Hello ! Je risque de ne pas pouvoir publier le week-end prochain non plus (ou alors tard le dimanche soir, je ne sais pas...). Bref, je vais donc publier ce soir. Mon rythme risque d'être un peu irrégulier durant ce mois de mai en raison des divers ponts.
Shadow : En effet, tu verra bien ^^ A vrai dire, la guerre est déjà bien installée à ce moment-là de l'histoire. Bye !
Bee-gets : Salut ! Oui, Nijimura fait aussi parti de mes préférés ! Pas de lunettes à cette époque là, d'où les problèmes de Midorima. Biz !
Bonne lecture !
Sur la piste des serpents
« dehors, c'est moi qui dicte les règles. »
Lorsque Seijuro suivait ses cours avec Shirogane, Shûzo se rendait en ville pour enquêter. Il avait parlé avec le médecin du palais pour avoir des connaissances sur les habu. Ceux-ci venaient des îles du sud, vers Okinawa. Or ces îles n'étaient pas alliées. Ni vraiment ennemis d'ailleurs… Faire venir des serpents d'aussi loin avait forcément laissé des traces.
-Depuis quand êtes-vous au palais ?
Le vieil homme le regarda longuement.
-Plus longtemps que vous, jeune homme, répondit-il avec un sourire énigmatique.
Shûzo rit.
-Je m'en doute. Je voulais savoir si vous étiez là l'année où Shiori est décédée.
-Oh, oui, j'étais là…
-Vous avez pu examiner son corps ?
Le médecin marcha un peu dans son petit atelier où se trouvaient de nombreuses fioles de différentes couleurs ambrées. Dans un coin, un bocal de formol contenant un serpent. Probablement un habu.
-Oui, j'ai examiné son corps.
-Comment est-elle morte ?
Le médecin lui tourna le dos de longues secondes.
-J'ai dit au jeune prince qu'elle était morte de suffocation.
-Je sais. C'est… la version officielle. Mais qu'avez-vous dit à l'empereur ?
-Pensez-vous que le prince souhaite connaître la vérité ? Il est encore jeune…
-Il a seize ans.
-Il en sait déjà bien assez. Pour lui, ce n'est pas comment sa mère est morte qui compte. Mais qui l'a tué, n'est-ce pas ?
Shûzo ne pouvait démentir. Il savait que le garçon était rongé par la disparition de sa mère.
-Il sait déjà qui l'a tué. Il n'a pas besoin d'en savoir plus.
-J'ai été engagé pour prendre soin du prince. Je dois le protéger. Si la vérité ne peut que faire du mal à Seijuro, alors je garderai le secret. J'aimerai savoir de quoi sont capable les concubines.
Le médecin soupira lourdement.
-Quelle tragédie d'en arriver là…
Il s'assit dans une vieille chaise qui craqua sous son poids.
-Shiori a été éventrée. Elle n'avait pas l'air de s'être débattue donc je suppose qu'elle a été droguée ou assommée.
-Eventrée ?
-Oui.
Shûzo s'appuya sur le rebord d'un meuble, pensif. Si Shiori était droguée ou assommée, pourquoi s'embêter à l'éventrer pour la tuer alors que la finalité était de la pendre au cerisier de la cour ?
-Shiori était enceinte. Elle avait des doutes et était venue me voir quelques jours avant sa mort pour que je confirme sa grossesse. L'empereur de ne le savait pas. Elle comptait lui annoncer une fois sûre. Les concubines l'ont peut-être découvert.
Shûzo sentit son cœur se serrer. Il ne pouvait pas raconter ça à Seijuro. Jamais il ne s'en remettrait et cela ne ferait qu'alimenter sa haine.
-Elle était vivante quand elle a été pendue ?
-Non.
Shûzo se massa le front puis regarda le médecin droit dans les yeux.
-Dîtes-moi tout.
Le médecin lu dans les yeux du mercenaire qu'il allait garder le secret et décida de se livrer. Shiori avait eu le périnée perforé par une lame, le ventre lacéré et l'utérus déchiqueté. Les concubines avaient fait preuve d'une grande barbarie. La jeune femme avait succombé à ses blessures et le médecin n'était pas en mesure de déterminer lesquelles, sur la multitude que comportait son corps, étaient post-mortem.
L'empereur était la seule autre personne à connaître la vérité.
-Pourquoi n'a-t-il pas renvoyé toutes les concubines ? demandât Shûzo.
-Je l'ignore. Je ne suis pas dans sa tête. Et croyez-moi, il vaut mieux ne pas l'être… Prenez bien soin du jeune prince. C'est un être instable.
Shûzo ressortit très perturbé de cet échange. Il pria pour que Seijuro n'apprenne jamais la vérité. Pendant les heures suivantes, il déambula dans la ville, souhaitant retirer de son crâne les images sanglantes qui s'imposaient à son esprit. Il fallait qu'il se concentre sur sa recherche des serpents. Comment deux animaux des îles avaient-ils bien pu débarquer à Honshu, puis arriver dans la capitale ?
Les gardes du palais qu'il avait pu interroger lui avait fait part de leurs hypothèses concernant la façon dont les serpents avaient pu franchir les portes de la demeure de l'empereur. La cour recevait beaucoup de monde en journée, dont beaucoup de marchands venant ravitailler les cuisines. Les serpents auraient pu arriver de cette manière et aurait été intercepté par le commanditaire de l'assassinat sur le trajet. Il était peu probable que les serpents soient arrivés jusqu'aux cuisines.
Le soleil déclinait et Shûzo devait rentrer.
Le lendemain, il se prépara pour retourner en ville interroger les marchands et, peut-être, aller faire un tour du côté du marché noir. Alors qu'il fermait son sac, Seijuro fit irruption dans la chambre. Shûzo avait une chambre attitrée au rez-de-chaussée où il entreposait ses quelques affaires. Mais il passait le plus clair de son temps dans la chambre de Seijuro alors celui-ci lui avait demandé d'y mettre ses affaires. La chambre était largement assez grande pour deux.
-Tu vas quelque part ?
-Oui. Tu n'es pas censé avoir une séance de tir à l'arc ?
-Le maître d'arme est malade. Où vas-tu ?
-Eh bien, du coup, nulle part.
-Où comptais-tu aller ?
-En ville.
-Je peux t'accompagner.
Shûzo sourit, gêné.
-Non. Je dois assurer ta sécurité. Or, dans la ville…
-Je n'ai jamais visité la ville.
-Vraiment ? Ce n'est pas une raison.
-Je ne serai jamais autant en sécurité qu'à tes côtés, non ? Je veux aller en ville.
-Seijuro… non.
-S'il te plaît !
Il le regardait comme un enfant qui veut un bonbon. Si Shûzo fut amusé, cela ne dura qu'un instant. Il n'avait pas envie de se faire couper la tête si on découvrait que le prince avait quitté le palais. S'il n'avait pas le droit de mettre un pied en ville, c'était bien pour une raison.
-Je n'aurai peut-être jamais plus l'occasion d'y aller.
-Et tu ne devrais peut-être pas.
-Quoi ? Tu vas me dire que c'est si dangereux que ça là-bas ? Je suis un prince de l'empire. Je suis amené à monter un jour sur le trône et tu pense que c'est bien de m'empêcher d'aller me confronter à la vraie vie ? Est-ce que tous mes futurs sujets vivent dans un lieu dangereux ? Est-ce que je ne devrais pas m'en rendre compte pour pouvoir agir plus tard, quand j'en aurai le pouvoir ?
Shûzo voulu le contrer mais ne trouva pas les mots.
-Bon… d'accord. Mais tu ne peux pas y aller habillé comme ça. Et prends ça, on ne sait jamais.
Il tendit un poignard au garçon. Seijuro sourit.
-Je t'emmène avec moi, Seijuro. Mais à une condition : dehors, c'est moi qui dicte les règles. Si je te dis de me suivre et de te taire, tu te tais. Si je te dis de fuir et de rentrer au palais, tu fuis. Je suis clair ?
-Limpide.
Une demi-heure plus tard, Seijuro suivait Shûzo dans la grande rue qui menait aux portes du palais. Seijuro suivait les pas de son garde du corps et regardait chaque bâtiment. Il ne connaissait l'architecture de la ville que depuis les murailles et les hautes salles du palais. Depuis les rues, la ville se montrait sous un autre jour. Les sons, les odeurs, les couleurs… Seijuro voulait s'arrêter sur chaque détail mais Shûzo n'attendait pas et le pressait.
Le marché sentait le poisson, les fruits, les légumes, les épices. C'était un boulevard de nouvelles sensations. Seijuro voyait de petits bibelots, des tissus colorés, des légumes qu'il n'avait vu que cuisiné dans son assiette.
Shûzo, exaspéré par la lenteur avec laquelle Seijuro avançait, finit par lui saisir la main et le traîner derrière lui. Il interrogea les marchands qui venaient au palais. Seijuro n'écoutait pas la conversation. Il écoutait plutôt tous les dialectes qui l'entourait. Il ignorait qu'il y avait tant de diversité à Kyoto.
Ils restèrent une heure dans le marché. Une vendeuse proposa à Seijuro un morceau de melon que le garçon accepta.
-Tout le monde parle de famine, mais je n'ai pas l'impression que la nourriture manque.
Shûzo lui lança un regard en coin.
-Kyoto est la capitale et nous sommes dans un quartier riche. De l'autre côté de Gion, ce n'est pas la même histoire… As-tu la notion de l'argent, Seijuro ? à ton avis, quel est le prix raisonnable pour un melon comme celui-ci ?
-Pour un melon… je ne sais pas, admit le prince.
-Sache que celui que tu vois indiqué là… c'est le triple du prix avant le début de cette guerre. Tout le monde ne peut pas suivre une telle augmentation. Quand tu as visité Kyoto avant la guerre, ce marché te semble vide… il s'étendait sur trois autres places auparavant tellement la nourriture était abondante.
Seijuro détourna le regard, gêné et honteux de son ignorance.
-Ce n'était pas une mauvaise idée de t'amener ici, soupirât Shûzo avant de repartir à la pêche aux informations, laissant Seijuro songeur derrière lui.
Le prince regarda les pancartes avec les prix, les acheteurs, les bourses légères dans lesquels ils plaçaient leurs pièces.
-L'empereur est-il aimé ? demandât-il.
-Écoute et tu sauras.
Seijuro se mordilla la lèvre et tendit l'oreille. Il avait envie de poser lui-même la question mais ne voulait pas sembler suspect ou, pire encore, se faire démasquer. Le peu qu'il perçu lui appris que l'empereur était critiqué, que la guerre n'avait plus de sens, que la colère grondait dans les bas quartiers dont parlait Shûzo.
Le garçon ramena ses bras contre son torse. Il n'aimait pas ce qu'il entendait. Alors qu'il retournait vers Shûzo, il crut, un instant, voir une silhouette familière dans la foule.
-Tu as trouvé ce que tu cherchais ? demandât Seijuro quand ils quittèrent le marché.
-Je pense. Il va falloir que j'aille fouiller au marché noir. On m'a parlé d'un type qui aurait pu transporter ces serpents. Il a l'habitude de ramener des bestioles exotiques.
Seijuro ouvrit la bouche mais Shûzo le coupa.
-Hors de question que tu viennes. J'irai plus tard. De toute façon le type n'est pas à Kyoto aujourd'hui. Il est reparti vers le port de Kobe, probablement pour réceptionner sa marchandise. La balade est finie pour aujourd'hui.
-Mais… cela ne fait qu'une heure ! je n'ai presque rien vu de la ville et…
-Une journée ne suffirait pas de toute manière.
Seijuro soupira. Shûzo rumina quelques secondes avant de décider de prolonger un peu l'expérience.
-Suis-moi.
Ils allèrent dans une petite rue où se trouvaient tous les stands de nourriture et le restaurant. Shûzo s'assit à un comptoir, Seijuro à ses côtés.
-Tu vas goûter la meilleure nourriture de la ville.
Seijuro regarda avec curiosité et envie toutes les assiettes qui se posèrent petit à petit devant lui. Il connaissait tous ces plats pour les avoir tous déjà goûté au palais. Mais là, les gouts lui semblèrent meilleurs.
-C'est trop bon !
Shûzo sourit en coin.
-Un prince est-il censé parler ainsi ?
Le garçon rougit.
-Eh bien… non. Mais là, je ne suis pas au palais.
-Mouais, c'est ça… trouves-toi des excuses. Tu as le droit de te relâcher de temps en temps. Enfin, je suppose.
-Je ne devrais pas. Je dois être parfait.
Seijuro termina son assiette en silence.
Shûzo plongea sa main dans sa poche et sortit un médaillon en jade représentant une fleur de lotus. Un symbole de pureté, d'éveil et de fidélité. Le regard du prince s'illumina quand il vit le médaillon.
Le mercenaire prit la main du prince et glissa le médaillon à l'intérieur. Il faisait la taille de sa paume.
-Merci… soufflât Seijuro, ému.
Les deux hommes se regardèrent. Ils furent, l'espace d'un instant, plus un prince et son garde du corps. Ils surent, sans oser encore se l'avouer à eux-mêmes.
Mais cette parenthèse devait prendre fin. Et ce qui s'était passé dans cette rue devait rester dans cette rue. Seijuro rangea le médaillon.
Shûzo paya le repas, puis ils repartirent, passèrent les grandes portes du palais et rejoignirent l'aile des princes. Seijuro retira ses vêtements passe-partout et les conserva dans un de ses coffres en bois, de même que le médaillon.
