur la première rangée de droite, au troisième rang, et il y avait des… Des pelotes d'épingles sur nos bureaux. Certaines bougeaient, comme si elles étaient encore en vie, d'autres étaient inertes, mais ressemblaient à un croisement entre la pelote et une peluche ratée. Ceux du fond avaient carrément des porcs-épics fatigués couchés sur la table. Ça sentait le faisan dans toute la salle, et ma tête tournait toujours. Il y avait quelques menus bavardages alentours, mais l'ensemble était stable, et tous semblaient craindre la fureur du professeur McGonagall.

« Miss O'Nigay, vous parvenez à vous concentrer… ? » La voix de la sorcière me fit sortir de ma torpeur maladive, et je relevais la tête vers elle. Ses yeux émeraudes me rappelèrent qu'elle aussi, me saoulait avec sa pitié.

Il y avait deux catégories de personnes ici. Ceux qui me plaignaient parce que, c'est terrible vous savez, ce genre d'incident, et ceux qui, clairement, n'en avaient rien à foutre. Minerva était de la première catégorie, persuadée de bien faire en me donnant des astuces dans son cours, en m'encourageant à persévérer, en essayant de me rassurer. Elle faisait l'inverse malgré elle. Et la seconde catégorie, c'était celle du genre de Rogue, qui me gueulait dessus et me traitait comme si j'étais une raclure et abusait de mon statut de blessée. En fait, si Rogue était plus bruyant, je l'aurais appelé Coach, et je me serais certainement moquée de lui.

Parce que les insultes, c'est plus facile à gérer que les regards mielleux et débiles qui se veulent compatissant mais ne font qu'empirer les choses. Je ne me sens pas bien, ça ne sert à rien de me dire que tout ira bien, parce que non, ce n'est pas le cas. Tu essaies juste de soulager ta conscience.

« Non. » J'ai répondu franchement. Elle cligna des yeux, stupéfaite.

« Vous avez besoin que je vous rappelle la consigne, Miss ? Vous devez visualiser avec précision ce que vous désirez voir apparaitre, tout est dans la concentration et… »

« Je suis désolée, je ne peux pas. » J'ai eu le temps de me relever, me tourner vers elle, et puis…

Tout est devenu noir.

oOoOoOo

Mes yeux me piquaient. Ma poitrine était plus lourde que d'habitude, et j'avais des nausées. J'étais couchée, de nouveau à l'infirmerie, sûrement, et la désagréable sensation que ma tête voulait imploser. Je me sentais toujours aussi mal, ou peut-être que c'était pire, en fait. Mais il y avait une différence, entre le malaise dans la classe, et le malaise ici. Il y avait quelque chose de chaud, qui ronronnait sur moi.

Le bras tremblant, je parvins à quitter le drap qui me recouvrait pour venir chatouiller la fourrure tiède de l'animal. Je ne voyais pas grand-chose, seulement les yeux dorés, mais je sentais que l'animal était maigre sous les poils longs qui le recouvraient. Et ce n'était pas dur de savoir quel chat était venu me rejoindre. Miss-Teigne était une écaille de tortue, quand bien même les origines de cette dernière soient incertaines dans les livres et ici. Les écailles de tortues sont des chats siamois nés après les trois premiers. Ils conservent le caractère dirigeant et sévère des siamois, tout en étant plus impatient et sauvage. Indépendante mais pas trop, elle était venue me voir la veille, et là encore.

« Merci ma belle… » Murmurais-je dans la pénombre de la pièce. « J'ai l'impression que ça n'ira jamais… En fait… On me demande de faire de la magie, et quand je n'y arrive pas, on me dit que ça ira mieux plus tard… Mais ils ne comprennent pas… ça n'ira jamais mieux. Je ne suis pas une sorcière… » Je ne sais pas si c'était pour moi ou pour elle que je disais ça. Je voulais à la fois me convaincre que c'était ainsi, que j'étais toujours moi, et en même temps, briser le peu d'espoir enfantin que j'avais de faire un jour de la magie comme le décrivaient les livres.

Je suis fatiguée d'être ici… Et je n'ai même pas encore achevée la première semaine.

oOoOoOo

J'ai maigri.

Je ne sais pas trop comment c'est possible, après tous les régimes que j'ai tenté de faire au cours de ma vie, j'ai perdu du poids sans rien n'essayer. Le miroir me renvoyait un reflet maladif et sombre. Des cernes violets sous les yeux, à la limite des sillons creusés, les lèvres gercées, un peu sanglantes aussi. Le teint légèrement vert, et les cheveux ternes, mal coiffé. J'étais sans défense, ainsi, devant ma propre image. Si je restais comme ça, j'allais me faire bouffer, alors que j'étais déjà bien mal. C'était tendre le bâton pour me faire battre à tous mes détracteurs. Une connerie en somme.

Ils veulent que je sois l'incroyable Sacha O'Nigay, qui ne peut pas s'empêcher de faire une remarque pourrie sur quelqu'un dès qu'elle passe, qui excelle en sortilège et en métamorphose, et qui se pavane aux cotés de ses amis de Serdaigle. Mais je ne suis pas cette fille, je ne suis même plus une adolescente. Mais si ça permet de les faire taire… Si ça m'évite d'encore les entendre me plaindre et vouloir me rassurer sur un avenir meilleur, je crois que je suis prête à devenir ce que je déteste le plus.

Un autre mensonge.

Nous sommes lundi, et je suis la première à squatter cette salle de bain commune. J'ai eu le temps, avec tout l'été, de bien remarquer que mes cicatrices étaient encore là, y compris les nouvelles causées par l'accident, et quand bien même je suis supposée être une autre, je ne supporte toujours pas qu'on puisse me voir, ou me juger. Alors j'évite de me doucher en même temps que mes camarades de dortoir.

Je ne me suis pas maquillée depuis des lustres, et je sais que ce que faisait l'autre moi pour se préparer avant d'aller en cours sera juste hors de question. Alors j'ai fait comme si j'étais de retour à l'académie celte. J'ai tracé le contour de mes yeux aux crayons noir, puis j'ai saisi un pinceau, avant de marquer la pointe de ma paupière avec en un épais trait noir. Pas de couleur, pas de phare à paupière, pas de blush. Non, juste des yeux laqués de noir, et la lèvre supérieur plus rouge que la moyenne. Et contrairement à cette imbécile qui collectionnait visiblement les accessoires pour cheveux ridicules comme des rubans et des serre-têtes à paillettes, je laissais mes cheveux lâches.

Mon reflet m'apporta une sensation de déjà vu assez troublante. C'était comme ça que je me maquillais à la fac. Juste assez pour qu'on ne dise rien et qu'on ne me remarque pas non plus. Pourtant, avec l'uniforme de Poudlard, et le mal-être que je perçois dans mes yeux aujourd'hui, j'ai l'impression que ce n'est pas moi, mais un fantôme qui me fixe.

« Sacha tu es prête !? » La voix ne demande même pas l'autorisation, avant de pousser la porte. C'est la brune cette fois, qui me fixe avec des mirettes aussi rondes que les boucles qu'elle a aux oreilles. « Tu es… ça fait… C'est différent… » Elle n'est pas à l'aise, et l'autre arrive.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Ah ! Oh. » Un temps d'arrêt, et je me retourne, pour les fixer dans les yeux cette fois, et plus à travers le miroir.

« Quoi ? » Demandais-je. Ma voix est rauque, je ne me sens pas mieux que d'habitude, mais j'ai la sensation d'être moins vulnérable ainsi.

« C'est-à-dire que… Ton maquillage il est… Il fait… Je ne t'ai jamais vu comme ça… »

« D'accord. » Elles se sont concertées du regard, mais je ne les ait pas attendu, et je suis sortie de la pièce pour prendre mes affaires et rejoindre la grande salle. Mon corps avait faim, et ça, même malade, je ne devais pas le refuser, sinon, j'allais encore m'effondrer. Je n'ai pas envie de rentrer dans leur jeu, mais je n'ai plus d'autres choix. Si je veux qu'ils la ferment tous. Je serais leur version de Sacha O'Nigay jusqu'à ce que je réussisse à me barrer d'ici.