Résumé: Entre début d'engorgement, pensées coupables et joie à revoir sa fille ou Mark, Harry se remet doucement de son séjour dans le pavillon chinois. Mais la journée à Torquay est éprouvante et il est de plus en plus conscient que le retour de Severus est indispensable, pour lui comme pour Lucius ou pour leurs proches...

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Lucius s'éveilla relativement tôt mais parfaitement reposé et le sourire aux lèvres. Depuis qu'il avait quitté le Ministère, il se rendait compte qu'il dormait beaucoup mieux et d'un sommeil beaucoup plus serein. Et malgré la petite interruption de la nuit, il se sentait en pleine forme.

La veille au soir, après cette longue journée à Torquay, Harry s'était endormi comme une masse à peine allongé dans leur lit. Toutes ses interrogations et ses inquiétudes n'avaient pas résisté à son épuisement et Lucius l'avait tout juste tenu dans ses bras qu'il ronflait déjà. Mais au beau milieu de la nuit, Harry s'était réveillé avec une envie subite et bien visible de sexe – ou de se faire baiser pour se rassurer – et Lucius n'avait pas rechigné à satisfaire son amant et son propre désir inassouvi avec lequel il s'était couché.

Il se tourna sur le côté et se rapprocha de Harry qui semblait toujours dormir profondément. La jambe que Lucius glissa entre celles de son amant ne le fit pas réagir, pas plus que la main qui caressa son dos et le creux de ses reins. Il n'avait pas vraiment envie de sexe, mais il n'était pas opposé à quelques attouchements sur l'érection matinale qu'il pressait contre la hanche de Harry...

Devant l'absence de réaction, Lucius s'appuya sur son bras pour se surélever, rassembla ses cheveux sur une épaule et glissa son visage dans le cou de son amant. Il l'embrassa doucement dans le petit creux sous l'oreille, puis ouvrit les lèvres pour venir mordiller et sucer la peau tendre de son cou. Aussitôt, Harry se mit à gémir de façon insensée et pencha la tête pour dégager ses cheveux et s'offrir davantage à la morsure.

– Severus te manque ? sourit Lucius sur la peau fine à présent ornée de traces vermeilles.

Dépité, Harry grogna et tourna la tête pour l'enfouir sous son oreiller, incapable de réprimer un mouvement de bassin pour écraser son sexe sur les draps.

Lucius ne put s'empêcher de glousser, puis frotta son nez sur l'épaule de Harry avant de l'embrasser pour se faire pardonner. Cela ne paraissait pourtant pas suffisant, aussi il s'employa à faire passer la frustration de son amant – et la sienne – à force de caresses puis de grands coups de reins.

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– Mon Seigneur...

Severus leva la tête de son ouvrage ancien et soupira sans même se cacher.

– Que veux-tu, Andréas ?

Le messager s'inclina légèrement en signe de déférence puis affronta son regard rouge sang. Depuis quelques jours – depuis qu'il lui avait fait croire qu'il allait le mordre, en réalité – Andréas se montrait plus prudent à son égard. Moins de provocation, plus de respect et de distance... une retenue que Severus appréciait.

– Le Seigneur Evanescu vous fait dire qu'il a un contretemps à régler, une audience qui n'était pas prévue, mais il pense ne pas en avoir pour trop longtemps... Vous pouvez rester dans ses appartements si vous le souhaitez, sinon il vous rejoindra dans les vôtres.

Severus grogna son assentiment puis reprit sa lecture. Il était bien installé là où il était, il avait de quoi s'occuper, le salon de Mihai était accueillant et bien plus chaleureux que les appartements basiques mis à sa disposition... il pouvait tout aussi bien rester ici. D'autant que le feu qui ronflait dans la cheminée avait agréablement tiédi la pièce alors que dans ses appartements, il devait faire beaucoup plus frais. Ce n'était pas que le froid le dérangeait dans l'absolu, mais la chaleur lui donnait toujours cette impression d'énergie, d'être un peu moins léthargique et plus vivant.

Severus soupira cependant en constatant que Andréas n'avait toujours pas quitté le salon et se tenait debout à quelques pas de lui.

– Quoi encore ?

– Avez-vous posé la question aux Anciens, Seigneur ? fit le messager avec un sourire en coin. À propos du deuxième calice ?

Severus ferma les yeux et se pinça l'arête du nez avec un soupçon d'exaspération. Il avait bien posé la question aux Anciens mais il n'allait certainement pas entrer dans cette discussion-là avec Andréas.

– Pourquoi tiens-tu absolument à devenir mon calice ou au moins à ce que je te morde ?... N'as-tu pas une femme et un enfant ?

– N'avez-vous pas un calice et pourtant vous êtes affamé ?

Severus frémit et rouvrit les yeux pour considérer Andréas. Avait-il décidé de jouer son va-tout aujourd'hui pour être aussi incisif ? Le regard sombre l'observait sans ciller, sans faillir, au milieu de ce visage noble et plein de charme. Il ne tremblait pas devant lui, contrairement à tous les autres serviteurs, il se tenait là, impassible, digne...

– … La vie que l'on a n'est pas toujours celle que l'on souhaite.

Cela, Severus pouvait le comprendre. Ô combien il pouvait le comprendre !

– Pourquoi vouloir devenir un calice ?

Andréas haussa les épaules avec un soupçon de gêne, comme si cette question-là était plus intime que tout. Elle l'était, sans doute, puisqu'il baissa la tête en rosissant, et sa voix était bien moins assurée quand il répondit :

– Parce que j'aime donner mon sang. J'aime être important dans le regard de l'autre, être considéré, mais je n'ai jamais été choisi... Les calices sont aimés et protégés par leurs vampires, ils sont choyés et chéris comme des trésors...

Un sentiment de pitié traversa Severus. Andréas n'était pas un mauvais bougre, il avait simplement un immense besoin d'amour et de réconfort que rien n'était jamais venu combler.

– Pourquoi moi ? soupira Severus.

Cette fois, la réponse fut bien plus rapide et tranchée.

– Parce que vous êtes puissant. Et d'une beauté à couper le souffle... Et contrairement à beaucoup, vous n'êtes ni fier, ni orgueilleux de cette beauté et de cette puissance. Vous n'êtes pas intéressé ni par le pouvoir, ni par la reconnaissance, ni par la gloire. Vous êtes simple et modeste, vous traitez tout le monde avec le même respect et vous ne cherchez pas à user de votre influence pour quoi que ce soit, même pour pouvoir boire... Je suis sûr que votre calice doit être traité avec beaucoup de respect et de tendresse... Pourquoi vous ne voulez plus de lui alors qu'il doit souffrir de ne pas vous donner son sang ?

Alarmé, Severus fronça les sourcils, mais se refusa à demander des précisions à Andréas. Les calices souffraient-ils physiquement, psychologiquement, de ne pas donner leur sang?! Tant de choses paraissaient évidentes à ceux qui avaient grandi ici alors qu'il les découvrait jour après jour avec l'innocence d'un enfant qui apprend le monde... Cependant, il espérait sincèrement que Harry ne souffrait pas, ni de son absence, ni de ne pas pouvoir le nourrir. Il avait déjà bien assez souffert comme ça.

– Qui te dit que c'est moi qui ne veux plus de lui ? objecta sombrement Severus.

Andréas haussa les sourcils, surpris par ce qui lui paraissait invraisemblable.

– Pourquoi ne voudrait-il plus de vous ? Les calices sont toujours attirés par leurs vampires...

– Peut-être parce que je ne l'ai pas assez aimé ni protégé. Parce que les sentiments n'ont pas été assez forts pour m'empêcher de lui faire du mal. Je sais que je n'y pouvais pas grand-chose, Nicolae me l'a assez dit, mais ça ne change rien. Je suis censé être celui qui le protège et j'ai été celui qui l'a blessé. Qu'il ne veuille plus de moi est naturel et évident...

Severus parlait presque pour lui seul, le regard perdu dans les flammes de la cheminée. Harry avait le même besoin exacerbé d'amour qu'Andréas, mais Severus avait trahi la confiance absolue que son calice avait en lui. Ce qui les unissait avait été brisé par son comportement.

– Alors, prenez-moi pour calice. Il ne veut plus de vous mais vous avez impérativement besoin de boire... Je sais que vous ne me ferez aucun mal. J'ai totalement confiance en vous et le vampire que vous êtes.

Le mot confiance fit ricaner Severus et lui fit relever la tête. Avant de se figer de surprise : Andréas était en train de se déshabiller, pièce de vêtement après pièce de vêtement, et en quelques secondes, il fut nu devant lui. Puis, d'un revers de manche ou d'une botte, il sortit une petite dague avec laquelle il s'entailla le poignet.

Severus n'avait pas su réagir à cette mise à nu, mais cette blessure volontaire le tira brutalement de sa torpeur. L'odeur du sang, puissante, enivrante, le prit à la gorge et fit chavirer son cœur. Ses canines sortirent de sa gencive sans même qu'il ne l'ait voulu. Une pulsion primitive, instinctive, lui commandait de se jeter sur ce sang carmin qui tombait goutte à goutte sur le tapis précieux de Mihai. Sa faim était infinie, ténébreuse et l'appel du sang était d'une violence renversante. Des millénaires de privations et de réflexes de survie le poussaient à bondir pour étancher sa soif, mais il n'était pas ce vampire-là.

Cela lui prit un long moment, mais Severus parvint à tempérer sa sauvagerie pour retrouver sa maîtrise et son calme, malgré la douleur de la faim. Il soupira à nouveau avant de fixer Andréas qui se tenait immobile devant le feu, le sang gouttant lentement de son poignet. D'un geste de baguette, il lança un sortilège pour faire cicatriser la plaie et rhabiller le messager, avant de nettoyer le tapis.

– Je ne veux pas de ton sang, Andréas... Et je ne te prendrai pas pour calice. Te rends-tu compte de ce que tu as fait ? Provoquer la soif chez un vampire en faisant couler le sang, même le tien, est passible des peines les plus lourdes. Si Mihai venait à l'apprendre, tu pourrais être mis à mort pour un acte pareil, ou chassé de la communauté. Et ce n'est pas ce que tu souhaites... Je suis désolé de ne pas pouvoir être pour toi celui que tu veux, mais j'ai déjà un calice, et je ne ferai souffrir personne d'autre. Crois-moi, tu mérites mieux que moi. Titus a perdu son calice de vieillesse il y a quelques semaines... propose-toi si tu le souhaites, et j'appuierai ta demande. Il est bien plus vieux que moi, et certainement moins beau, plaisanta Severus pour atténuer son rejet, mais il est très doux. Et un calice dans la force de l'âge lui ferait le plus grand bien...

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– Eh bien, Severus, qu'as-tu encore fait ? gloussa Mihai en traversant le salon pour le rejoindre. Je viens de croiser Andréas, qui avait l'air plus décomposé que jamais ! Il faut arrêter de jouer avec lui...

– Je ne joue pas, fit sombrement Severus. J'ai pour lui plus de pitié qu'autre chose.

Mihai alla poser quelques liasses de parchemin sur son bureau, puis vint s'asseoir dans un fauteuil près de lui – et surtout près de la cheminée.

– Sers-nous donc un thé !... Les Anciens souhaitent te voir demain, Severus. Ils voudraient que tu te soumettes à quelques expériences pour évaluer ta capacité de légilimencie sur un esprit de vampire. Ils ont tous préparé un parchemin avec leurs petits secrets que tu devras aller chercher au fin fond de leurs pensées !

Machinalement, Severus sortit sa baguette. D'un Aguamenti, il remplit la théière du plateau de service et fit bouillir l'eau d'un autre sortilège tandis que Mihai l'observait avec un sourire enchanté. Lui, la perspective du lendemain le faisait plutôt grimacer. Ses petits tours de magie avaient le don de fasciner et d'amuser les vampires qui ne se privaient pas de le solliciter. La légilimencie n'était que leur dernier intérêt en date, issu d'une longue liste d'interrogations et d'expériences... Mais ses propres interrogations étaient bien différentes.

– Est-ce vrai que les calices souffrent de ne pas pouvoir donner leur sang ? demanda-t-il en ajoutant deux sachets de thé dans l'eau.

– Andréas essaye de te déstabiliser jusqu'à ce que tu lui cèdes, ricana Mihai, avant de redevenir sérieux devant son regard insistant. Tout dépend du lien construit et de la raison pour laquelle le calice ne peut pas donner. Si c'est parce que le vampire meurt, oui, c'est très douloureux pour le calice, et la douleur de ne pas être mordu est amplifiée par la peine et le chagrin... Si par exemple, c'est en raison d'une grossesse chez un calice femelle, la joie et le bonheur l'emportent sur la douleur de l'absence de don... Quoique, dans le temps, entre la grossesse et l'allaitement, la période sans don se prolonge et devient franchement inconfortable pour les calices en dépit de la maternité. Souvent, les vampires finissent par ponctionner de toutes petites quantités de sang à la mère... quelques gorgées, juste de quoi renouveler le lien.

Mihai se tut un instant, pendant que Severus leur servait chacun une tasse de thé, puis reprit.

– Il est dans la nature des calices de donner leur sang. Ne pas le faire est aller contre cette nature... et, effectivement, cela peut être douloureux, sur le plan physique mais pas seulement.

– Pourquoi n'est-ce pas mentionné dans le livret que vous donnez aux calices ? fit Severus avec un regard sévère.

Ce livret, il l'avait lu lui aussi, pour comprendre un peu mieux ce que Harry pouvait vivre et ressentir, mais nulle part, il n'était fait allusion à ce que pouvait représenter une absence de don, excepté le risque d'engorgement.

– Pour ne pas les décourager trop vite ? suggéra Mihai en haussant les épaules avec gêne. Quand les couples et les liens sont bien formés, cela n'arrive pas. Le vampire sait d'instinct ce qui est bon ou nuisible pour son calice. S'il doit s'absenter, il ne le fait pas trop longtemps; si c'est dans le cas d'une maladie, le vampire peut mordre son calice pour raffermir le lien sans le ponctionner réellement, et par ce biais-là, il peut parfois même le soigner. Si le vampire meurt, le calice est pris en charge par d'autres vampires de la communauté... Le reste des cas concerne des liens qui étaient déjà problématiques au départ, des unions forcées, des mésententes...

Le cœur noué de contrariété et de culpabilité, Severus toisait Mihai d'un regard aussi noir que sa fureur. Pourquoi tous ceux-là savaient et ne disaient rien ?! Ils avaient tous poussé des hauts cris quand Severus avait dit qu'il était parti pendant sa « lune de miel » avec son calice, la période où il était censé construire leur lien et leur couple, là où Harry avait le plus besoin de sa présence et de sa protection... mais aucun ne lui avait dit qu'il souffrirait de ne pas être mordu et de ne pas pouvoir donner son sang !

Toute la journée d'hier, à travers le peu qu'il percevait de son calice, Severus avait bien senti que Harry était perturbé, bien plus que les autres jours... Un mélange de désarroi, de tristesse, de lassitude; un mal-être assez prégnant pour qu'il le ressente. D'habitude, il percevait plutôt des touches de joie et de rire, et même un grand sentiment de bonheur par moments, sans doute quand Harry avait retrouvé sa fille ou passait du temps avec elle. Mais hier avait été difficile au point de retentir sur l'humeur de Severus. Et si Harry commençait à ressentir un véritable mal-être et le besoin de se vider de son sang...

Aucun choix n'était le bon. Si Severus restait à Colibita, non seulement il allait mourir de faim, mais Harry souffrirait de ne pas pouvoir lui donner son sang. S'il rentrait en Angleterre, il pouvait soulager son calice et se nourrir par la même occasion, mais rien ne disait que Harry l'accepterait... Mais en Angleterre, il y avait aussi Lucius. Lucius dont la présence et l'influence sur Harry pesaient lourd dans la balance.

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Harry n'était ni dans la Bibliothèque, ni dans son « bureau »... N'ayant guère l'envie de passer le Manoir au peigne fin, Lucius convoqua un elfe de maison d'un claquement de doigt et demanda où se trouvait son amant.

– Dans la piscine de la rotonde, Monsieur, répondit Clay sans quitter son regard. Il nage !

Lucius frémit, soulagé d'il ne savait quoi... Pourquoi un instant avait-il imaginé le corps de Harry flottant à la surface de l'eau ? Clay avait dû le deviner pour apporter ainsi cette précision mais il n'allait certainement pas se justifier devant son elfe !

Sans s'attarder, Lucius descendit l'escalier en colimaçon pour rejoindre le sous-sol et son amant.

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La chaleur humide dans la rotonde était surprenante, presque désagréable pour lui qui était habillé des pieds à la tête, mais plus appréciable que l'humidité qui régnait à l'extérieur des baies vitrées. Après la chaleur des derniers jours, un orage avait fini par claquer violemment dans la nuit, avant de laisser place à une journée grise et pluvieuse qui donnait seulement envie de rester bien au chaud chez soi.

Dans la piscine, Lucius aperçut la touffe de cheveux noirs lissés par l'eau qui appartenait à son amant, puis ses bras qui fendaient la surface l'un après l'autre. Quoique plus petit et plus ramassé, on aurait cru voir Severus pendant ses séances de natation matinales, égrenant les allers et retours avec une facilité déconcertante. Lucius observa Harry quelques instants avant de se décider à signaler sa présence d'un sortilège.

Le jeune homme s'interrompit immédiatement, lui sourit depuis l'autre bout de la piscine, puis replongea la tête dans l'eau pour le rejoindre en quelques mouvement de bras. Ruisselant, Harry se hissa sur le rebord et se mit debout avant d'attirer vers lui une serviette pour s'essuyer sommairement.

– Quelque chose me dit que tu me cherchais !

– Je suis étonné que ton appétit ne t'ait pas encore signalé qu'il était presque l'heure du déjeuner ! gloussa Lucius.

– Si, je commence à avoir faim, avoua Harry. Mais j'avais besoin de me... vider un peu de mon énergie. C'est pas aujourd'hui qu'on va aller se promener dans les jardins !

En réalité, il avait sans doute besoin de se vider d'un peu de son sang, mais il rechignait à en arriver à cette extrémité, même s'il savait bien qu'il n'aurait pas le choix. Ce soir, s'il se sentait toujours aussi fébrile...

– Et donc ? sourit Lucius. Se baigner dans le plus simple appareil ?

Devant ses yeux, Harry était en effet nu comme un ver, la peau hâlée par le soleil des derniers jours, encore un peu trop mince par rapport à ces derniers mois, mais diablement alléchant.

– C'est pour améliorer ma pénétration dans l'eau, pouffa Harry en ébouriffant ses cheveux à force de les frotter. Le tissu, ça freine !

– Je suggérerais bien un autre type de pénétration, fit Lucius avec un regard brûlant, mais je crains que n'ayons pas le temps pour ça ! Je te cherchais parce que Mark est venu déjeuner avec nous.

– C'est vrai ?!

Aussitôt radieux et enjoué, Harry en oublia jusqu'à la proposition à peine déguisée de son amant. Il acheva de se sécher à l'aide de sa magie, se rhabilla à la hâte en trébuchant alors qu'il enfilait la jambe de son pantalon et entraîna Lucius à sa suite pour grimper quatre à quatre les marches de l'escalier en colimaçon.

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– Et alors ? gloussa Harry en relâchant son étreinte. Je croyais que tu devais partir en vacances ? Tu ne peux plus te passer de nous ?!

Mark sourit puis leva les yeux au ciel en soupirant de manière plus théâtrale que sincère.

– Un dossier urgent de dernière minute que Håkon ne pouvait pas repousser ! Normalement, on part en fin d'après-midi... si tout va bien. Tant que ça empiète sur les vacances avec sa famille et pas sur les nôtres tous les deux... ça me dérange moins !

– T'as bien fait de venir manger avec nous, en tout cas ! gloussa Harry tandis que Mark étreignait Lucius et lui glissait un baiser sur la joue. Si après, t'es pas là pendant deux semaines...

Tous les trois se dirigèrent tranquillement vers la Salle à Manger où les attendait un déjeuner pantagruélique.

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Le repas fut agréable, tranquille et Harry savourait cette ambiance confortable. Ici, avec Lucius et Mark, il était bien plus détendu et serein que pendant toute la journée à Torquay, deux jours plus tôt. Avec eux, il ne craignait rien, ni parole maladroite, ni question déplacée, et il pouvait vraiment se laisser aller en toute confiance. Jusqu'à, parfois, des confidences qui le surprenaient lui-même.

Il allait lâcher une énormité dans la conversation feutrée de la salle de billard, un détail que ni Lucius et encore moins Mark ne savaient encore, quand un elfe de maison s'avança précautionneusement vers son fauteuil. Craintivement, il lui tendit un parchemin roulé et cacheté que Harry prit avec surprise. Pour qu'il lui soit remis ainsi sans attendre et sans rejoindre sa pile de courrier en retard dans son secrétaire, c'est qu'il devait s'agir d'un de ses amis ou de quelqu'un qu'il connaissait très bien.

Frissonnant d'appréhension – essentiellement à l'idée que ce puisse être un message de Severus – Harry décacheta le parchemin et porta son regard directement sur la signature. Luna...

Encore un peu plus inquiet et sous les yeux intrigués de Lucius et de Mark, il parcourut la courte lettre. Fronça les sourcils. Puis releva un visage dépité avant de croiser le regard de son amant.

– De qui est-ce ?

– Luna...

– Un souci avec Aria ?

– Non, pas du tout ! sursauta Harry.

Il avait ramené Aria la veille au soir à Poudlard et tout s'était très bien passé, même s'il rechignait un peu à se séparer de sa fille qui partait pour quelques jours de vacances avec ses mères. Il ne pouvait rien leur reprocher : depuis sa sortie du pavillon chinois, elles lui avaient confié Aria autant qu'elles le pouvaient avant leur départ... Mais ce devait être hier soir qu'il les avait vus ou qu'il avait compris que Harry était déjà revenu plusieurs fois au château.

– Elles sont bien arrivées en Italie et il fait très beau... Elle me dit juste que Matthieu et Charlie sont passés hier soir pour leur souhaiter de bonnes vacances et que Matthieu n'était pas très content que je ne sois pas allé le voir alors que je suis venu plusieurs fois chercher ou ramener Aria... Ça m'arrivait souvent, quand je la déposais, de monter ensuite chez eux prendre un verre...

Harry passa une main lasse sur son visage et soupira.

– Je le savais et je ne l'ai pas fait sciemment... Sinon, il allait forcément me demander comment allait Severus... Il aurait voulu passer le voir, il aurait posé des questions...

Toutes ces questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Lucius et Mark échangèrent un bref regard puis tournèrent la tête vers Harry qui semblait soudain complètement démoralisé.

– Chéri..., fit doucement Lucius. Tu ne peux pas rester sans voir tes amis simplement parce que tu ne veux pas parler de certaines choses... Matthieu n'est pas idiot. Il comprendra, que tu le veuilles ou non, et il comprendra surtout que tu ne veuilles pas en parler. De toute façon, il fait partie de la famille. Tu seras bien obligé d'être confronté à lui à un moment ou à un autre... On ferait mieux de les inviter à dîner. Ça permettra de crever l'abcès et ils te pardonneront certainement de ne pas être passé les voir à Poudlard... On est quel jour ?

– Mercredi, répondit Mark tandis que Harry se morfondait dans son fauteuil.

– Bon, dans ce cas, invite-les vendredi soir... Ça laisse deux jours de plus à Severus pour revenir, mais il ne faut pas tarder davantage... Vendredi, ça fera déjà deux semaines que vous êtes sortis du pavillon chinois !

Deux semaines ! Harry en était malade, et il blêmit violemment. Deux semaines sans Severus et surtout sans morsure. Deux semaines à produire du sang pour rien, sans pouvoir le donner à son vampire, alors que Severus devait crever de faim ! Alors qu'il avait même été obligé de se saigner et qu'il allait certainement devoir le refaire rapidement. La culpabilité et une douleur sourde lui nouaient le ventre.

Harry baissa la tête, ce que l'aristocrate dut prendre pour un accord muet.

– Je ne t'invite pas, fit Lucius à Mark. Tu seras censé être en Norvège ! Ceci dit, si vous n'êtes toujours pas partis, vous êtes les bienvenus...

Mark hocha la tête, bien conscient que sa présence serait un soutien pour Harry, et celle de Håkon une diversion supplémentaire pour détourner les conversations fâcheuses ou trop personnelles. D'un geste furtif, il caressa le bras de Harry qui déprimait toujours.

– J'ai pas envie, marmonna-t-il. Et si Severus n'est pas revenu... ?

– Eh bien, on leur dira la vérité ! fit Lucius avec une pointe d'agacement avant de capter le regard sévère de Mark et de se radoucir. Je leur dirai que ce n'est pas simple, ni pour toi, ni pour lui, et qu'ils vous laissent tranquilles l'un et l'autre pour nouer de nouvelles relations dans le calme.

– Harry... je suis sûr que ça se passera bien, intervint Mark avec douceur. Matthieu t'apprécie bien assez pour ne pas chercher à te blesser...

– Mais il a toujours été en porte-à-faux entre moi et Severus !... Il ne supportera pas qu'on s'entende moins bien qu'avant ! Et si Severus ne revient pas, il m'en jugera responsable...

– Ça suffit ! trancha Lucius. Severus reviendra, j'en suis certain. Et je suis certain aussi que sur ce sujet, Charlie sera capable d'intervenir et de raisonner Matthieu s'il y a lieu... On a dit vendredi soir, je te laisse leur envoyer un message pour les inviter. Je pense que ce sera mieux si cela vient de toi... Et tu ferais bien de retourner nager un peu tout à l'heure, ou de faire ce que tu as à faire! Tu as besoin de retrouver un peu de sérénité.

Harry tourna délibérément la tête et, de manière plus qu'évidente, serra les dents.

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Après le départ de Mark et de longues embrassades pour lui souhaiter de bonnes vacances, Harry était retourné barboter dans l'eau de la piscine un bon moment. Il n'avait plus envie de nager, s'étant résolu à purger une partie de son sang dans la soirée avant d'aller se coucher, mais se laisser porter par l'eau l'avait toujours apaisé.

Une fois détendu par ce bain prolongé, il était remonté et s'était fait servir un thé – et une petite collation – dans le Petit Salon. Lucius tardait à le rejoindre, sans doute pris par un courrier mais Harry avait de quoi s'occuper. Après leur petite escapade à Bruxelles et la salle de bains que l'aristocrate avait trouvée particulièrement à son goût, il l'avait chargé d'éplucher quelques catalogues de décoration pour refaire la salle de bains attenante à leur chambre.

– Viens voir ! J'ai trouv...

Harry s'interrompit puis sourit en apercevant Orion qui pénétrait dans la pièce d'un pas nonchalant. Ce chat était si lourd qu'il venait de faire grincer une latte de parquet dans le couloir, au point qu'il l'avait pris pour Lucius !

Lentement, Orion s'approcha de lui pour venir se frotter contre ses jambes et mendier une caresse. Et pourquoi pas, un morceau de saumon ou de fromage réchappé de sa collation ! Harry laissa sa main traîner dans la fourrure soyeuse mais cela ne dut pas plaire à Orion, puisqu'il se retourna en crachant avant de se carapater hors du Petit Salon.

Harry avait sursauté, surpris par la réaction du chat, puis il reprit son catalogue sans plus y prêter attention. Orion n'avait pas un caractère facile et il n'aimait pas grand-monde, hormis Severus. Et de temps en temps, il tolérait de se faire grattouiller par lui...

Quelques secondes plus tard, alors qu'il comparait deux modèles de baignoire sur pied, Harry sentit brusquement son cœur s'emballer tandis qu'un nuage de pesanteur tombait sur le Manoir. Il releva des yeux hagards alors que l'adrénaline courait dans ses veines. Son angoisse était telle qu'il avait l'impression d'être oppressé pour respirer et le moindre souffle d'air lui paraissait insurmontable. Et cette sensation de chape de plomb lui collait à la peau, le collait sur son siège sans pouvoir réagir.

Il aurait pu reconnaître son pas entre mille...

Quand Severus s'encadra dans l'entrée du Petit Salon, Harry eut le sentiment que ses quelques jours de liberté et d'insouciance venaient brutalement de s'achever.

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Merci de votre lecture et de votre fidélité, et n'hésitez pas à laisser un petit message, même pour maudire l'auteur! C'est fou, hein, c'est toujours sur ce genre de chapitre que je pars en vacances, et je vous assure que ce n'était même pas voulu! :D

Je pars donc pour huit jours aux Pays-Bas, mon deuxième pays, et on se retrouve au plus tard dans quinze jours (au mieux dans une semaine, si j'ai le temps de mettre un chapitre en forme et de répondre à vos messages).

Souhaitez-moi du beau temps! :*

Au plaisir

La vieille aux chats