PROLOGUE :

" C'est terminé mon frère, tu as perdu " déclare le dieu du tonnerre d'une voix sombre.

Les Avengers sont tous là, réunis dans la tour Stark. Chacun pointant son arme sur mon corps brisé sans comprendre que si je reste ainsi allongé, c'est parce que les forces me manque.

Mes yeux s'attardent sur Anthony, que je trouve horriblement pâle. Je me retiens de ne pas me lever sur le champ afin de jeter coup d'œil sur le niveau de palladium de son réacteur à Arc. Mon intérêt pour son bien-être paraitrait cependant déplacé après l'avoir jeté sans sourciller du 15ᵉ étage. L'influence mentale du sceptre s'est révélée plus ardue que prévue à combattre. Par chance, Hulk a fait un excellent travail en m'écrasant assidûment le visage sur le carrelage du living-room. Je me sens enfin moi-même et Thanos doit s'en mordre les doigts à l'heure qu'il est.

Quand j'aperçois Anthony partir se servir un verre à son bar, je jette discretement un sort pour transformer sa boisson en jus de pomme. Je vois d'abord le mortel grimacer au gout acide sur sa langue. Puis un sourire de satisfaction vient illuminer ses traits. Je ne peux pas m'empêcher d'admirer les fossettes sur son visage. Même après avoir frôlé la mort, il est toujours aussi séduisant…
Quant à Steve, il ne semble pas être au meilleur de sa forme. Qu'il soit surhomme ou non, il a dû puiser dans toutes ses ressources pour mener son équipe à la victoire. À peine dix jours se sont écoulés depuis qu'il est sorti de son hibernation, bon sang ! Un bon steak et une nuit de sommeil ne lui feraient pas de mal. Peut-être aussi la présence d'une compagne dans son lit...

Bruce, Clint et Natasha, quant à eux, paraissent épuisés, au bord de l'hystérie. Combattre une invasion extraterrestre n'est pas chose courante. Un suivi psychologique ne serait pas superflu. Mais qui suis-je pour leur conseiller de consulter un bon thérapeute ?

Pour être honnête, je suis plutôt satisfait de constater à quel point l'équipe est unie. Mon plan a fonctionné encore mieux que je ne l'espérais. Thanos ne m'aurait jamais laissé partir s'il n'avait pas été convaincu de ma loyauté. De plus, la Terre n'aurait pas su se défendre à temps contre la menace des Chitauris sans mon intervention. De la prise d'otage en Allemagne au faux meurtre de l'agent Coulson, tout a été savamment orchestré pour réunir sous une même bannière les héros de la Terre.

Je me serais volontiers vanté de mes exploits si le contrôle mental de Thanos n'avait pas eu raison de mes dernières forces. Il est clair qu'en cet instant, je n'aspire qu'à un bon bain chaud. Je ne me donne pas la peine de répondre à Thor. Pas que je puisse dire quoi que ce soit de toute manière, ma langue étant toujours lié par le contrat magique que j'ai passé avec Thanos.

Je vois Thor grimacer d'insatisfaction face à mon silence, la colère et la tristesse se succédant dans ses grands yeux bleus, tels l'océan avant la tempête.

" Nous avons joué, ri, pleuré et combattu côte à côte pendant plus de mille ans ", déclare-t-il en me secouant par le col. " Est-ce que cela ne signifie rien pour toi ? Pourquoi as-tu attaqué la Terre ? Tu sais pourtant que ce monde est sous ma protection ! "

Un rire silencieux s'échappe involontairement de mes lèvres. Je peux sentir les Avengers frissonner autour de nous. Je dois avoir l'air d'un fou. Ce qui m'amuse, c'est la rapidité avec laquelle Thor est passé d'imbécile dégénéré à sage débordant de bon sens. Il y a moins d'un siècle, lui et les trois guerriers s'amusaient encore à envahir des royaumes pour leur simple plaisir. Sa punition sur Terre semble avoir radicalement modifié sa perception du monde. Cependant, je peux lire dans ses yeux que je reste son frère Ergi à la langue fourchue. Son opinion à mon égard n'a pas évolué.

Soupirant d'exaspération, Thor me soulève par le col pour me remettre sur pied. Je manque de pousser un cri de douleur, n'ayant plus assez de magie pour guérir mes blessures.

Le chemin qui suit est une véritable torture. Alors qu'Anthony et Thor m'escortent vers ce que je présume être ma prochaine prison, des hommes se dressent devant nous à la sortie de la tour Stark. Ils réclament le Tesseract, ce que Anthony refuse, évidemment. Pourquoi se donnerait-il la peine de sauver le monde pour ensuite remettre cette arme entre les mains d'hommes d'affaires moralement douteux ? Puis, les lumières du réacteur Arc se mettent à briller, tel un sapin de Noël, sur la poitrine du mortel. Anthony s'effondre et, à cet instant précis, je regrette de ne pas avoir vérifié plus tôt ses fonctions vitales. Il est pris de convulsions et je crains une crise cardiaque. Thor et les personnes autour d'Anthony se montrent affligeamment inefficaces. Mon sang ne fait qu'un tour et d'un geste sec, j'arrache les menottes qui entravent mes poignets.

Je m'accroupis promptement auprès de l'homme, évaluant les dégats. Thor tente de saisir mes mains pour m'arrêter, mais je suis plus rapide. Par un sortilège informulé, un champ de force se déploie en quelques secondes, repoussant d'un souffle tous ceux qui s'approchent à moins d'un mètre de nous. C'est alors qu'Hulk pousse un cri de berserker et frappe de toutes ses forces sur mon bouclier magique. Le temps m'est compté. Je pose mes mains sur le visage d'Anthony, croisant son regard affolé, les mâchoires serrées. Je lui adresse un sourire qui se veut rassurant, mais ses yeux emplis de peur révèlent l'échec cuisant de ma tentative d'apaisement.

Pendant ce temps, Thor s'allie à Hulk, martelant mon pauvre champ de force de coups assourdissants. Je profère quelques jurons silencieux en vieux norrois tout en m'attelant à ma tâche. Liée à l'énergie du réacteur, ma magie identifie les problèmes, affichant devant nous un tableau de bord créé par mon pouvoir. J'y découvre la fréquence cardiaque du blessé, mais aussi les pièces défectueuses du réacteur. Mes mains se posent sur la poitrine d'Anthony, et je m'efforce de rétablir la circulation de l'énergie en y insufflant mes propres réserves. À chaque assaut sur mon champ de force, ma magie s'affaiblit, d'autant plus lorsque le Capitaine America se joint à la danse. J'espérais préserver ce qui me reste de magie pour tenir debout jusqu'à Asgard, mais cela me semble soudainement impossible. Tony meurt devant mes yeux. Je ne sais pas ce qu'a fait cet imbécile pour rendre le réacteur si instable, mais il risque de se consumer de l'intérieur s'il continue ainsi à surchauffer. Un nouveau coup sur mon champ de force manque de me faire lâcher prise. Les yeux intelligents de Tony me fixent, et il fronce faiblement les sourcils. Il semble enfin comprendre que je tente de le sauver. Une image de lui enfant, faisant cette même grimace, me revient en mémoire, et je réalise à cet instant que j'ai plus peur de le perdre que de mourir. C'est pourquoi je redistribue mes maigres réserves de magie pour refroidir le réacteur. Puis, j'entends Tony reprendre son souffle, et je sais que j'ai réussi. Pris de vertige, je m'effondre finalement sur l'humain, mon bouclier se brisant.

" Excuse-moi, beau brun... », murmure le mortel à mon oreille, « mais je ne couche jamais le premier soir... "

Un rire de soulagement s'échappe de moi en entendant la voix chaude de l'homme. S'il a la force de faire une telle plaisanterie, c'est qu'il se rétablira rapidement. Hélas, je ne peux pas en dire autant de moi-même.

Ma respiration devient de plus en plus difficile, et une douleur lancinante me transperce la poitrine. Je n'entends plus que la voix du mortel, qui semble crier à ses compagnons de s'écarter. Lorsque je commence à cracher du sang, un silence morbide s'installe autour de moi. Les masques dissimulant ma véritable nature glissent un à un, échappant à mon contrôle. J'ouvre des yeux que je ne me souviens pas avoir fermés, découvrant les visages d'Anthony, Hulk, Steve, Clint, Natasha et Thor penchés au-dessus de moi. Ceux que je considère comme ma famille, ma meute, ma horde, semblent décontenancés devant la forme frêle qui se tient désormais à leurs pieds. Je sais combien je parais jeune comparé à mon homonyme divin.

En sortant de l'école des mages à Alfheim, j'ai veillé à cacher ces traits juvéniles sous de multiples sortilèges. Les deux cents ans passés à apprendre la magie aux côtés des elfes ne m'avaient pas alerté sur mon anormalité. Du moins, pas avant mon retour à Asgard. Les Jotuns vieillissent bien plus lentement que les Ases, une vérité qui m'échappait alors. Depuis longtemps déjà considéré comme un paria au sein des dieux, j'ai rapidement dissimulé ma jeunesse inexplicable, modifiant même la structure de mes os pour m'adapter aux normes d'Asgard. Si Thor approche la trentaine pour Midgard, je dois paraître comme un jeune garçon tout juste sorti de l'adolescence.

" Non ! " s'écrie soudain Tony. " Non, non, pas toi ! "

Natasha laisse échapper un sanglot horrifié.

" Comment est-ce possible ? " s'exclame Steve.

" Fais quelque chose, Bruce ! Le gamin est en train de mourir ! " supplie Clint.

Je ne me rappelle pas avoir vu le docteur se transformer, pourtant Bruce se penche vers moi pour m'ausculter, les mains tremblantes.

" Je crois qu'il y a une hémorragie interne ", déclare-t-il d'une voix désespérée.

" Il a épuisé sa magie et ne peut plus s'en servir pour se guérir ", intervient Thor, la voix empreinte d'une émotion difficile à contenir.

Il semble que cela fasse une éternité depuis ma dernière respiration. Le ciel s'assombrit progressivement. Je sens des mains caresser mon visage, des bras m'entourer, un corps me bercer.

Je sais qu'ils ne comprendront jamais pourquoi j'ai agi ainsi. Pourquoi j'ai conduit l'armée des Chitauris sur leur planète. Pourquoi j'ai volé le Tesseract. Ou encore, pourquoi je les ai tous retournés contre moi. J'espère néanmoins qu'ils n'oublieront jamais combien je les ai aimés. Ils sont mes enfants, mes amis et mes amours. Si seulement ils pouvaient comprendre la tendresse qui m'anime, la mort ne m'emporterait pas réellement. Elle multiplierait plutôt ma vie en chacun de leurs bras.

Je suis Loki, le dieu du chaos. Voici comment j'ai réussi à atteindre la mortalité.


Les commentaires sont appréciés. Le chapitre 1 arrive bientôt ! 3