Et voilà, le dernier chapitre de cet été ! (De cet été seulement hein, cette histoire est très loin d'être finie.)

Comme la dernière fois on s'est arrêté sur un Katakuri en panique totale après avoir flirt... avoir combattu King : un petit flashback. Ce n'est pas pour rien que le pauvre s'est trouvé incapable de savoir comment réagir, il n'avait jamais été dans une situation pareille auparavant.

Alors si on allait voir comment ça se passait quand il était beaucoup plus jeune et que ses frères se mêlaient BEAUCOUP TROP de sa vie privée ?

Ce chapitre a été éprouvant à écrire pour moi, j'espère qu'il vous plaira.


30 ans auparavant.

"Allez, viens, je te promets que tu vas adorer !" Lui avait dit Oven quelques heures plus tôt.

Il avait accepté de se rendre au point de rendez-vous que ses frères lui avaient donné mais il avait un mauvais pressentiment. Il aurait dû leur dire non. Ce n'était pas la première fois qu'ils pensaient lui faire une surprise et que toute leur entreprise se terminait en désastre. Mais il tenait trop à eux pour leur refuser quoi que ce soit. Plus les années passaient plus ils s'éloignaient tous les trois. Daifuku et Oven passaient leur vie ensemble et expérimentaient tout ce qui leur était humainement possible pendant que Katakuri, le favori de Mama, faisait tout ce qu'elle exigeait de lui sans jamais faire un pas de travers et n'avait de temps pour rien d'autre.

Les rares fois où ils se retrouvaient ensemble, il se sentait à part. Ils n'étaient plus sur la même longueur d'onde depuis longtemps. Ce qui les amusait lui faisait lever les yeux au ciel et ce qui lui paraissait important, à lui, les faisait mourir de rire. Il était pris très au sérieux par toute la fratrie mais ses jumeaux étaient l'exception. Ils ne se privaient jamais de se moquer de sa rigidité. Et des fois, comme maintenant, ils l'invitaient à participer à leurs activités mais il finissait toujours par être de trop. Il les soupçonnait de chercher délibérément à le rendre ridicule pour bien rire de lui dès qu'il avait le dos tourné. Mais c'était plus fort que lui, si on lui donnait l'opportunité de se rapprocher d'eux, il la saisissait malgré tout.

Pourtant, il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il aurait dû rebrousser chemin. La dernière fois que Oven lui avait demandé de les accompagner dans le port où Mama avait fait escale pour une "surprise", il s'était retrouvé pris dans une beuverie avec d'autres pirates inconnus et quelques jeunes habitants ravis de s'encanailler avec les triplés de la terrible de Big Mom. Au bout du compte, Oven avait fini complètement saoul sous une table et Daifuku, dont il suffisait de flatter l'égo pour lui faire oublier tout sens commun, avait fait flamber les trois quart du butin de leur mère à force de payer sa tournée. Katakuri avait été obligé de se démener pour récupérer l'argent perdu afin que Mama ne remarque pas à quel point ils avaient frôlé la catastrophe. Tout ça s'était soldé en grosse dispute, ils avaient failli en venir aux mains. Katakuri les avait traités d'irresponsables et eux s'étaient insurgés contre son attitude de lèche botte. Il avait fallu des mois avant qu'ils n'osent se reparler sans se lancer des regards assassins. Jusqu'à ce que Katakuri culpabilise et que ses frères ne veulent renouer le lien à leur façon.

Maintenant que Mama avait fondé Totto Land et qu'ils avaient une base où s'établir, Oven et Daifuku multipliaient les soirées privées auxquelles Katakuri n'avait toujours pas été convié. Il se demandait si ce n'était pas de ça qu'il s'agissait. Si c'était le cas, il n'avait plus qu'à trouver un mensonge convaincant pour s'éclipser. Il n'avait pas envie de vivre un nouveau désastre en plombant l'ambiance.

Il arriva au pied d'un des tout nouveaux bâtiments de l'île, une génoise de 30 mètres qui exhalait une délicate odeur de vanille. Il s'attendait à trouver ses frères devant l'entrée mais apparemment il devait se rendre à l'intérieur. Il avait horreur de ça, cette histoire sentait le traquenard à plein nez. Il regrettait de ne pas maîtriser le haki de l'observation aussi bien qu'il l'aurait voulu, ça lui aurait sans doute permis d'avoir un avant-goût de ce qui l'attendait. Il se jura de retourner s'entraîner le plus vite possible en poussant la porte d'entrée.

Il arriva dans un grand hall encore en travaux et étonnamment vide. Il pensait tomber sur des homies au travail, ou que Oven lui sauterait dessus dès son arrivée mais il n'y avait personne. Au moins maintenant, il était sûr qu'il ne s'agissait pas d'une fête surprise. Il se détendit un peu.

— WAH ! Hurla Oven en surgissant de sa cachette pour lui chatouiller les côtes avec la délicatesse d'un crabe enragé.

Katakuri sursauta mais ne lui fit pas le plaisir de crier. Il se contenta de jurer en serrant les dents pendant que son gros crétin de frère riait à sa propre blague. Daifuku sortit de l'ombre à son tour, aussi amusé que leur jumeau.

— Tu veux que je t'arrache la tête ou quoi ?! Aboya Katakuri sur un Oven hilare.

— Haha, la tête que t'as fait !

— Je suis mort de rire. Si vous voulez que je reparte, continuez comme ça.

Pour toute réponse, il le gratifia de son habituelle tape dans le dos — il y allait toujours plus fort sans jamais réussir à faire vaciller Katakuri d'un centimètre.

— T'en as mis du temps, on se demandait si t'allais venir.

— J'ai beaucoup de choses à faire, vous savez b... Oven, qu'est-ce que c'est ça ?

La dernière fois que Katakuri l'avait vu, il était coiffé comme il l'avait toujours été mais visiblement, depuis quelques temps, Oven voulait expérimenter et cherchait à mettre en valeur son épaisse tignasse rousse. Sans grand succès. Sa coiffure actuelle était incompréhensible : ses cheveux étaient tout à la fois longs dans la nuque et tressés sur le haut du crâne.

— Cherche pas, dis lui que c'est cool sinon c'est à moi de supporter ses phases de "test" capillaire, murmura Daifuku à son oreille.

Katakuri suivit son conseil et ignora le nouveau look de son frère. Il regrettait déjà d'être venu jusqu'ici. Ils se montraient amicaux mais cette première approche déplaisante donnait le ton et il avait très peur pour la suite. Il fallait en finir au plus vite.

— Pourquoi je suis là ?

— Viens, on va tout t'expliquer.

Ils l'invitèrent à les suivre d'un geste de la main et se précipitèrent dans les escaliers qui menaient à l'étage. Katakuri leur emboîta le pas sans enthousiasme. Il aurait tant préféré faire autre chose de sa journée mais il ne pouvait pas leur en vouloir, après tout, s'il voulait se rapprocher de ses frères, il y a bien longtemps qu'il aurait dû proposer des activités lui-même au lieu d'accepter leurs bêtises.

Il pouvait les entendre murmurer devant lui, qu'est-ce qu'ils pouvaient bien manigancer ?

— Je vous préviens si c'est encore une blague, je vais m'énerver.

— Mais non !

— Sois pas parano comme ça, ricana Daifuku.

— J'ai quelques raisons d'être parano...

Une fois en haut des marches, Daifuku se tourna vers Katakuri tout en s'adressant à Oven.

— On devrait peut-être lui faire le topo tout de suite.

— Mais ce serait plus une surprise !

— A sa place tu ne préférerais pas être mis au courant, pour réfléchir à comment ta démarche d'approche ?

— Ah, si. C'est vrai.

Katakuri était maintenant convaincu que ce qui l'attendait allait être atroce. Quelque part, il était reconnaissant que Daifuku lui permette de pouvoir se préparer psychologiquement à ce que allait lui tomber dessus.

— Les gars, commença-t-il sans qu'on lui laisse le temps de finir.

Oven s'arrêta net devant une porte fermée et le coupa tout aussi vite.

— Bon ! Ecoute frangin, avant tout chose il faut qu'on te parle d'un truc.

La boule qui serrait le ventre de Katakuri se renforça. Ce genre de préambule ne signifiait jamais rien de bon. Néanmoins, il le laissa continuer. Un mot de travers risquait de rendre leur relation encore plus conflictuelle qu'elle ne l'était. Il devait le laisser s'exprimer avant de tout gâcher.

— C'est pas la joie entre nous ces derniers temps.

Tous les trois acquiescèrent tristement.

— On ne se voit quasiment plus et... Comme tu es toujours occupé on ne sait pas tellement ce que tu deviens. Enfin, si. On sait que tu te crèves à la tâche pour Mama. Du coup, nous à côté on est tranquille, haha. Non attends, c'est pas ce que je voulais dire...

Daifuku leva les yeux au ciel et intervint pour empêcher Oven de se noyer dans des propos incohérents.

— Ce qu'il essaye de dire c'est qu'on s'inquiète pour toi.

Une lueur d'espoir soulagea la nervosité de Katakuri. Il avait toujours des doutes mais il pouvait faire confiance à Daifuku pour dire la vérité et il était touché par cet aveu.

— Vraiment ?

— Ouais ! Confirma Oven. T'es jamais là parce que tu passes ton temps avec Mama. Ok, tu fais honneur à la famille, c'est important et on le sait, mais on se demande comment tu fais pour tenir.

— Tu passes à côté de ta vie. Quand est-ce que tu t'es amusé pour la dernière fois ?

Ça ressemblait de plus en plus à un moyen de le traîner dans une de leur fête mais il devait admettre qu'il n'avait pas la réponse à cette question. Il n'avait pas la même conception de l'amusement qu'eux mais même selon ses critères, c'est vrai qu'il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas fait autre chose que travailler.

— Je n'ai pas tellement besoin de m'amuser.

— N'importe quoi, grogna Daifuku. On en a tous besoin. Ecoute, Mama ne va pas te punir parce que tu prends un peu de temps pour toi ! Lâche toi pour une fois !

Oven lui donna un coup de coude pour qu'il n'élève pas plus la voix. Il le repoussa et poursuivit.

— Je ne te parle pas de te boire ou de danser toute la nuit, on sait que c'est pas ton truc, je dis ça pour que tu comprennes que tu as le droit de prendre du bon temps aussi. Tout le monde le sait.

— Et puis si tu tiens à ta réputation... ajouta Oven avec un clin d'œil incompréhensible.

Daifuku jeta un regard consterné à son frère, fatigué de sa faire interrompre. Katakuri était un peu perdu par leur discours. Il comprenait qu'on puisse lui reprocher de trop travailler mais en dehors de ça, il était irréprochable. Il faisait extrêmement attention à ne jamais provoquer de scandale alors en quoi sa réputation était elle menacée ? Aucun d'eux ne se rendait compte que la confiance que Mama plaçait en lui ne tenait qu'à un fil, s'ils étaient au courant de quelque chose ils devaient le lui dire.

— Qu'est-ce que ma réputation à avoir là-dedans ? Demanda-t-il, méfiant.

— Comme on dit que rien ne t'arrête, que c'est toi le plus fort, le meilleur de la fratrie, tu arraches le cœur de tes ennemis, ton dos n'a jamais foulé le sol, bla bla bla...

— Personne ne dit ça, s'agaça Katakuri.

— Bref ! T'es le mec cool, tu vois ? Tellement cool que si les gens savaient la vérité ton prestige en prendrait un coup.

Il n'en fallait pas plus à Katakuri pour qu'il s'enflamme.

— Tu crois que je ne le sais pas déjà que je dégoûterait les gens si mon secret était révélé ?

— Quoi ? Non ! Je parlais pas de ça !

— Ok, stop, s'interposa Daifuku. On s'égare là.

Il était à deux doigts de rebrousser chemin. Il ne comprenait pas ce qu'il faisait là et ce que ses frères avaient bien pu mijoter dans son dos. Si Daifuku n'avait pas été là pour faire le pont entre eux, il serait déjà reparti.

— Qu'est-ce que vous voulez à la fin ? Si vous ne me le dites pas dans les trente secondes qui viennent, je m'en vais.

Tous les deux échangèrent un bref coup d'œil. Daifuku gratifia Oven de son regard "ne fiche pas tout par terre" et Oven, dont toute cette mascarade était vraisemblablement l'idée, avança d'un pas. Il ne s'excusa pas — il avait sa fierté — mais il fit preuve de tact. Quand il réfléchissait avant de parler, son discours était plus cohérent.

— Kata, tout ce qu'on veut, c'est que tu relâches un peu la pression. Et que tu te fasses plaisir. Tu travailles trop, on ne te voit jamais faire quoi que ce soit d'autre. Et contrairement à ce que tu peux penser, parfois, se détendre et passer du temps avec d'autres gens à sociabiliser c'est aussi une forme d'entraînement au combat.

Il croyait sans doute le brosser dans le sens du poil avec cette comparaison et c'était efficace, il avait son attention.

— Tu en apprends tout autant en passant une soirée dans un bar qu'en étant aux côtés de Mama face aux ennemis ! ... Bon d'accord, peut-être pas autant, mais en refusant d'y aller, tu te prives d'expériences essentielles dans une vie de mec. Et justement, comme on sait que tu ne fais rien d'autre que travailler, on sait aussi que tu n'as pas le temps de... Tester d'autres trucs. Si tu vois ce que je veux dire.

Une étincelle de compréhension naquit dans l'esprit de Katakuri. Il écarquilla les yeux malgré lui et pria pour qu'Oven renonce à lui faire son laïus.

— Et c'est de ça que je parle, quand je dis "ta réputation". Si jamais ça se sait que...

Il attendait que Katakuri rebondisse pour lui épargner la gêne d'avoir à le dire lui même mais il aurait préféré s'arracher la langue que de l'encourager à continuer.

— Si jamais ça se sait que t'es puceau, voilà je l'ai dit, tout le monde va se moquer de toi ! Et puis, il ne nous reste pas longtemps avant que Mama nous marie à une inconnue alors il faut en profiter tant qu'on le peut encore.

La dernière fois que Katakuri avait pris une telle claque, c'était le jour où Brûlée avait été blessée par sa faute. La violence de la déclaration de son frère lui avait presque fait monter les larmes. Il était incapable de réagir, il y avait de quoi être mort de honte. Et il ne pouvait même pas lui en vouloir. Tous les deux avaient cru bien faire. Ils se sentaient vraiment concernés, c'était ce qu'ils pensaient être la meilleure chose à faire pour lui : lui offrir ce qu'il serait bien incapable d'obtenir tout seul. Sans comprendre qu'il avait soigneusement éviter de se retrouver dans cette situation.

Il était coincé, forcé de subir cette discussion humiliante. Ce qui devait marquer un nouveau départ entre lui et ses frères devint immédiatement la catastrophe qui pouvait les séparer à jamais.

— Alors voilà, on t'a préparé le terrain, continua Oven sans se rendre compte de rien. On t'a trouvé des volontaires.

— Je te demande pardon ?

— En vrai ça a été facile. Tu devrais vraiment venir à nos soirées, ça nous ferait plus de monde puisqu'il y aurait la queue pour venir te voir.

Il s'écarta d'un pas pour permettre à Katakuri de se passer la porte.

— Tu peux y aller. Ils ont été briefés, tu seras gâté.

— Attends parce qu'il y en a plusieurs ? S'étonna Daifuku.

— Oui. Je me suis dis qu'il voudrait avoir le choix.

— Mais t'es bête ou quoi ? Mets toi à sa place deux secondes, t'apprécierais de te retrouver face à plus d'une seule personne dans ce contexte ?

— Ouais, ricana-t-il avec un sourire graveleux.

— T'es sûr ? Pour une première fois, vraiment ?

— ...Ah ouais, peut-être pas, admit-il après réflexion. Enfin ils se vexeront pas si tu les choisis pas, c'est déjà un honneur pour eux d'être là alors...

— Tu la fermes, gronda Katakuri, au bord de l'explosion.

Il était sur le point d'exploser de rage. Il ne devait pas se laisser submerger mais il lui était difficile de lutter. C'était donc ça leur projet ? Le connaissaient-ils si mal ? C'était la pire idée qu'ils avaient jamais eu et dieu sait qu'ils en avaient eu beaucoup d'autres de stupides.

— Que je sois bien sûr de comprendre : vous avez ramené des prostituées dans cette pièce en pensant que ça me ferait plaisir ?

— Non ! Ce sont juste des gens qui ne seraient pas contre l'idée de passer dans ton lit, c'est tout.

— VOUS ÊTES DES ABRUTIS !

Il aurait préféré ne pas hurler mais c'était plus fort que lui. Il était dans une colère noire. Il ne se préoccupait même plus de ces crocs devenus visibles par dessus son écharpe.

— Comment avez vous pu croire une seconde que c'était une bonne idée ? Ma vie privée ne vous regarde pas !

S'ils avaient eu un tant soit peu l'air désolé, peut-être que Katakuri se serait adouci mais c'était tout l'inverse. Ils soupirèrent à l'unisson, à peine coupables, cette attitude ne faisait qu'augmenter sa fureur.

— Ça ne m'intéresse pas, d'accord ? Je m'en fous que vous trouviez ça pitoyable, il est hors de question que je passe par le même parcours que vous parce que ça vous rassurerait ! Qu'est-ce que ça peut vous faire si je suis vierge ? En quoi c'est honteux ? C'est plutôt l'inverse, je ne passe pas ma vie à enchaîner des conquêtes dont je ne ferai même pas l'effort de retenir le prénom. Si Mama me fait autant confiance et que j'ai une bonne réputation c'est peut-être justement parce que je ne fais pas ce genre d'idioties, ça devrait vous faire réfléchir.

L'image de ses lèvres retroussées sur ses crocs auraient fait fuir n'importe qui... sauf ses frères. Pendant toute sa tirade, Oven avait changé de couleur. Il était devenu rouge de rage lui aussi et s'il s'énervait davantage, il risquait de faire fondre les murs autour d'eux.

— Tout ce qu'on essaye de faire c'est de trouver un moyen de nous entendre avec toi, mais t'es tellement centré sur ta petite personne que tu ne te rends même pas compte que tu es insupportable. On te fait un cadeau et tu réagis comme si on t'avait insulté !

— Mais c'est une insulte ! Je suis assez grand pour me débrouiller tout seul, je n'ai pas besoin de votre aide !

Il saisit la poignée de la porte, bien décidé à régler toute cette affaire.

— Attends tu te fous de nous ? Tu y vas quand même ? Se scandalisa Daifuku.

— Oui, parce qu'il faut bien que je leur dise de rentrer chez eux. Et j'espère pour vous que Mama ne le saura jamais parce que si vous vous souciez vraiment de moi comme vous voulez me le faire croire, vous sauriez...

Il s'étrangla et ne parvint pas à finir sa phrase. L'émotion lui serrait la gorge et il ne pouvait que hurler pour camoufler sa peine.

— Vous sauriez... QUE JE NE VEUX PAS DE CA ! JAMAIS ! C'est clair ? Et Mama non plus. Moi je ne marierai pas, j'aurais pas d'enfant et je ne dois pas prendre le risque d'en faire ! J'ai un rôle à jouer et je m'y tiens, je n'ai pas besoin que vous me rappeliez que mon sort est nul, je n'ai pas le choix !

— Mais comment veux-tu qu'on le sache si tu ne nous dit jamais rien ? Hurla Oven en retour.

— Personne te parle de mariage ou d'enfants Kata, ajouta Daifuku, plus calmement. Ce n'est pas aussi sérieux. Tu te cherches des excuses parce que t'as la trouille de passer à l'acte, c'est tout.

Katakuri arracha son écharpe avec rage pour exposer ce que ses jumeaux semblaient avoir oublié à son sujet.

— Et ça, tu en fais quoi ?!

Son geste les fit taire. Ils fixèrent sa mâchoire une seconde avant de baisser les yeux, mal à l'aise de l'avoir pousser à dévoiler ce qu'il se donnait tant de mal à cacher. Il avait envie de pleurer. Ils n'avaient pas le droit d'oublier ça à son sujet, ils étaient les mieux placés pour savoir ce qui lui en coûtait d'être le seul des trois avec une malformation qui avait déjà fait tant de mal.

Leur expression affligée l'encouragea à s'adoucir. Il ne voulait pas non plus que les inconnus derrière la porte l'entendent.

— Ce n'est pas par plaisir que je fais tout ce que Mama me demande, expliqua-t-il. Vous ne pouvez pas oublier ce que j'ai provoqué à cause de ça, vous n'en avez pas le droit. Ca ne me plaît pas plus qu'à vous mais c'est comme ça. Alors arrêtez de vouloir me mettre dans des situations où je risque de provoquer un scandale.

Cette explication atteignit Oven mais Daifuku restait sceptique.

— C'est ce que j'ai dit, tu as peur.

— Tu sais, reprit Oven avec une voix conciliante qu'il aurait tout aussi bien réservé à leurs frères et sœurs de huit ans. La plupart des gens ne sont pas Mama, ils s'en foutent que ta bouche soit comme ça.

L'entendre nier tout ce qu'il avait pu endurer depuis sa naissance à cause de cette mâchoire lui fit renoncer à tenter le dialogue.

— Bien sûr, ricana Katakuri. J'ai tout inventé, c'était pas moi "l'anguille pélican". Ça devait être quelqu'un d'autre.

Il passa la porte et la claqua fermement pour mettre fin à la conversation. Ca ne l'empêcha pas de les entendre de l'autre côté.

— Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée, se désola Daifuku.

— Il me manque le Katakuri qui cassait la gueule de ceux qui se moquaient de lui, comment il a pu devenir ça sans qu'on s'en rende compte ?

Il n'avait pas besoin d'en entendre plus.

Il regrettait déjà de s'être mis en colère mais il était trop tard. Il doutait que Oven persiste à le faire participer à leurs activités à présent. Il pensait que cette conclusion le soulagerait mais ce n'était pas le cas. Il s'éloignait d'eux, encore et encore. Il ne faisait que les repousser. Mais il ne pouvait pas en être autrement, il était incapable de faire ce qu'ils attendaient de lui.

Alors que tout ce que Mama exigeait était accessible. Devenir le plus fort ? Il pouvait. Obéir au doigt et à l'œil, inspirer peur et respect aux ennemis, adopter une attitude réservée et noble qui permettrait d'effacer subtilement toute trace d'imperfection de sa personne ? C'était facile. Mais mener le même train de vie insouciant que ses frères, ne pas penser au lendemain, enchaîner les conquêtes, se montrer un tout petit peu irresponsable ? Jamais.

Il en avait perdu le droit le jour où Brûlée avait été blessée. Et maintenant qu'il y pensait, Oven et Daifuku ne s'étaient pas gênés pour respecter les consignes de Mama après cet évènement. D'accord, ils étaient plus jeunes qu'alors et n'avaient pas voulu risquer de sanction aussi sévère eux aussi, mais Katakuri ne l'avait pas oublié. Comme quoi, ils savaient parfaitement ce que ça impliquait de provoquer la fureur de leur mère.

Mama avait tout prévu pour lui, tout ce qu'il avait à faire c'était de suivre le chemin qu'elle lui avait tracé. S'en éloigner, c'était souffrir.

Il essaya de se convaincre de son raisonnement et pénétra dans la pièce où l'attendaient de pauvres inconnus censés le satisfaire. Il rajusta prestement son écharpe avant que quelqu'un n'aperçoive son secret.

Ils étaient trois, une fille et deux garçons, du même âge que lui et assez grands bien que tout de même largement en dessous de son gabarit. En les voyant, Katakuri se sentit encore plus embarrassé qu'il ne l'était déjà. D'une part parce que la présence d'une femme dans ce trio était une nouvelle preuve que ses frères étaient des imbéciles mais aussi parce qu'ils étaient tous les trois apprêtés comme s'ils s'étaient rendus à une réception organisée par Mama elle-même et semblaient excessivement nerveux.

Ils n'étaient pas vraiment là de leur plein gré. Ils avaient obéi aux exigences de ses frères, comme n'importe qui l'aurait fait sans moyen de se défendre. On ne disait pas non aux enfants de Big Mom si on tenait à la vie. Cela rendit Katakuri encore plus triste. C'était une preuve de plus qu'il avait raison de rester à l'écart du monde ; les pauvres étaient déjà morts de peur à l'idée d'être en sa présence alors qu'ils ne savaient même pas à quoi il ressemblait réellement.

Il fallait qu'il mette fin à tout ça au plus vite.

Quand il arriva à leur niveau, ils se levèrent tous les trois pour le saluer. Aucun ne parvint à prononcer une phrase construite, ils se contentèrent de bafouiller nerveusement pour se présenter en rougissant. Ils n'avaient pas l'air de savoir quel comportement adopter entre la révérence polie ou la séduction — puisqu'ils étaient là pour ça — Katakuri fit de son mieux pour masquer sa propre gêne. Après tout, ce n'était pas leur faute si cette situation était aussi inconfortable. C'était à lui de régler le problème.

Il ne savait même pas par où commencer. La jeune femme se chargea de lancer la conversation pour lui.

— Qu'est-ce qui doit se passer maintenant, vous choisissez quelqu'un où... On reste tous... en même temps ? Seigneur Katakuri, s'empressa-t-elle d'ajouter de peur de se montrer grossière.

C'était un comble. Cette fois il fut incapable d'empêcher son visage de virer au rouge vif. Il n'avait absolument aucune expérience, comment Oven et Daifuku avaient pu penser qu'il serait à l'aise dans un contexte pareil ?

— Hum, non, attendez, bafouilla-t-il. Je ne suis pas intéressé.

Tous les trois échangèrent des regards d'incompréhension. Il préférait ne pas savoir ce qu'Oven leur avait dit.

— Tout ce que mes frères ont pu vous dire était déplacé. Vous ne devriez pas être ici.

Leurs visages confus en disaient long sur ce à quoi ils s'étaient attendu. La jeune femme parut soulagée mais les deux autres étaient tout bonnement terrifiés.

— On va avoir des ennuis ? Pourtant le seigneur Oven nous a dit...

— Ce n'est pas de votre faute. Ce qu'il vous a demandé, il l'a fait sans avoir mon autorisation. Il est le seul qui pourrait avoir des ennuis dans cette histoire.

— Alors il ne va... Rien se passer ?

— Non.

Comme ils avaient l'air déconcertés, il se sentit obligé de s'expliquer.

— Je suis le favori de ma mère et je suis censé montrer l'exemple. Quel genre d'image est-ce que je renverrai en profitant de mon statut pour me faire un harem ? Je n'ai pas besoin de ça. Un jour viendra où je me trouverai quelqu'un mais ça ne se fera jamais comme ça, je suis désolé. Vous devez rentrer chez vous.

Ils étaient abasourdis mais après quelques secondes, quand ils furent certains qu'il n'y avait aucun piège et qu'il était sincère, ils ramassèrent leurs affaires et se préparèrent à partir. Katakuri se sentait mal à l'aise de rester là à les regarder partir sans dire un mot. Même s'il n'y était pour rien, il se sentait comme un pervers.

L'un des deux garçons avaient l'air déçu, il aurait sans doute été flatté si tout ça n'avait pas été aussi ridicule. Et puis, le pauvre n'avait aucune idée de qui il avait vraiment en face de lui.

S'il voyait mon visage, il s'enfuirait en courant, pensa tristement Katakuri, de plus en plus pressé d'en finir.

La jeune femme, en revanche, n'avait pas l'air de se précipiter vers la sortie. Elle était gênée, bien plus que lui ou les deux autres.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda-t-il en espérant que ses frères ne lui avaient rien demandé de plus.

— C'est à dire que... Je ne peux pas rentrer chez moi.

— Pourquoi ?

Elle baissa la tête. A côté de lui elle était minuscule, elle devait être dix fois plus intimidée qu'elle ne voulait bien le montrer.

— Je... Je ne saurais pas retrouver le chemin, votre frère m'a fait venir si vite... Je suis arrivée avec ma famille il y a quelques semaines, nous avons tout juste payé le tribut pour rester sur l'île et on a eu beaucoup de travail, je n'ai pas eu le temps de repérer les lieux.

Il soupira. Cette pauvre fille avait été dupée de bout en bout. Il trouvait une consolation dans l'idée qu'elle devait passer une aussi horrible journée que lui.

— Où est-ce que tu vis ?

— Mes parents ont ouvert un salon de thé dans le quartier du port, dit-elle, un peu surprise qu'il s'y intéresse.

— Ce n'est pas très loin d'ici, je vais te ramener.

Elle était de plus en plus gênée et atterrée. Elle ne croyait sûrement pas qu'il prendrait la peine de le lui proposer. Elle réagit comme si elle l'avait gravement offensé.

— Ah ! Mais je ne veux pas vous embêter avec ça ! Je suis désolée, je vais me débrouiller.

— Tout va bien, ça ne me dérange pas. Est-ce que tu as peur des hauteurs ?

— Comment ? Bafouilla-t-elle. Euh, pas plus que la plupart des gens je suppose.

— Dans ce cas ça ne prendra qu'une minute.

Il lui fit signe de le suivre dehors. Les garçons et ses frères s'étaient déjà volatilisés. Lui se sentait épuisé, tout ce qu'il voulait c'était retrouver sa chambre, se pelotonner entre ses oreillers et oublier son existence pendant un moment. Mais il ne pouvait pas le faire avant d'avoir réparé les bêtises de Oven et Daifuku. Il se demandait si toute cette histoire parviendrait aux oreilles de Mama et comment elle y réagirait.

Son ventre se serra même si, objectivement, il se conduisait de façon irréprochable.

Une fois dehors, la jeune femme sur ces talons, il contempla la toute jeune Sweet City. Le quartier où ils se trouvaient deviendrait bientôt l'un des plus prestigieux du territoire. Ils avaient une vue imprenable sur le futur château de Mama : un gigantesque gâteau, assez haut pour toucher le ciel, au sommet duquel se tiendrait les plus belles fêtes du monde. Là-dessus, Mama semblait vouloir tenir parole.

Il se tourna en direction du port et encouragea la fille à s'approcher. Elle lui rappelait ses sœurs, ce n'était pas difficile de savoir quel comportement adopter pour la rassurer.

— Je vais devoir te porter, ça ira plus vite, tu n'y vois pas d'inconvénient ?

Elle resta silencieuse un instant, à le regarder avec de grands yeux ronds comme s'il était imaginaire.

— Non, dit-elle simplement au bout de quelques secondes.

— Très bien.

Il fit comme il le faisait avec les plus jeunes de la famille, il s'approcha d'elle et lui ouvrit son bras pour qu'elle s'y accroche. Il lui fallut un petit moment avant de comprendre ce qu'il attendait d'elle. Elle posa un pied sur sa main, comme sur un escalier, et il la hissa jusqu'à son épaule. Il lui laissa le temps de s'installer avant d'utiliser ses pouvoirs.

— Accroche toi. Mais ne touche pas mon écharpe, lui conseilla-t-il en la voyant tendre les mains vers le tissu.

Elle obéit, passa ses bras autour de son biceps et attendit, l'air complètement hagard.

— A quoi ressemble la boutique de ta famille ?

— A une tartelette à la crème, il y a une cerise confite sur le toit. Et des pépites de chocolat.

Ce serait facile à repérer. Et ça lui donnait l'occasion de tester un nouveau mouvement auquel il réfléchissait depuis quelques temps. Il se créa deux nouveaux bras de mochi et s'en servit pour s'élever dans le ciel, assez haut pour avoir une vue complète de la ville. La jeune fille étouffa une exclamation et lui planta ses ongles dans la peau en voyant le sol s'éloigner à grande vitesse.

Il se tourna vers le port et chercha l'établissement des yeux. Il aperçu la cerise et hésita une seconde avant de faire ce qu'il allait faire. Mais il avait envie d'aller vite et de retrouver son appartement, le plus tôt serait le mieux. L'élasticité de son pouvoir lui permit de faire un gigantesque bond et de se propulser à toute vitesse à travers le ciel. Au cri perçant que poussa sa passagère, il y était peut-être allé un peu fort.

Il se rattrapa plutôt habilement et descendit avec douceur sur le sol, juste devant l'entrée du salon en forme de tartelette. Il prit aussi conscience d'avoir fait ça devant tout le monde et qu'il y avait maintenant beaucoup trop d'yeux rivés sur lui, en train de ramener une femme à son domicile. Il savait que ça lui retomberait dessus mais il n'avait pas envie d'y penser davantage pour le moment.

La jeune fille le remercia discrètement — elle était légèrement secouée par son voyage à grande vitesse — et il put enfin disparaître pour s'offrir un repas de consolation durant lequel il oublia cette horrible journée.

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Le soir venu, Katakuri s'était enfoui sous une pile d'oreillers et tentait tant bien que mal de chasser son mal-être. Il avait beau essayer de penser à autre chose, il revoyait la scène en boucle. Daifuku qui voyait clair en lui et Oven qui lui reprochait de maintenir une distance entre eux.

Il voulait se forcer à être en colère contre ses jumeaux, à les maudire de ne rien comprendre à ce que c'était d'être lui ; le frère irréprochable avec une bouche monstrueuse. Mais il en était incapable, il pouvait se mentir autant qu'il voulait il connaissait la vérité.

Ça n'avait rien à voir avec ses responsabilités, son image ou ce que Mama voulait faire de lui. Daifuku avait raison, c'était la peur. En vérité, il n'était pas moins curieux que ses frères et se demandait ce qu'il manquait à force de refuser tout contact avec qui que ce soit.

Il n'y avait juste pas accès, il n'en avait pas le droit. Il n'en aurait jamais le droit. Et quand bien même il voudrait tenter "juste comme ça", la perspective de voir quelqu'un se décomposer d'horreur devant son visage le terrifiait. Il préférait la solitude au rejet. C'était plus réconfortant. Mais des fois, il se surprenait à rêver : et s'il était autorisé à se marier ? Et si il n'était pas cette créature étrange qui apportait autant d'ennuis à sa famille ? Ce serait différent alors. Là, il aurait le droit de relâcher la pression et de passer des soirées complètes à faire l'idiot avec les autres.

Mais il ne pouvait pas.

Sa bouche existait et il devait faire avec. Tenter de l'effacer n'avait fait que le défigurer davantage.

Quant à avoir une vie intime, l'idée lui faisait monter les larmes aux yeux. Il ne devait pas y penser, c'était trop triste. De toute façon, ce n'était pas pour lui. Mama l'avait décidé et il s'y tiendrait.

Même si, en tant que frère exemplaire de la famille, il était le plus attaché à ses principes que tout le reste de la fratrie. Mama leur promettait l'utopie, elle était bien partie pour la créer, et elle leur avait promis que chacun d'entre eux vivrait le conte de fée idéal. Qu'il faudrait travailler dur pour faire de ce pays l'endroit dont ils rêvaient après quoi, tout serait parfait. Mais le rêve de Katakuri n'était pas de rester le chevalier de sa mère, il voulait le vivre ce conte de fée.

Et ce n'était pas le genre de chose qu'il pouvait confier à ses jumeaux. Ils se moqueraient. Il y avait bien longtemps qu'eux, et les autres, se fichaient bien des lubies de leur mère. Pas lui. Une part de lui-même, enfouie très loin, avait besoin de se raccrocher à cette croyance que les vœux se réalisent. Même pour lui. Mais plus les années passaient, plus cela lui semblait impossible.

Il devenait de plus en plus fort chaque jour, sa renommée traversait les mers, sa réputation aussi. Et plus on l'admirait, moins il pouvait s'autoriser à vivre comme il l'entendait. Il enfonçait les clous de son propre cercueil.

Il tenta de chasser ses pensées déprimantes en se figurant quelque chose de plus plaisant. Et s'il avait vraiment eu une connexion avec un garçon que lui auraient présenté ses frères ? Un qu'ils auraient mieux choisi, qui ferait au moins sa taille, avec qui il pourrait découvrir ce que c'est que de s'amuser un peu et de se prêter au jeu de la séduction. Peut-être même qu'il aurait pu apprécier sa compagnie et aller jusqu'à le revoir. Qu'il prenne sa main... Et qu'il voit sa bouche. Et ne soit pas effrayé.

Ce scénario lui paraissait si fantaisiste qu'il pleura pour de bon, honteux de craquer pour quelque chose d'aussi stupide. Si seulement Oven et Daifuku ne l'avaient pas autorisé à espérer encore une fois. Non, ça n'arriverait pas, jamais. Il devait s'y faire. C'était trop tard maintenant, son destin était scellé. Que ça lui plaise ou non.

Son conte à lui était d'un autre genre ; il devait y renoncer pour permettre aux autres de concrétiser le leur. Ca au moins, il pouvait.

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Deux jours plus tard, Katakuri avait retrouvé son sérieux et avait chassé sa tristesse. Il avait une technique infaillible pour vider sa tête de ses soucis. Dès qu'il se sentait submergé par le stress — et qu'il n'avait plus aucune réserve de nourriture — il allait passer du temps avec les plus jeunes. Le contact des enfants l'apaisaient. Avec eux, tout était plus naturel. Il devait cacher son visage, comme d'habitude, mais il n'avait pas besoin de se tenir au garde à vous toute la journée. Il pouvait leur parler, jouer avec eux et il appréciait leur compagnie.

Il en profitait aussi pour rendre visite à Brûlée. Avec tout ce que Mama lui demandait, il n'avait plus de temps pour elle. Chaque seconde qu'ils pouvaient passer ensemble était précieuse et, par chance, ils adoraient tous les deux s'occuper des enfants. Brûlée était encore très jeune mais elle montrait un incroyable talent pour captiver ses cadets et leur raconter des histoires, encore mieux que Mama le faisait. Toutes leurs petites sœurs l'adoraient et la suivait comme leur ombre.

Aujourd'hui, c'était la petite Smoothie qui lui collait aux basques.

L'enfant était très fière d'être une des plus grandes à côté de Brûlée et faisait tout son possible pour lui ressembler. Quand Katakuri était arrivé, Brûlée avait été soulagée de la lui mettre dans les bras pour respirer un peu. La petite ne s'était pas débattue, rejoindre les bras des grands frères était un privilège et Katakuri avait la cote. Il avait appris que les filles avait fait un "classement des frères" dont l'existence devait rester secrète mais dont il avait eu la chance d'entendre parler en tant que numéro un sur la liste, grâce à sa voix calme et sa nature douce.

Le numéro deux était Perospero, qui était tout aussi gentil avec les enfants et qui n'avait aucun scrupule à les soudoyer avec des bonbons.

Il avait apprécié de trouver un coin où s'asseoir quelques heures et de simplement se prêter aux jeux de ses petites sœurs. Il s'était laissé mettre des fleurs dans les cheveux et se préparait à nouer une tresse sur les longs cheveux d'une Smoothie très fière après qu'il ait complimentée leur nature brillante et soyeuse. Brûlée était à côté de lui et faisait la grosse voix de la méchante de l'histoire qu'elle était en train de lire à d'autres. Tous les bruits alentours, les rires, les sanglots, les babillements et les disputes éphémères d'enfants qui couraient dans tous les sens l'apaisaient. S'il avait au moins ça dans sa vie, alors tout irait bien.

Il se sentit moins bien quand Oven entra comme un boulet de canon dans la pièce. Des sourires ravis et des cris de joie suivirent son entrée — il était numéro trois sur le classement des frères — et une vague de petits lui foncèrent dessus pour l'escalader. Il en prit quelques uns dans ses bras et les écouta leur raconter leurs dernières aventures en surréagissant à tout. Katakuri ne comprenait pas ce qu'il faisait là et fit de son mieux pour l'ignorer. Il se renfrogna un peu quand Brûlée interrompit sa lecture pour aller lui sauter au cou elle aussi. Il était toujours fâché contre lui et estimait qu'il ne méritait pas toute cette admiration. Il se concentra sur les cheveux de Smoothie pour éviter de ruminer et d'afficher sa mauvaise humeur.

Après avoir salué absolument tous les enfants et pris de leurs nouvelles il s'approcha de Katakuri. Il fit semblant de ne pas le voir en s'extasiant sur la coiffure incroyable que Smoothie arborait. Elle rayonnait de recevoir tant de compliments de ses grands frères. Katakuri l'autorisa à aller montrer à tout le monde sa jolie tresse, trouvant là une excuse parfaite pour discuter avec son frère jumeau.

Il avait un sourire malicieux sur le visage. En un sens c'était rassurant, il n'avait pas l'intention de lui chercher querelle. Mais Katakuri savait que ce n'était jamais bon signe, ce qui enchantait Oven le mettait souvent dans des positions impossibles.

— On peut se parler où tu fais toujours la gueule ?

— Surveille ton langage. Les gosses sont à côté.

— Oui, bon. T'accepte la discussion ou pas ?

— Je t'écoute.

Il aurait aimé des excuses mais il devinait que c'était peine perdue.

— Tu es un génie du mal, déclara-t-il, toujours en souriant.

— Quoi ?

— T'es pas au courant ?

— De quoi tu parles encore, soupira Katakuri, déjà las de cette conversation.

Oven croisa les bras sur sa poitrine, à la fois agacé et fier.

— Tu avais déjà une réputation de super héros mais alors maintenant, en plus, t'es littéralement devenu le prince charmant de Totto Land. Tu le fais même pas exprès, tu m'énerves.

Il ponctua sa phrase en lui donnant un petit coup amical dans l'épaule, qui pouvait se traduire par "bien joué champion". Seulement, Katakuri n'avait pas la moindre idée de ce qui lui faisait dire ça.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— La gonzesse que t'as ramené chez elle l'autre jour, tu l'aurais ramené dans un carrosse en or massif le résultat aurait été le même. Tout le monde a vu ton geste chevaleresque et maintenant on te prend pour le plus grand gentleman qui soit. Même en refusant de te taper ceux qui veulent de toi tu trouves le moyen d'être le plus populaire des triplés. Tu me fatigues. Je t'admire, mais tu me fatigues !

Il rêvait d'un jour où Oven ne viendrait pas lui annoncer une mauvaise nouvelle. Il se doutait que cette histoire aurait des conséquences mais il n'avait pas cru se rajouter une nouvelle pression sur les épaules. Est-ce que ça pouvait être pire ? Il se savait condamné à vivre seul et il venait de se piéger tout seul en se rendant plus appétissant. Qu'on le considère comme un gentleman était ridicule. Personne ne se rendait compte de ce qu'il était vraiment, la chute serait d'autant plus violente le jour où la vérité surgirait aux yeux de tous. Cette perspective le terrifiait.

— Ça ne te fait pas plaisir, n'est-ce pas ? Murmura Oven.

Il secoua la tête pour toute réponse.

— Tout ce que je voulais, c'était être correct, se désola-t-il. Je ne voulais pas induire qui que ce soit en erreur. Je vais devoir faire dix fois plus attention à mon comportement maintenant.

Il se tordit les mains nerveusement, incapable de regarder Oven dans les yeux. Il ne devait pas lui en vouloir, ce n'était pas sa faute. Mais si seulement il pouvait comprendre.

— Ecoute, je suis désolé pour l'autre fois. C'était débile, on aurait pas dû faire ça dans ton dos. On avait pas réfléchi.

Ces excuses arrivaient un peu tard mais elles lui réchauffèrent le cœur. Il esquissa un sourire que Oven ne pouvait pas voir.

— J'ai compris que vous aviez fait ça à la va vite en voyant qu'il y avait une fille dans votre sélection.

— Oui, euh, pardon, c'était mon idée, dit-il en se grattant la nuque nerveusement. Sur le coup je me suis dit "c'est au cas où" parce que c'est ce que moi j'aurais voulu mais c'était débile.

— J'avais deviné que cette décision portait ta signature. Daifuku n'aurait pas fait l'erreur, se moqua Katakuri.

Il n'avait pas envie de se morfondre davantage. Son cœur était assez lourd comme ça, il ne voulait pas rester fâché avec Oven. Il devait se faire à l'idée qu'il ne changerait jamais. A sa manière très maladroite, il se souciait vraiment de lui et c'était un réconfort auquel il acceptait de s'accrocher.

— Promets moi de ne plus essayer de me caser et j'oublie tout.

Il hésita. Katakuri voyait bien qu'il y avait d'autres questions qui lui brûlaient la langue mais il s'abstint de les poser. Lui non plus n'avait pas envie de provoquer une nouvelle dispute.

— D'accord, accepta Oven.

Le retour de Smoothie dans leurs jambes mis fin à leur discussion. Elle tendit les bras vers Oven pour qu'il la porte, ce qu'il accepta avec joie et s'éloigna, laissant un peu d'espace à Katakuri.

Il était partagé entre le soulagement et la terreur. Finalement il n'avait pas ruiné sa relation avec son frère mais il s'était aussi rajouté une nouvelle étiquette qu'il aurait préféré éviter par tous les moyens. Il ne devait pas apparaître désirable. Mais sa popularité était incontrôlable et il savait, pour l'avoir déjà vécu, que la chute serait terrible. Il espérait que Mama n'en saurait rien même si c'était improbable.

Il devait faire profil bas et prier pour que les choses se tassent d'elles-mêmes. Il ne voulait pas passer le reste de sa vie à regretter son abstinence. Il était prêt à accepter une vie solitaire et s'en sentait capable. Après tout, il avait eu la chance de ne jamais éprouver quoi que ce soit pour quiconque. Tout ce qui le rendait triste n'était que de la théorie et il y avait plus important.

Il regarda les enfants joyeux et insouciants qui s'amusaient tout autour de lui. Ils étaient la raison pour laquelle il tiendrait le coup. Tant qu'ils étaient là, il n'avait besoin de rien d'autre.


Je vous jure je vais cesser de faire souffrir Katakuri un jour. ...Le jour où je vais écrire le passé de King.

J'avais envie de caser un chapitre où il est beaucoup plus jeune (il a 18 ans là) et où il est déjà bien trop adulte et responsable pour son âge. Je voulais aussi parler de sa relation avec ses frères parce que ce trio est sous côté. Et j'adore écrire Oven, j'imagine qu'il va se faire insulter dans les commentaires mais vraiment il est archi fun.

Comme toujours, c'est le bordel dans la tête de Katakuri mais du coup voyez comme il revient de loin. Et puis, pour le prochain chapitre je vais me lâcher. Je fais une pause pour tout le mois d'Août parce que j'ai besoin de vacances et de reposer mon cerveau mais la rentrée ça va être bien. Je vais vous donner de quoi manger c'est promis.

Je pourrais vous teaser mais j'ai peur de créer trop d'attente ou pas assez. Alors juste : on va tout doucement vers le plus fun.

Sur ce, je file ! Merci encore à vous tous de suivre cette histoire et d'être au rdv toutes les deux semaines pour ce ship que j'aime vraiment beaucoup. On se retrouve à la rentrée pour leur retour !