Chapitre 2 : The nights are Brighter
La salle des banquets de Caras Galadhon était haut-perchée dans la ville, surplombant les jardins du palais. Une douzaine de lanternes suspendues luisait faiblement dans les branches teintées d'argent des grands mellyrn. Legolas avait l'impression que les cieux s'étaient ouvert à lui. Il avait vu la grande salle des banquets auparavant, bien sûr, mais cela avait été durant la Guerre de l'Anneau. La ville était alors assombrie par la douleur et le chagrin. A présent, les Elfes de la Lórien s'empressaient de s'imprégner de ces derniers moments en Terre du Milieu, leurs mains prêtes à se saisir de la joie qui pouvait rester. Les telain dans les arbres illuminaient le ciel nocturne. Les chœurs elfiques chantés d'une voix claire résonnaient harmonieusement à travers les arbres, portés par la brise de cette fin de soirée, et faisaient briller les étoiles plus intensément sur la cité. Les Elfes chantaient la traversée d'Eärendil, le doux appel de l'Ouest, et, pour certains, le royaume à venir d'Ithilien.
Alors que Legolas entrait dans la grande salle des banquets, un elfe plus chétif, dont les traits du visage et la lueur argentée passagère de ses cheveux le rendaient très âgé, commenta :
« — Je sais que je me souviendrai de ce lieu, car même Valinor ne pourrait sûrement pas s'avérer aussi magnifique. »
La table du festin était un régal pour les yeux, assez longue pour accueillir une centaine d'elfes. La surface était parsemée de frondes de fougères, des bols d'argent remplis de fruits étincelants, de bouteilles de vins, de plateaux de gibier encore fumant, de bougies aux couleurs laiteuses, et de minces coupes. La table fut rapidement remplie par les membres des ordres les plus élevés de peuple elfique.
Legolas se retrouva assis près d'une myriade, eh bien, d'individus tout à fait ennuyeux. La plupart d'entre eux étaient des conseillers de Celeborn et des membres du conseil, qui avaient certainement une longue liste de questions insipides à poser. Il regarda vers la gauche de la table et y vit un grand nombre de jeunes elfes, levant leurs verres et riant à la blague du jour, ou se vantant entre eux propos de divers concours d'adresse et d'audace. De l'autre côté de la longue table, il pouvait voir les capitaines de la garde, discutant des batailles et des systèmes de défense. Haldir et Farothin se trouvaient là, et apparemment Farothin subissait une sorte de sermon, baissant les yeux vers son assiette et tournant la viande dans son assiette avec son couteau.
« — J'échangerai tout de même volontiers ma place avec la sienne, pensa Legolas. Il se prépara ensuite à une nouvelle avalanche de questions très fastidieuses de la part de Gilgafier, un Elfe qui semblait toujours trop serré dans ses robes.
— Et comment se porte votre famille à Eryn Lasgalen, Legolas ? Cela fait très longtemps que nous avons eu le plaisir de la compagnie de votre père ou de votre frère aîné, demanda ce dernier.
« — Ils vont plutôt bien. Mon père, le roi Thranduil, a passé la plupart de son temps à aider mon frère aîné à se préparer pour le trône. Depuis le mariage d'Oromer, Père est de plus en plus empressé de se retirer de ses fonctions. Et, bien sûr, mes deux sœurs sont toujours aussi belles et charmantes.
— Je dois l'admettre, Legolas, ajouta Gilfier, le fils de Gilgafier. J'ai été un peu surpris que vous n'ameniez pas vos sœurs avec vous en Lothlórien. La cour royale aurait été ravie de leur présence. J'ai entendu dire qu'elles étaient ce qu'il y a de plus magnifique et doux.
« — Elles sont charmantes, reconnut Legolas, mais je ne pouvais voler à mon royaume leur rire et la joie qu'elles apportent à mon peuple. »
« Ou les maux de tête qu'elles donnent à mon père.» , ajouta intérieurement Legolas.
Elles l'avaient bien supplié de le suivre, mais il était resté aussi impénétrable que les murs de la Moria à ce propos. Elles avaient alors essayé d'amadouer leur père, mais étrangement, il avait pris le parti de Legolas et s'était également opposé à ce départ.
Legolas n'osait imaginer ce que cela aurait été comme d'amener les jumelles ici.
« J'aurais passé mon temps à faire en sorte qu'elles se comportent bien, et l'Ithilien aurait été mise de côté. », pensa-t-il.
Il se souvint du moment où elles avaient pris toutes ses meilleures flèches et s'en étaient servies pour faire une décoration murale ; sans mentionner le fait qu'elles avaient chassé Lierwen, la première elfe pour laquelle il avait montré de l'intérêt depuis son retour de la guerre.
« — Elle n'était tout simplement pas assez bien pour toi, mon frère, avaient insisté les jumelles. De plus, elle était trop petite, et elle grognait quand elle riait, et ses cheveux … »
Legolas gémit. Il n'aurait jamais avoir une chance de trouver une amante avec ces deux-là autour de lui. Sa pensée fut interrompue par Gilgafier.
« — Mon prince, vous sentez vous bien ?, demanda-t-il.
— Oh, moi ? Je vais bien. Je vous assure, répondit Legolas, essayant de trouver un quelconque intérêt à leur conversation à propos de gravures runiques ... à bien y réfléchir, peut-être qu'il n'y en avait pas.
— Je pense que j'ai besoin de prendre l'air, veuillez m'excuser. »
Legolas s'écarta de la table et descendit vers les telain inférieurs.
C'était bien mieux ainsi. Legolas prévoyait de rester loin de la table assez longtemps pour que tout le monde ait fini le dîner, et puis il reviendrait. Il s'appuya contre la rambarde et se plongea dans la contemplation de la forêt. C'était incroyable de voir à quel point les forêts pouvaient être différentes. La Forêt Noire était belle elle aussi, mais d'une autre façon. L'Ithilien le serait également ; lui et son peuple en ferait un paradis elfique dans le monde des hommes. Il soupira et dit :
« — Voulez-vous vous joindre à moi ? »
Il n'avait aucune idée de qui était derrière lui, sachant seulement que quelqu'un s'approchait.
« — Je vous demande pardon, mon seigneur. J'ai cru que vous souhaitiez être seul. »
C'était la voix d'une jeune femme. Legolas se retourna et constata que, devant lui, se trouvait la jeune Elfe aux yeux noisettes qui lui avait jeté un tel regard désagréable lors de son accueil.
« — Non, s'il vous plaît, joignez-vous à moi. C'est une douce nuit qui incite à la compagnie. », dit calmement Legolas, espérant qu'elle cesserait d'être froide envers lui.
Il ne savait pas vraiment pourquoi cela lui importait, mais c'était là une belle nuit, et n'importe quelle compagnie était préférable à celle de Gilgafier et ses radotages. Aussi, il s'était cruellement dénigré depuis que Lierwen avait mis fin à leur relation, et une nuit pareille semblait le moment idéal pour laisser agir le charme de la famille Vertefeuille.
« — Il me semble, mon seigneur, que vous aviez beaucoup de compagnons à la salle des banquets. N'étaient-ils pas à votre goût ?, dit-elle sèchement alors qu'elle se dirigeait vers la rambarde du balcon
— Ils l'étaient bien sûr, mais cependant j'ai remarqué que vous n'y étiez pas. »
Legolas la regarda fixement.
« — Vous avez également quitté précocement l'assemblée.
— Je n'ai pas goût à prendre part à ce genre de rassemblements de la cour royale, où chacun s'exhibe. Le Seigneur et la Dame pensaient bien faire , et c'est à cause du plus grand des respects que j'ai pour eux que j'y ai assisté ce soir. Je vous ai observé. Vous sembliez tout à fait absorbé par la conversation. Elle portait sur les gravures runiques, c'est cela ?
— Je jure que je l'aurais remarqué si vous aviez été là, insista Legolas.
— Je vous ai vainement cherchée, poursuivit-il.
— Moi ? »
Elle eut l'air surprise.
« — Qu'aurais-je pu faire pour attirer l'attention d'un prince ? »
Elle cracha le mot « prince » comme s'il la répugnait.
Legolas plaça sa main sur les siennes, reposant sur la balustrade.
« — Cela vient du fait que vous me regardiez avec tant de douceur lors de l'assemblée. Je tenais à vous remercier de m'avoir fait sentir le bienvenu, simplement en me regardant comme vous l'avez fait. »
Elle ressemblait à l'un des Valar sous le clair de lune. Ses yeux noisettes étaient comme la forêt, vert avec des taches de brun, avec des cils recourbés foncés. Sa peau était lumineuse et douce. Ses cheveux n'étaient pas du même blond pâle que ceux de la plupart des Elfes de la Lórien, mais d'un or riche et profond, avec des boucles souples retombant tout le long de son dos. Legolas lui sourit.
Elle retira sa main, et ses yeux s'assombrirent.
« — Vous êtes l'Elfe le plus présomptueux que j'ai pu rencontrer ! »
Elle abaissa sa voix à un chuchotement.
« — Vous pensez que vous pouvez vous montrer à Caras Galadhon et réclamer tout ce que vous désirez ? Vous envisagez d'entraîner avec vous une partie de la ville, dans un voyage soi-disant prédit par les Valar, dans une forêt dont personne ne se soucie, aux frontières du Mordor ? Mordor ?! Eh bien, laissez-moi vous dire, je ne suis pas impressionnée, et je ne serai certainement pas l'une d'entre eux. »
Legolas fit un pas en avant, élevant son visage à sa hauteur.
« — Ne parlez pas de ce dont vous ne savez rien, et si vous me trouvez présomptueux, alors sachez que le Seigneur et la Dame m'ont convoqué ici. Je ne suis ici qu'à leur demande. Vous donnez une bien mauvaise pensée de votre peuple, tous n'étant pas de votre avis.
— Mais beaucoup d'entre eux le sont, Prince Legolas. »
Elle prit le même ton et se redressa, aplanissant les plis de tissus de sa robe.
« — Ne soyez pas si aveugle en pensant qu'aucun ne s'opposera à vous. Venez à présent, le dîner est terminé. Ou le Seigneur Celeborn va partir à votre recherche. Je vous en prie, ne laissez pas mon peuple attendre. »
A ces mots, elle se retourna et remonta les escaliers menant au talan du banquet, laissant Legolas à ses pensées.
« L'une des Valar ! Ah ! Plutôt une orc. Autant pour le charme de la famille Vertefeuille. Je n'ai même pas appris son nom. Pas étonnant que Lierwen m'ait quitté. »
Legolas haussa les épaules et remonta les escaliers vers la salle des banquets. Il y aurait sûrement de la danse et du chant ce soir. Il n'existe pas de meilleur moment pour faire la rencontre d'une elleth enchanteresse ... Il avait juste à en trouver une plus réceptive !
