Chapitre 4
Le méchant sorcier
Je venais à peine de franchir le seuil du Bifrost lorsque j'aperçus Odin, accompagné de Frigga, marcher résolument vers moi, une expression de colère sur son visage.
"Comment oses-tu me désobéir ? tonna Odin, sa voix emplie de fureur " Non seulement te rends-tu sur Midgard en dépit de mes interdictions, mais tu interagis également avec les humains sous ta forme Jotun ? Es-tu devenu fou, mon fils ?"
"Je ne suis pas ton fils", répliquai-je avec amertume.
"Loki ! s'exclama Frigga. Comment peux-tu dire cela ! Ne sommes-nous pas ta famille ?"
Je lui adressai un regard empreint de mélancolie.
"Malgré toute l'affection que je vous porte, Ma Dame, seule la Terre a su me donner un véritable foyer."
Les mots que je venais de prononcer flottaient dans l'air, créant un silence pesant. Les regards de mes parents divins étaient empreints de douleur et d'incompréhension. Je comprenais leur chagrin, mais il était temps pour moi de faire face à ma vérité.
"Vous êtes ma famille, mais je me suis toujours senti différent, exclu", avouai-je d'une voix teintée de tristesse. "Mon héritage en tant que Jotun a toujours été présent, me rappelant sans cesse que je n'appartiens pas pleinement à Asgard. J'ai cherché ma place, mon identité, et je l'ai trouvée sur la Terre."
Frigga laissa échapper un soupir, tandis que son regard s'embua de larmes. "Loki, nous avons toujours essayé de te comprendre, de t'aimer comme notre propre enfant. Mais tu as choisi ton chemin, même si cela signifiait nous perdre de vue."
Odin demeura silencieux, son unique œil perçant mon âme de son regard sévère. Je pouvais sentir sa déception mêlée à une pointe de regret.
"Tu es un Prince d'Asgard, Loki, et je refuse d'entendre que tu renies ton devoir. Je t'interdis de remettre les pieds dans le monde des mortels. Nous te trouverons une épouse convenable, et tu abandonneras tes rêves ridicules de faire ta vie sur Midgard."
Je soutins le regard d'Odin, mon visage arborant une détermination froide. "Je suis peut-être un Prince d'Asgard, mais cela ne signifie pas que mon devoir est de me conformer à vos attentes. J'ai toujours vécu dans l'ombre de Thor, relégué au second plan. Je suis Loki, Gardien de la Terre et de ses habitants. Je choisirai ma propre voie."
Inconscient de l'apparente folie de mon geste, j'avais eu l'espoir qu'en me jetant dans le vide, une branche d'Yggdrasil ralentirait ma chute. C'était un acte désespéré, mais je refusais de le considérer comme un suicide.
Les cris de Frigga résonnaient à mes oreilles alors que je me lançais dans l'abîme. Le vent sifflait autour de moi, mes cheveux tourbillonnant dans tous les sens. La réalité de mon acte commençait à se faire sentir, et un sentiment d'angoisse grandissait en moi. Le temps continua sa course, mais toujours, je me retrouvai suspendu entre l'espace et le temps.
Alors que je tombais dans les ténèbres sans fin, une présence sinistre se manifesta finalement à moi.
Son nom était Thanos, et il était le sorcier le plus redouté des neuf mondes.
"Qu'avons-nous ici ?" demanda la créature en m'attrapant par le menton pour mieux me regarder.
"Je suis Loki", répondis-je d'une voix calme, ne montrant aucune trace de peur malgré l'emprise puissante de Thanos sur moi.
Ses yeux perçant scrutait mon visage, cherchant peut-être des signes de faiblesse ou de soumission. Je soutenais son regard, déterminé à ne pas lui donner la satisfaction de me voir ébranlé.
"Ah, Loki", dit-il d'un ton méprisant. "Le dieu des mensonges. Tu es bien loin de ton royaume mon garçon."
Je sentais son emprise se resserrer, comme s'il cherchait à me briser.
" Odin ne semble pas tenir à ses rejetons il semblerait…D'abord Hela…Et à présent son plus jeune fils ? "
"Je doute que cela te regarde !", rétorquai-je avec défi.
Un sourire sardonique s'étira sur le visage de Thanos. "Ah, la confiance de la jeunesse. Je suppose que je devrais te montrer la réalité de ton insignifiance."
Il prononça une incantation et une énergie sombre m'enveloppa, m'immobilisant complètement. J'étais à sa merci, mais je refusais de montrer ma peur.
"Tu es une petite créature courageuse... J'ai envie de jouer avec toi... Que dirais-tu d'un marché ?", proposa-t-il.
"Tout l'univers sait que tes marchés ne sont jamais équitables", répliquai-je avec méfiance.
"Où serait l'amusement si ce n'était pas le cas ? De plus, je doute que tu sois en position de négocier !"
Je restai silencieux, prêt à entendre ce qu'il avait à dire, bien que je sache que ce marché serait probablement périlleux.
J'ai entendu parler de toi, Loki Langue d'Argent. Tes chansons te précèdent. J'ai cru comprendre que la Terre était ton refuge. Que dirais-tu d'une vie parmi les mortels ? Tu pourrais te fondre parmi les humains et mener une existence paisible. Peut-être même trouver l'amour ? Qu'en dis-tu, jeune prince ?"
"Et que demanderais-tu en échange ?" interrogeai-je avec prudence.
"Le meilleur de ce que tu as à offrir, bien entendu... Ta langue d'Argent !" répondit-il avec un sourire sournois.
"Je deviendrais muet ?" demandai-je, surpris.
"Quel faible prix à payer en échange de la mortalité, ne trouves-tu pas ?" répliqua-t-il d'un ton moqueur.
Je pris un moment pour réfléchir, évaluant les conséquences de cette proposition. Être privé de ma voix était un sacrifice énorme. Toutefois, accepter le marché était à l'heure actuelle le seul moyen d'être sauvé du vide. Et puis, la perspective d'une vie parmi les mortels, d'une existence différente, m'attirait irrésistiblement. Après tout, à Asgard, il n'y avait guère d'avenir qui m'attendait. Thor reviendrait probablement victorieux de son épreuve, et les choses redeviendraient comme elles l'avaient toujours été... Une fois mortel, je pourrais aller retrouver Tony. Peut-être accepterait-il de m'accueillir ?
"Très bien, Thanos", déclarai-je d'une voix ferme, prenant une décision qui scellerait mon destin. "Je suis prêt à accepter ton marché."
Un sourire sinistre se dessina sur le visage du sorcier, révélant une satisfaction malsaine. "Un choix sage, Loki..." dit-il d'un ton glacial, tout en serrant ma gorge avec une force implacable. "Voyons voir ce que cette langue d'argent a à nous offrir, moi et mon armée..."
Les mots se coinçaient dans ma gorge alors que je luttai pour les articuler, sentant ma voix s'évanouir lentement, comme avalée par les ténèbres.
Thanos relâcha enfin sa prise, me laissant reprendre mon souffle, mais la réalité de ma nouvelle condition commença à s'installer, me plongeant dans un mélange d'horreur et de résignation.
"Ne savais-tu pas qu'en me donnant ta langue, tu m'offrirais aussi tes pouvoirs ?" révéla Thanos avec un triomphe sournois. "Je peux le sentir à présent... Cette force en toi... C'est celle d'une planète tout entière. La Pierre de l'Esprit est désormais sous mon contrôle !"
Un frisson d'horreur parcourut mon être, tandis que je réalisais l'étendue de ma dépendance envers ce sombre sorcier. Thanos approcha sa main vers moi, laissant une lueur violette émaner de la Pierre de l'Esprit. "Maintenant, Loki, tu es à mes ordres. Tu serviras mon dessein de conquête."
Tout devint flou à partir de ce moment-là. J'avais l'impression que mon corps ne m'obéissait plus. Je n'étais plus qu'une marionnette vulgaire, sous le joug de Thanos. Du moins, c'est ce qu'il pensait. Rapidement, je découvris des failles dans son contrôle mental. Le sorcier attendait de moi que je lui apporte le Tesseract.
Mais au fond de mon être, une lueur d'espoir persistait. Je savais que je pouvais utiliser cette situation à mon avantage, jouer le jeu de Thanos tout en préparant mon évasion. J'étais Loki, le dieu de la tromperie, et personne ne pouvait me réduire totalement à l'impuissance.
Ainsi, je me lançai dans une quête effrénée pour retrouver le Tesseract, conscient que le sort de l'humanité reposait entre mes mains. Je tissai une toile complexe de tromperies et de subterfuges.
Les semaines passèrent, et je me rapprochai de mon objectif. J'avais réussi à rassembler un groupe d'individus exceptionnels, des êtres qui m'étaient chers, des enfants que j'avais jadis aidés d'une manière ou d'une autre. Ils étaient à présent des adultes accomplis, dotés de forces et de compétences uniques.
Chacun m'avait un jour offert une perle, liant son destin au mien.
Steve Rogers, avec sa perle finement sculptée en bois, incarnait la force, la loyauté et le courage. Tony Stark, arborant une perle en verre, représentait l'intelligence et l'ingéniosité. Bruce Banner, portant une perle de culture, symbolisait la dualité entre la force brute et la vulnérabilité. Quant à Clint Barton et Natasha Romanov, leurs perles dorées reflétaient leur maîtrise inégalée des compétences et des talents. En tant qu'archer et espionne d'élite, ils étaient redoutables dans l'art du combat et de l'infiltration.
Je savais que nos forces combinées étaient suffisamment puissantes pour affronter Thanos et l'empêcher de s'emparer du contrôle de la Terre.
Une course contre la montre débuta. J'étais constamment sur mes gardes, anticipant les mouvements du sorcier, exploitant ses ambitions et ses faiblesses.
Il m'était douloureux de voir mes compagnons me considérer comme un ennemi, de jouer avec leurs craintes et leurs doutes. Mon plan était conçu pour semer la discorde, les poussant à se réunir et faire face à un ennemi commun. Mais cela ne rendait pas la trahison plus facile à supporter.
Chaque regard chargé de méfiance et chaque parole empreinte de colère étaient comme des coups portés à mon cœur. Je me raccrochais à l'espoir que, lorsque la vérité éclaterait, ils comprendraient mes intentions et trouveraient en moi un allié fidèle.
Puis, enfin, nous remportâmes la victoire.
Un détail crucial m'avait cependant échappé : ma magie cruellement affaiblie par ma condition de mortel. Désormais muet, les sorts que je pouvais autrefois formuler avec aisance étaient devenus faibles et impuissants. Mes ressources magiques s'amenuisaient rapidement, au point que je peinais à rester debout.
Puis vint le moment où Tony fut blessé. Je puisai alors dans mes dernières ressources, sacrifiant ce qu'il me restait de magie pour le sauver.
Yinsen avait eu raison au sujet de l'amour. J'étais prêt à accepter mon destin, heureux de pouvoir mourir aux côtés de ceux que j'avais appris à aimer.
D'un bond, je m'éveillai, haletant, sur une table d'opération. Des fils étranges étaient reliés à tout mon corps, et je les arrachai vivement de ma peau. Autour de moi, des machines clignotaient avec un bruit d'alarme inquiétant.
Les premières sensations de la réalité me submergèrent. Où étais-je ? Comment avais-je survécu ? Je scrutai fébrilement l'environnement, cherchant désespérément des indices pour comprendre ce qui m'était arrivé.
Soudain, une porte grinçante s'ouvrit, révélant une silhouette qui se précipitait à ma rencontre. Le visage du docteur Banner apparut alors clairement devant le lit, et instinctivement, je me repliai sur moi-même pour me protéger du danger qui émanait de lui.
"Loki, tout va bien, tu es en sécurité," dit-il d'une voix apaisante.
Mon cœur battait la chamade, et le simple fait d'entendre mon nom évoquait des émotions confuses. Comment pouvait-il connaître mon nom ? J'avais toujours pris soin de cacher aux humains mon identité afin d'éviter les cultes.
Je tentais de parler, mais aucun son ne sortit de ma bouche. C'est alors que mon marché avec Thanos me revint en mémoire. J'avais échangé ma voix, ma langue d'argent, contre une existence de mortel.
L'homme avança doucement vers moi, comme s'il craignait de m'effrayer.
"Nous avons fini par comprendre que tu étais manipulé par la Pierre de l'Esprit," dit-il d'un ton compatissant.
Mes yeux s'écarquillèrent de surprise. Ce qu'il disait n'était pas tout à fait juste. Bien que Thanos avait en effet utilisé la pierre de l'esprit contre moi, j'étais parvenu à retourner la situation en ma faveur. Mon souffle se coupa soudain lorsque les souvenirs de l'invasion me revinrent en mémoire.
Je tentais de sortir du lit, mes jambes encore instables.
"Tu devrais te reposer, Loki, tu es encore faible…" dit l'homme d'une voix préoccupée.
Sans prendre en compte ses paroles, je me dirigeai d'un pas chancelant vers la fenêtre.
La ville était en piteux état, une carcasse de chitauris décomposée en plein milieu du paysage. Les dégâts auraient pu être bien pires, mais un pincement de culpabilité m'envahit devant tout ce carnage. J'étais censé être le maître du chaos, non son détracteur.
La main de Banner vint m'effleurer l'épaule, et je me retournai pour lui faire face.
"Thor a dit qu'il intercéderait en ta faveur auprès d'Odin. Nous en sommes venus à certaines conclusions lorsque nous avons découvert que Phil Coulson était toujours en vie…"
Bien que la fatigue me submergeait, je hochai distraitement la tête pour lui signifier que j'écoutais.
"Certains d'entre nous prétendent aussi te connaître personnellement. Mais nous ne t'avions pas reconnu sous cette forme," ajouta-t-il, la honte perçant dans sa voix.
Distraitement, j'allais chercher dans ma chevelure la perle qu'un jour, un enfant nommé Bruce m'avait offert. Tout en tenant la perle entre mes doigts, je fixai Bruce avec intensité.
Un sourire timide apparut sur le visage de l'homme alors qu'il se remémorait le passé. "Oui, je m'en souviens. Mon père venait de me mettre une sacrée raclée ce jour-là. J'ai couru loin de la maison pour aller pleurer dans les bois, et tu étais là. Tu avais pris les traits d'une petite fille aux cheveux corbeaux et nous avons joué ensemble jusqu'à ce que la nuit tombe. Le lendemain, j'ai trouvé cette perle de culture dans la boîte à bijoux de ma mère, et je suis venu te l'offrir. Si tu savais comme ma mère était furieuse," rit-il.
Je hochai la tête, reconnaissant le lien spécial que nous avions partagé autrefois. Je lui tendais la perle, n'ayant pas conscience à l'époque qu'il s'agissait d'un objet si précieux.
" Je te l'ai offerte, elle est à toi à présent… Ma mère n'en a plus l'utilité de toute manière…" déclina-t-il en refusant la perle dans ma main.
Mon cœur se serra à l'évocation de ce souvenir douloureux pour Bruce. Lui et moi avions partagé plusieurs moments de réconfort et d'amitié dans son enfance tourmentée.
Tout en gardant la perle dans ma main, je la serrai doucement contre ma paume, signifiant silencieusement que j'appréciais ce geste. J'avais souvent sous-estimé l'impact de mes actions sur les autres, mais ce simple acte de gentillesse avait laissé une empreinte durable dans la vie de Bruce.
Mes pensées se tournèrent ainsi naturellement vers Steve, Tony, Natasha et Clint. Comment allaient-ils ?
Je me mis à faire de grands gestes dans toutes les directions pour tenter de faire comprendre à Bruce que je désirais les voir. Cependant, mon comportement étrange lui valut d'abord une grimace d'incompréhension. Puis, comme s'il déchiffrait un langage étrange, Bruce finit par saisir mes intentions et esquissa un sourire.
"Tu veux aller voir les autres ?" dit-il en riant légèrement face à mon empressement.
Je hochai frénétiquement la tête, ne cachant pas ma détermination à les retrouver. Bruce soupira légèrement, certainement exaspéré devant mon comportement enfantin.
"Si tu es encore plus borné que Steve, je doute d'avoir une chance de te remettre au lit, je me trompe ?" déclara-t-il avec un soupçon d'humour.
Mon regard ne put s'empêcher de pétiller malicieusement, et sans plus attendre, Bruce m'aida à marcher jusqu'à la sortie de la chambre.
"Dois-je prévenir Monsieur Stark et Monsieur Rogers que notre invité est réveillé ?" demanda soudain une voix désincarnée au plafond.
"Non," s'esclaffa Bruce, "laisse-moi leur faire la surprise, Jarvis. J'ai hâte de voir leurs têtes."
Intrigué par cette conversation, je lançai à Bruce un regard lourd de question.
"Tony et Steve se sont relayés pendant des jours pour veiller sur ta guérison. J'étais en train de prendre la relève quand tu t'es réveillé," m'expliqua-t-il avec bienveillance.
À cet instant, mes joues se teintèrent de rouge et Bruce rit de bon cœur devant ma gêne.
"Fais attention, on n'a pas eu à te ramener du pays des morts, mais c'était juste," m'avertit-il avec un ton protecteur,.
Le trajet à travers les longs couloirs de la tour Stark me sembla interminable. Chaque pas que je faisais me rapprochait un peu plus de mes compagnons, et mon cœur palpitait avec excitation et appréhension. Avaient-ils tous fini par réaliser le lien qui existait entre nous ?
Enfin, nous atteignîmes le salon, et c'est là que je découvris Steve et Tony dormant profondément sur un énorme canapé. Un sourire chaleureux illumina mon visage en contemplant leurs traits paisibles. Ils avaient donné tant d'eux-mêmes pour sauver la terre…
En silence, je quittai le soutien de Bruce pour m'approcher à pas de velours de mes compagnons. Tel un félin rusé, je me glissai subrepticement sous la couverture qu'ils partageaient, cherchant à me fondre dans ce cocon de chaleur que produisaient leurs corps endormis. J'étais moi-même épuisé par cette petite excursion et ne tardait pas à m'abandonner à mon tour au sommeil, bercé par leur respiration paisible.
Je me réveillais le lendemain matin avec la douce sensation des premiers rayons du soleil sur mon visage. Cette douce quiétude fut cependant vite troublée par des voix agacées autour de moi.
"Je rêve où mon Dieu attitré est en train de te prendre pour son oreiller ? C'est absolument scandaleux ! Dieu de la tromperie, je le savais déjà, mais pas dans ce sens !" s'exclama une voix qui ne pouvait appartenir qu'à Tony.
Ouvrant les yeux avec difficulté, je constatai que j'étais pelotonné contre un torse chaud et musclé. Levant la tête, j'aperçus le visage souriant de Steve, qui semblait à la fois amusé et embarrassé.
"Bien dormi, Loki ?" demanda-t-il avec un sourire chaleureux, comme s'il n'y avait rien de plus normal que de me retrouver ainsi collé à lui.
Je hochai la tête, tout en cherchant des yeux Tony. Ce dernier me dévisageait à l'autre bout du canapé, les sourcils légèrement froncés, d'un air... Contrarié ? Était-il encore blessé ?
Sentant mon cœur s'emballer, je me détachai de l'étreinte de Steve pour me précipiter vers Tony.
Ce dernier, surpris par mon élan, bascula en arrière. Mes mains parcouraient rapidement le réacteur sur sa poitrine, vérifiant que tout fonctionnait parfaitement.
Une fois rassuré sur l'état du réacteur à arc, je parcourus des yeux le visage de Tony, m'attardant sur ses yeux bruns pour tenter de lire ses émotions. Sa surprise semblait désormais surpasser toute contrariété initiale. Je me trouvais suffisamment près de lui pour sentir l'odeur de son eau de cologne. Ma main se posa délicatement sur sa joue. Une barbe de plusieurs jours la rendait rapeuse, mais je trouvais la sensation plaisante.
"Sa…Salu…" grinça Tony en rougissant devant mon geste.
Avais-je vraiment réussi à faire perdre son éloquence au célèbre Tony Stark rien qu'en lui caressant la joue ?
Pour connaître la réponse à ma question, et aussi parce que j'en avais très envie, je m'approchai encore de lui et l'embrassai.
"Je pense que ses préférences vont clairement à toi, Tony," déclara Natasha, qui nous observait la scène avec un sourire malicieux, une tasse de café à la main.
Tony n'était toutefois pas enclin à répondre à l'espionne, trop occupé à me rendre mon baiser avec une fougue décuplé.
Par miracle, on parvint à nous décoller l'un de l'autre le temps d'un petit déjeuné digne de ce nom.
Tandis que Bruce me dirigeait vers une table débordante de victuailles, j'aperçus l'ombre de Clint devant les fourneaux, occupé à faire cuire la nourriture.
Tony me lançait des sourires carnassiers, ce qui lui valut un coup de coude de Natasha à sa droite.
"Retenez-vous tous les deux, je voudrais manger en paix sans avoir à être témoin de vos roucoulades d'amoureux" soupira Natasha en levant les yeux aux ciels.
Steve s'était installé face à moi, son visage ayant pris une teinte rose vive alors qu'il se servait ce qui ressemblait à du gruau dans un grand plat. Je ne pus m'empêcher de ressentir de la compassion pour l'homme, sachant à quel point les mentalités étaient différentes en matière de relations amoureuses dans les années 50. Les relations entre hommes n'étaient pas encore largement acceptées à cette époque, et Steve était probablement resté fidèle à ses valeurs d'antan. Une mise à jour dans sa petite tête de soldat s'imposait certainement pour comprendre et accepter les évolutions sociales.
Une viande à l'odeur divine fut alors servie en grande quantité dans mon assiette. Je lançais un regard incertain à Clint qui ne m'avait pas encore adressé la parole. J'étais presque certain qu'il me tenait toujours rancune après les événements de ces derniers jours. Après tout, je l'avais manipulé pour qu'il m'aide à mettre en œuvre mon plan.
L'homme me dévisagea un moment avant de finalement rétorquer :
"Mange, gamin. Nous aurons tout le loisir de discuter plus tard …"
Je hochai la tête, reconnaissant le geste de paix. Nous étions loin d'être réconciliés, mais cela signifiait qu'il était prêt à écouter et à parler.
Je me plongeais donc dans mon repas, savourant chaque bouchée de cette viande délicieuse lorsque je pris soudain conscience de tous les yeux posés sur moi.
"Tellement maniéré," se moqua Tony en souriant.
"Tu es certain d'avoir été élevé dans la même maison que Thor?" demanda Clint en souriant. "Ce type mange plus proprement que tous mes enfants réunis."
Je rougis légèrement, réalisant que mes manières pouvaient sembler un peu étranges comparées à celles des humains. Mais après tout, j'avais été élevé en tant que Prince d'Asgard. Le fait que Thor ait des manières similaires à celles d'un raton-laveur fouillant dans les poubelles avait souvent été un sujet de plaisanterie entre Sigyn et moi. Cela me rassurait quelque peu de constater que Tony et ses compagnons pensaient la même chose au sujet de mon idiot de frère.
J'essayais d'ignorer leurs regards sur moi tandis que je sirotais ma boisson. Une fois de plus, je récoltai des rires étouffés de la part de mon auditoire.
"Je rêve ou bien tu bois ton thé avec le petit doigt levé comme la reine d'Angleterre ?" s'exclaffa Bruce.
N'y tenant plus, je leur lançai à tous un regard assassin. Ne pouvais-je pas apprécier mon premier repas en paix ?
"Ah! Je reconnais bien dans ce regard l'homme qui a tenté de conquérir le monde!" plaisanta Steve.
Il n'allait pas s'y mettre aussi ! pensais-je, en jetant une pomme pile sur le front de l'homme.
"Aie!" s'exclama le soldat en se massant le front.
"Et encore, toi tu n'as pas reçu une bouteille en plein sur le crâne," rétorqua Tony.
J'agrippai soudain le premier fruit à ma portée pour le jeter cette fois-ci sur ce traître. Tony rattrapa au vol ce qui ressemblait à une banane.
"Garde ce genre de chose pour plus tard, tu veux bien mon mignon?" me lança Tony avec un clin d'œil suggestif.
"J'ai dit pas de grossièreté à table!" explosa Natasha.
"Une bouteille? C'est quoi cette histoire?" intervint Bruce, la bouche pleine.
"Loki m'a assommé avec une bouteille une fois," l'informa Tony, une étrange fierté dans sa voix. "Je devais avoir quoi? 16 ans? Ça a fait un mal de chien! J'ai gardé la bosse au moins une semaine!"
"Le doute n'est donc plus permis. Je savais que tu étais attardé Stark, mais j'ai à présent la preuve que tu es resté mentalement coincé à l'âge ingrat à cause d'un traumatisme crânien !"
Après quoi, ce fut au tour de Bruce de recevoir des graines de raisin en pleine tête.
"Personne ne vous a dit qu'il ne faut pas jouer avec la nourriture ?" ajouta Clint en roulant des yeux. "Sérieusement, on se croirait à la maternelle."
" C'est Loki qui a commencé ! " Déclarèrent-ils les concernés en cœur.
Le petit déjeuner se déroula ainsi dans la bonne humeur, entre taquineries et rires partagés. J'étais étonnamment à l'aise en leur présence, malgré les récents événements.
"Bien !" déclara Tony. "Vas-tu enfin nous expliquer pourquoi tu es devenu muet ? Non pas que tu parlais beaucoup de base, mais pas au point de faire le silence radio."
Nous étions tous réunis sur les nombreux canapés du salon pour ce qui semblait être l'heure de l'histoire.
Je me contentais de hausser les épaules d'un air honteux. Je n'étais pas très enclin à partager avec eux mon expérience avec Thanos. Leurs regards insistants ne me laissèrent toutefois pas le choix. Avec un soupir, je matérialisai devant moi un stylo et une feuille. Bien que mes pouvoirs étaient énormément limités sous ma forme humaine, cela restait un sortilège plutôt simple à réaliser.
Une fois que j'eus écrit quelques mots, je tendis la feuille aux autres, qui se la passèrent pour la lire tour à tour. Leurs expressions étaient stupéfaites alors qu'ils lisaient mon récit. Ce fut cependant Tony qui fut le premier à s'exclamer :
"C'est une blague Loki ! Dis-moi que c'est une blague ! Tu ne vas pas me faire croire que tu as... tu as échangé une vie mortelle contre ta voix ?"
"Il a raison, mon pote. Je ne sais pas ce qui est le plus stupide. Que ça ressemble à une histoire de conte de fées ou que toi, le dieu de la tromperie, tu t'es fait aussi facilement arnaquer." Intervint Bruce.
"Sérieusement enfin ! Pourquoi as-tu fait ça ?" s'écria le millionnaire en se redressant.
Je le désignai simplement du doigt, espérant que cette réponse lui suffise.
L'air soudain ahuri, Tony tomba lourdement sur son fauteuil. Natasha et Steve échangèrent un regard perplexe, tandis que Clint croisa les bras, visiblement déconcerté. Bruce, quant à lui, prit une profonde inspiration avant de parler d'une voix calme :
" Donc…Ce Thanos voulait asservir l'humanité. Si je comprends bien, c'était lui le cerveau de l'opération ?
J'allais arracher la feuille des mains de Tony pour écrire la réponse. Non, Thanos n'était pas entièrement responsable de la situation. J'avais manipulé chaque personne dans cette pièce dans le but précis qu'ils se regroupent pour combattre le Titan fou.
" Alors, tu n'étais pas entièrement sous contrôle " me demanda Clint avec une grimace.
Je hochai la tête en signe d'approbation, tout en écrivant rapidement sur la feuille pour leur expliquer.
"Non, je n'étais pas totalement sous contrôle. J'avais conscience de mes actions, mais j'étais influencé par la pierre de l'esprit", j'expliquai en soupirant.
"Et tu savais ce que tu faisais ?" demanda Natasha, les sourcils légèrement froncés.
Je hochai à nouveau la tête, remplissant la feuille de mes mots. "D'une certaine manière, j'ai fait de mon mieux pour faire échouer son plan. Avec ou sans mon intervention, l'invasion aurait eu lieu. Ce que la terre et ses habitants avaient besoin, c'était de héros prêts à les protéger. Vous étiez les mieux placés pour remplir cette mission."
Un silence pesant s'installa dans la pièce. Ils avaient du mal à comprendre l'ampleur de la manipulation à laquelle ils avaient tous été soumis. Mais je savais que je devais tout leur dire, même si cela signifiait affronter leur colère ou leur méfiance.
"Je suis désolé," ajoutai-je en écrivant. "Je sais que j'aurais dû m'y prendre autrement, mais le temps était compté. Thanos devait croire que j'étais sous son contrôle, et vous deviez vous unir pour m'affronter."
Tony prit la parole, brisant le silence qui s'était installé dans la pièce. "Bon, c'est du passé maintenant. Ce qui compte, c'est ce que nous allons faire à partir de maintenant. Nous devons nous regrouper, travailler en équipe, et mettre un terme aux agissements de ce taré de Thanos une bonne fois pour toutes."
"N'est-ce pas ce que nous faisons déjà ?" demanda Bruce en levant un sourcil.
Tandis qu'ils discutaient tous avec animation de la marche à suivre, je me surpris à m'affaler dans mon fauteuil, beaucoup trop confortable à mon goût semblait-il.
Je commençais à m'endormir quand une main vint me caresser tendrement les cheveux.
"Ça te dit un film ?" me proposa Tony en s'installant à côté de moi.
Je penchai la tête sur le côté, démontrant clairement que je ne savais pas de quoi il parlait.
"C'est... Comment l'ai-je expliqué à Thor déjà ? Ah oui ! C'est comme le théâtre, mais les acteurs sont enfermés dans une toute petite boîte au lieu d'une grande scène."
Intrigué par sa proposition, je hochai la tête avec enthousiasme.
"Jarvis !" appela alors Tony en jetant un coup d'œil au plafond. "Éteins les lumières et mets-nous Hercule de Disney je te prie."
"Tu n'es pas sérieux Stark !" se plaignit Clint. "Pour une fois que je ne suis pas entouré d'enfants, quoi que ça reste à prouver, j'espérais un film d'action ! Et toi, tu nous mets un putain de dessin animé !"
"Mais c'est un film d'action !" se défendit Tony avec un air consterné.
Je fus d'abord très étonné par les images dans la boîte. Ces dernières bougeaient avec grande fluidité, comme les peintures d'un vase qu'on tourne très vite sur lui-même. Finalement, l'histoire me happa loin de la réalité et je me laissai bercer par le film. C'était l'histoire d'un homme qui voulait devenir un Dieu. Je soupçonnais très fortement Tony d'avoir calculé à l'avance son coup. Hercule et moi partagions beaucoup de choses en commun pour que cela soit une simple coïncidence.
J'ai souvent rêvé
D'un lointain pays
Où tous les gens m'aimeraient comme
Le plus précieux des amis
Mille échos de leur joie
Monte à l'infini
Et leurs voix chantent en moi
"Tu es né pour cette vie"
Je prend le chemin
De mon rêve d'enfance
Vers des lendemains
Au glorieux destin
Parmi les étoiles
Je cherche l'idéal
Ce monde auquel j'appartiens
Qui est encore bien loin
Sans trop savoir comment, mes yeux se mirent à couler tout seuls et j'épongeai les larmes d'un revers de la main avec un énorme reniflement.
Tony!" s'énerva Natasha. "Éteins ce film ! Tu ne vois pas que ça fait pleurer Loki !"
D'un claquement de doigts retentissant, Tony mit soudain fin au film, et les lumières s'éclairèrent de nouveau. Ses yeux étaient chargés de crainte, comme s'il redoutait d'être à l'origine de mon chagrin.
"Loki ! Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu as mal quelque part ?" demanda Bruce d'une voix paniquée.
Je fis non de la tête tout en désignant l'endroit où un instant plus tôt se trouvaient les images mouvantes. Puis je repris ma feuille et me mis à écrire sauvagement :
"Ils me détestent."
"Qui ça ?" s'inquiéta Tony.
"Les dieux," écrivis-je, laissant mes mots exprimer la tristesse et la douleur qui m'envahissaient à cet instant. "Je n'avais pas ma place à Asgard. Le seul endroit où je me sentais chez moi et accepté, c'était sur Terre, en compagnie des enfants".
" C'est pour cela que tu as passé ta vie d'immortelles à prendre soin de morveux comme nous ? demanda Clint.
Je hochai timidement la tête, n'osant plus croiser aucun de leurs regards.
"C'est vrai qu'à nous cinq, on forme une triste bande de personnes au passé plus ou moins tourmenté," fit remarquer Bruce d'une voix lointaine. "Personnellement, je crois que Hulk est la part de l'enfant en moi qui n'a jamais vraiment guéri. Je pense qu'au fond, il tente juste de protéger ce petit garçon qui se faisait battre par son père…"
Un terrible silence suivi cette déclaration.
"Mes parents sont morts dans un accident de voiture…" se confia Clint à son tour. "J'ai fini par me retrouver dans un cirque itinérant, recueilli par un escroc du nom de Jacques Duquesne. Sous sa tutelle, j'ai été entraîné à devenir un cambrioleur professionnel…"
"Mon père était un soldat inconnu, et je n'ai jamais connu ma mère," déclara Natasha avec une grimace triste. "J'ai été trouvée par un soldat soviétique, alors que j'étais encore bébé dans les décombres d'un bâtiment détruit pendant un bombardement. Il m'a élevée comme sa propre fille. Cependant, il était souvent alcoolique et violent, et il me forçait à voler pour survivre dans les rues de Stalingrad…"
"Mon père est mort à la guerre et ma mère de la tuberculose," avoua enfin Steve d'une voix faible. "Après la guerre, je pensais pouvoir faire ma vie avec une femme et fonder ma propre famille mais… je me suis réveillé dans le futur. Toutes les personnes que j'ai connues sont mortes aujourd'hui…"
"Ya une ambiance de merde tout à coup. Je déteste les ambiances de merde," intervint Tony qui n'avait pas l'air de vouloir jouer aux alcooliques anonyme. L'homme se dirigea alors vers sa bibliothèque pour en sortir un étrange disque noir d'une pochette.
"Pitié Tony, tout sauf du Queen !" grogna Steve en se bouchant les oreilles.
Tony plaça le disque sur une petite platine et soudain, le salon se remplit d'une douce mélodie. Les premières notes de la chanson emplirent l'air, créant une atmosphère à la fois enjouée et mélancolique.
I took a little journey to the unknown
And I've come back changed, I can feel it in my bones
I fucked with forces that our eyes can't see
Now the darkness got a hold on me
Oh, the darkness got a hold on me
Tony revint vers moi et, avec un sourire espiègle, m'invita à danser. Acceptant sa main, je me laissai entraîner au milieu du salon alors qu'il me faisait tourner sur moi-même. La musique emplissait nos oreilles, et je fus surpris de voir que Natasha s'était jointe à la danse, entraînant Clint avec elle.
How long baby have I been away?
Oh, it feels like ages, though you say it's only days
There ain't language for the things I've seen, yeah
And the truth is stranger than my own worst dreams
The truth is stranger than all my dreams
Oh, the darkness got a hold on me
Je jetai un coup d'œil à Steve, toujours assis, nous regardant de loin mais n'osant pas se joindre à la danse. Après tout, il ne savait certainement pas comment les gens bougeaient leur corps au 21e siècle. Tournoyant sur moi-même, mes vêtements se changèrent en une longue robe verte des années 50. Appréciant son regard ahuri, j'allais à sa rencontre pour l'aider à se lever, et nous rejoignîmes les autres pour partager une danse de son époque.
Steve n'était pas le seul à m'observer avec étonnement. J'étais devenu une femme aussi aisément que si j'avais enfilé une nouvelle chemise . J'avais toujours su que j'étais capable de cette métamorphose, mais c'est seulement en cet instant que cette forme me sembla naturelle à adopter. Puis Bruce se joignit au groupe, et je passai de cavalier en cavalier. Tony me souriait tendrement, paraissant agréablement surpris pas l'étendue de mes pouvoirs. Bientôt, nous nous laissâmes emporter par la musique, formant une étrange bande de danseurs.
La pièce était remplie d'une ambiance joyeuse et légère, nos pas se mêlant harmonieusement au rythme de la musique rétro. Les sourires s'épanouissaient sur nos visages alors que nous nous laissions entraîner dans cette danse du passé.
I have seen what the darkness does
Say goodbye to who I was
I ain't never been away so long
Don't look back, them days are gone
Follow me into the endless night
I can bring your fears to life
Show me yours and I'll show you mine
Meet me in the woods tonight
The truth is stranger than my own worst dreams
Oh, the darkness got a hold on me
Je me rendis soudain compte que pour la première fois depuis longtemps, je souriais avec sincérité. J'étais heureux et à ma place.
La dernière chanson est de Lord Huron : Meet me in the woods.
Avez-vous apprécié ce chapitre ? Le titre du prochain sera " L'amoureux ". Je vous laisse deviner ce qui va suivre ?
