Résumé: Le retour de Severus devient inéluctable, indispensable mais aussi inquiétant...
Je ne vous fais pas languir plus longtemps, voici la suite ;) Bonne lecture!
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Il aurait pu reconnaître son pas entre mille...
Quand Severus s'encadra dans l'entrée du Petit Salon, Harry eut le sentiment que ses quelques jours de liberté et d'insouciance venaient brutalement de s'achever.
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Encore plus sombre et ténébreux que dans son souvenir, Severus se tenait là, de retour au Manoir après presque deux semaines d'absence.
Tétanisé sur son fauteuil, Harry ne savait plus quoi penser. Le tumulte infernal de ses sentiments lui donnait le tournis. Il était à la fois anxieux et heureux; le ventre noué par une inquiétude terrifiante tout autant qu'il avait envie de pleurer de soulagement; la douleur dans son corps atteignait des sommets alors qu'il se sentait enfin rassuré; il avait envie de se jeter dans ses bras tout autant que de fuir... et le besoin de donner son sang l'aurait presque fait supplier.
Ils restèrent un moment infini à se regarder, immobiles, son regard perdu dans le regard si noir de Severus. Si fascinant...
Sa beauté sombre et inquiétante...
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– Harry...
Le murmure frissonna dans le silence. Ce fut comme un déclic qui lui permit de se réveiller. Harry sursauta. Il n'était pas question de céder.
– Je suppose que tu veux boire.
– Je... Non. Pas pour l'instant.
La voix de Severus vibrait dans des graves plus profonds qu'à l'ordinaire, et Harry eut l'impression de vibrer à l'unisson.
– Alors tu m'excuseras mais j'ai des choses à faire. Je te verrai plus tard. Luce est dans son bureau si tu veux le voir.
Déjà, il était debout. Parti. Enfui.
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Severus resta fixé sur le dos de son calice qui s'éloignait dans le couloir, ouvrait la porte de son « bureau » et disparaissait hors de sa vue. Il soupira. La fuite, évidemment. Le refus de se confronter l'un à l'autre, une forme de rejet qu'il avait anticipée, mais qui lui faisait malgré tout mal au cœur...
Et dans les yeux de Harry, après une angoisse folle, il n'avait lu qu'une dureté, une rigidité qui présageait du pire et qui lui faisait déjà regretter d'être venu. Et qui lui donnait envie de repartir aussitôt.
Par acquis de conscience, il s'approcha de la porte du refuge de son calice. Dans le portrait qu'il avait offert à son amant bien des mois plus tôt, Axaya était là, qui l'observait en fronçant les sourcils, puis avec surprise. L'enfant tourna la tête une seconde, sembla parler avec quelqu'un qui se trouvait hors du cadre, puis le regarda à nouveau un bref instant avant de s'éloigner de son champ de vision et disparaître du tableau.
Severus se pinça l'arête du nez en soupirant puis posa sa main sur la poignée de la porte. Il ne voulait pas savoir où avait disparu Axaya, ni pourquoi, mais il devait tout de même essayer de parler à son calice. La porte s'ouvrit sur le rideau de magie qui filtrait l'air chaud et humide de la forêt et qui, sans surprise, refusa de le laisser passer.
Bien. Harry était on ne peut plus clair. Il avait « des choses à faire » et il ne voulait ni le voir, ni lui parler.
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Severus referma la porte sur ce nouvel échec et fit quelques pas hébétés dans le couloir. La douleur de la faim s'était réveillée au centuple en étant à nouveau en présence de son calice. Une brûlure plus douloureuse que celle de l'argent, plus essentielle, plus vitale. Un besoin dévastateur. Et se tenir là si près de lui, sans pouvoir se nourrir, tenait du supplice. Sentir son odeur, entendre les battements affolés de son cœur, percevoir le sang qui pulsait dans ses artères et devoir se maîtriser... Déjà résister à Andréas avait été difficile, mais il n'était rien comparé à son calice.
Voir Harry en personne et le laisser partir. Ce contrôle sur lui-même était une vraie torture, un abyme de dévastation. Toutes ses pulsions les plus primitives, les plus sauvages, le poussaient à assouvir sa faim, que son calice soit d'accord ou non, et même à raffermir le lien par une morsure. Et aussi par un rapport sexuel. De toute façon, fondamentalement, Harry ne pouvait pas lui refuser son sang, ni son corps... Mais Severus ne voulait pas que ça se passe comme ça.
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Avec la force de l'habitude, ses quelques pas l'avaient mené devant le bureau de son mari. Si ce mot voulait encore dire quelque chose, étant donné sa nouvelle condition.
La porte n'était pas complètement fermée, et si l'entrebâillement ne lui permettait pas de deviner Lucius, avec ses nouveaux sens Severus entendait en revanche le souffle lent et régulier de sa respiration et le grattement de la plume sur un parchemin. Lucius travaillait... Devait-il aller le voir maintenant, avec l'état d'esprit sombre et défaitiste qui était le sien ? Ou remettre cela à plus tard, au risque de céder à son envie de partir et de ne plus jamais remettre un pied dans ce Manoir...
Mais en même temps, Lucius était Lucius. Son importance dans sa vie et les sentiments que Severus lui portait n'avaient pas changé, en dépit de ce qu'il était devenu. À la simple idée de le revoir, de le tenir dans ses bras, de glisser ses doigts dans ses cheveux si doux ou de l'embrasser, une chaleur vive naissait dans son ventre, si réconfortante qu'il aurait voulu se glisser dedans comme dans un cocon. Et si son cœur n'avait pas cessé de battre, il aurait battu la chamade, emballé et troublé comme lors de leurs premiers rendez-vous d'adolescents, ou lors de chacune de leurs retrouvailles. Il avait envie de le voir.
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Sans savoir pourquoi, Severus frappa doucement à la porte.
– Entre ! J'ai presque...
Le sourire quitta brusquement le visage de Lucius pour faire place à une émotion soudaine.
– Salazar ! jura-t-il tandis que la plume crissait en raturant le parchemin.
D'un bond, il se leva, renversant dans sa précipitation l'encrier qui recouvrit de noir la lettre consciencieusement écrite.
– Merde !
Severus osa un sourire en coin devant la vulgarité inédite de son mari, avant de sentir l'étreinte de ses bras se refermer violemment autour de lui. Il la lui rendit aussitôt, aussi fébrile, aussi bouleversé que lui.
– Putain ! jura à nouveau Lucius.
Les gestes trop brusques, le besoin de se tenir sans se relâcher pendant de longues minutes, un corps à corps sans désir mais noyé d'émotion, l'envie de se fondre dans l'autre, de le retenir à tout jamais, le bonheur infini de se retrouver et ne plus vouloir se séparer. Jamais...
La puissance et l'évidence des sentiments.
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La force des bras de Lucius autour de lui aurait pu être douloureuse s'il avait été encore un homme, mais Severus s'en fichait. Le parfum de Lucius emportait ses sens vers un paradis perdu. La finesse de son corps qu'il serrait contre lui s'imprimait jusque sur sa peau. Sa main parcourait les cheveux d'or, caressant la nuque de son mari avec le besoin essentiel de le garder si près. Plus près... Et cette présence qui lui avait tant manqué dansait dans son cœur en un bonheur effervescent.
– Bon sang, Severus ! jura encore Lucius.
L'émotion première retombait lentement, laissant place à un autre désir, celui de s'embrasser, de se toucher à même la peau. Severus sentit les mains impatientes de son mari tirer les pans de sa chemise hors de son pantalon et venir se plaquer sur ses reins, sur sa peau glacée, sur son dos... Puis chercher à défaire la ceinture de son pantalon.
Lucius n'avait pas changé. Chez lui, la satisfaction et la satiété passaient toujours par la chair et le plaisir. Au moins, le fait qu'il soit dorénavant un vampire ne semblait pas poser de problème à son mari.
En douceur pour ne pas le froisser, Severus vint prendre les poignets de Lucius dans ses mains et interrompre son geste. Il se fit pardonner d'un baiser, puis d'un autre, calmement, jusqu'à ce que Lucius comprenne qu'il n'était pas question de précipiter les choses, et encore moins de s'envoyer en l'air sur un coin de table. Ils devaient d'abord reprendre contact, parler, éclaircir les questions en suspens... voir s'ils étaient capables de renouer des liens après tant de changements.
– Promets-moi que rien n'a changé, murmura Lucius après avoir grogné sa frustration.
– Je ne vais pas te mentir, répondit Severus. Ça a certainement changé des choses, et en premier lieu ça...
Son regard s'abaissa vers ses mains qui tenaient toujours les poignets de son mari et les caresses sur son corps qu'il venait d'interrompre. Il ne savait pas si Lucius avait bien compris ce qu'il suggérait... Il le comprendrait sans doute bien assez vite, et c'était une des réactions que Severus redoutait le plus. Les plaisirs de la chair étaient si importants pour Lucius... si fondamentaux.
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Severus ne savait pas encore jusqu'où il pourrait aller, mais ce qu'il y avait de plus primitif et de plus sauvage en lui grondait déjà à l'idée de se soumettre, que ce soit au sexe de son mari ou dans l'antichambre. Il n'y pouvait rien, sa nouvelle condition était ainsi faite. Les vampires n'étaient pas destinés à obéir, à subir, à être domptés, même par amour.
Au contraire, et en particulier avec la puissance qui était la sienne, Severus ne serait rien de moins que l'égal de son mari. S'il ne lui était pas supérieur... Et il savait déjà que certaines pratiques seraient dorénavant bannies de leurs rapports, jusqu'à certains petits gestes du quotidien qu'il ne pourrait plus se laisser imposer. Une main impérieuse sur sa nuque comme Lucius aimait parfois à le faire, l'inciter d'un geste à lever la tête pour un baiser, exiger d'une pression qu'il se mette à genoux pour le sucer... Severus ne savait pas ce que deviendraient leurs relations, mais bon nombre de choses allaient devoir être redéfinies.
– J'ai confiance en nous, murmura Lucius. Je sais que ça ira.
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Front contre front, ils prirent quelques minutes de plus pour savourer l'instant avant de consentir à se relâcher.
– J'aurais bien besoin d'un verre pour me remettre de ça, sourit Lucius, mais il est un peu tôt ! Tu bois encore du thé ? La lumière, ça va ? Tu veux que je tire les rideaux ?
– Ce n'est pas de refus, répondit Severus. Pour l'un et pour l'autre.
Dehors, le temps était si maussade que la pauvre lumière grise ne l'incommodait pas trop mais il préférait nettement vivre rideaux fermés tant que la nuit n'était pas tombée.
Lucius jeta un sortilège pour voiler les fenêtres de son bureau puis l'entraîna vers le salon devant la cheminée où ils avaient si souvent discuté. Rien n'avait changé en son absence, mais après avoir vécu presque deux semaines dans des appartements qui n'étaient pas les siens et un style de décoration très différent, Severus retrouvait avec plaisir le tapis précieux de Lucius, les fauteuils carmins aux pieds de bois ouvragés, les tableaux de maître sur les murs et les petites sculptures qui ornaient la cheminée.
Quoi qu'en dise souvent son mari, Severus aimait ce Manoir, et il aimait aussi tous les objets qui s'y trouvaient. Pas parce qu'il goûtait particulièrement tel tableau au cadre trop doré ou la façon dont le sculpteur avait représenté la finesse des mains de son modèle, mais parce que tous ces objets étaient son chez lui. L'environnement quotidien qu'il avait appris à aimer et dans lequel il se sentait bien. Et qui représentait également si bien Lucius...
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Autour du thé et dans la tiédeur des retrouvailles, ils restèrent près de deux heures à parler, à se raconter la vie à Colibita, l'escapade à Bruxelles, le Palais Seigneurial, la journée à Torquay, la curiosité enfantine et inépuisable des Anciens, celle tout aussi enfantine et inépuisable d'Aria, ses propres recherches dans les bibliothèques ancestrales ou le plaisir retrouvé des promenades à cheval dans le domaine...
Puis, parce qu'ils ne pouvaient éviter le sujet qui sous-tendait toute leur conversation, ils parlèrent de Harry. Severus raconta leur entrevue de quelques secondes, aussi bouleversante que désolante, et la fuite de leur amant. Comme il l'avait déjà fait dans sa lettre, Lucius avoua que Harry avait été obligé de se purger de son sang à Bruxelles, et que vu sa nervosité grandissante aujourd'hui, il allait sans doute devoir faire de même bientôt.
Sur ce qu'il devinait des pensées de Harry et de ses sentiments vis à vis de Severus, Lucius ne voulut pas trop s'étendre. Ce n'était que des suppositions mal étayées sur un problème qui au fond, ne le regardait pas. Il n'était pas au cœur de leur relation et il n'était pas sûr de comprendre tout ce qu'impliquait une relation entre un vampire et son calice, fut-ce Severus et Harry. Ils devaient régler le conflit latent entre eux sans lui et il pensait également que le comportement de Harry allait changer, maintenant que Severus était revenu. Des jours difficiles s'annonçaient pour tout le monde, mais ils étaient nécessaires.
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– J'ai commencé sans toi, j'avais trop faim...
Lucius sourit sans se formaliser, invita Severus à s'asseoir d'un geste de la main puis s'installa à son tour. Effectivement, au vu de son assiette bien remplie, Harry avait déjà entamé son repas, mais il n'en était encore qu'à dévorer un demi-melon venu tout droit du soleil de la Provence.
– Tu as eu raison. On était en train de discuter et on n'a pas fait attention à l'heure.
Inclure Severus le plus possible dans le moindre de leurs échanges...
Avant de se servir, Lucius préféra siroter quelques gorgées de vin en les observant tour à tour : Severus stoïque et impérial, mais dont il devinait le trouble, et Harry, concentré sur son assiette et son indifférence feinte, qui continuait inlassablement à manger sans jamais lever le moindre regard vers son vampire. Un peu d'alcool n'était pas de trop pour supporter l'ambiance tendue de ce repas !
– Au fait, j'ai oublié de te dire, fit-il à son mari. On a invité Matthieu et Charlie à dîner vendredi soir... Matthieu s'inquiétait un peu de n'avoir de nouvelles de personne.
– J'imagine... Je ne sais même pas quel jour on est.
– Mercredi, fit Lucius en attrapant un plat pour se servir un peu de viande et de petits pois à la française. Ce serait dans deux jours... Je pense que Matthieu a besoin de s'assurer que tu vas bien.
Il ne savait même pas si Harry avait effectivement envoyé l'invitation mais ainsi il ne pouvait plus reculer.
– Je parlerai à Matthieu, fit Severus en hochant la tête.
Harry n'avait pas réagi, ni même levé les yeux, excepté pour se servir à son tour de viande et de légumes. Mais en aucun cas il n'avait croisé le regard de Severus pourtant fixé sur lui.
– Il faudrait qu'on aille à Torquay aussi. Draco est inquiet et les enfants te réclament. Ils n'ont pas compris ton absence quand on y est allés il y a deux jours. Draco a beau leur avoir expliqué certaines choses, tout ça reste trop abstrait pour eux... Et puis d'habitude, on va toujours y passer quelques jours au mois d'août...
– C'est faisable.
Lucius avait lancé cette proposition à la volée, sans y croire lui-même, et la réponse de Severus le surprit. Déjà un dîner avec Matthieu et Charlie paraissait complexe à gérer, mais un repas de famille avec les enfants, vu la tension larvée entre Harry et Severus, semblait insurmontable. Il allait falloir que les relations entre ces deux-là se dérident très vite !
– Draco se demandait d'ailleurs de quoi tu pourrais avoir besoin... Il pensait mettre des rideaux dans le salon mais est-ce que ce sera suffisant étant donné le nombre de baies vitrées ? En pleine journée, le soleil donne en plein sur la pièce principale...
– Je ne sais pas si ça suffira, avoua Severus en jouant machinalement avec son couteau. Ça dépendra principalement du temps qu'il fera... Mais si le temps est trop ensoleillé, j'irai m'installer dans la chambre de l'étage inférieur. Elle est plus sombre que les autres et avec un ou deux sortilèges, ça devrait aller. Et puis, je ne vais pas vous empêcher de profiter de la lumière toute la journée... Je remonterai le soir, ou s'il fait vraiment très gris...
Tout en mangeant, Lucius observait la main de son mari. Ne sachant que faire, les elfes avaient mis un couvert pour lui aussi, et ses doigts qui retournaient sans cesse le couteau sur la table traduisaient sa nervosité latente. Une fraction de seconde, il perçut le regard de Harry sur le geste de son vampire, puis il baissa à nouveau les yeux et continua à manger sans se préoccuper d'eux.
– … D'ici quelques semaines ou quelques mois, je devrais pouvoir supporter un peu plus de lumière, mais pour l'instant, je suis encore très limité, concéda Severus. Pour la sensibilité au bruit, il me suffit de jeter un Assurdiato, mais la lumière est vraiment ce qui me gêne le plus.
– On s'en arrangera. On peut n'y aller que samedi-dimanche, par exemple. Juste histoire de rassurer les enfants... Les prochaines fois, on les invitera au Manoir. Il sera plus facile d'y opérer quelques changements pour que tu y sois à ton aise.
Un bruit de couverts un peu plus strident résonna dans le silence tendu autour de la table. Hasard ou crispation involontaire de Harry, Lucius n'aurait su le dire...
– Et toi, tu as trouvé quelque chose d'intéressant pour la salle de bains ? fit-il en tournant la tête vers le jeune homme.
– Possible, répondit Harry d'une voix admirablement neutre. Je te montrerai tout à l'heure, j'ai laissé le catalogue dans le Petit Salon.
– Quand on est allés à Bruxelles, expliqua Lucius à l'intention de son mari, j'ai beaucoup apprécié la salle de bains de la chambre d'hôtel. La baignoire sur pieds avait beaucoup de charme et l'agencement de la pièce était très intéressant. Et je suis un peu lassé de la salle de bains de notre chambre. Alors... pourquoi pas un peu de changement ? Harry s'est procuré quelques catalogues pour se faire une idée précise avant de faire intervenir les elfes...
– C'est une bonne idée, approuva Severus.
Il semblait désireux d'ouvrir le dialogue mais Harry conserva un silence sépulcral.
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Tant bien que mal, entre silences et tentatives délicates de conversation, le repas se poursuivit, du moins pour Harry, car Lucius avait perdu l'appétit depuis un bon moment. Il se contentait de siroter son verre de vin en attendant que l'assiette de leur amant se vide pour la dernière fois et qu'il puisse quitter ce petit enfer pour quelque chose d'un peu moins formel.
Et quand, enfin, Harry s'essuya la bouche et reposa sa serviette à côté de son assiette, Lucius ne fut pas long à se lever pour sortir de table.
– Tu peux nous laisser quelques minutes ?... Je te rejoins dans le Petit Salon.
Surpris, Lucius mit une ou deux secondes à comprendre que c'était Harry qui venait de parler et qu'il désirait rester en tête à tête avec Severus. D'autant plus surprenant qu'il l'avait délibérément ignoré pendant tout le repas.
– Bien sûr, acquiesça l'aristocrate.
Il salua un Severus stoïque d'un signe de tête et quitta la pièce le plus discrètement possible.
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Tandis que les pas de Lucius s'éloignaient dans le couloir, Harry leva un regard dur vers Severus.
Tout à l'heure, leur confrontation n'avait duré que quelques secondes, il n'avait pas eu le temps de le détailler comme il le faisait à présent. La première pensée qui lui vint en tête était qu'il n'avait pas menti à Minerva : Severus était d'une beauté à couper le souffle. Des traits moins marqués qu'avant sa transformation, des cheveux brillants, noir de jais, aussi sombres et lumineux que le puits de ténèbres de ses yeux, une bouche plus charnue que dans son souvenir, une impression de noblesse et de puissance... Surtout de puissance !
Malgré les hésitations palpables dans son comportement à leur égard, Severus rayonnait d'une puissance évidente. Elle vibrait dans l'atmosphère trop lourde de la Salle à Manger, elle serpentait partout, comme une aura librement déployée, et Harry la sentait résonner dans chaque cellule de son corps. Peut-être était-ce son lien particulier avec Severus qui lui faisait ressentir les choses ainsi, mais l'impression était déroutante.
Il prit le parti d'ignorer ses sensations, d'ignorer ce que son corps et son instinct lui suggéraient pour se concentrer sur le regard sombre et attentif de Severus. Il avait demandé à rester seul avec lui, il fallait maintenant aller au bout des choses.
– Bien.
Harry respira profondément et prit son courage à deux mains
– Bien, répéta-t-il. Nous allons mettre les choses au clair. Je ne refuserai pas de te donner mon sang. Je me suis engagé à le faire et je tiens mes promesses. Tu pourras boire aussi souvent que tu en as besoin, tant que tu respectes des proportions convenables. Je ne veux pas me retrouver inconscient, épuisé ou incapable de me lever sans faire un malaise. Au moindre signe de vertige après que tu aies bu, ou à la moindre faiblesse, je t'obligerai à jeûner jusqu'à ce que tu comprennes.
Severus réfréna un rictus devant la menace d'opérette et faillit répliquer que son calice ne pouvait pas lui refuser l'accès à son corps et à son sang, mais ce n'était pas le moment d'envenimer la discussion. Si l'affirmation de Harry qu'il allait le nourrir avait apaisé ses angoisses quelques instants, sa façon de poser ses exigences l'inquiétait au plus haut point. Il semblait vindicatif, à la limite de se rebeller contre son statut de calice, et cela ne présageait rien de bon pour la suite de leur relation.
– … Et j'ai les moyens de t'obliger à jeûner, assura Harry avec un sourire froid. Tu pourras donc boire aussi souvent que tu le veux, mais à certaines conditions. Tu me mordras uniquement dans ta chambre, jamais ailleurs, et certainement jamais en public. Même devant Lucius.
Severus soupira silencieusement. Il pouvait comprendre le besoin d'intimité pour une morsure, il était même naturel, mais se cantonner dans sa chambre ne lui plaisait pas. Comme si Harry ne voulait pas « salir » d'autres pièces du Manoir avec cet acte...
– … Tu me mordras uniquement au poignet. Toujours le même, et jamais au niveau du cou.
Cette fois, Severus serra les dents. Harry ne se rendait même pas compte de ce qu'il exigeait. Le cou était l'endroit privilégié pour les morsures des vampires avec leur calice, la marque de leur relation, le symbole de leur intimité... Vouloir l'obliger à le mordre ailleurs, c'était comme cracher sur leur lien, affirmer qu'il n'était pas son calice, juste un donneur comme un autre, et que rien ne les unissait. Dans l'esprit de Harry, c'était peut-être d'ailleurs le cas, mais pour Severus, ne pas mordre son calice au cou était une forme de parjure. Une trahison de tout ce qu'il était, et il sentait déjà au fond de lui ses instincts primaires ruer et tempêter.
– … Il n'y aura aucun rapport sexuel entre toi et moi. Et d'ailleurs, tu me toucheras le moins possible.
Une fraction de seconde, Severus fut obligé de fermer les yeux pour garder sa contenance.
– Je t'autorise à sauvegarder les apparences quand nous serons à Torquay, mais tu devras te limiter au strict minimum.
Le rictus moqueur lui échappa mais cela n'avait plus d'importance. Au point où il en était, Severus espérait juste pouvoir partir en toute dignité, sans laisser échapper le moindre signe de sauvagerie.
– Bien. As-tu fini ou bien tu as d'autres exigences ?
– Rien qui ne me vienne à l'esprit pour l'instant, fit Harry sans réagir à son ironie. Je te le ferai savoir au fur et à mesure.
Dans le plus grand calme, Harry se leva de sa chaise sans cesser de le regarder avec assurance.
– Je vais prendre le thé avec Lucius. Je te retrouve dans ta chambre dans une heure.
Et maintenant, il était congédié en bonne et due forme, avec en prime, l'affirmation qu'il n'était pas convié dans le Petit Salon ! Severus sentit son cœur se nouer de rage et de douleur. Une brume noire se formait déjà à ses pieds tandis que Harry quittait la Salle à Manger sans un regard de plus. Disparaître, c'était ce qu'il avait de mieux à faire. Au sens propre comme au sens figuré.
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– Tu es en retard !
Cela faisait bien vingt minutes que Harry patientait dans cette chambre qu'il avait autrefois appréciée. Il avait eu le temps de faire les cent pas entre la fenêtre et le lit, le temps de fulminer sur l'arrogance de son vampire, le temps de détailler toutes les photos accrochées au mur en s'efforçant de ne pas les détester parce qu'elles représentaient ce qu'aimait Severus et qu'il était en colère contre lui.
Et maintenant qu'il était enfin là, Harry ne cachait rien de son agacement. Il avait accepté de continuer à donner son sang à Severus, malgré tout ce qu'il lui avait fait, mais il ne fallait pas le pousser trop loin.
– Excuse-moi. J'étais en train de nager, je n'ai pas vu l'heure.
Harry jeta un regard sombre au vampire dont les cheveux mouillés gouttaient effectivement sur le col de sa chemise et de sa veste. Mais ce n'était pas une excuse. Lui, malgré ce que cela lui en coûtait, avait été là à l'heure.
– Il faut croire que tu n'as pas aussi soif que tu le dis ! D'ailleurs, pour quelqu'un qui n'a pas bu depuis presque deux semaines, tu n'as pas l'air très pressé et tu n'as même pas les yeux rouges ! Tu as trouvé un donneur qui voulait bien de toi, dans les maisons communautaires de Colibita ?!
Surpris par l'accusation et le mépris, Severus fronça les sourcils tandis que l'image d'Andréas, nu et le sang gouttant lentement de son poignet, surgissait dans son esprit.
Si leur relation n'avait pas été aussi tendue, Severus aurait pu croire que Harry était jaloux et l'accusait de l'avoir trompé avec le premier donneur venu. Mais son calice était sans doute à mille lieues d'un quelconque sentiment de possessivité. Si au contraire, il pouvait être débarrassé de lui...
– Je n'ai pas bu une goutte de sang depuis que j'ai quitté l'Angleterre, Harry. J'utilise un glamour.
La stupeur du jeune homme, qui venait de s'asseoir au bord du lit, n'était pas feinte, mais il se reprit rapidement.
– Enlève-le !
Les mâchoires crispées, Severus ferma les yeux une seconde. Il ne voulait pas laisser voir à quel point cela l'atteignait mais c'était sans doute trop tard. S'il utilisait un glamour, c'était justement pour ne pas montrer sa véritable apparence, pour ne pas effrayer, pour ne pas que les autres sachent à quel point il était affecté par la soif et le manque de sang. Ce que lui demandait Harry, ce qu'il lui ordonnait, était pure cruauté et humiliation.
Une pulsion sauvage le poussait à mordre son calice sans attendre, et certainement pas à accepter de se dévoiler ainsi, mais pendant qu'il nageait, Severus avait longuement réfléchi. Son propre manque de sang affectait sans doute sa raison et sa façon de réagir à la situation. De la même manière que, tout comme Lucius, il avait perçu la nervosité de Harry et l'impatience dans ses gestes qui trahissaient son besoin d'être mordu et purgé d'une partie de son sang. Ni l'un, ni l'autre, ils n'étaient tout à fait rationnels. Ils devaient se donner une chance. Lui de se nourrir, Harry d'être plus calme, et ensuite voir comment évoluaient leur relation et leur comportement l'un avec l'autre.
S'il fallait en passer par montrer son vrai visage pour que Harry se rende compte de son apparence et lui fasse un peu plus confiance, il le ferait. Malgré l'humiliation que cela représentait.
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Severus passa lentement la main devant son visage en marmonnant le contre-sortilège et le glamour s'effaça. Immédiatement, il détourna le regard pour ne pas lire l'horreur ou le mépris dans les yeux de son calice.
Il ne savait pas exactement à quoi il ressemblait, puisqu'il était incapable de se voir dans un miroir, mais il avait abondamment vu ce que donnait la soif prolongée chez plusieurs Anciens et même chez Mihai. Ses yeux devaient être complètement rouges, presque lumineux au milieu de son visage blafard; ses cheveux avaient dû pâlir tout autant que sa peau, jusqu'à un gris sombre mais terne; ses doigts avaient senti que ses joues étaient creuses, tout comme ses orbites, que ses pommettes étaient saillantes et osseuses, sa mâchoire trop anguleuse. Le visage émacié d'un cadavre ambulant... Même ses mains semblaient décharnées au point qu'il pouvait voir l'ensemble de ses tendons tendus comme des cordes.
– D'ailleurs, tu enlèveras ce glamour à chaque fois que tu viendras boire mon sang.
Severus resta figé sur une grimace crispée. Harry ne lui épargnerait rien, aucune honte, aucune humiliation, aucune déchéance. Mais il n'était plus à cela près. Et si Harry acceptait vraiment de le laisser boire, à chaque fois que Severus enlèverait ce glamour, il ressemblerait un peu plus à cette apparence trompeuse jusqu'à n'en avoir plus besoin.
– Viens, maintenant. Et dépêche-toi. Si tu étais arrivé à l'heure, tu aurais eu plus de temps.
Quelle qu'ait été sa réaction première devant son vrai visage, Harry avait retrouvé son regard dur et fermé. Inaccessible. Dire qu'avant, Severus avait tenu ce corps entre ses bras, qu'il l'avait fait sourire et même rire, qu'il avait vu le bonheur pétiller dans ces yeux verts, qu'il l'avait caressé et fait jouir de bien des manières... Aujourd'hui, Harry était aussi froid et distant avec lui que des aimants qui se repoussent.
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En gardant toute la dignité qu'il lui était possible malgré l'absence de glamour, Severus s'approcha et vint s'asseoir sur le bord du lit, près de son calice. Trop près. Harry faisait visiblement tous les efforts du monde pour ne pas s'éloigner de lui, mais il n'y réussit pas et se décala sur le côté, laissant une trentaine de centimètres salutaires entre eux. Aussitôt, il remonta la manche gauche de sa chemise et tendit le bras vers lui.
Severus soupira mais il n'allait pas tergiverser. L'appel du sang devenait difficile à contrôler et la présence de son calice emportait tous ses sens : son odeur, sa chaleur, le souvenir du goût de son sang, du goût de sa peau, de sa sueur ou de son sperme... Boire l'aiderait à garder la maîtrise de lui-même. Il prit le poignet fin entre ses doigts et approcha sa bouche, les lèvres entrouvertes et les canines déjà sorties.
La pression du sang était telle qu'un simple effleurement de ses dents le fit jaillir. Severus referma ses lèvres autour du poignet en frissonnant, absorbant comme il le pouvait ce jet continu qui noyait directement le fond de sa gorge. Le sang était partout, dans sa bouche, dans son œsophage, dans son estomac, remontant même à l'arrière de son nez tant la pression lui laissait à peine le temps de déglutir. S'il avait eu besoin de respirer, il aurait suffoqué.
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Il fallut une ou deux longues minutes pour que le flot ralentisse enfin et que Severus sente sur sa langue les pulsations de l'artère. Il n'avait même pas pu savourer ces premières gorgées, apprécier à sa juste valeur de retrouver le goût si divin du sang de son calice. Il s'était contenté d'avaler ces débordements qui fusaient hors du corps de Harry. Il avait bu mais ce moment qu'il avait tant attendu avait presque été gâché.
Harry, lui, n'avait strictement pas bougé. Pas un frémissement, ni un son, pendant que Severus avait ses lèvres sur sa peau, pas un mot ni un soupir, rien. Juste le bruit de son cœur dont les battements forcenés reprenaient peu à peu un rythme plus calme. Harry avait vraiment eu besoin d'être mordu et son soulagement devait être à la mesure de sa douleur qu'il avait dû ressentir.
Des sentiments plus profonds de son calice, Severus ne percevait toujours que son mal-être latent, immuable depuis qu'il était revenu. Un mélange d'inquiétude, de tristesse, de désarroi... et aucune once de quoi que ce soit de positif. Même son apaisement après la morsure ne venait pas modifier son état d'esprit.
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Severus prit encore quelques instants pour jouer avec sa langue dans le flot de sang, mais le cœur n'y était plus. Il avait espéré que cette morsure change tout, et cela n'avait rien changé. Il était dépité et nauséeux de cette orgie de sang, d'un moment qui n'avait pas été à la hauteur de ses attentes. Il avait bu, Harry était soulagé, mais l'un et l'autre restaient sur leur faim.
Sans compter que, sa soif assouvie, un autre aspect pulsionnel prenait maintenant le dessus. Harry était là, si près de lui, Severus touchait son poignet de ses doigts, de ses lèvres, et il devait partir rapidement s'il ne voulait pas se laisser emporter par le désir de la chair. Son instinct primaire le poussait à caresser son calice, à l'embrasser, à lui faire l'amour pour raffermir le lien entre eux et il ne devait pas céder à ces pulsions-là. Il sentait déjà dans son pantalon son érection très à l'étroit, et son charme de vampire qui ne demandait qu'à se déployer pour influencer Harry et le rendre consentant à subir les derniers outrages.
Précipitamment, Severus retira ses crocs, puis ses lèvres, referma la morsure d'un coup de langue et se leva d'un bond. Relâcher le poignet de Harry lui était difficile mais il s'y obligea avant de s'en servir pour l'attirer vers lui. Pour plus de sûreté, il recula même de quelques pas, avant de s'essuyer la bouche d'un revers de main pour ôter toute trace de sang.
Harry était toujours immobile, le regard rivé sur son poignet intact qui reposait sur sa cuisse. Pâle mais Severus était certain de ne pas lui avoir pris trop de sang. Il aurait même pu boire bien davantage s'il n'avait craint la réaction de son calice. Et la sienne.
– Harry... Ça va ?
La bouche était pincée, le regard fuyant. Harry essuya machinalement la paume de sa main sur son pantalon, puis baissa sa manche. Nerveux.
– Oui.
Un regard furtif et dur.
– Tes yeux sont encore rouges.
– Je n'avais pas bu depuis trop longtemps pour que ça disparaisse en une seule fois... Bonne nuit et... merci.
Bouleversé et assailli par le désir, Severus préféra disparaître avant l'irrémédiable.
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Seul dans la chambre avec quelques volutes de brume noire qui s'évanouissaient peu à peu, Harry soupira. Puis éclata en sanglots.
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Lucius n'était pas surpris de ne pas avoir vu Harry redescendre dans le Petit Salon. Il ne savait pas combien de temps pouvait prendre cet... échange de sang, mais il se doutait surtout que ses deux amants avaient besoin de se parler et de prendre du temps pour eux. Leur tension était plus que palpable mais Harry avait tout de même proposé son sang à Severus spontanément, et sans aucune pression de sa part. Cela lui semblait plutôt de bon augure...
Les braises de la cheminée s'éteignaient doucement et il ne restait plus qu'un ou deux chandeliers allumés qui lui permettaient à peine de deviner les photos sur le catalogue. Lucius avait voulu que Severus soit à son aise, mais il n'était pas plus redescendu que Harry. Soit. Il avala la dernière gorgée au fond de son verre de cognac, jeta un sortilège de protection sur le feu puis se leva.
Avant de monter, il fit un tour dans son bureau où ne l'attendait aucun courrier urgent – chose appréciable depuis qu'il avait quitté le Ministère – puis dans la bibliothèque pour prendre un livre. Juste de quoi patienter si ses amants n'avaient pas terminé...
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À l'étage, le silence régnait, presque oppressant, que ce soit devant la chambre de Severus ou devant la leur. Lucius ouvrit la porte sans frapper et s'immobilisa, surpris de trouver Harry dans leur lit, adossé contre les oreillers. Ils avaient donc fini leur petite affaire dans l'autre chambre, et de toute évidence, Severus n'allait pas venir dormir, ou à tout le moins s'allonger avec eux.
– Je ne savais pas si vous aviez fini, je venais lire un peu en vous attendant, fit Lucius. Ça s'est bien passé ?
– Ça s'est passé, répondit Harry en reposant son livre sur ses cuisses.
Bon. Ce n'était pas aussi encourageant que Lucius l'avait espéré, et Harry n'avait pas l'air de vouloir donner plus d'explications.
– C'est un peu court... Je suppose que je devrais m'en contenter ?
Harry eut un sourire hésitant tandis que Lucius posait son livre sur un fauteuil et entrait dans le dressing pour se déshabiller.
– Qu'as-tu fait de Severus ?
– Il s'est absenté un petit moment.
– Absenté ?!
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Après un passage rapide dans la salle de bains, Lucius rejoignit le lit où Harry – et semble-t-il une discussion délicate – l'attendaient. Il se glissa sous les draps parce qu'il frissonnait de sa nudité, mais il resta assis, légèrement tourné vers son amant.
Harry avait pris une douche avant de se mettre au lit et ses cheveux étaient encore humides. Il était pâle, visiblement fatigué, mais son regard était déterminé, prêt à affronter le sien et même la conversation à venir.
– Il a voulu plus que du sang ? Il a voulu te toucher ?
– Non. Il n'a même pas essayé.
– Tu as eu mal ?
– Non. Pour ça, non...
– Alors quoi ?
– Alors rien, fit Harry avec un sourire crispé. Ça m'a fait du bien. J'avais besoin de vider une partie de mon sang; finalement ça tombait bien...
– Et c'est ça qui te dérange ? fit Lucius en fronçant les sourcils. Que ça t'ait fait du bien ?
– Peut-être, murmura Harry. Oublie ça, veux-tu ? J'avais d'autres projets pour nous, ce soir !
– Comme quoi ? ricana Lucius. Une bonne nuit de sommeil parce que tu as quand même l'air un peu fatigué ?
Harry grimaça sans vergogne avant de retrouver un sourire lubrique.
– J'avais en tête d'autres idées un peu plus... charnelles. Où tu feras tout le boulot puisque j'ai l'air si fatigué !
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De fil en aiguille, de baiser en caresse, ils firent l'amour ce soir-là, comme presque tous les soirs, à ceci près que les réactions de Harry furent exacerbées. Il prit finalement les devants, repoussant Lucius assis contre la tête de lit, et il se tenait là, dressé sur ses genoux de part et d'autre de ses cuisses, présentant son sexe en érection pour se faire sucer. La position était déjà inédite entre eux – ou du moins, elle avait existé mais dans l'autre sens : Harry assis qui suçait l'aristocrate dressé devant lui – mais elle était encore plus surprenante par l'ardeur que le jeune homme y mettait. Il ne se contentait pas de rester immobile tandis que Lucius, les mains sur ses fesses et sur ses hanches, officiait de sa bouche et de ses lèvres... Harry se laissait également emporter au rythme, au mouvement, au désir qui coulait dans ses veines, il pénétrait cette bouche qui acceptait pour l'instant de se laisser faire, au point que Lucius avait l'impression de se voir en train de baiser la bouche de Severus.
Harry était ailleurs, et certainement pas dans son état normal. Impatient, avide de plaisir, à la recherche d'une acmé qu'il n'avait pas connue depuis trop longtemps. Il semblait comme possédé, submergé par ses émotions, ses envies, libéré du peu d'inhibitions qu'il pouvait avoir. Était-ce le retour de Severus qui l'avait ainsi bouleversé ? Cette morsure qu'il avait consentie à contrecœur mais qui l'avait tout de même soulagé ?... Le désir exacerbé et sans limites dont il faisait preuve était en tout cas de près ou de loin lié à Severus.
Et quand enfin, Harry fut sur le point de jouir, ce fut à plat ventre sur le lit défait, secoué par les coups de reins de Lucius, la tête fléchie pour libérer son cou et dans un gémissement désespéré.
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Severus remonta machinalement le col de sa veste, puis le capuchon de sa cape. La nuit était pourtant déjà tombée, les seules lueurs à la ronde étaient celles de l'éclairage public et des devantures des magasins, mais c'était devenu un réflexe dès qu'il était à l'extérieur. Ça et les gants de cuir noir pour protéger ses mains... Pas une once de peau qui puisse être exposée à la lumière.
Autour de lui, quelques jeunes aux conversations bruyantes et aux rires trop gras, des promeneurs en famille, les étals des commerçants d'un petit marché nocturne, des objets colorés et brillants qui attiraient l'œil, et un peu plus loin, l'échoppe odorante d'un vendeur de gaufres et de glaces... Malgré les attentats de l'hiver dernier, l'ambiance restait détendue et bon enfant, presque festive, bercée par la douceur et l'insouciance de l'été.
Au bout de la rue, des bruits de voix joyeux s'échappaient du Chaudron Baveur à chaque fois que la porte s'ouvrait. Débordant sur le passage, deux cafés qui se faisaient face avaient installé leurs terrasses et servaient encore, à cette heure avancée, repas chauds et bière à volonté à leurs nombreux clients. Le Chemin de Traverse avait bien changé depuis quelques années... Il était devenu un lieu bien plus vivant, et pas seulement la journée.
D'un sortilège, Severus ferma la porte de la Librairie et remonta lentement la rue. Quelques regards curieux s'attardèrent sur son passage mais il ne pouvait pas être reconnu. Simplement, un inconnu, avec cette grande cape sombre d'un style étranger, la tête cachée sous un profond capuchon qui laissait son visage complètement dans l'ombre, n'était pas dans l'air du temps. Il aurait paru moins suspect dans l'Allée des Embrumes !
Pour ne pas soulever trop d'attention, Severus laissa échapper son aura de vampire pour charmer les passants inquiets et il pressa le pas sans s'attarder sur les étals des commerçants. Pourtant, il aurait pris plaisir à se balader tranquillement et à fureter sur ce petit marché, mais sa nouvelle condition inquiéterait toujours.
Et dire que le cadeau d'anniversaire de Harry patientait toujours dans son bureau depuis des semaines !... Il l'avait fait faire bien avant sa transformation, mais il n'avait pas eu l'occasion de le lui offrir, enfermés qu'ils étaient dans le pavillon chinois et avec bien d'autres pensées en tête. Et au vu de leurs relations actuelles, même s'il le laissait simplement dans le Petit Salon ou dans leur chambre, sans être là pour l'ouverture, Severus n'était pas sûr que le cadeau soit bien perçu. Comme tout ce qui venait de lui, d'ailleurs ! Au pire, il laisserait Lucius l'offrir à Harry, sans dire qu'il en était à l'origine...
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Rapidement, les portes sombres et massives de Gringotts se profilèrent devant lui. Severus grimpa les quelques marches qui menaient sur le vaste perron. À cette heure, la banque était fermée depuis longtemps, mais il était à peu près certain que des gobelins y travaillaient encore, assurant une permanence de nuit ou un service minimum. L'importance de cette banque dans le monde magique était telle qu'elle ne devait jamais interrompre totalement ses activités...
Seulement, sur les grandes portes fermées, nulle sonnette, sortilège d'appel ou heurtoir ne permettait de solliciter l'entrée. Un simple panonceau s'illuminait dès que l'on touchait la porte, stipulant la réouverture de la banque à neuf heures demain matin. Qu'importe. Severus avait d'autres moyens de signaler sa présence.
De sa baguette, il invoqua son nouveau patronus en soupirant et la forme argentée traversa tranquillement le bois massif pour aller voleter dans la grande salle des pas perdus. Il avait vraiment du mal à se faire au changement de son patronus.. Une façon de remuer un peu plus le couteau dans la plaie... Mais c'était quelque chose qu'il ne maîtrisait pas.
Le quetzal argenté traversa le Hall jusqu'à trouver un gobelin et délivra son message. Severus disait qu'en raison de sa nature, il lui était impossible de se présenter en journée, aux horaires d'ouverture de la banque et qu'il sollicitait simplement un entretien de courte durée, sans avoir besoin d'accéder aux coffres. Les gobelins durent comprendre ce qu'il sous-entendait, car la porte s'ouvrit rapidement sur une créature minuscule qui le conduisit dans le bureau d'un dénommé Ragnok, préposé aux créatures magiques.
Le gobelin qui lui faisait face était petit mais dégageait un sentiment d'importance, d'assurance, sans doute dû à sa position dans la banque et à ses responsabilités. Il invita Severus à s'asseoir et spontanément, éteignit le plafonnier et la lampe sur son bureau, ne laissant que la faible lueur d'une lanterne au sol.
– Merci, fit Severus en inclinant obligeamment la tête.
Puisque la lumière était clémente, il retira ses gants, puis replia en arrière le capuchon de sa cape sur ses épaules. Il n'était pas sorti en public depuis sa morsure, mais les journaux avaient abondamment parlé de lui ces dernières semaines, et en une seconde, Severus fut certain que le gobelin l'avait reconnu. Merlin merci, avec le glamour, il ressemblait à peu près aux photos qui avaient dû paraître...
– Je vous en prie. Je suis votre obligé, Seigneur Rogue-Malfoy. Que puis-je faire pour vous ?
Sa requête allait sembler ridicule, mais pour lui, elle avait une importance réelle, quelle que soit l'opinion des autres.
– Certains d'entre vous sont venus au Manoir Malfoy, il y a quelques semaines, commença Severus. Pour poser un sortilège bien particulier sur un pavillon dans le domaine...
Le gobelin hocha la tête.
– Un Sortilège Infranchissable... J'y étais. Tout ce qui concerne les créatures magiques autres que les sorciers passe forcément par mon bureau...
Severus grimaça intérieurement. Était-ce plus humiliant que ce gobelin ait participé à son enfermement en sachant très bien les raisons qui y avaient conduit, ou était-ce au contraire une aubaine pour éviter d'avoir à détailler certaines choses ?... En tout cas, Ragnok savait de quoi il parlait et Severus comptait sur la discrétion naturelle des gobelins.
– Je souhaiterais que vous veniez poser ce même sortilège sur certaines fenêtres du Manoir...
– C'est un sortilège complexe, fit remarquer le gobelin en l'observant dans la pénombre.
– Je paierai ce qu'il faudra.
Le regard incisif de Ragnok aurait pu le mettre mal à l'aise, mais Severus était un vampire. Même ces créatures-là le craignaient. Il devait simplement supputer les raisons étranges qui l'amenaient à faire une demande pareille.
– Vous vous êtes rendu à Colibita, récemment...
– C'est exact, fit Severus, surpris.
– Je ne vous demanderai pas de contrepartie financière pour ce sortilège, fit Ragnok après un silence. Mais en revanche, j'apprécierais une lettre de recommandation auprès des orfèvres et des marchands de matière précieuse de la région... Je pense qu'il est possible d'organiser une certaine coopération entre nos deux pays...
– L'argent vous intéresse ? ricana Severus en songeant aux bains d'argent liquide présents dans le Palais Seigneurial et dans chaque maison communautaire.
– Tout ce qui est précieux m'intéresse, Seigneur Rogue.
– Je suis un étranger, là-bas. Presque autant qu'ici, maintenant, ajouta-t-il amèrement.
– Mais vous êtes des leurs.
Severus grimaça, pas très enjoué à l'idée de demander ce service à Mihai, mais si c'était le moyen d'obtenir ce qu'il voulait...
– Je verrai ce que je peux faire.
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Lucius s'éveilla le lendemain matin en pensant instantanément à Severus. Harry était dans le lit à côté de lui, ronflant doucement avec la tête sous l'oreiller, mais il ne savait pas si Severus était revenu dans la nuit.
Il se leva en silence, veillant à ne pas réveiller son compagnon, et se rendit dans la salle de bains où il convoqua un elfe de maison.
– Monsieur Rogue est rentré, Maître, répondit la créature à sa question. Dans la nuit, vers deux heures du matin. Il est resté un peu dans la Bibliothèque, puis il est allé nager. À présent, il se trouve dans le Petit Salon.
Mine de rien, il était rassuré. À travers les paroles de Harry, il avait craint que Severus ne soit parti pour retourner à Colibita...
De la chambre, Lucius entendit brusquement un grognement contrarié qui le fit sourire.
– Ramène tes fesses, Blondie ! J'aime pas me réveiller tout seul...
Il fallait vraiment qu'il soit de bonne humeur pour tolérer pareil langage dès le matin ! Lucius gloussa et entrouvrit à peine la porte de la salle de bains pour s'adresser à son amant.
– Blondie te fait dire que si tu veux quoi que ce soit, il faudra le rejoindre sous la douche !
Il ne fallut pas cinq secondes pour que Harry soit tout sourire dans la salle de bains. Il avait compté !
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Le sourire de Harry fut cependant vite chassé quand ils descendirent prendre le petit-déjeuner. Severus était déjà là, stoïque et impassible devant sa tasse de thé. Harry s'était figé en découvrant le dos de son vampire assis à sa place habituelle, et Lucius fut obligé de le pousser légèrement pour le faire entrer dans la Salle à Manger.
Sans un mot ni un bonjour, Harry alla s'asseoir et commença à se servir.
Lucius, lui, se pencha vers Severus pour glisser un baiser sur ses lèvres. Harry ne devait pas croire qu'il allait les traiter différemment ou que l'un comptait moins que l'autre.
Le repas fut malgré tout froid et silencieux, et dès qu'il termina de manger, Harry s'éclipsa en prétextant une potion sur le feu.
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– Il n'a aucune potion sur le feu, soupira Lucius. Il n'a pas remis les pieds dans le laboratoire depuis qu'il est sorti du pavillon chinois.
Severus baissa les yeux sur sa tasse de thé avec un air dépité.
– Viens. Allons dans le Salon.
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Les rideaux étaient encore tirés dans le Petit Salon puisque Severus y avait passé un moment et il s'installa dans son ancien fauteuil, dos à la fenêtre. Lucius se passa une main lasse sur le visage. Quelque chose lui disait qu'il allait être compliqué d'avoir ses deux amants en même temps dans la même pièce et que les repas ne seraient qu'un calvaire supplémentaire... Et demain soir, Matthieu et Charlie qui devaient venir dîner !... Il avait peut-être été un peu optimiste sur cette idée-là.
– Comment était Harry hier soir ? fit Severus. Il allait bien ?
Lucius jeta un regard étonné à son mari. Nul besoin de lui demander de quoi il parlait... Et si la morsure avait bien laissé des traces sur le comportement de Harry, Severus, lui, n'en semblait pas du tout affecté, ni en mieux ni en moins bien.
– Ça allait. Un peu bouleversé, mais je suppose que c'est normal.
– Bouleversé ?! insista Severus en fronçant les sourcils. Comment ça ?
– J'imagine qu'il essaie absolument de ne rien laisser paraître, mais il n'est pas aussi indifférent que tu peux le croire, Sev... Il ne t'a pas vu pendant près de deux semaines, il n'a pas donné son sang depuis aussi longtemps... Il n'est pas de marbre.
– Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
Lucius lissa machinalement son pantalon avant de croiser les jambes et de s'appuyer contre le dossier de son fauteuil.
– Qu'il n'avait pas eu mal.
– C'est déjà ça, grogna Severus. C'est tout ?
– Que ça l'avait soulagé... parce qu'il avait de toute façon besoin de se vider d'une partie de son sang. Et je crois qu'il n'est pas très à l'aise avec cette idée. Qu'une morsure puisse être un soulagement va à l'encontre de ce qu'il a vécu dans le pavillon chinois...
Cette fois, Severus n'essaya même pas cacher sa grimace déconvenue.
– Il t'a raconté ce qui s'est passé, bien entendu.
– Des bribes. Certainement pas tout. Et bien assez à mon goût.
Ils n'en avaient pas parlé frontalement depuis le retour de Severus la veille, et pas non plus dans leurs lettres qui avaient transité jusqu'en Roumanie. À peine quelques mots qui tournaient autour du sujet tabou, des circonvolutions prudentes et prudes qui ne les laissaient en paix ni l'un, ni l'autre.
– Écoute, fit Lucius. Je ne veux prendre parti pour aucun de vous deux. Tout ce que je sais, c'est que ce qui s'est produit vous a dépassé. Je te connais, Sev, et rien de tout cela n'aurait eu lieu si tu avais été dans ton état normal. Je t'ai même connu dans les périodes les plus sombres, et jamais tu n'as été capable de faire le dixième des horreurs que j'ai faites ! Et de la même façon, Harry ne se serait jamais laissé faire, et il n'aurait jamais réagi comme il l'a fait, s'il n'avait pas été aussi épuisé et complètement désespéré avant de te rejoindre dans le pavillon chinois. Ce n'était pas toi et ce n'était pas lui, mais ce que vous avez fait et vécu là-dedans vous affecte tous les deux. Tant que tu ne feras rien contre ça, Harry va continuer à te fuir. Je pense qu'il peut changer d'avis sur toi, mais ce sera long et laborieux.
Lucius observait les doigts de Severus qui pianotaient sur l'accoudoir de son fauteuil en un geste hypnotisant.
– Je serai là, soupira l'aristocrate. J'espère simplement que vous n'épuiserez pas ma patience avant de vous être réconciliés.
Il ne voulait pas le montrer mais, encore une fois, Severus était ému par son mari. Ce genre de paroles avaient le don de lui rappeler pourquoi il l'aimait tant, et pourquoi il revenait malgré les difficultés...
– Merci, murmura-t-il, incapable de plus de mots.
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Harry revint environ une heure plus tard, sortant d'on ne savait où, aussi taciturne et distant qu'au petit-déjeuner. Il s'installa avec son livre sur le canapé, du côté le plus éloigné de Severus, et appela lui-même un elfe de maison pour se faire servir un thé. Par courtoisie, il fut obligé d'en proposer à Lucius, puis à Severus, mais ce fut du bout des lèvres.
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Au bout d'un long moment de silences et de bribes de conversation, Severus posa les mains sur les accoudoirs de son fauteuil et se leva dignement.
– Je vous laisse. Je vais dans mon bureau...
– Pourquoi ? fit Lucius en haussant un sourcil.
– Vous n'avez pas assez de lumière pour lire... Et pour moi, il y en a déjà trop.
Il aurait pu ajouter que Harry n'avait pas tourné une page depuis dix minutes mais il ne voulait pas le froisser davantage. Lucius lui jeta un regard ennuyé sans chercher à le retenir. En pleine journée, leurs modes de vie semblaient plus que jamais irréconciliables.
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De manière visible, Harry se détendit dès que Severus fut sorti. Un relâchement dans les épaules, un soupir, les traits de son visage qui s'adoucissaient... avec presque une lassitude de devoir maintenir ce comportement si austère, si froid, si éloigné de sa personnalité, quand il était en présence de Severus.
Lucius se leva et s'approcha de la fenêtre, autant pour ouvrir les rideaux et faire entrer le soleil que pour dissimuler le sentiment de tristesse que tout cela lui inspirait.
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Le reste de la journée fut à l'image de la matinée : des repas pesants et silencieux, et un chassé-croisé permanent entre ses deux amants. Quand l'un sortait d'une pièce, l'autre ouvrait les rideaux; quand ils rejoignaient Severus dans la Salle à Manger, il était déjà installé et les rideaux étaient tirés.
Pour s'oxygéner un peu, Lucius s'isola un moment dans son bureau; soi-disant pour travailler et rédiger quelques courriers, mais il avait surtout besoin de souffler. Puis, quand il en sortit, il proposa à Harry une promenade à cheval jusqu'à la rivière. Severus avait peut-être aussi besoin de moments où il se sentait complètement libre dans le Manoir...
Monter en selle lui fit un bien fou, déjà parce que cela le fatiguait physiquement, mais aussi parce qu'il avait envie de respirer de l'air pur, des odeurs d'herbe, de verdure, de sentir le vent rafraîchir sa peau chauffée par le soleil. Severus n'y pouvait rien, mais l'atmosphère sombre, confinée du Manoir devenait pesante, à la limite d'un sentiment d'oppression. Lucius se demandait comment Harry avait fait pour supporter de vivre ainsi, rideaux toujours fermés, dans les deux pièces ridiculement petites du pavillon chinois, et pendant quinze jours ! De quoi devenir fou...
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Le seul moment presque agréable de cette première journée de Severus au Manoir survint le soir, après le repas. Plutôt que de devoir choisir avec lequel de ses amants il allait passer la soirée, Lucius les obligea plus ou moins à venir tous les deux dans la Salle de cinéma. C'était peut-être la seule pièce du Manoir dont les rideaux étaient très occultant et toujours tirés pour pouvoir mieux apprécier les images sur l'écran.
Avec un sourire mal dissimulé, il les vit hésiter sur l'endroit où s'asseoir. Aucun ne voulait paraître ridicule ou lâcher du terrain en s'installant sur un des canapés de côté, mais ils ne voulaient pas non plus se retrouver côte à côte sur celui face à l'écran. Après les avoir laissés mariner quelques instants, Lucius vint jouer les juges de paix en s'asseyant au milieu.
Au moins, pendant toute la durée du film, il les avait tous les deux à côté de lui en même temps, dans une apparence de presque normalité, et envers chacun, il put avoir, en toute discrétion, de petits gestes tendres qui lui manquaient tellement.
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La trêve fut cependant de courte durée et, dès la fin du film, Harry voulut monter se coucher tandis que Severus se retirait dans la Bibliothèque et que Lucius soupirait. Partager un canapé était déjà bien compliqué; ils n'étaient pas prêts de partager un lit !
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Merci de votre lecture et de votre fidélité. J'espère que vous n'avez pas été choqués et que vous comprenez l'intransigeance de Harry...
La semaine prochaine, chacun tente de prendre ses marques, Harry avec Severus, mais aussi Lucius avec son mari, et le dîner avec Charlie et Matthieu sera le théâtre de quelques anicroches...
Au plaisir
La vieille aux chats
