Résumé: Harry se réadapte doucement à la vie quotidienne en dehors du pavillon chinois. Il retrouve sa fille avec bonheur, puis Mark, et Lucius qui est tout à lui depuis l'abandon de ses fonctions ministérielles. Celui-ci finit, comme il l'espérait depuis longtemps, par le demander en mariage, mais au cours d'un week-end improvisé à Bruxelles, Harry se voit contraint de se purger d'une partie de son sang excédentaire et comprend enfin à quel point donner son sang lui est dorénavant indispensable.
Vous vous souvenez d'Andréas, le Messager du Palais de Colibita? On le retrouve tout de suite ;) Bonne lecture!
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– Mon Seigneur ! Vous ne devriez pas être ici ! Ce n'est pas bon pour vous. On dit que même les vapeurs des bains d'argent suffisent à rendre fou !
Severus regarda un instant le serviteur empressé, puis détourna la tête vers la surface brillante qui le fascinait tant. Il haussa les épaules.
Il décala légèrement sa jambe pour soulager sa fesse endolorie par sa position prolongée, en se disant que c'était incompréhensible qu'il puisse ressentir de la douleur alors que son corps était mort. L'état de vampire comportait encore bien des mystères irrésolus... Comme si ces créatures-là n'avaient pas eu un temps infini pour répondre à ces questions !
Severus secoua la tête, puis posa l'extrémité de ses doigts à la surface du bain d'argent. Aussitôt, un léger sifflement se fit entendre, signe que l'argent réagissait avec sa nature de vampire, tandis qu'une fumée discrète s'élevait.
– Mon Seigneur !
Severus n'accorda aucune attention à l'homme qui venait de faire un pas en avant vers lui. Nonchalamment, il pianota quelques secondes du bout des doigts sur le liquide épais avant de les retirer pour regarder la chair se reconstituer.
Il était assis en amazone sur le rebord du bain d'argent, quelque part dans les profondeurs du Palais Seigneurial de Colibita. Le troisième sous-sol... ou le quatrième, il ne savait plus bien; ce palais était aussi truffé d'escaliers que Poudlard ! La salle du Dernier Voyage – comme c'était pudique ! – était en réalité au niveau le plus profond, là où il n'y avait plus d'escaliers, ni de fenêtres, ni aucune allée-et-venue. Andréas était venu le chercher bien loin pour exécuter sa mission ! Mais aussi bien qu'un elfe de maison, Andréas savait toujours où il se trouvait...
– Vous ne devriez pas rester là...
– Pourquoi donc ? Je n'ai rien de mieux à faire.
Ce n'était sans doute pas vrai, mais Severus aimait beaucoup venir ici. Ce bain d'argent – dont la « baignoire » ressemblait davantage à une espèce de sarcophage – le fascinait. La matière précieuse, gris argenté, un peu épaisse, serpentait en gros remous sirupeux de toute beauté. Et puis il aimait venir jouer ici. Le contact piquant de ses doigts sur l'argent lui donnait l'impression d'être vivant, de ressentir encore quelque chose, et qui soit plus plaisant que ses fesses meurtries sur le bord de la baignoire.
Il avait pris cette mauvaise habitude dans le pavillon chinois. Pianoter sur le sortilège d'argent, éprouver la douleur de la brûlure, entendre ce crépitement délicieux, avait été une de ses activités favorites. Cela avait le mérite de le calmer, de lui permettre de reprendre le contrôle de ses nerfs, de sa colère, de sa faim... Parfois, il y mettait la main entière. Une seule fois, il avait plaqué tout son dos contre la baie vitrée, savourant la brûlure comme s'il s'agissait des coups de fouet de Lucius dans l'antichambre. Après, il ressentait le même calme. Une sorte de descente, de désescalade depuis ses sentiments extrêmes jusqu'à une forme d'apaisement.
Ici, il n'osait pas plus que le bout des doigts – l'argent pur était bien plus corrosif que le sortilège d'argent – mais la beauté absolue et ondoyante de la matière le fascinait.
– C'est parce que vous avez faim ? demanda Andréas. Je peux vous donner mon sang.
Severus releva la tête, retenant une grimace d'avoir plongé involontairement ses doigts un peu trop profond.
– J'ai déjà un calice.
– Qui n'est pas là. Ou dont vous ne voulez pas...
L'insistance d'Andréas ne le surprit pas; Mihai l'avait prévenu en riant que l'homme était fasciné par les vampires qui dégageaient une aura puissante.
Au début, Andréas avait été plus discret, plus mesuré, jouant sur sa séduction et son charme. Il n'était pas dénué d'intérêt, au demeurant, mais Severus ne voulait aucun rapport humain qui aille plus loin qu'une conversation; et encore, uniquement s'il s'agissait de Mihai ou d'un autre Ancien.
Depuis quelques jours, Andréas n'y allait plus par quatre chemins et tentait de l'appâter par son sang. La faim de Severus devait se voir comme le nez au milieu de la figure : il avait les yeux complètement rouges depuis longtemps, sa peau était plus pâle que jamais, presque translucide avec des reflets bleutés, ses traits étaient creusés et une certaine somnolence le prenait parfois dans la journée, quand il éprouvait le besoin viscéral de se cacher de la lumière... La faim faisait partie de lui.
Il aurait pu se laisser tenter... Andréas était plus que consentant ! Et dans son état de manque, n'importe quel sang aurait fait du bien à Severus, même si ce n'était pas le sang de Harry, même si Andréas n'était pas un sorcier et n'avait pas de magie... Quelques gorgées pour calmer le gouffre dans son ventre, pour le plaisir de sentir le liquide chaud pulser sur sa langue et dans sa bouche... pour se sentir renaître.
Mais Severus refusait de céder. Tout était une question de volonté. De mortification, peut-être, aussi... Mais il avait un certain degré d'exigence envers lui-même, une idée précise de ce qu'étaient la fidélité et la droiture, et il n'allait pas faillir encore une fois.
Harry était son calice. Si Harry ne voulait pas de lui, il mourrait, c'était aussi simple que ça. Et Severus n'allait certainement pas attendre de dépérir comme le faisait Mihai !
– Je ne prendrai pas ton sang, Andréas. J'ai déjà un calice.
– Eh bien prenez-en un deuxième ! fit Andréas avec un sourire malin. Ah ! Je vois que les Anciens ne vous ont pas parlé de cette possibilité-là !... En théorie, rien n'empêche un vampire de prendre autant de calices qu'il le souhaite, jusqu'à se faire un vrai harem ! Quand l'un est malade, absent ou meurt de vieillesse, le vampire a toujours un autre calice sous la main. Autrefois, c'était même monnaie courante, et dans certains endroits, cela se pratique encore ! Mais ici, à Colibita, les Anciens ne voient pas cela de la même façon. Ils prônent la fidélité, le respect, le merveilleux lien entre le vampire et son calice, une espèce de relation iconique et pure... et forcément exclusive. Ce n'est pas vous qui avez épousé un homme et qui avez fait d'un autre homme votre calice ? La pluralité, ça vous connaît déjà...
Severus fronça les sourcils devant le ton ironique d'Andréas qui ne lui plaisait pas beaucoup. Mais il allait poser la question aux Anciens pour savoir s'il disait vrai. Pas qu'il veuille faire de cet homme un deuxième calice, mais il n'aimait pas qu'on lui cache des informations simplement parce qu'elles ne correspondaient pas à l'idéal de vie que prônaient les vampires d'ici.
– Ma vie privée ne te regarde pas, fit-il sèchement. Et ma relation avec mon calice encore moins ! Que voulais-tu pour venir me déranger jusqu'ici ?
Andréas grimaça, regrettant sans doute d'avoir poussé la provocation trop loin, et finit par lever la main pour lui tendre un parchemin.
– Une lettre est arrivée pour vous. Et le Seigneur Evanescu vous fait dire qu'il a trouvé les livres dont il vous avait parlés. Il est dans ses appartements si vous voulez le voir.
– Et tu ne pouvais pas le dire avant ?! gronda Severus en se levant brusquement.
D'un geste sec, il arracha le parchemin des mains d'Andréas avant de jeter un œil sur le sceau qui le tenait fermé. C'était bien un message de Lucius. Qui d'autre pouvait lui écrire ici, de toute façon ?! Severus soupira. La joie le disputait à un certain abattement. Lucius, mais pour lui dire quoi ? Et il ne voulait certainement pas lire cette lettre devant ce petit curieux indiscret d'Andréas !
Severus s'apprêtait à transplaner dans ses appartements, une brume noire flottant malgré lui au niveau de ses pieds, quand Andréas se rapprocha.
– Ça vous ennuie de me déposer un peu plus haut ? minauda le messager. Je n'ai pas très envie de remonter tous ces escaliers à pied...
Agacé de ce nouveau contretemps et de ce sans-gêne, Severus leva les yeux au ciel avant de se reprendre. D'une main, il attrapa Andréas et l'attira brusquement contre lui, le bras plaqué sur ses reins, puis il plongea le nez dans son cou, ses lèvres à quelques millimètres du battement de la carotide, ses canines proéminentes affleurant la peau. Severus huma son odeur. Le sang était juste là, moins sucré que celui de Harry mais de toute évidence délectable. Andréas frémissait entre ses bras, la tête déjà penchée en espérant la morsure de toutes ses forces, et il laissa même échapper un gémissement. Severus sourit. Il aimait ce pouvoir, détenir le plaisir d'un autre entre ses dents, avoir un corps offert et consentant à sa merci, se sentir désiré et craint à la fois... et il n'avait même pas usé de son charme de vampire ! Mais le seul sur lequel il aurait aimé avoir cet effet-là – la crainte en moins – était Harry, et Andréas n'était pas Harry.
Il transplana, laissa le messager au rez-de-chaussée, dans la grande salle de réception, et transplana à nouveau dans ses appartements. La frustration servirait de punition à Andréas pour avoir discuté au lieu de lui donner sa lettre immédiatement !
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Severus reposa la lettre de son mari sur le guéridon et se leva pour s'approcher de la baie vitrée. La nuit était tombée depuis plusieurs heures et les épais rideaux qui masquaient la lumière en journée étaient à présent grands ouverts sur un paysage obscur. Ses sens de vampire voyaient pourtant bien loin, au-delà des jardins du Palais, vers les toits pointus et couverts de tuiles de la ville qui l'entourait. Les nuits de pleine lune, la blancheur des maisons rayonnait en un décor irréel, mais aujourd'hui, les nuages cachaient les étoiles et un dernier croissant si mince qu'il aurait été presque invisible même si le temps avait été clair.
Avec agacement, Severus s'aperçut qu'il pianotait d'un geste machinal sur la vitre. Il baissa aussitôt le bras pour croiser ses mains dans son dos, les doigts enserrés autour de l'autre poignet pour s'empêcher de recommencer. Il n'y avait pas de sortilège d'argent ici, et ce n'était pas un jeu !
Il songea à la lettre, à ce que disait Lucius, à ce qui avait provoqué son geste involontaire... Épouser Harry... Maintenant que tout était révélé à la presse et à l'ensemble de la société, Lucius pouvait enfin accomplir ce désir ancien. Sa part vampire grognait bien à cette idée, mais le bien-être de son calice était primordial et Severus était certain que Harry avait accepté avec enthousiasme. Il grimaça un sourire sans joie que la vitre ne refléta pas, puis ferma douloureusement les yeux. Avec ou sans lui, Harry serait heureux puisqu'il avait Lucius...
D'un geste brusque, Severus ouvrit la baie vitrée et sortit sur le petit balcon. Il avait besoin d'air. La douleur du manque était telle qu'il avait l'impression que son cœur était fendu en deux, déchiré, écartelé, du sommet jusqu'à sa pointe, et que la déchirure s'étendait plus bas, dans son estomac, dans son ventre, le partageant en deux moitiés que ne reliait qu'un esprit découragé et prêt à renoncer.
Au-delà de la faim, Harry lui manquait de façon bouleversante, immense, essentielle... Les Anciens lui avaient dit que tout lien nouvellement formé était suivi d'une période de « lune de miel » qui durait quelques jours... une phase de dépendance, d'apprentissage, de construction, le besoin d'être ensemble et pour lui, celui de veiller sur son nouveau calice. Severus était parti dès la fin du deuxième rituel…
Ils avaient hurlé quand il avait dit cela, le traitant presque d'assassin... Puis il avait expliqué les circonstances de sa propre morsure, le premier rituel ruiné par sa faute, les jours qui avaient suivi... les Anciens avaient compris. Sans doute même bien plus que ce qu'il avait avoué. En aparté, Nicolæ avait même certifié à Severus qu'il n'aurait jamais pu aller contre cette violence, que ce qu'ils avaient traversé était la marque du pouvoir de Vladimir sur lui et que seule la magie de Harry, qu'il ingurgitait en quantité astronomique en même temps que son sang – et la présence opportune de Mihai – lui avaient permis de reprendre pied dans sa personnalité.
Severus n'avait même pas cherché à creuser la question. Savoir comment ou pourquoi ne changerait rien à ce qu'il avait fait, et même avec des excuses, il devrait vivre avec, sans jamais réussir à se pardonner. Quand il s'assoupissait parfois, dans le lit ou sur un fauteuil, un livre entre les mains, il faisait toujours le même cauchemar : il se revoyait frapper Harry. La gifle, la chute, la tâche de sang sur la blancheur de l'émail, l'alliance qui rebondissait de façon dérisoire entre ses pieds... Et plus il avait faim, plus il s'assoupissait pour refaire inlassablement le même cauchemar.
Severus posa ses mains sur la rambarde glacée du balcon et inspira profondément pour chasser ses pensées. L'air était froid, presque brûlant. Il n'avait même pas remarqué le vent qui soufflait en agitant les cimes des sapins sur la pente de la montagne à quelques kilomètres de là, et qui soulevait les pans de sa cape comme des ailes de corbeau. La nuit était belle; froide et silencieuse comme il l'aimait, mais il aurait voulu être ailleurs. Auprès de son calice et auprès de son mari.
Quelque part dans le sommeil de la ville, un bébé se mit à hurler, un cri déchirant, bouleversant, un abîme de désespoir et d'angoisse qui serra même son cœur qui ne battait plus. Severus frissonna et fronça les sourcils, ébranlé par cette détresse qu'aucun bras ne semblait venir consoler. Il avait l'habitude des pleurs de bébé, et ceux-là témoignaient d'un besoin presque vital de réconfort et d'apaisement, mais il ne pouvait rien y faire. Il frissonna à nouveau, referma les pans de sa cape autour de lui et rentra dans ses appartements.
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Dans la lettre que Severus aperçut sur le guéridon, Lucius parlait aussi brièvement d'Aria. Il disait que la petite allait bien, qu'elle avait beaucoup grandi et changé, et que Harry l'avait retrouvée avec bonheur et soulagement. Entre les lignes, Severus avait bien compris que son calice avait craint de ne pas revoir sa fille et que ses mères ne veuillent plus la lui confier. Fort heureusement, ce n'était pas le cas, sinon Severus aurait dû rajouter une pierre conséquente à l'édifice immense de sa culpabilité. Il s'en voulait déjà assez d'avoir privé Harry de sa fille pendant près de trois semaines...
Et que se passerait-il s'il décidait de revenir au Manoir ? Depuis l'arrivée d'Aria parmi eux, Severus s'était beaucoup occupé d'elle. Moins qu'il ne l'avait fait avec Iris à l'époque, mais il avait tout de même été très présent. Il s'y était attaché... même si elle n'était pas sa fille, même s'il n'avait aucun droit sur elle, même s'il faisait mine de ne pas être attiré par les nourrissons. Severus avait suppléé Harry, les nuits où il était trop fatigué, il avait bercé Aria, il l'avait endormie, il avait donné des biberons, changé des couches, donné des bains... Il aimait cette enfant presque autant qu'il aimait son père.
Mais maintenant qu'il était un vampire, et après ce qu'il avait fait à Harry... Severus redoutait de ne plus pouvoir approcher Aria. Harry allait certainement le fuir encore, refuser de le voir, de lui parler, être en colère et plein de rancune... il pouvait comprendre tout cela. Mais voir dans le regard de son calice une peur instinctive s'il s'approchait Aria... Severus n'était pas sûr de pouvoir le supporter. Le rejet, éventuellement, mais pas la crainte.
Et la question ne se posait pas que pour Aria. Quelle serait la réaction de Draco, de Daphnée ? De Minerva ? De Scorpius ?... Et même Iris ? Aurait-elle peur de lui à présent, malgré tout ce qu'il avait été pour elle ?... Le rejet de Harry lui apparaissait presque normal, mais la défiance des rares personnes qui comptaient pour lui le bouleversait déjà. Il ne pourrait pas endurer d'être regardé de travers, d'être soupçonné, d'être mis de côté parce que son apparence ou son appétit effrayait. Il avait un calice, il n'était dangereux pour personne !
En réalité, et comme depuis des années, Severus n'avait confiance qu'en une seule personne : son mari.
Lucius devrait s'adapter à ce qu'il était, à ce que la transformation avait fait de lui, mais il ne fuirait pas, il ne le craindrait pas, il l'aimerait toujours. Du moins, Severus l'espérait.
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Comme à chaque fois qu'il était trop sombre, il avait envie de redescendre vers la salle du Dernier Voyage. Le sortilège d'argent et le crépitement piquant au bout de ses doigts lui manquaient terriblement. Même la douleur à sa main quand il portait l'alliance de Harry lui manquait. La brûlure de l'argent était un rappel à la vie, un aiguillon permanent qui rappelait les exigences de sa condition, ses devoirs, ses obligations... et la première d'entre elles était de prendre soin de son calice. Un calice qui ne voulait pas de lui, malgré ce que Lucius semblait dire.
Pour la première fois, Harry avait été obligé de se saigner pour évacuer son excès de sang. Un tel gâchis alors qu'il avait si faim faisait frémir Severus avec amertume, mais même pour être soulagé, rien ne disait que son calice le laisserait le mordre s'il rentrait au Manoir. Les commentaires de Lucius sur les réactions de Harry n'étaient pas réjouissants. Il ne semblait pas réclamer sa présence, ne posait aucune question sur leur correspondance, et encore moins sur son retour. Une façon de faire comme s'il n'existait pas. Pour Severus, cette volonté d'ignorance était très claire, et si Lucius lui demandait dans sa lettre de rentrer rapidement, c'était de sa propre initiative et pas pour lui transmettre un message de Harry.
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En réalité, il ne savait pas quoi faire. Rester ici semblait facile, les bibliothèques du Palais Seigneurial avaient de quoi l'occuper pour une éternité et les conversations avec Mihai et les autres Anciens étaient passionnantes... Mais Severus n'allait pas pouvoir tenir beaucoup plus longtemps sans se nourrir. Il était un jeune vampire, et même s'il avait appris bien des pratiques et des secrets, il ne pouvait pas lutter contre ce besoin essentiel aussi longtemps que des vampires plus âgés.
C'était une question de jours, maintenant. Une petite semaine, huit jours tout au plus... La dernière fois qu'il avait bu, lors du deuxième rituel, il n'avait avalé que quelques malheureuses gorgées de sang, déjà insuffisantes pour combler sa faim.
Il savait aujourd'hui se maîtriser, il savait résister à ses pulsions, même devant un Andréas parfaitement impatient de donner son sang, et encore plus avide d'être mordu au niveau du cou et pas seulement au poignet. Severus saurait même résister à sa faim devant Harry et ne pas lui sauter dessus à peine il le reverrait. Mais il sentait bien sa somnolence prendre de l'ampleur et dans peu de temps, la faiblesse le gagnerait. S'il ne buvait pas un peu de sang d'ici quelques jours, il ne donnait pas cher de sa carcasse, quelle que soit la volonté de ceux d'ici de le maintenir en vie.
Car à son grand désespoir, Severus passionnait les Anciens. Il était devenu leur sujet de curiosité favori, une nouvelle attraction qui pimentait délicieusement leur vie morne et monotone. Il était une rareté, un mouton à cinq pattes, une aberration qui n'aurait jamais dû exister et qui les fascinait.
Il était un vampire; les Anciens avaient tous fini par aboutir à cette même conclusion devant l'évidence. Il était immortel, il n'avait pas de reflet, pas d'ombre, mais des sens et une force bien plus développés qu'un homme normal. Il n'avait pas besoin de dormir, ni de se nourrir, excepté de sang, et il avait même été capable de faire un rituel d'union pour prendre un calice. Il pouvait se déplacer à travers les ombres, même si le phénomène ne lui était pas encore tout à fait naturel, et user de son influence sur les mortels...
Mais il était resté un sorcier et cela, personne ne le comprenait.
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En temps normal, la magie sorcière et la magie vampirique ne pouvaient pas coexister. La seconde était plus forte que l'autre, ou bien la magie sorcière ne résistait pas à la transformation, peu importe, mais elles n'étaient pas conciliables. Un homme ne pouvait pas être à la fois un sorcier, et à la fois un vampire. Sauf lui.
Et Severus s'en serait bien passé ! Les Anciens se demandaient si ce n'était pas lié à ses deux « créateurs » : Vladimir, qui l'avait transformé, mais avec la particularité de vouloir le mettre sous sa tutelle, et Harry, dont la magie si particulière lui avait été transmise lors de leur union magique... Severus était un phénomène unique, produit de deux processus magiques uniques en leur genre et les Anciens en étaient excités comme des puces. À leur connaissance, il était le seul vampire vivant à avoir échappé à une transformation sous influence, et le fait qu'il ait conservé intactes ses capacités de sorcier les avait sortis de leur léthargie coutumière. À chaque entretien avec eux, il était prié de réaliser des sortilèges, de se soumettre à des expériences sorties de leur imagination prolifique ou de raconter en détail le rituel que Harry avait pratiqué dans la forêt lors de leur première union...
Severus s'exécutait de bonne grâce; leurs commentaires lui permettaient souvent de glaner des informations intéressantes et de mener ses propres réflexions un peu plus loin. De par ses conversations avec Mihai et ses recherches dans la bibliothèque, il avait déjà compris qu'il ne fonctionnait pas tout à fait comme un vampire ordinaire. Mihai lui avait longuement parlé de la coexistence en lui de l'homme et du vampire; de la recherche de symbiose, d'harmonie, qui permettraient de lisser les écueils; des dangers de se laisser complètement gouverner par une seule partie comme Vladimir, ou bien comme certains hommes qui reniaient le vampire en eux, et finissaient par se laisser déborder par la soif de sang et commettaient des massacres orgiaques...
Mihai avait fini par deviner, comme Nicolae, un des plus anciens, et comme Severus avant eux, qu'il était différent : en lui, le vampire et le sorcier étaient parfaitement, intrinsèquement, fusionnés. L'idéal absolu qu'ils recherchaient et qu'il avait atteint sans même le vouloir. Severus voyait cela comme une sphère, rougeoyante là où son ressenti tenait davantage du vampire, et noire là où il était davantage homme ou sorcier. Chaque action, chaque émotion, se teintait d'une couleur nuancée, d'une gradation chaude ou sombre, et tout cela était sans cesse mouvant, ondulant selon son humeur, sa faim et sa fatigue.
Il ne savait pas expliquer pourquoi, mais certains sortilèges étaient étonnamment rouges, sans doute parce qu'ils répondaient à ses envies de vampire, tandis que certains de ses sens améliorés, en particulier son odorat, correspondaient mieux à sa partie sombre. Pour se déplacer, il utilisait plus spontanément le transplanage, mais une brume noire apparaissait systématiquement à ses pieds, comme s'il se déplaçait à travers les ombres. De la même manière, lorsqu'il touchait une personne pour la première fois, il ne percevait pas simplement une décharge émotionnelle de souvenirs ou de pensées, comme cela arrivait pour les vampires; il s'agissait davantage d'un accès plein et direct à leur esprit, qu'il pouvait diriger à sa guise et qui tenait presque de la légilimencie poussée à son extrême.
Dans son nouvel univers, tout était nuances, camaïeu de rouge chaud et de noir sombre, mélange de magie vampirique et sorcière. Severus les utilisait avec la même fluidité, éprouvant spontanément une attirance plus évidente pour l'une ou pour l'autre selon la situation et ses besoins, et il était à présent parfaitement à l'aise avec ce qui était le vampire en lui. Parfois, certaines pensées plus sauvages, des sentiments plus primaires, faisaient surface, puis étaient nuancés par son éducation, son caractère et son expérience, et l'ensemble conservait en permanence un équilibre qui forçait l'admiration des Anciens.
Aux hommes, en revanche, il faisait peur. Excepté à ce petit malin d'Andréas qui, tout en le craignant, rêvait de se voir choisi comme nouveau calice ou au moins pour une morsure ou deux. Les autres serviteurs du Palais, eux, l'évitaient comme la peste, le traitaient avec une déférence prudente quand ils n'avaient pas le choix, et lorsqu'il lui arrivait de se promener dans la ville les jours où le temps était couvert, les gens s'écartaient de lui, évitaient de croiser son regard et ne murmuraient sur son passage que lorsqu'il était loin, de peur qu'il n'entende le moindre commentaire.
Certes, la faim se lisait tant sur son visage qu'il paraissait susceptible de se jeter sur le premier venu pour l'assouvir, mais ici, les vampires n'étaient pas des voleurs de sang, et les maisons communautaires étaient ouvertes même aux vampires étrangers. Les habitants étaient habitués à donner et la faim ne leur faisait pas peur, parce que tous les vampires trouvaient aisément de quoi se nourrir... En revanche, s'il avait cette apparence-là, c'était qu'il jeûnait volontairement, et cela effrayait davantage.
Mais pire que cela encore, l'aura sombre drapée autour de lui faisait fuir même les plus courageux. Sa puissance brute était perçue par tous, immense, phénoménale, ni humaine, ni sorcière, ni vampirique... Quelque chose qui dépassait l'entendement; qui n'était pas normal. Et les pensées du moindre passant rejoignaient les pensées des Anciens les plus dubitatifs : il était une aberration qui n'aurait jamais dû exister. Ce avec quoi Severus était somme toute relativement d'accord.
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Seulement, il était là; immortel à quelques exceptions près, objet de curiosité pour les uns, de crainte pour les autres, affamé et pourvu d'un calice qui ne voulait plus de lui, étranger ici et indésirable là-bas... et il ne savait que faire. Rester était facile, mais le condamnait à une mort lente et douloureuse. Rentrer au Manoir semblait la solution, mais l'obligeait à se confronter au jugement de celui qui était son compagnon depuis près de quarante ans, et surtout à celui de son calice. Il allait devoir tenter de renouer des liens, de se faire pardonner, de prouver qu'il n'était plus le vampire sous influence des premiers jours, et cela n'allait pas être simple. Et peut-être, ensuite, pouvoir se nourrir.
Plus que tout, Severus craignait le regard de ceux qui comptaient le plus pour lui. Il pourrait, s'il n'avait pas le choix, s'éloigner de Draco, couper tout contact avec ses enfants, perdre même Iris ou Aria... mais il ne pouvait pas perdre ni Lucius, ni Harry. Lucius était le fondement de sa vie, son alter ego, le socle sur lequel il s'appuyait depuis tant d'années et qui lui permettait de tenir debout. Quant à Harry, il était ce qui réunissait le mieux en Severus l'homme et le vampire : les deux l'aimaient à la folie. À la fois calice et compagnon, Harry lui était indispensable.
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ooOOoo
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Un peu plus tôt,
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Lucius s'étira en soupirant de contentement, puis haussa les sourcils, surpris de trouver dans ses muscles des fatigues et des courbatures dont il n'avait pas l'habitude. Il fallait dire aussi que depuis qu'il avait quitté le Ministère, il avait repris avec Harry un rythme de galipettes pour le moins soutenu. Pour son plus grand plaisir, certes, mais il avait besoin d'un certain temps de réadaptation !
Lucius relut une dernière fois sa lettre à son mari, puis, relativement satisfait, roula le parchemin, le cacheta et le déposa sur le portoloin automatisé qui lui servait à communiquer avec Mihai. Dans quelques heures, sa lettre serait à Colibita puis remise à Severus, et dans le meilleur des cas, il serait là demain, ou dans les jours à venir. Ne restait plus à régler que le problème épineux de Draco et de son nouveau message insistant pour les voir rapidement.
Lucius éludait la question depuis plusieurs jours, bien conscient que cela ne plairait pas à Harry. Le jeune homme n'était pas pressé du tout de devoir s'expliquer sur l'absence de Severus, sur leur séjour prolongé dans le pavillon chinois ou sur ce qu'il était devenu, mais les enfants réclamaient de les voir depuis longtemps, et Draco comprenait de moins en moins sa façon d'éluder la date de leur venue traditionnelle à Torquay.
Lucius savait qu'il devait parler à Harry, mais le moment semblait toujours mal choisi, et ce n'était certainement pas hier soir au restaurant, ou ce matin, pendant qu'ils se prélassaient dans un bain, qu'il aurait pu le faire. Mais maintenant qu'ils étaient rentrés au Manoir après cette petite escapade bienfaitrice, il allait devoir s'attaquer à ce sujet épineux.
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Lucius se leva et quitta son bureau à la recherche de Harry. Il était certainement dans le Manoir car l'heure du déjeuner approchait, et malgré leur petit-déjeuner copieux à l'hôtel, Harry ne raterait un repas pour rien au monde !
Il finit par l'apercevoir dans la Bibliothèque, confortablement enfoncé dans un vaste fauteuil, en train de feuilleter un épais grimoire de botanique. Lucius s'approcha, glissa ses mains sur le dossier du siège puis sur les épaules de Harry.
– Qu'est-ce que tu cherches ? fit Lucius, surpris de le voir s'intéresser de nouveau à un domaine qui soit... « professionnel ».
– Rien de particulier, répondit Harry d'une voix songeuse. Je me laissais juste porter, voir si je trouvais quelque chose qui puisse agir pour réguler ma production de sang... L'inverse d'une potion de régénération sanguine, en fait.
Lucius se permit un sourire désenchanté que Harry ne pouvait pas voir, puis glissa ses mains sur sa peau pour amoindrir d'une caresse ce qu'il allait dire.
– Tu ne pourras pas réguler ta production de sang, chéri... Tu es un calice, ta nature même est de produire du sang en quantités astronomiques. Rien ne peut enrayer ce processus, à part te priver et t'affamer, ce qui n'est pas une solution en soi. Le rituel du caliciat et la morsure de Severus fonctionnent comme une transformation a minima; cela a modifié des choses dans ton corps, dans ton organisme, sur lesquelles tu ne peux plus agir sans te faire souffrir par la même occasion. Et la magie sorcière, les potions, les sortilèges, ne fonctionnent pas bien sur ce qui tient de la magie vampirique...
Un instant, devant le silence de son amant, Lucius crut l'avoir blessé par ses paroles, ou l'avoir mis en face d'une réalité qu'il ne voulait pas voir... Puis, brusquement, il perçut son souffle trop rapide, fébrile, ses yeux clos et sa bouche entrouverte sur une rangée de dents qui mordaient sa lèvre inférieure.
– Harry ? susurra Lucius en esquissant un sourire en coin narquois.
– Nom d'un dragon ! souffla Harry en frémissant. Continue à me parler de sang et de morsure en me caressant le cou comme ça et je te jure que tu vas le payer cher ! C'était déjà un endroit sensible, mais depuis, c'est encore pire que tout ! Et je t'assure que je suis bien conscient d'avoir un excès de sang dans une certaine partie de mon anatomie !
Lucius étouffa un ricanement, bien conscient lui aussi de sa brusque excitation. Harry avait renversé la tête en arrière, contre le dossier du fauteuil et contre son torse, laissant libre accès à ses mains pour caresser son cou, sa gorge, ses carotides palpitantes de battements échevelés et l'ébauche de ses clavicules par l'échancrure de sa chemise. Lucius en profita pour défaire deux boutons et s'aventurer légèrement sur son torse, mais Harry semblait irrémédiablement plus sensible au niveau du cou et il ne retenait plus ses gémissements.
L'enchaînement des gestes leur échappa à l'un et à l'autre, mais il ne fallut pas plus de deux minutes pour que l'excitation ne devienne un feu dévorant dans leurs ventres et que Harry ne se retrouve à moitié à plat ventre sur la grande table de travail de la Bibliothèque, le pantalon sur les cuisses et la chemise remontée sur son dos cambré. Et à peine quelques secondes de plus pour que Lucius ne s'enfonce entre ces fesses découvertes et offertes, la main sur la gorge si sensible de son amant.
Il allait avoir encore plus de courbatures, mais c'était si bon. Et Harry était si excité aujourd'hui ! Il était même particulièrement vocal, encore plus que d'habitude, et les jurons s'enchaînaient avec les cris de plaisir au même rythme que Lucius se démenait entre ses reins couverts de sueur. Il relâcha la gorge de Harry, parce que l'heure n'était plus aux caresses mais à quelque chose de plus vigoureux, et attrapa les deux poignets de son amant pour les rassembler dans son dos et les tenir d'une main ferme, tandis que l'autre se cramponnait à sa hanche pour accélérer ses va-et-vient.
– Han ! Putain ! Oui... Encore !
Et il en redemandait ! Si Lucius avait pu transplaner comme son amant, il les aurait entraînés dans l'antichambre. Il dut se contenter d'un sortilège pour faire apparaître des cordes et lier les bras de Harry dans son dos, mais sa réaction fut édifiante : une orgie de gémissements et de Oui ! qui firent frémir Lucius des pieds à la tête. Cela faisait si longtemps ! Et c'était si bon de sentir Harry à sa merci, si réactif, si excité.
– Oh... Putain !
Lucius s'enfonçait sans plus faire attention à sa profondeur, juste désireux de parvenir à son propre soulagement. À chaque mot, à chaque juron de Harry, il lui semblait que le sang affluait un peu plus dans son sexe, que la pression devenait insoutenable, qu'il allait exploser de plaisir et pourtant le plaisir tardait.
– Oh, putain ! Dépêche-toi ! Encore !
D'une main crispée sur sa baguette, Lucius resserra les cordes autour du torse de son amant et en rajouta une autour de ses testicules. Vu leur position, il ne pouvait pas les prendre dans sa main ou masturber Harry, mais il était certain que la douleur à cet endroit-là allait le faire jouir rapidement. Et lui aussi par la même occasion, sinon il ne donnait pas cher de sa peau !
Le cri de Harry devint un glapissement presque sanglotant, presque suppliant, et entre deux soubresauts des hanches et quelques coup de reins supplémentaires, il éjacula sur le bois d'acajou, suivi quelques secondes après par Lucius qui laissa échapper un gémissement de délivrance.
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Affalé sur le dos de Harry – lui-même affalé sur la table – Lucius mit un long moment à reprendre son souffle et à ouvrir les yeux, pour tomber enfin sur le sourire satisfait de son amant, caché derrière des mèches de cheveux noirs ébouriffés. Lui aussi devait être passablement décoiffé et dépenaillé, et la sueur coulait encore le long de son dos pour aller coller sa chemise sur ses reins. L'inconvénient de ces petites sauteries au beau milieu de la journée, c'est qu'ils se retrouvaient bon pour aller prendre une douche alors qu'ils n'en étaient pas sortis depuis si longtemps !
– Soulagé ? ricana Lucius sans songer encore à bouger de là où il était.
– Presque !
Le ton était ironique et provocant pour répondre à sa moquerie, mais Lucius y devinait pourtant un fond de vérité. Comme souvent, comme à chaque fois depuis sa sortie du pavillon chinois, Harry avait joui sans paraître totalement satisfait. L'orgasme était là, puissant, libérateur, épuisant, mais au moment où il le saisissait, Lucius voyait toujours Harry s'agiter, pleurnicher, quémander quelque chose qui ne venait pas, avant de se résigner à ce plaisir en-dessous de ce qu'il espérait et s'abandonner au repos.
Cette fois encore, Harry s'était cambré en arrière malgré les cordes, la tête rejetée, la gorge déployée, en quête de la caresse ou du geste qui le soulagerait complètement et qui n'avait pas lieu. Il ne semblait même pas en avoir conscience, perdu dans les brumes du désir, du plaisir et de l'orgasme, mais ce petit mouvement de la tête était devenu systématique. Lucius l'avait bien remarqué : à chaque fois, à chaque orgasme, Harry offrait son cou à une morsure qu'il ne pouvait pas lui donner. Et sa frustration était à chaque fois la même.
Lucius avait pris le parti de ne pas s'en offusquer. Il se doutait bien que Harry partagerait dorénavant avec Severus des gestes, des actes, qui leur seraient privés et qu'il ne partagerait pas avec lui. C'était déjà un peu le cas avant lors de leurs « accouplements », mais ce serait sans doute encore plus vrai maintenant. Il ne pouvait rien y faire, hormis les laisser faire et être là pour le reste...
Mais si dans ce reste, Harry appréciait encore les cordes, c'était déjà inespéré ! Et il avait beau avoir dit et redit qu'il avait haï la douleur des morsures, Harry semblait pourtant les appeler de tous ses vœux !
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– Détache-moi, que je puisse me gratter le nez, pouffa Harry en sortant Lucius de ses pensées. Mes cheveux me chatouillent !
Lucius se redressa à demi, brusquement conscient des cordes encore serrées autour de son amant et qui avaient dû laisser des marques même sur sa propre peau.
– Je ne sais pas si tu le mérites ! ricana-t-il. Je vais peut-être te laisser mijoter comme ça pendant quelques heures...
– Pour me punir de quoi ? gloussa Harry.
– Je ne sais pas encore, je trouverai...
Avec un sourire gourmand, Lucius se jeta un sortilège de propreté et se rhabilla correctement tout en détaillant à loisirs la position de son amant. À demi allongé sur la table, le pantalon sur les cuisses et la chemise sur les reins, les fesses exposées et rougies de leurs claquements de bassin, le torse ceinturé de cordes sombres qui retenaient ses bras et ses poignets dans son dos, Harry était l'image même de la luxure. Et Lucius n'avait pas du tout envie de le détacher !
– Luce ! S'il-te-plaît ! gémit Harry en essayant désespéramment de frotter son nez sur son épaule. Putain, qu'est-ce que j'ai faim, en plus !
Lucius éclata de rire devant l'irruption inopinée de l'appétit de son amant après leurs ébats.
– Et il va falloir me soigner ce langage, chéri ! Hors contexte, je ne vais pas tolérer ces grossièretés bien longtemps !
– C'est ça ! Tu me mettras une fessée ! gloussa Harry en massant ses poignets que Lucius venait de libérer. Et qu'est-ce que tu entends par « hors contexte », exactement ?!
– Tu le sais très bien !
Lucius lui jeta un Tergeo tout en camouflant tant bien que mal son sourire lubrique, puis s'approcha de Harry pour refermer les boutons de sa chemise.
– En tout état de cause, je crois que tu mérites bien une petite fessée, même si je ne t'interdirai jamais de t'exprimer pendant nos parties de jambes en l'air...
– Avoue que ça t'excites !
– Entendre ton plaisir, de quelque manière que ce soit, m'a toujours excité, c'est vrai, reconnut Lucius en attrapant la ceinture du pantalon de Harry pour l'attirer un peu plus vers lui. Mais pouvoir disposer de tes fesses à loisirs, pour les baiser ou leur mettre la fessée, m'excite encore davantage.
Harry eut un sourire délicieux, espiègle et taquin au possible, puis plaqua un baiser appuyé sur ses lèvres.
– Tu as de la chance que j'ai si faim ! ricana-t-il en plissant les yeux. Sinon je t'aurais bien traîné dans l'antichambre !
Malgré la fatigue et la satiété, Lucius sentit son bas-ventre se crisper d'une nouvelle lueur d'envie. Mais Harry devait manger – sous peine de devenir grincheux dans pas longtemps – et ils devaient parler de Draco... En espérant qu'après cette conversation, Harry soit encore d'humeur assez badine pour fréquenter l'antichambre !
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ooOOoo
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Lucius ne savait toujours pas bien ce qui s'était produit, ni pourquoi Harry avait accepté si facilement et sans rechigner, mais il n'allait pas faire le difficile. Peut-être la satiété d'un bon repas, ou d'une bonne partie de jambe en l'air, peut-être la petite escapade à Bruxelles qui lui avait donné envie de sortir et de voir du monde... peu importe. Harry avait acquiescé presque distraitement, demandant seulement d'attendre le lendemain – le lundi – pour qu'il puisse récupérer Aria et y aller avec elle.
À présent, c'était chose faite et Harry venait de les faire transplaner tous les trois jusqu'à Torquay, sur la pente de la colline qui menait à la falaise. Il ne leur restait que quelques mètres à faire pour rejoindre le pied de la maison, mais Harry resta immobile un long moment, un sourire ravi sur les lèvres et le regard tourné vers la mer. Un vent frais caressait leurs visages, parvenait à soulever légèrement les cheveux fins d'Aria et leur apportait un parfum d'embruns et d'iode qui sentait bon le dépaysement.
Lucius n'aimait pas particulièrement les bords de mer, mais il se prit à sourire lui aussi, heureux d'être là. Cette maison avait été l'écrin de jolis moments en famille et il espérait de tout cœur que ce soit encore le cas aujourd'hui, malgré l'étrangeté de leur situation.
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Il frappa à la porte par pure politesse, l'ouvrit d'un sortilège informulé et entra sans attendre dans le vestibule de l'étage inférieur. Aussitôt, une cavalcade de petits pieds se fit entendre en haut de l'escalier, assortie de cris excités tandis que Lucius gravissait tranquillement les marches pour déboucher dans le salon. Derrière lui, Aria dans les bras, Harry referma la porte et poussa un long soupir avant de le suivre.
– PapiLuce ! Harry ! Oh, Aria !
– 'Ry ! 'Ry ! Papi' !
– PapiLuce, il est où Sévie ?
Ça, c'était Iris qui se tordait dans tous les sens entre les bras de son grand-père pour regarder derrière eux et voir s'il n'y avait plus personne dans l'escalier…
– Iris, intervint Draco. Je t'ai expliqué que Severus ne serait pas là.
– Et pourquoi il est pas là ?! protesta la fillette en se tournant vers Lucius avec un regard sévère. Il est où d'abord ?
– Il est en Roumanie, ma princesse, fit Lucius en se redressant avec Scorpius dans les bras.
– Et il revient quand ?
Harry serra les dents et s'efforça de garder un sourire qui ne paraisse pas complètement crispé tandis qu'Iris le toisait d'un regard noir. Elle n'allait quand même pas le rendre responsable de l'absence de son grand-père favori !
– On ne sait pas encore, ma puce, fit-il le plus doucement possible en s'accroupissant pour mettre sa fille à la hauteur d'Iris. Viens plutôt dire bonjour à Aria...
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Après cette première anicroche qui ne présageait rien de bon, Lucius et Harry réussirent à se dégager des enfants pour saluer Draco et Daphnée comme il se devait. Ils étaient aussi reposés et rayonnants l'un que l'autre, tout sourire, et Daphnée avait même un joli hâle qui lui allait à merveille. Dans sa longue robe blanche, fluide et vaporeuse, elle semblait tout droit sortie d'un film ancien qui sentait bon la chaleur des tropiques.
Il faisait chaud, d'ailleurs, dans la maison, malgré les baies vitrées ouvertes à l'air du large et Harry confia quelques instants sa fille à Daphnée pour retirer sa veste et retrousser les manches de sa chemise. Il perçut un ou deux commentaires sur sa bonne mine, même s'il avait un peu minci et perdu de son bronzage, mais il continua à sourire sans les relever. De toute façon, chacun allait guetter les changements dans son apparence ou dans ses gestes, à l'aune de ce qu'ils savaient des vampires et des calices. Merlin merci ! personne, à part Lucius, ne l'avait vu à sa sortie du pavillon chinois, et même à ce moment-là, il avait déjà repris du poids par rapport aux pires moments !
Ni Draco, ni Daphnée n'eurent le temps de les inviter à s'asseoir et de commencer à les interroger, qu'une salve de coups sonores se fit entendre sur la porte d'entrée, suivie d'une voix non moins sonore :
– On peut entrer ? Où est le comité d'accueil ?! Y a des bonnes habitudes qui se perdent ici !
Aussi rapides qu'elles l'avaient été pour les accueillir, Minerva et Iris bondirent sur leurs pieds pour courir vers l'escalier.
– Parrain !
Un sourire éclatant illuminant son visage, Blaise surgit dans le salon, attrapa Scorpius par la taille et le souleva dans les airs. Derrière lui, remontant lentement les dernières marches, le visage légèrement crispé pour dissimuler sa gêne, apparut Alicia.
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À cette présence inespérée, Harry sentit son cœur et ses épaules s'alléger d'un fardeau considérable et il se fendit d'un premier vrai sourire depuis son arrivée. Il avait été particulièrement touché par le message de la jeune femme pour son anniversaire, et il était ravi de les revoir. Ils n'en avaient peut-être pas conscience, mais Alicia, et même Blaise, lui avaient souvent été précieux, et leur soutien, pendant la transformation de Severus, discret mais essentiel, avait compté plus que de raison.
Et aujourd'hui, de manière très égoïste, la présence d'Alicia, dont c'était de toute évidence la première apparition dans la « famille » aux côtés de Blaise, allait quelque peu détourner l'attention de lui.
– Oh, putain ! murmura-t-il en la serrant dans ses bras. Tu m'avais manqué ! Et encore une fois, tu vas me sauver la mise !
Alicia se recula légèrement en fronçant les sourcils et chercha dans ses yeux le sujet qu'il ne fallait pas aborder. Rapidement, sans doute parce que c'était un thème récurrent entre eux, elle dut deviner que sa relation avec Severus n'était toujours pas simple et elle esquissa un sourire désolé. Harry lui répondit de la même manière, et il ne leur en fallut pas plus pour se comprendre et savoir qu'ils pouvaient s'appuyer l'un sur l'autre.
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Sans vouloir l'avouer tout à fait, Harry avait compté sur la présence d'Aria pour occuper les regards et les esprits, et pour couper court aux questions inopportunes. Une couche à changer, un jouet à ramasser, aller la surveiller quand elle s'éloignait trop... autant de prétextes pour fuir les conversations. Lucius se débrouillerait pour répondre sans lui. Après tout, c'était lui qui avait insisté pour venir !
Pour Harry, la surprise de la présence d'Alicia était inespérée, comme une cerise sur le gâteau, mais ce fut vers elle que se tournèrent les premières hostilités, lorsque Blaise dut expliquer la raison de sa présence à Iris et Minerva. Les fillettes la connaissaient déjà comme une des joueuses de leur père, elle était déjà venue manger chez eux plusieurs fois, quand avaient lieu les grands dîners de l'équipe, mais même Iris comprenait bien que son statut avait changé. Et, déjà contrariée par l'absence de Severus, elle ne se priva pas de réflexions presque désobligeantes face à celle qui venait lui voler son parrain.
– Et tu vas venir à chaque fois, maintenant ?!
– Iris ! claqua la voix sévère de Draco.
– Ne t'inquiète pas, gloussa Harry à l'intention d'Alicia, à côté de qui il était assis. Elle m'a fait le même coup quand j'ai débarqué dans la famille, de peur que je n'accapare trop Severus !
– Et maintenant ? murmura Alicia en gardant un sourire de façade.
– Elle me supporte... Mais ça s'arrête là !
Avec un sourire amusé, Harry regarda la fillette s'éloigner vers Daphnée après la mise au point de son père, mais Blaise, de l'autre côté de sa compagne, avait dû les entendre et sans le savoir, mit allègrement les pieds dans le plat.
– D'ailleurs, où est Severus ? Il n'est pas venu avec vous ?
Harry retint un profond soupir et s'efforça de faire bonne figure. Autant Lucius semblait avoir prévenu son fils, autant Blaise semblait ignorer que Severus serait absent.
– Non. Il est en Roumanie...
Il avait parlé à mi-voix, mais il sentait bien que les oreilles de Draco et Daphnée étaient plus qu'attentives à ce qu'il allait dire.
– En Roumanie ? Mais pourquoi faire ? s'étonna Blaise. Vous n'êtes pas censés roucouler comme des tourterelles ?
Le mouvement d'Alicia – léger choc du bout de sa chaussure – vers son amant fut imperceptible; Harry le sentit uniquement parce que son genou touchait celui de la jeune femme, mais il lui en fut extrêmement reconnaissant.
– Il avait besoin... de rencontrer un peu ses pairs, expliqua-t-il. Il est parti quelques jours dans la communauté de Colibita.
– J'imagine qu'il ne va pas tarder à revenir, fit Blaise avec un sourire qui se voulait rassurant. Maintenant, il ne peut plus se passer de toi !
Harry tenta de ricaner comme il l'aurait fait normalement à la plaisanterie du jeune homme, mais même à ses propres yeux, il n'était pas convaincant. Blaise faisait de son mieux, il voulait lui remonter le moral, il supposait que Severus lui manquait, que la séparation était difficile à supporter... Harry ne voulait surtout pas le détromper, même si au fond de lui, l'ironie était amère.
Il savait avant de venir que ce genre de discussion pourrait arriver... allait arriver, même s'il n'avait pas trop voulu y penser. Il n'avait pas le choix, de toute façon. Severus reviendrait Merlin sait quand, le plus tard possible espérait-il, et il ne pouvait pas vivre en reclus indéfiniment. Ce n'était pas simple à gérer pour autant et Harry tourna délibérément la tête vers Daphnée qui avait toujours Aria sur ses genoux.
– Ça te manque ? fit-il en souriant devant les gazouillis ravis de sa fille.
– Un peu, gloussa la jeune femme en haussant les épaules. C'est fou, ça passe tellement vite ! Scorpius va avoir deux ans et j'ai déjà du mal à me souvenir qu'il a été si petit...
– Faites-en un autre ! proposa Harry avec légèreté.
À côté de lui sur le canapé, il sentit Alicia glisser un mot en aparté à Blaise tandis que face à eux, Lucius et son fils, enfoncés dans de gros fauteuils moelleux, discutaient tous les deux.
– Ah non ! s'exclama Daphnée en riant. La grossesse a été suffisamment pénible et la naissance un vrai cauchemar ! Je ne tiens pas à remettre ça.
L'un et l'autre se regardèrent, un peu gênés de ces souvenirs douloureux, et Harry préféra embrayer sur un sujet moins délicat. Décidément, tout était compliqué, aujourd'hui.
– Luce m'a dit que Scorpius avait eu un accident de magie, d'ailleurs ?
– Oui ! Le premier d'une longue série ! grimaça Daphnée en passant sa main dans les cheveux d'Aria. C'est devenu impossible de lui confisquer un jouet sans mettre un sortilège dessus ! Heureusement que les elfes sont là pour me suppléer sinon je ne sais pas comment je ferais ! Draco me dit que ça devrait se calmer et j'avoue que j'ai hâte, même si ça reviendra quand il aura quatre ou cinq ans. Je ne me souvenais pas que ça avait été aussi casse-pied pour Iris !
– Je te dirai ça quand ça arrivera pour elle, sourit Harry en tendant un doigt que Aria s'empressa d'attraper. Je suis curieux de voir par quoi elle va commencer !
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– Et la passation de pouvoirs, ça a été ? demanda Draco à son père, tandis que Harry continuait à discuter avec Daphnée et Alicia.
– Étonnamment bien, fit Lucius avec un sourire serein. Je dois avouer que je suis agréablement surpris du choix que le Magenmagot a fait. Je ne l'aurais pas choisi moi-même, mais il m'a fait une excellente impression dès la première minute et ses prises de parole cette semaine m'ont paru très mesurées et très judicieuses. C'est un homme lucide et pragmatique; je ne sais pas combien de temps il restera en poste, mais il m'a tout l'air de quelqu'un capable de rassembler...
– Je t'ai rarement vu aussi élogieux sur un de tes confrères ! ricana Blaise. Qui plus est sur celui qui prend ton poste !
– J'espère ne pas me tromper, mais je pense qu'il a les épaules pour y être. Il y a parfois des hommes que le pouvoir révèle...
– Toujours pas de regrets ? intervint Draco tandis que Scorpius bravait l'enchevêtrement de leurs jambes pour aller apporter un jouet à Aria.
– Non. Et au contraire, je me sens libéré, fit Lucius en souriant à son petit-fils. Je n'aurais pas dû y aller cette fois-ci... J'ai accepté le poste pour de mauvaises raisons, pas par motivation, mais pour barrer la route à d'autres, et parce que j'avais trop de regrets de la première fois... Mais entre temps, la vie a changé et ça ne me correspond plus du tout.
Tout en écoutant d'une oreille les confessions de son amant, Harry tendit les bras pour prendre Scorpius sur ses genoux et le mettre face à Aria, toujours sur les genoux de Daphnée. Il avait rarement entendu Lucius se livrer autant à son fils ou à Blaise – ou à qui que ce soit d'autre que lui ou Severus, d'ailleurs. Cela arrivait peut-être dans une conversation en tête-à-tête, mais il était malgré tout surpris.
– Et puis je crois que nous avons payé assez cher mes quelques mois au Ministère, ajouta amèrement Lucius à mi-voix.
– En tout cas, je peux te dire qu'à New-york, ta démission a fait les gros titres des journaux politiques ! gloussa Blaise pour détendre l'atmosphère. L'Amérique est loin, mais ils gardent toujours un œil sur le vieux continent... et tu as toujours été bien vu des milieux financiers. J'étais là-bas quand tu as donné ta conférence de presse, et en l'espace de quelques heures, je crois que j'ai reçu une dizaine d'appels de cheminette pour une info de première main ou un commentaire !
Lucius esquissa un sourire presque flatté que Harry aperçut et qui lui fit lever les yeux au ciel. Son amant quittait la politique mais resterait toujours un homme mondain et brillant qui aimait faire parler de lui.
– Et maintenant ? fit Blaise. Tu vas reprendre la conduite de tes affaires ? Certains sont prêts à te faire des ponts en or pour que tu investisses en Amérique !
– Je vais déjà prendre des vacances bien méritées ! gloussa Lucius en souriant à Minerva qui venait de passer ses bras autour de son cou pour un câlin. Pour le reste, je vais continuer à travailler avec Mark. Il se chargera de faire fructifier la fortune des Malfoy et moi, je vais jouer les mécènes et les philanthropes. J'ai toujours aimé me faire bien voir !
Blaise osa un ricanement moqueur que Harry approuva silencieusement.
– À propos de vacances, vous venez passer quelques jours ici malgré tout ? demanda Draco. Les filles n'arrêtent pas de poser la question...
– Je ne sais pas encore, fit Lucius en fronçant les sourcils. Ça dépend de beaucoup de choses et en premier lieu du retour de Severus... Si on peut, on viendra, mais je ne te promets rien.
Harry leva la tête juste à temps pour apercevoir le visage fermé de son amant et son petit signe de tête à Draco pour l'inviter à changer de sujet. Ou pour signifier un non sans le dire vraiment, et cette idée le culpabilisa plus qu'il ne l'était déjà.
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– Et toi, tu ne travailles plus, alors ? demanda Alicia à Daphnée.
Elle venait de « longuement » parler de son travail, à sa manière qui faisait si bien sourire Harry, c'est-à-dire en répondant de façon lapidaire et sarcastique aux questions qui lui étaient posées. Il y avait au moins cela de rassurant : même en changeant de statut dans cette famille, même en étant présente comme la « compagne » de Blaise, Alicia ne changerait pas et il en était ravi.
– C'est-à-dire que... J'avais repris quelques temps après la naissance de Scorpius, mais avec la tentative d'enlèvement, et puis les événements récents... Draco préfère que je reste à la maison pour l'instant.
Harry évita le regard gêné de Daphnée – magnifique ellipse que ces « événements récents » ! –, tout autant qu'Alicia évita le moindre commentaire trop féministe sur la place de la femme à la maison et le fait de se soumettre aux désirs de son mari, sans parler de son absolue volonté de ne jamais dépendre d'un homme pour vivre... Mais Harry imaginait bien à quel point cela devait la hérisser et il laissa échapper un sourire en coin qu'il cacha soigneusement en embrassant les cheveux de Scorpius.
– Jamais compris pourquoi tu ne voulais pas bosser à Sainte-Mangouste, lâcha Alicia en secouant la tête. Des psys, y en a là-bas aussi, et pour faire parler les gens, pas besoin de magie. Et au moins, tu serais dans un environnement protégé. Je suis sûre que même Draco serait d'accord avec ça !
La petite pointe d'ironie fit à nouveau sourire Harry, mais les paroles d'Alicia étaient parvenues jusqu'aux oreilles de Lucius.
– C'est une idée intéressante, releva l'aristocrate. Je suis sûr que tu trouverais ta place à Sainte-Mangouste, Daphnée... Et étant donné que je suis le principal financier de l'hôpital, je n'aurais aucun mal à t'obtenir un poste.
Daphnée adressa un sourire désarmant de simplicité à Lucius où Harry crut même déceler un brin de moquerie... Il oubliait trop souvent que son amant et la jeune femme se connaissaient très bien et s'appréciaient beaucoup.
– Je ne suis pas sûre de vouloir d'un poste obtenu par faveur, Lucius. Et j'aime beaucoup l'endroit où je travaille, ainsi que mes collègues...
– Nous en reparlerons, assura Lucius qui se tourna ensuite vers Alicia. Comment est Sainte-Mangouste en ce moment ? L'activité, le personnel... ?
Vaguement surprise qu'on lui demande son avis, Alicia haussa les épaules avec un air désabusé.
– Comme d'habitude. Du boulot par-dessus la tête, des patients qui se bousculent, du matériel qui manque et du personnel épuisé... Un hôpital, quoi.
Lucius fronça les sourcils, tandis que Harry et Blaise étouffaient un ricanement simultané.
– Malgré les dernières subventions et les nouveaux médecins qui sont arrivés ? insista l'aristocrate.
– Je ne peux pas parler pour tout l'hôpital, mais pour ce qui est de mon service ou ceux des collègues avec qui je discute, on n'a vu aucune différence.
Lucius pinça les lèvres de contrariété.
– J'aimerais que tu passes au Manoir, que nous en discutions plus en détail.
Alicia réprima un nouveau haussement d'épaule et se contenta d'acquiescer obligeamment, tandis que Blaise souriait avec ce qui ressemblait à de la fierté. Une fois que tout ce petit monde fut passé à un autre sujet, Harry mit un léger coup de coude à sa voisine et gloussa :
– Invitée personnellement au Manoir... tu montes en grade ! Tu en profiteras pour passer me voir, on ira boire un verre !
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oooooo
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– Ça va ? Tu t'y fais ? fit Harry en souriant.
Après un moment à discuter tous ensemble dans le salon, les enfants avaient fini par s'agiter et tout le monde était sorti dehors. Quelque part dans le jardin, Draco et Blaise jouaient au ballon avec Scorpius et Iris, Minerva faisait de la balançoire et Lucius et Daphnée étaient partis se promener vers le bord de la falaise.
Harry, lui, était resté avec Alicia, ravi de trouver un moment pour discuter tous les deux. Dans un coin à l'ombre, il avait posé sa fille par terre, pieds nus, et elle expérimentait avec ravissement le chatouillis des brins d'herbe sur la plante des pieds et l'arrachage consciencieux de la pelouse.
– À quoi ? À ma venue dans le grand monde ?
– À ton arrivée officielle dans la famille, déjà, gloussa Harry.
– Il n'y a rien d'officiel, protesta Alicia. Blaise et moi, on n'est rien du tout. C'est juste qu'entre ses allers-retours à New-York et mon boulot, on ne se voit pas beaucoup. Alors si je ne viens pas avec lui quand il va chez Draco ou au Manoir, ce serait encore pire.
– Je vois. C'est juste par commodité, en fait ? ironisa Harry.
– C'est ça.
– C'est vrai que si vous avez envie de passer le plus de temps possible ensemble, c'est que vous n'êtes rien du tout ! Et c'est vrai aussi qu'avant toi, on en a vu défiler tout un tas à son bras, que Blaise dévorait tout autant des yeux...
Devant son rire moqueur, Alicia leva les yeux au ciel.
– En tout cas, moi je suis ravi que tu sois là et que tu fasses partie de ces grandes réunions de famille, fit Harry avec un sourire très sincère.
– Et moi, je préfère largement les moments comme ça, où chacun vaque à ses occupations que les grandes discussions tous ensemble, hein ! grimaça Alicia. J'ai l'impression de passer au tribunal ! Mais je suis ravie d'être là et de faire enfin la connaissance de cette jolie demoiselle.
Abasourdi, Harry leva des yeux écarquillés vers elle.
– Tu n'avais jamais vu Aria ?
– Bah non. Toi et moi, on se voit plutôt en dehors, pour sortir, ou chez moi... Je ne suis pas venue au Manoir depuis sa naissance, et quand on devait venir dîner, Lucius a annulé à cause de la morsure de Severus.
À côté d'eux, Aria grimaçait en mâchouillant un brin d'herbe que Harry lui retira d'un Accio informulé.
– Je suis désolé, murmura-t-il. J'ai jamais fait attention que tu ne la connaissais pas...
– C'est pas grave, répondit Alicia en souriant vraiment pour la première fois depuis son arrivée. C'est drôle, quand même... Ça fait longtemps que je sais que tu es père, mais c'est la première fois que je te vois être père. C'est mignon. Ça te va bien... Et elle a l'air adorable.
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Un long moment, ils restèrent à regarder Aria jouer et découvrir le monde, à savourer la douceur de l'air et la présence de l'autre, à perdre leur regard dans le ciel et la mer...
– Et toi ? Est-ce que tu vas bien ?
– Ça va, répondit Harry en arrachant à son tour un brin d'herbe qu'il mâchonna distraitement.
– Tu ne veux pas en parler ?
– Pas pour l'instant.
Alicia esquissa une moue compréhensive puis un sourire complice.
– Tu sais où me trouver.
– Je sais, fit Harry en souriant.
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oooooo
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L'après-midi s'écoula, longue et tranquille, jusqu'à l'heure du goûter que les enfants prirent tous ensemble, et Harry avec eux, parce qu'il avait déjà gentiment faim. Son appétit fit sourire, même s'il s'était drastiquement limité, mais chacun évita les commentaires déplacés.
En revanche, il ne réussit pas à éviter le sourire enjôleur de Minerva qui vint lui demander une petite séance de magie pour lui montrer ses progrès en métamorphose. Dès qu'il acquiesça, contraint et forcé par sa mauvaise conscience, elle courut dans sa chambre pour chercher sa baguette et l'entraîna dehors avec un sourire triomphant.
Ils s'installèrent à l'ombre de la maison, un peu plus bas sur la colline, Harry assis sur un gros rocher et Minerva dans l'herbe à côté de lui. Elle n'avait pas voulu rester dans le jardin, sans doute pour que personne ne risque de les interrompre, et sans savoir pourquoi, Harry présageait un moment singulier... Ou peut-être qu'il commençait juste à bien la connaître.
– Alors, regarde... Celui-là, j'y arrive drôlement mieux ! Avifors !
D'un geste approximatif de baguette, elle transforma un petit caillou en un oiseau bariolé qui sautilla modestement sur ses deux pattes avant de retomber sur le flanc et de redevenir simple pierre.
– J'arrive pas à le faire voler, mais déjà il bouge !
– Bravo ! C'est beaucoup mieux ! l'encouragea Harry. La dernière fois, il avait juste deux ailes et un bec.
– Et regarde celui-là. C'est Papa qui me l'a appris !
Harry vit Minerva mettre une main devant sa bouche pour étouffer la formule, mais il avait beau s'attendre à une sournoiserie, il sursauta comme un diable hors de sa boîte en voyant l'énorme araignée sur sa chaussure.
– Nom d'un dragon ! Minerva ! s'écria-t-il en secouant le pied tandis que la fillette éclatait de rire. Tu m'as fait une peur bleue ! Et c'est ton père qui t'a appris ça ?! Je vais aller lui dire deux mots, tout à l'heure !
– Mais non, c'est pas Papa, avoua Minerva en riant toujours de sa frayeur. Je l'ai trouvé dans un livre... Il est réussi, hein ?
– Ça c'est sûr qu'il est réussi, frissonna encore Harry.
Déployant sa magie d'un geste de la main, il rendit au lacet de sa chaussure son apparence originelle alors que Minerva posait tranquillement sa baguette sur ses jambes croisées. Devant son regard sérieux, Harry sentit poindre la conversation qu'il aurait voulu éviter, mais c'était trop tard.
– C'est vrai que PapiLuce, il est riche ? Tout à l'heure, il a parlé de la fortune des Malfoy...
– Oui, c'est vrai, concéda Harry, soulagé du sujet abordé. Ton grand-père a beaucoup d'argent, beaucoup d'entreprises, mais il donne aussi beaucoup pour les hôpitaux, les orphelinats, tout un tas d'associations...
– Toi aussi, tu es riche ?
– Oui, sans doute, gloussa Harry. Mais ça ne me sert pas beaucoup. À part pour m'acheter quelques vêtements et vous faire des cadeaux, je ne dépense rien...
– Et Papa ?
Harry marqua un temps d'arrêt, étonné que cela la questionne et des conversations qu'elle aurait pu surprendre entre ses parents.
– Honnêtement je n'en sais rien, Minerva... Mais je pense que ton père ne manque pas d'argent. Si jamais c'était le cas, ton grand-père lui donnerait sûrement ce dont il a besoin. Et quand il sera mort, ton père héritera de la fortune de la famille.
– PapiLuce, il sera jamais mort ! protesta Minerva d'un ton buté.
– Ça ne me fait pas plaisir non plus, tu sais, fit doucement Harry. Mais Lucius va vieillir, et un jour il va mourir, comme tout le monde...
– Sauf Sévie !
– Sauf Sévie...
Avec un sourire déconfit et un nœud dans le ventre, Harry comprit qu'on en était exactement là où Minerva voulait en venir : parler de son autre grand-père.
– Il est vraiment immortel ? Il va vivre toujours-toujours, même quand tout le monde sera mort ?
– Oui. S'il peut se nourrir correctement, il va vivre des dizaines, des centaines d'années...
– Et c'est toi qui le nourris ?
– Il boit mon sang pour se nourrir, oui.
La formulation faisait-elle vraiment une différence ? Pour lui, oui, certainement...
– Et nous, il nous mordra ?
– Bien sûr que non, Minerva ! s'exclama Harry, inquiet. Sévie ne vous fera jamais aucun mal ! C'est pour ça que je suis devenu son calice : pour qu'il n'ait jamais besoin de mordre qui que ce soit d'autre que moi...
Harry s'était trompé sur un certain nombre de choses à propos de Severus, mais de cela, il était parfaitement certain : jamais Severus ne ferait du mal à ses petits-enfants ! Mais avec l'insécurité internationale et la menace de la Coalition, Minerva avait dû entendre bien des horreurs.
– Tu sais, il ne faudra pas avoir peur de lui... Il existe certains vampires qui sont méchants et dangereux, comme ceux qui ont fait les attentats à Noël, mais Severus fait partie de ceux qui sont gentils. Même PapiLuce a travaillé avec eux ! Et Charlie est très ami avec un de ces vampires, et il est même déjà venu au Manoir...
– Je sais que Sévie, il est gentil. Papa m'a expliqué et il m'a montré un livre sur les vampires et les calices.
Harry soupira en regardant la colline grillée par le soleil autour d'eux. Il en était réduit à défendre Severus pour ne pas que ses petits-enfants le craignent et le regardent comme un monstre. C'était le monde à l'envers.
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– Ça fait mal quand il te mord ?
De toute évidence, Minerva avait bien enregistré un certain nombre de détails sur les vampires et les calices, mais Harry ne pouvait décemment pas lui dire la vérité.
– Les premières fois, un peu, mais plus maintenant.
– Ça a changé quoi, pour toi, de devenir son calice ?
– Eh bien..., sourit Harry. Tu as dû le voir... Je mange comme un ogre !
La fillette gloussa en se souvenant des gâteaux et des fruits que Harry leur avait chipés sans aucune discrétion.
– Et encore, je me suis retenu pour vous en laisser !
– C'est tout ?
– Je suis aussi capable de savoir s'il a faim, mais c'est à peu près tout, ma puce...
Minerva fronça les sourcils avec un air très concerné.
– Mais là, il doit avoir faim, Sévie, s'il est parti en Roumanie et que toi tu es ici.
Son sourire se voulait rassurant; Harry espérait juste qu'il soit un peu crédible. Minerva avait l'art et la manière de soulever le détail auquel il ne voulait absolument pas penser : la faim de Severus envahissait tout ce qu'il percevait de lui. Elle était un gouffre dévorant qui altérait déjà sa vigilance, et lui, il était fait pour le nourrir et il ne le faisait pas.
– Sévie est assez grand pour savoir ce qu'il a à faire, tu ne crois pas ? fit-il en étouffant loin au fond de lui la sensation de famine de son vampire.
– Et chez lui, ça a changé quoi ?
– Eh bien, il n'a plus de reflet, ni d'ombre, tu dois le savoir, commença Harry tandis que la fillette acquiesçait. Par contre, il sera capable d'entendre la moindre bêtise que tu chuchoteras, même à l'autre bout du Manoir ! Et il verra tes grimaces, même dans le noir !
Le rire de Minerva le fit sourire. Ce qui leur arrivait ne devait pas empiéter sur la joie de vivre des enfants, ni sur leur amour pour Severus...
– Il sera capable de te soulever de terre juste avec le petit doigt, mais tu pourras lui piquer toutes ses parts de banoffee pie, puisqu'il ne mange plus ! Sauf si c'est moi qui les mange d'abord !
– Il ne mange plus du tout ? Et il ne dort plus ?
– Non. Il n'en a plus besoin. Tu ne pourras même plus le surprendre quand il s'endort dans son fauteuil après le déjeuner !
Minerva éclata d'un rire frais et léger qui roula longtemps dans l'air chaud sur la colline.
– Et il est beau ? Dans le livre, ils disent que les vampires peuvent ensorceler les gens tellement ils sont beaux...
– Oui, il est beau, ma puce, fit Harry en riant. Mais Severus a toujours été beau ! Et ne t'inquiète pas, il ne va pas t'ensorceler... C'est juste qu'il dégage un certain... magnétisme. Et puis la transformation a un peu changé son apparence. Quand il a faim, il a les yeux rouges... Mais il a perdu la ride qu'il avait là, tu sais, entre les deux yeux, expliqua-t-il en montrant son front du doigt. Il n'a plus ses cheveux blancs aussi, ils sont redevenus complètement noirs, comme quand il était jeune. En fait, on a l'impression qu'il a rajeuni un peu et qu'il est devenu très puissant. Alors oui, il est très beau.
Ce sourire-là était vraiment convaincant – et naturel – et Minerva semblait rassurée, plus pressée de revoir son grand-père qu'inquiète de ce qu'il avait pu devenir.
– Quand est-ce qu'il revient alors ?
– Je ne sais pas, ma puce. Quand il aura fini ce qu'il avait à faire là-bas...
– Ou quand il aura trop faim, gloussa-t-elle.
Harry ne put rien y faire : son sourire devint crispé avant de fondre comme neige au soleil. Il ferma les yeux une seconde et soupira.
– Ça te plaît pas de faire ça ? Vous vous aimez plus ?
– C'est compliqué, Minerva... Tout ça a changé des choses entre nous. Il faut qu'on s'habitue à ces changements et ça prendra un peu de temps... Mais ne t'inquiète pas, tout se passera bien. J'ai promis à Severus d'être toujours là pour le nourrir et je le ferai. Je tiens toujours mes promesses, n'est-ce pas ?
Brusquement, violemment, la fillette se jeta dans ses bras. Avec une infinie douceur, Harry la serra contre lui et lui caressa les cheveux. L'émotion de Minerva était montée d'un coup, sans qu'il l'ait vue venir, et l'angoisse de ce qu'elle avait pu percevoir depuis des jours et des jours ressortait abruptement.
– Tu promets que Sévie va revenir ?! J'ai tellement eu peur qu'il soit mort et que personne voulait nous le dire ! Papa voulait pas en parler. Il était terrifié. Un jour, quand tu étais enfermé avec Sévie et que personne n'avait de nouvelles, il a passé toute la journée enfermé dans son bureau et il voulait même pas voir Maman !
Harry se mordit la lèvre en entendant le mot « terrifié », le ventre noué de détresse et de culpabilité. Ça ne ressemblait tellement pas à Minerva de parler comme ça qu'elle l'avait forcément entendu quelque part... Et finalement, ce qu'il avait subi n'était pas pire que l'angoisse qu'avaient vécue tous leurs proches, et plus encore Lucius. Ils avaient tous souffert de l'incertitude, du silence, de rester dans le désarroi pendant des jours et des jours... Et Draco qui avait dû s'efforcer de rassurer ses filles sans l'être lui-même...
Harry serra fort la fillette qui ne voulait pas quitter ses bras, puis il prit son visage entre ses mains et la regarda droit dans ses yeux bien trop brillants.
– Tout ira bien, Minerva, je te le promets. Severus va revenir bientôt et s'il traîne un peu trop là-bas, j'irai le chercher moi-même et par la peau des fesses ! Je te promets que tu le reverras dans pas longtemps... Et tu pourras même le taquiner sur ses yeux rouges ou sur sa beauté !
Harry savait qu'il s'engageait beaucoup, mais il n'avait pas le choix. Minerva en avait besoin et elle n'était sans doute pas la seule. Mais après tout, il tenait toujours ses promesses, n'est-ce pas ?
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Le bras autour des épaules de Minerva pour prolonger le câlin, ils remontèrent lentement vers la maison, puis l'escalier qui menait vers le salon. Aria jouait sur le tapis avec Scorpius, tout le monde était là, un peu éparpillés dans la pièce, souriants et tranquilles, alors que Harry avait l'impression de porter le poids du monde sur ses épaules. Ou le poids de toute cette famille-là...
Doucement, il s'approcha de Lucius qui se tenait dans un fauteuil près de la baie vitrée, les jambes croisées et une tasse de thé à la main. Harry savait que l'aristocrate n'était pas friand des démonstrations d'affection en public, mais là, il avait besoin d'un câlin à son tour, et Severus n'était pas là pour ça.
Avec Lucius, les effusions n'étaient pas de mise, excepté dans la stricte intimité. Cela tombait sous le sens, comme une évidence, et en temps normal, même devant la famille, Harry ne s'y serait pas risqué. Cela ne lui serait même pas venu à l'idée. Au pire, il se serait permis une main caressante sur son bras, une vague pression pour souligner sa présence, un regard qui en disait long... Severus avait toujours été là pour satisfaire ses besoins de tendresse, et autant avec Lucius, les gestes publics auraient paru étranges, autant avec Severus, ils avaient toujours été naturels et spontanés... Mais aujourd'hui, bien des choses avaient changé.
En évitant le regard de Daphnée qui se levait pour aller à la cuisine, Harry vint se coller contre le dossier du fauteuil de son amant et se pencha pour passer ses bras autour de son torse, la tête nichée sur son épaule. Lucius leva une main surprise qui vint le caresser doucement.
– Tout va bien ?
– Tu me manques, murmura Harry, ses lèvres effleurant la peau tendre du cou de son amant. Je n'ai pas passé cinq minutes avec toi depuis qu'on est là... Je suis fatigué, j'en peux plus. Et cette gosse va me tuer !
– Tout ça pour un peu de magie ? gloussa Lucius.
– Elle se foutait de faire de la magie; elle voulait me coincer en tête à tête et me poser des questions, c'est tout.
– Sur Severus ? murmura Lucius.
Harry se contenta de grogner son assentiment. Qui ressemblait peut-être un peu trop à un gémissement, d'ailleurs.
Lucius caressa son bras un instant, puis glissa sa main pour lui faire soulever la tête et déposa un baiser sur ses lèvres. Harry avait envie de plus, de bien plus, de rester des heures dans les bras de son amant jusqu'à pouvoir oublier cette conversation avec Minerva, mais un baiser, c'était déjà inespéré devant pareille assemblée. Il s'en contenterait. Il n'avait pas vraiment le choix.
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– Vous allez bien rester dîner ? fit Daphnée depuis la cuisine.
Depuis le tapis où il jouait avec les enfants, Blaise jeta un regard à Alicia, puis accepta avec joie après son accord. Harry, lui, soupira intérieurement. Ils avaient prévu de ne passer que l'après-midi à Torquay, quelques heures pour reprendre contact, en douceur et tranquillement, mais une fois l'après-midi passée, il était difficile de refuser. Aria était fatiguée parce que sa sieste avec Scorpius avait été brève, mais elle restait encore agréable et conciliante, ils n'avaient rien de prévu pour le soir, Lucius n'avait pas besoin de se lever tôt pour une quelconque réunion le lendemain... ils n'avaient aucune raison de refuser.
Sauf que Harry était fatigué, qu'il n'avait pas encore digéré sa conversation éprouvante avec Minerva, et qu'il voulait fuir toutes les maladresses qui risquaient encore de se produire s'ils restaient quelques heures de plus ici... Mais il avait promis à Minerva que tout allait bien.
Lucius n'avait encore rien dit, dans l'attente de sa décision. Harry finit par relever la tête avec un sourire de façade.
– Bien sûr. Mais on ne rentrera pas tard, je ne veux pas trop décaler Aria dans ses heures de sommeil...
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Parce qu'il aimait bien cuisiner et que Daphnée avait donné congé aux elfes de maison pour la journée – et parce qu'il espérait que cela lui permette de fuir les conversations – Harry la rejoignit côté cuisine, derrière le grand comptoir blanc qui les séparait du reste de la pièce en restant présents malgré tout.
– Qu'est-ce que tu as prévu de bon ?
Tandis que Daphnée lui expliquait ses intentions, Harry se mit à éplucher quelques kilos de pommes de terre.
– Tu crois que ça va suffire ? s'alarma-t-il à l'énoncé du menu. On est... dix quand même ! Même si Scorpius et Aria ne comptent pas vraiment, Blaise et Draco comptent pour deux ! Chacun !
Et lui, il comptait au moins pour trois ou quatre, étant donné qu'il traînait déjà une faim lancinante que le maigre goûter n'avait pas suffi à combler.
Daphnée éclata de rire devant ce qu'elle prenait visiblement pour une boutade et entreprit de faire mariner la viande pour les grillades.
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Ils travaillèrent l'un et l'autre un moment en silence, concentrés, jusqu'à ce que Blaise ne les rejoigne pour proposer son aide, surprenante mais bienvenue. Un peu plus loin, dans le salon, Harry vit Alicia en train de discuter avec Draco et Lucius qui tenait Scorpius sur ses genoux. Distraitement, il sourit de voir son amant si heureux de s'occuper de son petit-fils.
Lucius avait l'air d'excellente humeur aujourd'hui. Venir ici, voir son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants lui faisait visiblement très plaisir... Harry ne pouvait décemment pas regretter d'avoir accepté cette journée à Torquay, même si elle s'éternisait un peu plus que prévu.
– C'est nouveau, ça ? murmura Daphnée qui venait de lui mettre un petit coup de coude.
– Hein ? sursauta Harry en cherchant de quoi elle pouvait bien parler.
Lucius ne faisait rien de plus que feuilleter un livre d'images avec Scorpius en lui montrant certains dessins du doigt, il n'était pas habillé de façon particulière, il avait attaché ses cheveux avec un ruban pour plus de commodité, mais cela lui arrivait régulièrement quand il était avec ses petits-enfants... Harry fronça les sourcils et tourna la tête vers la jeune femme pour comprendre.
Daphnée, elle, avait le regard fixé sur ses mains qui pétrissaient une pâte, et en particulier sur sa main droite.
– Ce n'est pas la même alliance que tu portais avant, releva-t-elle à mi-voix tandis que Blaise se penchait à son tour pour observer son annulaire.
– Daphnée a raison, fit-il avec un sourire narquois. Si tu avais porté les armoiries des Malfoy avant, je l'aurais remarqué. Et Lucius ne se serait certainement pas risqué à afficher votre liaison ainsi !
Le sang avait dû quitter son visage... ou bien il avait violemment rougi, Harry ne savait pas trop; mais il était brusquement figé et sa respiration s'était bloquée une seconde.
– Taisez-vous tous les deux ! murmura-t-il. Et gardez ça pour vous. Je ne sais pas si Luce est disposé à en parler pour l'instant.
– Il y a du changement dans l'air ? gloussa pourtant Blaise.
– Peut-être, admit Harry en reprenant son pétrissage. Vous verrez bien. Mais il n'y a rien de défini pour l'instant.
Sous les regards insistants et moqueurs de Daphnée et Blaise, il finit par se mettre à sourire à son tour, ému malgré lui par leur joie complice et par cette union à venir. Harry avait beau dire que ce n'était qu'un engagement privé entre Lucius et lui, porter les armoiries des Malfoy était un symbole bien plus vaste que cela. Et Severus l'avait bien compris en son temps.
– J'attendrai le bon moment pour te féliciter, alors, pouffa Blaise en l'embrassant sur la joue. Mais tu vas finir par porter un nom qui ne rentrera plus sur les parchemins administratifs ! Brian Evans-Harry Potter Black Rogue Malfoy, ça commence à faire !
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Un vent de mer un peu frais s'étant levé, ils dînèrent dans le salon, après avoir légèrement agrandi la table de la salle à manger et transformé une deuxième chaise haute pour Aria. Après la préparation du repas, Harry avait donné le bain à sa fille et à Scorpius, tous les deux ensemble dans la grande baignoire. Ils avaient passé un bon moment à s'éclabousser mutuellement et à éclater de rire, et si, avec Draco, ils avaient été quelque peu mouillés par leurs jeux enthousiastes, Harry en gardait encore un souvenir ému.
À présent, il se rassasiait – autant qu'il le pouvait – et une conversation gaie et plaisante allait bon train autour de la table. Il faisait attention malgré tout à laisser chacun de servir avant lui et à ne jamais finir un plat. Il préférait passer en dernier et prendre une portion congrue plutôt que d'attirer l'attention sur son assiette et son appétit.
Dès qu'il avait vu tous les plats sur la table, Harry avait senti son ventre se serrer. On était en été, il avait fait très chaud toute la journée, et tout le monde s'accommodait bien d'un repas léger de salades diverses, de crudités et de grillades. Sauf lui. Il avait faim, et comme le disait si bien Lucius, ne pas manger assez le rendait grincheux. Sans compter qu'il devait en même temps donner à manger à Aria et que certains plats se vidaient avant même qu'il n'ait eu le temps de se servir. Et quand Minerva piqua de sa fourchette la dernière petite pomme de terre au paprika dans le saladier, il aurait pu en pleurer de fatigue et de contrariété. Et à l'aune de sa propre faim, il comprenait mieux ce que pouvait ressentir Severus.
– Et comment ça se passe pour Severus ? fit brusquement Draco au cours d'une conversation dont Harry n'avait rien suivi. Si vous venez ici quelques jours, est-ce qu'il faut que je fasse installer des rideaux occultants ? Le soleil donne sur les baies vitrées tout l'après-midi, ça va forcément le gêner. Il faut qu'il vive dans l'obscurité en permanence ou bien il tolère un peu de lumière ?
Harry baissa la tête sur son assiette désespéramment vide, dans l'espoir de se faire oublier et que ce ne soit pas à lui qu'on posait la question. Le silence autour de la table et les regards expectatifs le détrompèrent rapidement.
– Hein ? s'étonna-t-il avec une surprise hypocrite. Oh. C'est compliqué, quand même... Dans le pavillon chinois, Severus préférait que les rideaux soient tout le temps tirés, quitte à laisser une lampe ou un chandelier allumés... Une lumière faible, en soi, ne le gêne pas trop, sauf s'il s'agit de la lumière directe du soleil. Mais j'imagine qu'avec le temps, il tolérera peut-être un peu plus que la pénombre.
– Mais au Manoir, vous faites comment ? insista Draco. Vous tirez les rideaux ? Ça lui suffit ou vous devez jeter des sortilèges en plus ? J'imagine qu'il ne peut plus mettre un pied dehors, ou même dans la véranda ou la rotonde...
Ce n'était sans doute pas méchant, Draco n'était certainement qu'à la recherche de détails pratiques pour préparer au mieux leur venue éventuelle, tout cela partait d'un bon sentiment... Mais Harry soupira, le ventre noué. Il ne pouvait certainement pas avouer qu'il était incapable de répondre à toutes ces questions.
– Et il va pouvoir rouvrir la Librairie ? se demanda soudain Blaise. Ou bien il compte la vendre ?
– Je ne sais pas trop, admit Harry. On n'en a pas vraiment parlé... J'imagine qu'il aimerait bien rouvrir, mais ce n'était pas le plus urgent à gérer.
– Severus se donne un peu de temps pour réfléchir, intervint Lucius d'une voix un peu trop tranchante. Mais s'il se décide à rouvrir, le magasin ne sera pas trop compliqué à réaménager. C'était déjà un endroit assez sombre, il suffira de quelques stores sur la devanture et d'un ou deux sortilèges. Pour ce qui est de ta maison, ne t'en préoccupe pas pour l'instant. Quand Severus reviendra, je lui poserai la question et s'il accepte de venir, je t'aiderai à faire les aménagements nécessaires. Ce n'est pas très long et la plupart de ces sortilèges sont un jeu d'enfant. Minerva pourra même s'y entraîner si elle veut !
Une exclamation enchantée se fit entendre à l'autre bout de la table tandis que Daphnée fronçait les sourcils.
– Et comment ça va se passer pour la maison en Provence ? Severus ne pourra plus en profiter ? La lumière y est quand même omniprésente... Et même si la maison est agréable, là-bas, on passe tout son temps à l'extérieur.
Harry tourna la tête vers Aria pour ne pas laisser voir à quel point il était blême. Il n'avait pas pensé à la maison en Provence... Severus adorait cette maison. Se baigner dans l'immense piscine écrasée de soleil, s'assoupir sur la terrasse après le déjeuner, passer des après-midi à discuter, se prélasser ou lire à l'ombre de la tonnelle... Et lui, il avait adoré tous ces moments qui avaient construit leur histoire et leur couple à trois. Une douleur sourde montait dans sa poitrine et il respira profondément pour chasser l'émotion sur son visage et dans ses yeux trop brillants.
– Ça veut dire que Sévie pourra plus venir avec nous à la plage ? fit la petite voix criarde d'Iris. Et il pourra plus se baigner ?
– Non, il ne pourra plus, ma chérie, répondit doucement Draco avant de lever le regard vers eux. À moins qu'il ne puisse sortir, bien couvert, quand il y assez de nuages ? Les vampires qui étaient venus pour la signature du traité d'alliance toléraient plus ou moins les sorties à l'extérieur, malgré tout...
– Je ne sais pas, fit Harry à contrecœur. Mihai disait qu'il pouvait sortir si le temps était voilé, ou s'il y avait du brouillard... et au Manoir, on n'a jamais eu besoin de faire attention pour lui. La lumière leur est plus inconfortable ou douloureuse que nuisible, mais dans le pavillon chinois, Severus n'appréciait vraiment pas la lumière du jour. Et comme nous étions enfermés, on n'a pas eu l'occasion de...
– Mais enfin, ça fait quand même huit jours que vous en êtes sortis, de ce pavillon chinois ! s'exclama Draco, légèrement agacé par ses réponses évasives. Tu dois bien savoir ce que Severus est capable de faire ou non !
Touché par les reproches de son ami, Harry se mordit la lèvre en gardant un silence coupable. Comment se défendre de son ignorance sans avouer que Severus était parti depuis aussi longtemps qu'ils avaient été libérés de leur enfermement ? Sans laisser deviner qu'ils ne s'étaient pas revus et qu'ils n'avaient eu aucun contact depuis huit jours... Severus n'avait même jamais vécu au Manoir ! Et lui, il avait promis à Minerva que tout allait bien, et elle le regardait à présent avec de grands yeux angoissés par la tension et les silences présents autour de la table.
– Je comprends bien que tu voudrais savoir exactement à quoi t'en tenir, Draco, intervint une nouvelle fois Lucius. Mais toute cette situation représente beaucoup de bouleversements, et en premier lieu pour Severus, Harry et moi. Et tout le monde a besoin de temps pour reprendre ses marques.
Le ton était froid, le regard sévère... En substance, Lucius disait qu'il se fichait éperdument des commentaires de son fils et que ses états d'âme passaient bien après leur relation à tous les trois. À voir la façon dont Draco s'était raidi sur sa chaise, il avait bien reçu le message, et ce fut Blaise, en médiateur impartial, qui changea de sujet et fit repartir la conversation autour de la table.
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Le repas se termina à peu près sereinement, malgré la fraîcheur jetée par cet incident, et après avoir débarrassé la table avec Harry et Blaise, Daphnée se sentit dans l'obligation de proposer un dernier verre. Ils venaient déjà de prendre le café ou le thé pour les amateurs, Scorpius était endormi sur les genoux de son père, Aria tenait encore le coup mais commençait à devenir grincheuse et à se frotter les yeux de plus en plus souvent, et Harry était épuisé. La proposition de Daphnée résonnait presque comme le coup de grâce de cette journée bien trop longue pour être agréable.
Avant d'accepter quoi que ce soit, Lucius le regarda, attendant un verdict muet qu'il devina dans ses yeux implorants.
– Merci, Daphnée, mais je crois que nous allons rentrer. J'en connais deux qui tombent de sommeil et qui ont grand besoin d'aller se coucher...
– On va rentrer aussi, ajouta Blaise. J'ai un rendez-vous tôt demain matin pour un tableau que je tiens absolument à acheter. Je ne peux pas rater cette transaction !
– Le Hopper dont tu m'as parlé ? fit Lucius.
Blaise acquiesça, un sourire en coin sur les lèvres.
– Effectivement, tu ne peux pas rater cette transaction, affirma l'aristocrate, amusé. Et tu sais ce que je t'en propose... Alors, tout le monde au lit !
Parce qu'il ne voulait pas paraître malpoli et pressé de partir, Harry se releva dans les derniers, mais il était vraiment soulagé de rentrer enfin au Manoir. Les au-revoir furent rapides, avec, comme toujours, la promesse de se revoir bientôt, mais il crut déceler, dans les paroles de Draco, un semblant d'excuses qui lui fit du bien.
Harry embrassa chaleureusement Blaise et Alicia qu'il félicita à nouveau pour sa montée en grade et lui glissa en aparté « Tu vois, une journée classique dans la famille Malfoy, engueulades comprises... Tu es tout à fait capable d'y survivre ! ». Puis il prit sa fille dans les bras, s'accrocha à celui de Lucius et ramena son petit monde à la maison.
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À peine arrivé, Harry était déjà appuyé contre le torse de son amant, le visage niché dans son cou, à la recherche de la tendresse et du réconfort qui lui avaient tant manqué et que Lucius lui donna sans rechigner. Il prit même Aria dans ses bras et embrassa Harry sur le front en se reculant légèrement.
– Allez, va fureter dans les cuisines pour trouver de quoi manger pendant que je vais coucher ce joli cœur... Je te rejoins en bas.
Les yeux embués de gratitude, Harry embrassa sa fille et lui souhaita bonne nuit avant de regarder Lucius s'éloigner avec elle vers l'escalier.
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– Alors, tu as trouvé ton bonheur ? fit la voix souriante de son amant.
Harry tourna la tête pour le voir entrer dans les cuisines, la bouche pleine et le sourire aux lèvres.
– Hmmm... Ça fait un bien fou ! avoua-t-il. Les elfes avaient préparé un risotto à tomber, en plus ! Ça s'est bien passé avec Aria ?
– Elle était épuisée, gloussa Lucius. Je crois qu'elle s'est endormie à peine je l'ai posée dans son lit !
– Merci, fit Harry avec reconnaissance en se servant une nouvelle portion de risotto.
Lucius le regarda manger avec appétit pendant quelques minutes, puis esquissa un sourire contrit.
– Il faudra en tenir compte à l'avenir... La prochaine fois que nous sommes invités quelque part, nous emmènerons un elfe avec nous pour te préparer à manger. Ou bien, on viendra avec un panier repas assez copieux pour te nourrir sans piller le garde-manger de Draco !
– Je suis désolé, fit Harry. J'ai essayé de me limiter mais j'avais une faim de loup ! Les émotions, ça ne m'a jamais réussi.
– Ne sois pas désolé, tu n'y peux rien. Ils ne sont simplement pas encore conscients des quantités dont tu as besoin pour te nourrir... Ça n'a pas été trop dur, toute cette journée ?
– Je t'avouerais que je suis content que ce soit fini... Je sais qu'ils font de leur mieux et qu'ils sont pleins de bonnes intentions, mais certains sujets...
Lucius était resté debout depuis son arrivée, appuyé contre le rebord de l'évier, mais voyant que Harry en avait encore pour un moment, il fit quelques pas et vint s'asseoir sur le banc face à lui.
– On savait que ce serait compliqué, chéri... Même si j'ai essayé de couper court, on ne peut pas éviter certaines questions et certains étonnements... Et encore, je trouve que Draco a été relativement mesuré.
Harry grimaça en attirant vers lui une tarte aux myrtilles qu'il attaqua à même le plat. Il n'aurait pas dit la même chose, mais il n'avait sans doute pas le même point de vue que Lucius... Lui, il vivait chaque question au sujet de Severus comme une attaque personnelle, comme si on l'accusait d'être responsable de son absence et de ne pas avoir rempli correctement son office de calice. Le fond de sa pensée était déjà assailli par cette culpabilité-là, il n'avait pas besoin qu'on vienne remuer le couteau dans la plaie.
– Ce sera sans doute plus facile quand Severus sera de retour...
– Il t'a... dit quelque chose ? murmura Harry sans lever les yeux. Il a répondu à ta lettre ? Je sais que tu lui as écrit hier...
– Non. Pas encore, lâcha Lucius en songeant qu'il n'avait même pas été vérifier.
– J'ai promis à Minerva qu'il reviendrait bientôt...
– Ne t'en fais pas, fit Lucius avec un sourire tranquille. Il reviendra...
Mal à l'aise, Harry se rendit compte qu'il buvait les paroles de son amant comme Minerva avait bu les siennes dans l'après-midi : avec une confiance aveugle... et un rien d'espoir.
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Merci à tous de votre lecture et de votre fidélité. Et n'hésitez pas à laisser un petit mot!
La semaine prochaine, ce sera un chapitre très court, dans lequel on retrouvera Lucius, Harry et Mark au Manoir, mais aussi Severus, Andréas et Mihai à Colibita... et l'indispensable retour de Severus se fait de plus en plus sentir ^^
Au plaisir
La vieille aux chats
