Résumé: Harry est revenu transformé de ses quelques jours d'absence loin de son vampire et du Manoir. La distance lui a permis de comprendre beaucoup de choses et de lâcher prise sur ses réticences au sujet de son vampire. Au point que Severus se sente parfois mal à l'aise devant les réactions charnelles de son calice, ou vaguement jaloux de sa relation décomplexée avec Lucius. Et le mariage qui approche le tourmente un peu plus...
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Un petit chapitre aujourd'hui, qui n'est que la première partie de cette journée de mariage, mais qui devrait vous plaire! ^^ Harry va enfin faire comprendre à Severus où il en est... Bonne lecture!
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Le jour du mariage arriva bien vite – Severus n'osait pas penser trop vite – et la tension monta d'un cran dans le Manoir. Toutes les pièces, même les pièces privées où ne pénétreraient pas les invités, étaient parfaitement rangées et sans le moindre grain de poussière, les rideaux rassemblés à la perfection, les miroirs sans traces, les coussins gonflés et disposés avec précision et partout, les bouquets somptueux disputaient la place aux couronnes de fleurs, mais ce n'était jamais assez.
Lucius parcourait encore le Manoir de long en large, les yeux sur tous les détails, égrénant les ordres et les recommandations, veillant à ce que tout soit impeccable et à la hauteur de ce qu'il voulait. Sur ses talons, le suivant à la trace, Clay redistribuait les tâches à la cohorte d'elfes venus en renfort pour le mariage et le service du dîner. Et malgré leur assistance, il se gardait une grande partie du travail, bien conscient qu'aucun n'arriverait à satisfaire les exigences pointilleuses de son Maître. Sans compter que parfois, d'un instant sur l'autre, Lucius exprimait des ordres contradictoires qu'aucune créature n'osait relever. Clay souriait de cette manifestation discrète de la nervosité de son Maître mais il n'allait pas pour autant le signaler en public; il ne tenait pas à faire les frais de son stress.
Dans la Bibliothèque, Severus bouillonnait, incapable de se concentrer devant cette effervescence, ces allées-et-venues incessantes et ces bruits continuels de voix, de meubles qu'on déplace et de chaises qui raclent le sol. Après avoir sursauté une troisième fois au transplanage intempestif d'un elfe pour redresser un tableau, réarranger une fleur, un coussin, la disposition des fauteuils autour de l'âtre... il posa sa plume, referma ses livres d'un geste sec, reboucha ses flacons d'encre et quitta la pièce.
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– C'est ici que tu te caches ? fit-il en pénétrant dans le laboratoire.
Harry leva le regard de son chaudron en souriant puis se remit à mélanger doucement sa potion.
– Je ne me cache pas. Du moins, pas plus que toi, gloussa-t-il avant d'avouer : Luce m'épuise !
Severus ricana une seconde tout en rejoignant son calice. La potion qu'il préparait était d'une belle couleur mordorée et tout autour, sur le plan de travail, se trouvaient encore des restes d'ingrédients, des couteaux à découper en désordre et deux ou trois fioles vides qui avaient servi à la recette.
– Il est un peu à cran, reconnut-il. Il veut que tout soit parfait...
– Heureusement que je lui avais demandé un mariage en toute simplicité et sans fioritures ! gloussa Harry avant de hausser les épaules. Je le laisse faire... Ça lui fait plaisir et puis ça l'occupe. Sans ça, il serait fichu de râler parce que je ne suis pas en tenue à dix heures du matin, voire même de me renvoyer chez le tailleur pour une retouche de dernière minute !
Harry avait tout à fait raison et Severus ne put empêcher un large sourire de fleurir sur ses lèvres. Il en avait lui-même fait les frais un an plus tôt à son propre mariage et Lucius avait été tout bonnement insupportable. Certes, c'était alors un mariage en grandes pompes et le moindre détail comptait, mais à voir l'énergie qu'il y mettait aujourd'hui, Lucius était incapable de ne pas faire les choses en grand.
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– Qu'est-ce que tu prépares ? demanda-t-il en observant Harry ajouter de la poudre d'écorce de saule dans sa préparation.
– Rien d'extraordinaire... Juste des potions de sobriété et contre la migraine. Un jour de mariage, je préfère en avoir un peu d'avance, on ne sait jamais !
– Tu n'as jamais rien fait comme tout le monde, murmura Severus pour lui-même.
À ce stade de la préparation, la potion aurait dû être jaune safran alors qu'elle était d'un orange sombre presque marron. Mais il ne doutait pas qu'à terme, elle aurait la couleur, la consistance et surtout l'efficacité souhaitée. Harry était capable de ça, comme de bien d'autres choses...
– Et toi, pourquoi est-ce que tu viens te cacher dans les sous-sols ? gloussa Harry après avoir haussé les épaules.
– Le remue-ménage là-haut m'empêche de me concentrer. Je me suis dit que j'allais nager un peu... si tu veux bien mettre ton sortilège sur les baies vitrées de la rotonde...
– Oh, bien sûr ! Si tu me laisses le temps de finir ça, je suis à toi...
Les derniers mots firent sourire Severus avec délice. Harry ne s'était sans doute pas rendu compte de ce qu'il disait – de la façon dont il pouvait interpréter autrement ce qu'il disait – mais au fond de lui, le vampire ronronnait de satisfaction.
Aujourd'hui, Harry épousait Lucius mais il restait avant tout son calice. Il serait toujours à lui.
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Durant un petit moment, Severus resta songeur, appuyé contre une paillasse tout en regardant Harry terminer sa préparation. Malgré son plan de travail assez désordonné, ses gestes étaient précis, presque gracieux, il n'hésitait jamais sur l'endroit où se trouvait son ingrédient suivant, ni sur les quantités à mettre. Il ne mesurait rien, il ne respectait pas le nombre ni le sens des tours de louche pour mélanger le tout, mais lorsqu'il releva les mains et qu'il éteignit le feu sous son chaudron, la couleur était d'un bleu roi absolument splendide.
– Et voilà. Ça vaudra ce que ça vaudra, mais ça ne pourra pas faire de mal à certains ! gloussa-t-il.
– Elle est parfaite, murmura Severus en s'approchant du plan de travail.
– Tu n'en sais rien, protesta Harry en souriant tout en s'essuyant les mains sur un torchon.
– Je le vois. Et je peux le sentir, dit-il en humant les vapeurs qui s'élevaient encore doucement au-dessus du chaudron.
La potion était vraiment parfaite et sa couleur peut-être plus pure que tout ce qu'il avait jamais pu obtenir. Severus sourit discrètement. Aux vapeurs de potions, aux odeurs des ingrédients, se mêlait l'odeur unique qui n'appartenait qu'à Harry : le parfum de son gel douche, mais aussi celui de sa peau, et la fragrance toute particulière que dégageaient les calices. Et celle de son calice était sans nul doute la plus délicieuse de toutes.
Soudain, Harry releva les yeux vers lui et son visage parut inquiet.
– Bon sang, Severus ! Tu n'aurais pas dû rester là pendant que je finissais ! s'alarma-t-il en réalisant qu'il était présent depuis un bon moment. Les odeurs vont encore te donner une migraine épouvantable ! Tu sais très bien que tu ne supportes pas...
Harry se tut brusquement tandis que Severus esquissait un mince sourire sans joie.
– À moins que... Tu n'as plus de migraines, n'est-ce pas ?
– Non. Plus de migraines, plus de cette vieille douleur à l'épaule... Il faut bien que devenir un vampire ait quelques avantages, murmura Severus.
Aussi vite qu'il était devenu soucieux et concerné à l'idée d'une possible migraine, le visage de Harry se transforma soudain pour laisser apparaître une joie terriblement sincère.
– Oh ! Mais c'est génial ! Severus... Tu vas pouvoir te remettre aux potions comme autrefois ! Ça a toujours été toute ta vie et je sais à quel point ça a été difficile de t'en passer... C'est formidable !
Enthousiaste, Harry s'était même rapproché de lui d'un pas ou deux, un sourire ravi sur les lèvres et le regard brillant. Severus plongea dans la contemplation de ces yeux émeraude qui ne lui cachaient rien. Que ce soit dans le regard de son calice ou dans ce qu'il percevait de son esprit, il lisait la même chose : Harry était heureux. Heureux pour lui. Et cela le remua bien davantage que l'idée de pouvoir se remettre aux potions.
– Je ne sais pas... J'ai plutôt d'autres projets...
– Mais si, tu verras ! Je n'ai jamais pu réellement travailler avec toi, et je suis sûr que Matthieu serait ravi aussi ! Et puis je suis sûr que tu adorerais faire des tas d'expériences avec tous les ingrédients que j'ai ramenés de mes voyages !
Emporté par l'enthousiasme de son calice, Severus laissa échapper un sourire hésitant. La proposition était séduisante. Renouer avec les expériences, avec les tâtonnements de la recherche, pouvoir échanger et partager cela avec son fils adoptif et son calice... Et par-dessus tout, Harry avait l'air d'en avoir envie...
– Tu vois ! jubila-t-il en voyant bien qu'il avait réussi à l'appâter.
Severus grogna en grimaçant. Il ne souhaitait pas que Harry comprenne à quel point il était capable de faire de lui ce qu'il voulait.
– Tu viens nager avec moi ? fit-il pour changer de sujet.
Harry hésita quelques secondes, surpris par sa proposition, puis sourit.
– Pourquoi pas ! Ça fait longtemps !
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– Attends...
Sur son bras, la main de Harry, qui venait de l'arrêter à l'entrée du rideau magique de la rotonde, se colora brusquement de vert tandis que sa magie envahissait l'espace. Severus frissonna en réflexe. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu de contact avec la magie de son calice et la sensation en était délicieuse. Assez affolante pour hérisser les poils sur sa peau.
– Viens. C'est bon...
La main glissa le long de son bras, effleurant ses doigts avant de disparaître; Severus suivit son calice dans la vaste salle de la rotonde.
L'atmosphère chaude et humide lui sauta brusquement au visage, presque un délice sur sa peau qui manquait toujours de chaleur. Une moiteur vivante, presque suffocante. Et dans la pénombre due au sortilège de Harry, l'effet était encore plus saisissant. Seules quelques lumières rases et ténues faisaient briller la surface de l'eau de lueurs fugitives et se reflétaient de loin en loin sur le carrelage clair.
Severus se dirigea vers un placard aménagé dans le mur, sur sa gauche, et en sortit deux grands draps de bain ainsi que leurs maillots. Il tendit à Harry ce qui lui revenait puis s'éloigna de quelques pas pour se changer sans se montrer trop intrusif.
Tandis qu'il déboutonnait sa chemise, il observa d'un regard songeur les baies vitrées devenues complètement opaques à la lumière extérieure.
– Ce sortilège d'obscurité... tu crois que tu pourrais le moduler, ou bien c'est tout noir ou tout blanc ? dit-il lentement.
– C'est-à-dire ? fit Harry en haussant les sourcils.
– Est-ce qu'il est possible de modifier la quantité de lumière qui entre ? Est-ce que tu peux l'adapter à la luminosité extérieure, par exemple, ou est-ce que c'est simplement jour/nuit ?
À demi dévêtu, Harry se tourna vers lui, surpris, avant de répondre sans même réfléchir.
– Je suppose que je peux l'adapter, oui. En réalité, c'est plus un phénomène de métamorphose qu'un sortilège à proprement parlé. Je dois pouvoir moduler la structure pour la rendre plus ou moins poreuse à la lumière... Pourquoi ?
– J'aimerais que tu le fasses... si tu veux bien, dit Severus en se détournant pour baisser son boxer et enfiler son maillot de bain. Ici, et dans la Bibliothèque. Si je veux pouvoir, un jour... faire certaines choses avec les enfants, j'ai besoin de me réhabituer à la lumière. Ce ne sera pas confortable et ce ne sera certainement jamais comme avant mais... je vais être obligé de faire des efforts.
Il ne vit pas la grimace de son calice mais il la perçut quand Harry murmura :
– Je comprends... Je vais voir ce que je peux faire...
Mal à l'aise de cet aveu, Severus s'éloigna vers la piscine sans l'attendre et plongea sans presque une éclaboussure.
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Severus était fourbu quand il cessa de nager pour aller s'accouder au bord de la piscine, là où se trouvait déjà Harry. Sa nature était telle que les courbatures disparaîtraient dans quelques minutes mais cela ne l'empêchait pas de ressentir la douleur sur le moment. Ce qui n'était pas un mal en soi : avoir mal, c'était être vivant, d'une manière ou d'une autre et excepté pour les migraines, il avait toujours eu un fond masochiste.
Harry lui sourit tranquillement quand il vint à côté de lui. Il avait nagé, lui aussi, bien moins longtemps cependant, et depuis un moment, il restait simplement là à se délasser dans l'eau chaude, les deux bras croisés sur la margelle de la piscine et le menton posé dessus. De temps en temps, il remuait les jambes, comme pour apprécier la sensation mouvante de l'eau autour de son corps, il se laissait glisser un peu plus pour réchauffer ses épaules, rejetait sa tête en arrière pour mouiller sa nuque, puis reprenait cette position détendue que Severus l'avait vu prendre des dizaines et des dizaines de fois chaque matin au début de leur relation.
Aujourd'hui, leur position, côte à côte accoudés au rebord de la piscine, était si similaire à ces moments-là que cela soulevait dans son cœur une émotion troublante. Ils n'allaient pas jusqu'à se toucher mais cela lui rappelait avec force et nostalgie ces jours anciens, quand ils venaient se retrouver ici en toute discrétion, nager tous les deux, observer un lever de soleil, partager un moment ensemble, parfois intime, une certaine connivence tout du moins... Harry devait songer à la même chose car son regard était doux, ses émotions légèrement mélancoliques, puis il tourna les yeux vers la baie vitrée.
Cette fois, il n'y avait rien à regarder, aucun jardin à contempler derrière, aucun nuage à voir s'effilocher, aucun rayon de soleil qui risquait de les éblouir ou de se refléter sur leur peau encore humide. Juste une opacité sombre comme une barrière à leur regard. Quoique... à bien y regarder, l'obscurité n'était pas complète. Severus ne pouvait rien distinguer au travers des baies vitrées, mais elles laissaient malgré tout filtrer une mince quantité de lumière qui n'arrivait même pas à le gêner. Il sourit à son tour puis tourna son regard vers Harry.
– Merci...
– Je te donnerai les mots-clefs. Avec ta magie et la mienne, tu devrais pouvoir moduler le sortilège à ta guise...
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Sans même songer à s'en cacher, Severus observait son calice. Sa magie s'était dissipée et les arabesques sur ses bras et son dos étaient redevenues pâles. Seul son torse restait dessiné des entrelacs sombres de leur union et cette vision fit frémir quelque chose de sourd dans son ventre. Harry restait hautement désirable – quoique encore un peu maigre – mais Severus n'avait pas le droit de songer à cela.
Il n'avait plus l'occasion de voir son calice nu ou partiellement dévêtu aussi fréquemment qu'avant – et c'était peut-être salutaire pour sa santé mentale – mais là, malgré l'immersion dans l'eau de la piscine, il pouvait en profiter à loisirs et il ne s'en privait pas. La dernière fois qu'il avait aperçu son corps, c'était quelques jours plus tôt, lorsque Harry était revenu du Sarawak après trois jours d'absence et Severus avait surtout été fasciné par la couleur dorée de sa peau. Quand il avait soigné son genou, Harry avait gardé sa chemise... et son fatidique boxer.
Aujourd'hui, Harry était là, presque nu, affichant ouvertement la rondeur de ses épaules et les cicatrices que Severus savait si douces de ces anciennes griffures de fauve, affichant ses cheveux mi-longs encore humides qui bouclaient doucement sur sa nuque, affichant ses yeux brillants et son sourire amusé...
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– Arrête de me reluquer comme ça, tu vas me faire rougir !
Il était pourtant loin de rougir, pas embarrassé pour deux sous d'être scruté ainsi par quelqu'un qui le connaissait si bien. Au-delà de l'intimité sexuelle qu'ils avaient perdue, Severus restait son vampire et le lien qu'ils partageaient induisait une certaine proximité qui leur était naturelle, même si Harry la freinait depuis des semaines.
– Je ne te « reluque » pas, je surveille l'état de celui qui me nourrit.
Harry laissa échapper un rire léger. Il savait que c'était une plaisanterie. L'aveu d'une certaine dépendance aussi, mais bizarrement, Severus n'en était plus effrayé. Il avait besoin de Harry pour vivre et il en était conscient. Même au-delà de la question du sang, il avait besoin de lui pour se sentir bien, pour être apaisé... pour parfaire cet équilibre précieux entre ses instincts de vampire et ses sentiments humains. Harry était son pendant, son alter-ego, le contrepoids qui le maintenait en harmonie. Celui qui le complétait. Une dépendance précieuse qu'il venait à chérir comme un trésor. Et qui le rendait plus inquiet qu'une mère juive ! (1)
– Tu n'as pas encore repris ton poids normal...
Harry gloussa devant sa remarque avant de la prendre un peu plus au sérieux et de baisser les yeux sur son torse et son ventre.
– Je ne sais pas... Je rentre dans mes pantalons comme avant...
– Moi, je le vois. Est-ce que je te prends trop de sang ?
La question fit rire son calice, et elle était sans doute risible. Harry était un calice parfait; sa production de sang était parfaite. Idéale. Équilibrée... Severus aurait même pu le mordre à volonté, à la moindre petite envie, que Harry aurait produit juste ce qu'il fallait de sang pour aller parfaitement bien et pour qu'il soit parfaitement bien nourri. Même son « goût » était redevenu plus sucré depuis son retour du Sarawak, juste comme il l'aimait.
– Non tu ne bois pas trop, Severus ! fit Harry avec un rien de moquerie. J'ai été plus « rond » que ça, mais j'ai aussi été beaucoup plus mince... C'est juste que... je ne fais plus de quidditch, plus de sport d'aucune sorte. C'est normal que j'aie un peu perdu en muscles.
– Tu devrais venir nager tous les jours avec moi, alors ! proposa-t-il avec un sourire plein d'arrière-pensées.
– Quand il fait nuit noire, à deux ou trois heures du matin ?! Excuse-moi de préférer dormir !
– Tu ne fais plus d'insomnies, d'ailleurs...
– Non, ces temps-ci, ça va, admit Harry avec un sourire amusé. C'est une façon de dire que tu regrettes que je ne vienne plus te tenir compagnie la nuit ?...
Severus pinça les lèvres pour retenir son sourire et détourna la tête. Oui, Harry lui manquait mais il ne pouvait pas le lui dire ainsi. Pourtant, ces moments passés en tête à tête la nuit, dans la Bibliothèque, avaient été précieux. Essentiels. Partager un temps apaisé, qui se passait même de paroles, partager un moment de musique, dans une espèce d'osmose tranquille, partager parfois une morsure... Ça avait été merveilleux. Oui, la nuit, Harry lui manquait et il regrettait sincèrement sa compagnie.
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– Et ton genou, ça va ? fit-il pour échapper aux questions indiscrètes de son calice.
– Parfaitement bien depuis que tu t'en es occupé...
Severus se contenta de sourire sans répondre, l'esprit plein du souvenir de cette érection et de cet orgasme qui avaient suivi le déploiement de ses pouvoirs. Ce jour-là, il avait donné à son calice un plaisir complètement désintéressé et cela avait été aussi bon que s'il avait joui lui-même.
– Il faut croire que je suis fait pour m'occuper de toi, le taquina-t-il.
Les mots lui avaient échappé trop vite, bien trop vite, et Severus les regretta aussitôt. Le silence tacite qui enveloppait le rapprochement progressif de son calice était bien trop précieux pour le bousculer ou le faire voler en éclat. Il ne voulait pas l'acculer vers des explications délicates, ni dans ses derniers retranchements et par-dessus tout, il ne voulait pas se confronter à un possible rejet.
Mais Harry se contenta d'un sourire en coin particulièrement amusé puis détourna le regard vers la baie vitrée sombre où perçait malgré tout la lumière d'un rayon de soleil.
– Et il y a certaines choses dont tu t'occupes si bien...
Le ton velouté de Harry était sans équivoque et Severus ne put s'empêcher de glousser. La légèreté et l'ironie tendre de son calice rendaient tout plus fluide, plus facile entre eux, et ce qui aurait pu rester comme des moments de gêne et d'incertitude devenait des souvenirs pleins de complicité.
Severus contemplait les fossettes creusées par le sourire et il soupira faiblement tandis qu'une douce émotion serpentait dans son ventre. Devenir un vampire, ou peut-être plutôt le fait d'avoir failli tout perdre, lui avait redonné le goût des choses simples, la faculté d'apprécier les petits plaisirs : avoir Lucius qui dormait à côté de lui en toute confiance, ou bien la complicité qu'il retrouvait peu à peu avec Harry...
Bien sûr, il rêvait à davantage, il aurait aimé pouvoir le prendre dans ses bras, lui faire l'amour, le mordre au moment de la jouissance... Mais s'il devait se contenter tout le reste de sa vie de partager cette complicité avec Harry, ça lui suffisait. Il pouvait vivre sans le toucher, mais pas sans être proche de lui sur le plan émotionnel.
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De l'avis de Severus, la journée s'écoulait avec une extrême lenteur. Peut-être parce qu'il n'avait pas hâte de ce mariage... Bien sûr, il était heureux pour Lucius et pour Harry, parce que cette union leur tenait à cœur, mais sur un plan plus personnel – plus égoïste peut-être –, cela le dérangeait un peu. Il avait accepté d'être le témoin de son propre mari parce que cela semblait évident, mais quelque part, l'impression que ce mariage allait parachever sa mise à l'écart ne le quittait pas.
Harry et Lucius allaient s'unir, tous deux amoureux, tous deux humains, tous deux capables de faire l'amour comme ils en avaient envie, et lui, devenu vampire, avec son fardeau d'éternité et de supériorité farouche sur le dos, resterait à les regarder s'aimer, légèrement sur le côté ou en retrait... Il partageait encore une certaine connivence avec Lucius, et le lien particulier qui le reliait à son calice ne s'éteindrait jamais, mais ce ne serait pas pareil... Le fossé allait s'élargir inexorablement, la distance s'agrandir, et ce n'était pas quelque chose qu'il envisageait de gaieté de cœur. Il n'avait pas péniblement regagné un peu de complicité avec Harry pour vouloir le voir s'éloigner à nouveau.
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Une nouvelle fois, Severus regarda la pendule d'un œil sombre. Dix-sept heures... Qui plus est, il ne comprenait rien à cette journée, à cette organisation étrange, et ne rien maîtriser lui tapait sur les nerfs. Il savait seulement que les premiers invités devaient arriver à partir de dix-huit heures et que Harry lui avait demandé d'être prêt pour dix-huit heures trente. Il avait encore un peu de temps avant de devoir monter se préparer mais tous ces mystères l'agaçaient. Il ne savait même pas à quelle heure devait avoir lieu la cérémonie proprement dite... Il hésitait encore à travailler un peu sur sa traduction ou à se détendre avec un bon livre quand un elfe transplana dans un craquement sonore.
– Monsieur Rogue..., commença-t-il d'un ton d'excuse en s'inclinant. Monsieur Potter vous demande dans sa chambre dès que possible.
Déjà agacé par l'emploi de son nom de famille, Severus fronça un peu plus les sourcils à l'énoncé du message. Clay était bien le seul à oser les appeler par leurs prénoms – précédé tout de même par un « Monsieur » – mais il préférait cela à l'obséquiosité des autres elfes. Il n'empêche que cette requête était surprenante et une pointe d'inquiétude tordit son ventre.
Ce matin, à la piscine, Harry allait parfaitement bien, et lorsqu'ils avaient déjeuné tous les trois avec Lucius, il n'avait rien laissé paraître d'inquiétant... Mais le demander ainsi, dans sa chambre, à une heure de l'arrivée des premiers invités... Severus craignait – espérait ? – un revirement au sujet du mariage ou un problème de santé qui l'aurait empêché. Il ne lui fallut que quelques secondes pour ranger ses affaires et grimper rapidement à l'étage.
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Parvenu devant la porte, il se sentit malgré tout obligé de frapper et d'attendre que son calice lui dise d'entrer.
– Qu'est-ce qui se passe ? fit-il presque brusquement dès qu'il pénétra dans la chambre.
Debout à l'entrée du dressing, Harry prit tout de suite la mesure de ses craintes et lui adressa un sourire rassurant tout en s'approchant de lui.
– Rien. Ne t'inquiète pas, tout va bien...
– Alors pourquoi est-ce que tu m'as fait monter ? insista Severus en fronçant les sourcils.
Harry n'avait pas encore revêtu son costume de mariage, il avait l'air détendu et serein, et de ses émotions, Severus ne percevait qu'un bien-être relâché... et peut-être un soupçon de rire moqueur.
– Parce que je voulais être sûr qu'on ait le temps de faire ça tranquillement avant que j'aille prendre ma douche et me préparer, fit Harry avec un large sourire.
– Faire quoi ?!
– Eh bien, boire... ! fit-il en riant comme s'il s'agissait d'une évidence. Je me disais que pour mon mariage, je ne résisterai peut-être pas à une petite coupe de champagne... Alors, j'aime autant que tu me mordes maintenant, tant que je n'ai pas bu une goutte d'alcool.
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Abasourdi, Severus eut l'impression d'être figé par la surprise et il mit de longues secondes à reprendre un peu ses esprits. Il n'avait même pas songé à ce détail particulier. Avec naïveté, il s'était dit que la morsure aurait lieu normalement, comme chaque soir, que Harry et lui trouveraient un moment pour s'éclipser dans sa chambre, au nez et à la barbe de tous les invités, pour partager ce temps qui n'appartenait qu'à eux. Il n'avait pas pensé que son calice pourrait vouloir fêter son mariage comme il se doit et qu'a minima, il allait bien trinquer avec son nouveau mari et ses plus proches amis.
Il s'en voulut de cette candeur idiote, et même si la proposition de son calice était éminemment généreuse, elle ne fit que l'agacer un peu plus contre lui-même.
– Je n'ai pas besoin de boire ce soir, grogna-t-il. Je n'avais pas songé que tu voudrais boire de l'alcool, mais ça n'a pas d'importance, je peux attendre demain.
Avec une assurance qui n'était pas feinte, Harry s'était rapproché de lui, son éternel sourire amusé sur les lèvres. Sous son regard pointu, Severus avait la désagréable impression d'être parfaitement transparent et que son calice devinait la moindre de ses pensées et le moindre cheminement tortueux de son esprit.
– Tu n'attendras pas demain, Severus, assura Harry en levant les yeux vers lui. Ce serait complètement ridicule que tu aies faim ce soir alors que tu peux boire maintenant.
Severus frissonna des pieds à la tête sans bien comprendre pourquoi, avant de réaliser que son calice se tenait juste devant lui, si près qu'il aurait pu le toucher en levant à peine le bras – ou en baissant à peine la tête – et que sa position était parfaitement intentionnelle.
– Et non seulement tu vas boire maintenant, mais tu vas aussi me mordre dans le cou et laisser la marque après la morsure.
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Le silence était sidérant. Un calme épais, blanc, neigeux. Une sensation d'irréalité étrange et ce temps suspendu comme un voile de brouillard...
Ce fut le vampire en lui et le feu incandescent de ses instincts qui le ramenèrent à la réalité. Mais aussitôt qu'il prit réellement conscience de ce que lui proposait son calice, Severus secoua la tête de façon véhémente.
– Non, c'est hors de question ! Je ne ferai pas... ça. Et certainement pas le jour de ton mariage !
Harry s'était rapproché encore, pour glisser ses deux bras autour de sa taille, et le sourire qui illuminait son visage ne soulignait que sa détermination et ses certitudes.
– Va-t-il falloir que je te convainque de faire ce dont tu rêves depuis des semaines ? fit-il en riant.
Severus frissonna à nouveau. Leurs bassins étaient collés l'un contre l'autre, la chaleur de Harry rayonnait vers lui, presque brûlante, ses bras enroulés autour de sa taille le maintenaient dans une étreinte qui était une pure torture, la proposition était terriblement tentante... Et il ne pouvait que refuser.
– Ce n'est pas toi qui veux ça, c'est le calice qui te pousse à le faire. Ce n'est pas...
– Le calice c'est moi, Severus, fit Harry avec ses yeux verts qui le subjuguaient complètement. Il fait entièrement partie de moi. Je suis un calice, comme je suis un homme qui aime les hommes, comme je suis un père, ou comme je suis un sorcier... Il n'y a pas deux personnes en moi, avec des désirs contraires, et qui luttent l'une contre l'autre. Il n'y a qu'une seule personne, avec des facettes différentes qui s'expriment selon les moments et selon les situations... Ce dont le calice a envie, c'est moi qui en ai envie; ce dont le calice a besoin, c'est moi qui en ai besoin. Sauf à me faire du mal ou à me déchirer, je ne peux pas lutter contre ça... et surtout, ça ne sert à rien. Tout ça fait partie de moi de façon complètement naturelle... Alors si mon côté calice a envie, besoin, ou veut, pour quelque raison que ce soit, que tu le mordes dans le cou, tu vas le faire... parce que tu ne refuseras rien à ton calice, n'est-ce pas ?...
Severus écarquilla les yeux un peu plus qu'il ne le faisait depuis que Harry parlait et son souffle se bloqua dans sa poitrine. Au-delà du discours inimaginable, incroyable, sidérant... inespéré, son calice tentait de le mener par le bout du nez. Il ne savait même plus ce qui l'estomaquait le plus : Harry qui revendiquait aussi clairement d'être un calice, qui assumait aussi farouchement ses désirs; leurs bassins collés l'un contre l'autre et son propre sexe qui faisait déjà des siennes; cette possibilité inestimable de le mordre comme un vrai calice, ou bien cette façon qu'avait Harry de vouloir l'enrouler autour de son petit doigt comme un jouet... Et à tout cela, il ne voulait répondre qu'un grand Oui.
– Je... Mais... Si..., balbutia-t-il. Les gens... Tu ne peux pas...
– Mais si, je peux, Severus, et je vais le faire... Et d'autant plus aujourd'hui, assura Harry avec un sourire tranquille. C'est important que les gens comprennent que même si j'épouse Lucius, tu fais toujours partie de notre vie. Tu seras toujours son mari et l'homme de sa vie depuis toutes ces années, et tu seras toujours le vampire dont je suis le calice. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, nous nous marrions lui et moi, que tu seras mis à l'écart ou que tu cesseras de faire partie de nous... Tu seras son témoin de mariage, je porterai ta morsure et tout le monde saura que tu comptes encore pour nous.
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En tout cas, le monde était blanc. Très blanc, très silencieux et très vide. Et nul doute que si son cœur avait encore battu, Severus l'aurait entendu résonner dans ses oreilles comme un marteau sur une enclume. Mais pour l'heure, dans son esprit, aucune pensée cohérente n'arrivait à se former et il restait comme hypnotisé par les grands yeux verts de son calice.
– Et puis, c'est important pour moi, Sev, ajouta Harry dans ce qui n'était plus qu'un murmure. Je partage déjà beaucoup de choses avec Lucius, et aujourd'hui, je me marie avec lui. Alors que la morsure, c'est tout ce qu'il reste entre toi et moi...
Tandis que son calice baissait les paupières de ses yeux de biche, Severus sentit son ventre et son cœur se crisper douloureusement. Son regard l'avait quitté, ses paroles le poignardaient et d'instinct, il posa ses mains sur les bras de Harry comme pour l'empêcher de s'éloigner.
– … mais j'ai besoin d'un point d'équilibre entre vous deux.
Lentement, Harry releva un regard intense vers lui. Son sourire avait disparu et son visage portait la gravité des instants vrais.
– Sais-tu pourquoi le mariage a lieu aujourd'hui, Severus ? Pourquoi j'ai insisté auprès de Lucius pour ce jour particulier, quitte à précipiter un peu les choses ?
Surpris, Severus secoua la tête. Il avait toujours cru que c'était Lucius qui avait décidé de la date, sans bien comprendre pourquoi il agissait ainsi, en envoyant valser les délais habituels de publication des bans et des invitations, et le temps raisonnablement nécessaire à toute l'organisation d'un mariage.
– Parce qu'aujourd'hui, c'est un jour particulier, répondit Harry avec sourire tendre. Nous sommes le vingt-et-un septembre, le jour de l'équinoxe d'automne. C'est un jour qui représente beaucoup de choses selon les cultures, mais c'est surtout un moment d'équilibre, où la Terre est partagée en deux parties égales, où la durée du jour est la même que la durée de la nuit... où il y a autant de lumière que d'obscurité...
À nouveau, sa voix n'était plus qu'un murmure tandis que Severus commençait lentement à comprendre. Dans le monde très symbolique de Harry, sa magie était liée à la Terre et à la nature; Lucius était la lumière et lui, il était la nuit, la créature de l'obscurité...
– … T'offrir cette vraie morsure, la morsure symbolique entre un vampire et son calice, c'est aussi recréer cet équilibre entre toi et Lucius. Je vous appartiens à tous les deux, mais j'ai besoin de cet équilibre dans l'importance que vous avez pour moi.
Severus frissonna violemment en se raccrochant à la réalité. Le monde n'était plus blanc et irréel, il était noir et rouge feu, et le vampire en lui acquiesçait de toutes ses forces.
– Je... D'accord.
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Les secondes s'égrenaient, Harry le regardait en souriant comme dans l'attente de cette morsure et Severus restait encore figé, parvenant avec peine à intégrer la réalité. Il allait boire, il allait mordre Harry, quelques poignées de minutes avant son mariage, et il allait laisser ses marques sur lui, aussi indécent que ce soit, mais surtout, il allait pouvoir le mordre comme un vampire mordait son calice en temps normal, avec toute l'intimité foudroyante que représentait cette morsure dans le cou, ce baiser sulfureux qui confinait au corps à corps...
Il se fichait même de boire la moindre goutte de sang. Cette morsure était tellement plus que ça...
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Severus ferma les yeux une seconde pour se reprendre, pour inspirer à pleins poumons le parfum trop enivrant de son calice, pour ne pas se précipiter... Il aurait voulu pouvoir serrer Harry dans ses bras, pencher la tête pour l'embrasser ou caresser son dos en enfouissant son visage dans ses cheveux, mais il avait bien compris qu'il ne s'agissait pas de ça. La morsure était tout ce qu'il restait entre eux, ni tendresse ni rapports physiques n'étaient permis, mais la nature de cette morsure allait racheter bien des choses qu'il avait perdues.
– Si tu veux bien, murmura-t-il tandis que Harry semblait attendre qu'il se décide, on va aller s'asseoir sur le lit... parce que je ne suis pas sûr que tu puisses rester debout après ça... et moi non plus, à vrai dire.
Harry esquissa un sourire puis retira les bras qu'il avait enroulés autour de sa taille, lui laissant une sensation de vide et de froid dérangeante, avant de se diriger vers le lit.
Perdu dans ses réflexions, Severus hésitait. Il ne savait pas dans quelle position s'installer pour être à l'aise tous les deux. S'allonger lui paraissait inconcevable et bien trop intrusif pour son calice; il aurait pu le faire asseoir sur ses genoux mais le face-à-face et la proximité l'effrayaient un peu... – en réalité, dans les deux cas, il avait surtout peur de se laisser aller à des gestes que Harry n'aurait pas tolérés.
Faute d'une autre idée, il s'assit contre la tête de lit, un oreiller dans le dos, avant de faire signe à son calice de venir s'installer entre ses cuisses. Encore debout, Harry dégrafait les deux premiers boutons de sa chemise, puis il vint s'asseoir contre lui sans paraître choqué le moins du monde.
– Tu veux que je l'enlève complètement ? demanda-t-il en écartant le col de sa chemise.
– Non. Je devrais réussir à me débrouiller, sourit Severus.
Il se fichait de la chemise. Pour cette morsure-là, il aurait pu le mordre au travers du tissu, sans pouvoir le toucher ou même si Harry avait bu de l'alcool... Et puis il ne voulait pas trop lui en demander d'un coup. Tout le reste était tellement plus important que cette chemise !
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Sans hésitation, Harry avait appuyé son dos contre son torse, il avait posé sa main sur sa cuisse en s'installant, Severus avait le nez dans ses cheveux, les yeux fermés de bonheur; tout le long de ses cuisses, de son ventre, de son torse, il sentait le contact chaud et ferme du corps de son calice, son odeur emplissait son esprit, faisait vibrer son cœur, enfler son sexe, et il ne l'avait pas encore mordu !
D'une main délicate, il rassembla les cheveux mi-longs de Harry et les écarta doucement sur le côté. Il avait oublié leur douceur, la sensation de ces boucles légères sur sa nuque, il avait oublié à quel point sa peau était chaude et sentait bon, il avait oublié à quel point c'était divin de le sentir contre lui, entre ses bras, et à quel point boire n'était pas l'essentiel...
En enfouissant doucement son visage entre le col de la chemise et le cou de son calice, Severus glissa ses bras autour de son ventre. Ce corps qu'il avait si souvent tenu contre lui et qu'il avait irrémédiablement perdu, ce corps qu'il reconnaissait instinctivement, qu'il connaissait si intimement, ses angles, ses rondeurs, ses aspérités, ses cicatrices et toute sa douceur... la douceur de la peau sous ses lèvres, son souffle qui baignait dans ce parfum inégalé, suave, doucereux, l'artère qui palpitait là, calme et tranquille, ce sang chaud, épais et sucré juste sous la surface tandis que Harry penchait légèrement la tête sur le côté, frémissant sous la sensation, sous la proximité de ses dents, sous sa peau fraîche à lui qui se réchauffait à sa peau brûlante.
Severus laissa glisser sa langue là où il allait mordre et Harry gémit. Lui aussi, peut-être, il n'arrivait même plus à savoir... Il caressait son cou de ses lèvres, de sa joue, prolongeant l'attente et le désir, savourant ces instants inespérés, et Harry gémit à nouveau, le cœur un peu plus affolé.
– Sev... Arrête de me torturer... Mords-moi !
Severus caressa de son nez la peau qui ondoyait sous les battements de la carotide, avant d'ouvrir la bouche et de sortir ses crocs. Il aurait pu ne pas le mordre et faire durer ce plaisir indéfiniment. Il voulait que le temps s'arrête. Il aurait pu jouir des mots de son calice, de se tenir ainsi enlacés, son visage dans son cou et de savoir que cette fois, il avait vraiment l'autorisation de le mordre... L'acceptation de son calice valait peut-être toutes les morsures du monde.
Il mordit malgré tout et il eut l'impression d'être foudroyé par le plaisir. Harry gémissait sans discontinuer. Ses mains s'étaient crispés sur les bras autour de son ventre. Severus buvait, emporté dans un tourbillon de sensations et de sentiments qui faisaient rougeoyer son esprit. Les mains de son calice s'agrippèrent à ses propres mains et brutalement leurs doigts s'entrelacèrent.
Son sexe pulsait au rythme du sang qu'il buvait mais Severus ne s'en rendait même plus compte. Il était parcouru de milliers d'étoiles, il venait de sauter dans l'espace, il flottait au milieu des abysses, il serrait son calice dans ses bras comme s'il allait pouvoir fusionner avec lui, il aurait pu mourir de cette ivresse s'il n'était pas déjà mort.
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Lentement, Harry reprenait son souffle, la bouche entrouverte et le cœur encore rapide. Severus ne ressentait pas ces désagréments d'un corps qui a besoin de récupérer mais il était dans le même état émotionnel. Il avait besoin de quelques instants pour se remettre de ce qu'il venait de ressentir avant de pouvoir faire quoi que ce soit.
Pour le moment, il se contentait de savourer la satiété de son estomac, la satisfaction de son âme de vampire et ce sentiment de profonde complétude. Comme s'ils avaient procédé à une sorte d'accouplement équivalent à celui de leur union, comme s'ils avaient physiquement recréé le lien entre le vampire et son calice... Et ce lien physique, c'était aussi Harry encore dans ses bras, complètement relâché contre lui, la tête rejetée en arrière sur son épaule. C'était leurs bras et leurs mains posés l'un sur l'autre, leurs doigts entrelacés et cette possessivité qui les faisait encore se tenir puissamment.
– Oh. Seigneur. Murmura Harry.
Il avait encore les yeux clos, le corps lourd de fatigue abandonné contre son torse et une goutte de sueur se formait sur sa tempe. Severus aurait voulu la lécher, il se contenta de l'embrasser à la lisière des cheveux pour recueillir sur ses lèvres cette infime partie de son calice.
– Je n'aime pas trop que tu emploies des mots pareils pour t'adresser à moi, ironisa-t-il pour effacer la portée de son geste.
– Imbécile ! gloussa Harry. Je ne sais pas si c'était aussi fort pour toi que ça l'était pour moi mais...
Il soupira en riant doucement, et Severus sourit à son tour.
– C'était comment ?
– Meilleur que la meilleure de toutes les baises, souffla Harry. J'ai cru que j'allais crever.
C'était comparable. Severus était déjà mort mais en effet, il était peut-être mort une seconde, une troisième fois, il ne savait plus... Heureusement qu'ils s'étaient assis. Il n'aurait jamais pu tenir debout sous la puissance sidérante des sensations.
– Heureusement que j'avais prévu de faire ça avant de prendre ma douche ! gloussa Harry en écartant de son entrejambe le tissu trop poisseux de son boxer et de son pantalon. Sinon, j'aurais été bon pour recommencer !
– Ravi de voir que je te fais toujours autant d'effet...
Au fond de lui, le vampire ronronnait de satisfaction et de fierté. Surtout de fierté. Harry ne répondit pas et se contenta de rire. Il avait replacé sa main sur la sienne et il la pressa une fraction de seconde.
– Et pour toi, c'était comment ? Est-ce que c'était à la hauteur de ces semaines de privation ?
– Je n'ai jamais été privé, protesta Severus. Tu ne m'as jamais empêché de boire.
– Mais je ne t'ai pas laissé me mordre comme tu le voulais.
– Ça n'a pas d'importance. Je me contenterai toujours de ce que tu me donneras.
Étonnant de voir à quel point ces mots ne lui coûtaient pas... Et à quel point ils étaient la vérité.
Il n'avait même pas honte d'abdiquer à ce point sa fierté face à son calice, ni de reconnaître à quel point Harry pouvait le faire manger dans le creux de sa main... Ils étaient liés, dépendants l'un de l'autre – lui peut-être plus dépendant encore de son calice que l'inverse –, mais comme au sujet des morsures, cette sujétion restait du domaine du privé, et il savait que Harry n'abuserait jamais de sa position.
Avec son calice, il n'était plus question de pouvoirs, de puissance ou de supériorité, il n'était plus ce vampire écrasant de domination comme il pouvait l'être, même avec Lucius; il n'était plus une créature effrayante de la nuit, ni un être condamné à l'éternité, doté d'une force démesurée ou d'une vision inhumaine.
Avec son calice, il pouvait redevenir presque un homme, pétri de sentiments fragiles et de sensations délicieuses. Il pouvait se permettre de ressentir, de céder, de devenir faible. De quitter l'intransigeance de son statut pour redevenir malléable et humble. Harry était celui qui lui rendait cette part perdue d'humanité.
Severus ne voulait pas trop s'attarder sur ses sentiments vis à vis de son calice, mais Harry était aussi celui qui lui permettait de ressentir un amour immense et démesuré. Infini.
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– Je suis désolé...
– De quoi ? sursauta Severus, arraché à ses pensées.
– De ne pas t'avoir laissé me mordre comme ça plus tôt, murmura Harry d'une voix lointaine. Quoi que tu en dises, je sais à quel point ça peut avoir de l'importance pour toi... À quel point ça en a pour nous, et je n'ai pas voulu t'accorder autant de place, ni autant d'emprise sur moi... et c'était mesquin et ridicule.
Severus ferma les yeux tandis que les paroles de son calice passaient un baume précieux sur son cœur meurtri. Harry avait eu quelques torts depuis le début du caliciat entre eux, mais il en avait eu bien davantage, à commencer par l'horreur du pavillon chinois. Ils devraient en reparler un jour, avec de la distance et du recul, mais pas aujourd'hui, pas dans ce moment aussi symbolique que s'ils avaient renouvelé le rituel du caliciat pour la troisième fois.
– Ce n'est pas grave. Tout ce qui compte, c'est cette morsure, maintenant... et en particulier aujourd'hui.
Le jour de son mariage... Et tout comme Harry porterait l'alliance de Lucius, il allait porter les marques de sa morsure...
Severus ne pouvait plus quitter des yeux ces deux petits trous à peine refermés, encore rouges, presque violacés. Il s'était assuré de mordre assez haut; assez pour que ce soit visible, même si Harry fermait entièrement le col de sa chemise... Ce serait d'une indécence folle. Dévoiler les marques d'une morsure, ce n'était pas comme mordre son calice en public, mais ce n'en était pas loin. Aussi intime et impudique que de se toucher devant des gens.
Ces gens-là ne se rendraient probablement pas compte de cette inconvenance, mais ils constateraient quand même les marques. Elles se verraient sur les photos de mariage... ! Brusquement, Severus hésita à les effacer de sa langue, mais Harry lui avait demandé de les laisser... Avant les photos officielles, il en parlerait tout de même à Lucius...
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– Tu n'as rien dit, toi, murmura Harry. Est-ce que c'était au moins... agréable ?
Severus fronça les sourcils devant le ton presque hésitant. Harry avait toujours les yeux clos, la tête rejetée en arrière sur son épaule. Mais il attendait une vraie réponse.
– C'était... indescriptible.
Il avait répondu trop vite. Et de façon bien trop neutre.
– C'était divin, ajouta-t-il. Merci...
Cette fois, un sourire flotta sur les lèvres de son calice et Severus se permit de tourner légèrement la tête pour déposer un baiser dans ses cheveux... Il se permit même de resserrer un peu ses bras pour mieux l'enlacer sans qu'il ne proteste le moins du monde. Les bras de Harry, posés sur les siens, avaient suivi le mouvement, leurs doigts étaient même restés entrelacés, et il n'avait visiblement pas l'intention de bouger dans l'immédiat.
– Ça ne t'a pourtant pas fait autant d'effet qu'à moi ! gloussa son calice.
Et pourtant ! il était loin du compte... Severus aurait été bien en peine d'exprimer l'effet que la morsure avait eu sur lui. Il avait eu un orgasme, comme Harry, sans doute au moment même où ses dents avaient percé la peau fine et dorée de ce cou offert, mais cela lui avait apporté tellement plus qu'un simple plaisir sexuel... Et il se sentait tellement mieux depuis. Tellement comblé. Entier.
– C'était merveilleux, ne t'y trompe pas.
Viscéralement, il eut envie de glisser à nouveau son visage dans le col de la chemise et de frotter son nez, ses lèvres, sur les marques qu'il venait de laisser, mais il n'osa pas, de crainte d'aller trop loin. Il tenait Harry dans ses bras, il venait de le mordre, dans le cou pour la première fois depuis le pavillon chinois, il pouvait laisser ses marques, il n'allait pas pousser sa chance trop loin... Mais la vision de ces deux traces sombres sur la peau dorée restait hypnotisante – et quelque part au fond de lui, très érotique.
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Cependant, il restait habité par un doute qui ne le lâchait pas et par l'écho d'anciennes paroles de son calice.
– Harry... Je peux te poser une question ? murmura-t-il.
– C'est déjà fait, non ? s'amusa Harry avant d'ajouter avec douceur : Qu'est-ce que tu veux savoir ?
Severus hésita mais l'occasion était belle; ils étaient détendus, en toute confiance oserait-il dire, et il avait l'impression qu'ils pouvaient se livrer de façon presque intime.
– Est-ce que... tu as encore mal quand je te mords ?
– Mal ?! s'exclama Harry avant de se mettre à rire. Severus... j'ai eu un orgasme quand tu m'as mordu à mon retour du Sarawak parce que tu ne m'avais pas mordu depuis trois jours ! Et je viens d'en avoir un autre il y a cinq minutes parce que tu m'as mordu dans le cou ! Ce n'est pas assez explicite à ton goût ? Pourquoi est-ce que tu es encore inquiet à ce sujet ?
La sincérité de son calice ne laissait aucun doute. Severus se sentit idiot mais surtout profondément soulagé. Depuis des jours et des jours, cette idée trottait sans relâche dans le fond de sa pensée.
– Pour rien. Je ne sais pas... Quand j'ai proposé de soigner ton genou, tu avais l'air si réticent à l'idée de la morsure...
Les yeux toujours clos, Harry tourna légèrement la tête vers lui pour bien montrer son sourire.
– C'est-à-dire que j'avais déjà mal simplement avec la pression de ta main, je me voyais mal supporter la pression de tes dents. Et puis... j'étais un peu curieux.
– Curieux ?! De quoi ?
– De savoir ce que représentait ta puissance. De voir comment j'y réagirai...
Le petit sourire en coin de Harry s'était fait très espiègle, au point que Severus posa la question juste pour le taquiner et pour entendre avec jubilation les mots sortir de sa bouche.
– Et comment as-tu réagi ?...
– Il me semble que ma réaction était assez flagrante, pourtant ! gloussa Harry. Et tu as bien contribué à la soulager !
Severus laissa échapper un grognement aussi approbateur que satisfait.
– C'était un plaisir..., fit-il avec un brin de provocation. Ce n'était pas trop pesant, malgré tout ? Trop écrasant ?
– Non, pas du tout. Du moins, pas pour moi. Au contraire, j'avais la profonde conviction que tu ne me ferais pas de mal, que tu me protégerais...
La plupart des gens supportaient mal l'aura d'un vampire déployée sans restriction, en particulier les moldus, mais Harry était son calice, et leur lien le protégeait en partie de ses effets secondaires.
– C'est le cas. Je ne pourrais jamais te faire de mal. Ou du moins je ne pourrais plus. Je t'en ai déjà fait bien assez comme ça.
L'amertume et les regrets devaient transpirer dans sa voix... Severus serra les dents pour se contrôler et pour s'empêcher d'ajouter quoi que ce soit. Il s'était pourtant promis de ne pas évoquer la période sombre de leur séjour dans le pavillon chinois ! Mais Harry se contenta de tourner un peu la tête pour être au contact de son visage et il pressa doucement ses doigts en un semblant de pardon.
– Ça suffit, murmura-t-il. Ce qui est arrivé est arrivé, mais nous n'en sommes plus là.
Severus soupira, son souffle soulevant légèrement les cheveux fins sur la tempe de son calice. Ses lèvres effleuraient presque sa peau, son nez était perdu dans l'odeur de son shampoing, son menton s'appuyait sur sa joue, près de son oreille... et il ne savait plus où il en était.
Harry était d'une tendresse et d'une disponibilité étonnantes, surtout pour un jour où il aurait dû se consacrer essentiellement à Lucius. Ils avaient passé du temps ce matin dans la piscine, il avait spontanément proposé de le nourrir avant la cérémonie, et puis, cette morsure... Cette présence dans ses bras...
Était-il possible qu'il attende autre chose de lui ? Qu'il attende, qu'il espère que Severus fasse le premier pas ? Qu'il désire un baiser, une caresse, alors que l'excitation était retombée, qu'il veuille se donner à lui autrement... ? Mais il avait dit aussi que la morsure était tout ce qu'il restait entre eux. Severus ne devait pas en attendre davantage. L'attitude de Harry aujourd'hui n'était qu'un effet de leur lien. Il ne faisait que répondre aux besoins du calice en lui, sans chercher à réfréner ses envies de tendresse, ce qui ne voulait pas dire que Severus était autre chose à ses yeux que son vampire.
Tant pis. Comme il l'avait dit, il profiterait de la moindre chose, du moindre mot, du moindre geste de tendresse que Harry voudrait bien lui donner. Savourer l'indicible et s'en contenter. Parce que c'était toujours bien mieux que rien.
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En se prenant lui-même au mot, Severus ferma les yeux et s'employa à ressentir la moindre parcelle de son corps en contact avec celui de son calice. Ses cuisses qui emprisonnaient les siennes, son bas-ventre comprimé par les fesses et les reins de Harry, son torse réchauffé par le sien et leurs visages qui n'avaient pas été si proches depuis bien longtemps... Savourer jusqu'à la dernière seconde cette étreinte si précieuse, car il ne doutait pas que tout cela serait bientôt terminé.
Dans quelques instants, quelques poignées de minutes tout au plus, Harry allait devoir le quitter, retirer ses vêtements poisseux de sperme, prendre une douche puis se préparer pour son mariage. Il lui avait déjà consacré beaucoup de temps en ce jour si chargé, bien plus que Severus ne l'avait jamais espéré. Mais pour grappiller quelques minutes à l'irrémédiable, il ne put s'empêcher de l'interroger encore.
– Est-ce que..., murmura-t-il d'une voix hésitante. Est-ce que tu voudras aller à Colibita... un jour ?
– Comme destination de voyage de noces ? gloussa Harry.
Une douleur aiguë traversa Severus, déchirant son cœur pour aller s'enfouir profondément dans son ventre. Encore une chose à laquelle, en toute naïveté, il n'avait pas pensé : son calice et son mari s'en allant en voyage de noces après leur mariage... à l'autre bout du monde ou ailleurs... mais sans lui. Ma foi, il fallait bien que quelqu'un reste en arrière pour nourrir Orion, même si ce fichu chat le détestait depuis qu'il était devenu un vampire !
Mais maintenant qu'il avait posé la question, il tenait à obtenir une vraie réponse.
– Non. Je pensais plutôt par... curiosité. Si tu voulais te renseigner encore, si tu voulais rencontrer un jour d'autres calices... ou d'autres vampires. Échanger avec quelqu'un qui ne soit pas... moi.
– Rassurer Mihai sur ce que je suis devenu ? murmura Harry.
– Aussi, admit Severus.
Ils n'en avaient jamais parlé vraiment, mais Harry devait bien savoir qu'il était toujours en contact avec le vieux vampire et qu'ils échangeaient une correspondance régulière. Ils avaient failli s'entretuer dans le pavillon chinois, mais aujourd'hui Mihai était devenu un ami précieux, à mi-chemin entre le conseiller et le confident. Quasiment le seul à qui Severus acceptait de parler – éventuellement – de ses relations avec son calice.
De son côté, il savait que Harry avait fini par répondre à la lettre que lui avait laissée Mihai à sa sortie du pavillon chinois, mais il avait compris à demi-mots que sa réponse avait été de pure politesse et relativement laconique.
Mihai serait heureux de constater que Harry allait bien aujourd'hui et qu'il acceptait pleinement son rôle de calice... Et puis Severus était persuadé que de rencontrer d'autres calices, d'autres vampires, et avoir sous les yeux le fonctionnement quasi-idyllique de cette société ne pourrait que conforter Harry dans son acceptation.
– Je ne sais pas, finit-il par dire. Je n'y avais jamais songé mais... pourquoi pas ? Je n'en éprouve pas particulièrement le besoin, mais je reste curieux de voir cela de mes propres yeux...
Les yeux fermés, Severus sourit doucement. Il en était heureux et Mihai le serait encore bien plus. Le tout était d'organiser ce petit séjour avant sa mort...
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(1) Une expression très affectueuse pour moi... N'y voyez aucune offense! ;)
Merci à tous de votre lecture et de votre présence. N'hésitez pas à laisser un commentaire en passant!
Un petit voyage à Colibita qui se prépare...? ^^ Mais bien avant cela, le prochain chapitre sera la deuxième partie de cette journée de mariage avec la cérémonie proprement dite et le repas... ;)
Au plaisir
La vieille aux chats
