Chapter 13 : Trouble on the Anduin.

À son retour, Legolas informa les autres guerriers elfes de leur découverte. Lors d'une brève réunion, le prince décida de quitter la route et d'éviter le tas d'orques morts. Un sentiment d'inquiétude se propagea parmi tous les elfes. Même ceux qui n'étaient pas au courant des paroles de Legolas pouvaient le sentir, la crainte s'insinuant en eux. Legolas essaya de garder ses yeux brillants et joyeux. Il n'y avait pas lieu d'inquiéter les innocents.

A présent, les guerriers se positionnaient de chaque côté de la procession, serrant de près les elfes sans défense. Le retour du prince et son visage sombre, ajouté aux injonctions soudaines de ses archers, exacerbèrent les sens de tous les elfes à la possibilité d'un danger. Même le plus jeune elfling s'agitait nerveusement dans les bras de sa mère. Désormais, la procession accélérait le pas, les yeux à l'affût de chaque ombre et de chaque mouvement, rivés sur chaque brin d'herbe qui se balançait dans les champs. Leurs oreilles percevaient le bruit de chaque sabot contre la terre et le battement de chaque aile dans le ciel, l'anxiété générale amplifiant les sons de la nature. L'air devenait pesant et silencieux alors qu'ils approchaient de l'Anduin.

Depuis le retour des elfes, Miredhel savait que quelque chose de mauvais était arrivé. Elle le vit à l'expression solennelle de son frère et aux yeux de Legolas. Qu'ils agissaient comme si rien ne s'était passé. Elle savait que ce n'était pas le cas. Elle voulait aller vers eux et leur demander ce qui n'allait pas, mais elle savait qu'elle ne le pouvait pas. Elle était simplement une elleth, exactement le genre qui, selon eux, avait besoin d'être protégée. Elle souhaitait avoir le courage d'y aller, pour offrir son arc et ses services à Legolas, mais elle savait ce que son frère allait dire. Elle se cachait derrière cette excuse, et elle se méprisait pour cela. A la place,elle avança calmement. L'Anduin était proche.

Ils atteignirent le grand fleuve alors que le soleil tombait dans l'ombre des Monts Brumeux. Le fleuve s'écoulait rapidement et profondément à travers un ravin de roches glissantes, reflétant les derniers rayons pourpres du soleil. De mauvais augure, pensa Legolas, comme si le sang s'écoulait des blessures de la terre. Ayant quitté la route, les elfes ne pouvaient plus traverser la rivière au niveau du pont. Et ils ne pouvaient pas non plus le faire ici. Legolas protégea ses yeux azur de ses longues mains fines. Le pont était encore une lieue plus bas des berges. Il savait qu'il pourrait facilement rassembler l'énergie nécessaire pour atteindre le pont avant le crépuscule et chevaucher durant la nuit, mais lorsqu'il examina les visages soucieux de ceux qui le suivaient, il sut qu'il devrait établir le camp dans la soirée. Ils étaient épuisés ... et certains avaient peur.

Beaucoup avaient quitté la sécurité de la Lothlórien pour la première fois. La découverte des orques occupait son esprit. Il avait vu la mort de nombreuses formes, mais ça, c'était quelque chose de nouveau. La chair avait été déchiquetée en lambeaux. Épées, haches, flèches, aucunes ne laissaient de telles marques. Il regarda de nouveau ses compagnons. Ils dépendaient de lui, et de lui seul. Pour la première fois, Legolas ressentit tout le poids des énormes responsabilités du pouvoir. Il n'avait personne vers qui se tourner pour obtenir des conseils, pas son père, ni son frère, ou même Aragorn. Comment pouvait-il garder ses gens en sécurité contre un ennemi qui déchire et dévore les morts ? Frustré, Legolas serra les poings. Il se demandait ce que son père aurait fait, ce qu'il ferait en ce moment. Il aurait eu foi en son propre jugement.

« — Préparez le campement pour la nuit, ordonna Legolas. Nous traverserons le fleuve à l'aube.»

Sur ses ordres, les elfes n'allumèrent pas de grands feux ; à la place, quelques petites lanternes qui jetaient une simple lueur sur un campement morose furent disposées. Alors que la nuit s'obscurcissait, des doigts d'un brouillard glacial se mirent à ramper en sortant de la rivière. Des volutes de brumes blanches serpentaient à travers le camp, s'enroulant et se tordant autour des elfes, les empêchant de voir autour d'eux.

« — Mince, nous sommes aveugles dans cet épais brouillard, cria Eledhel, dardant ses yeux vers les limites du camp.

Je sais. Je ne peux même pas voir nos gardes, même si je sais qu'ils sont là, renchérit Belegil.

Si quelqu'un ou quelque chose attaque le camp, nous serons prêts et plus que capable de repousser les attaques. Nos rangs contiennent les meilleurs archers et épéistes de Lothlórien.», assura Legolas, tentant de laisser transparaître un sentiment de confiance à travers ses mots. Ils étaient bien évidemment ses amis, mais il était aussi leur chef. Il devait refléter la force et la confiance. Eledhel et Belegil prirent congé pour rejoindre la garde, laissant le prince à ses pensées.

Au moins, le camp se reposait tranquillement, se nourrissant de lembas et reprenant des forces avec cette nourriture. Legolas examina le camp alors qu'il mangeait. Ses yeux, alertes, remarquèrent chaque détail : les enfants avec leurs yeux brillants et leurs visages de chérubin, la manière douce dont les mères chantaient des berceuses à voix basse. Miredhel, assise parmi elles, berçait un enfant dans ses bras. Ses cheveux étaient défaits, épars dans son dos, tombantsur sa joue. Elle leva les yeux, et leurs regards se croisèrent. N'importe quel elfe aurait détourné les yeux, embarrassé, mais ni Legolas ni Miredhel n'étaient du genre à reculer lors d'un tel échange. Alors, ils continuèrent à s'observer, tout en se sentant un peu ridicule, mais ni l'un ni l'autre ne voulait être le premier à détourner le regard.

Miredhel fixait le prince, un pur mépris affiché. Les yeux de Legolas, bleus comme jamais, lui paraissaient définitivement bien sombres. «Vous faites bien de cacher vos émotions, mais vos yeux vous trahissent mon seigneur, » pensait-elle. L'expérience de nombreuses années, le devoir et les soucis se percevaient dans son regard.

Au même moment, Legolas pouvait voir la même flamme farouche de désir d'indépendance qu'il avait entraperçue au Cercle des Amants . Le visage de l'elleth ne broncha pas sous son regard. Ses yeux l'accusaient et se moquaient de lui, mais il y voyait également une immense tristesse et beaucoup de peine . «Elle marche dans la tristesse et la solitude, songea Legolas. Nous ne sommes pas si différents, vous et moi, murmura-t-il. Ses pensées furent interrompues par le retour de Sulindal.

« —Je vous salue, Legolas, fit-il, et le prince détourna enfin les yeux pour regarder son ami.

Comment se passe la garde de nuit?

Calme, presque trop à mon goût.

Que voulez-vous dire?"

Écoutez ... l'entendez-vous? Rien, pas de chant de grillons, pas de mulots, pas d'oiseaux ou de grenouilles ...

Je vois ce que vous voulez dire, soutint Legolas et il pencha la tête. Je me demande pourquoi je ne l'ai pas remarqué avant.

Je crois que cela a quelque chose à voir avec Dame Miredhel, observa Sulindal. Je vous regardais la contempler pendant cinq minutes avant de finalement venir à votre rencontre.»

Contrairement à Belegil qui était souvent impétueux et bruyant, Sulindal possédait une voix douce, jamais provocante, et préférait infiniment l'observation du monde et des gens autour de lui.

« — Bien sûr et fort heureusement ...»,répondit finalement Legolas, un peu détaché. Il ne fit pas attention au fait que Sulindal l'ait vu regarder Miredhel, mais il se reprochait de ne pas avoir prêté plus d'attention à la sécurité de son propre camp. Quel bon chef il faisait, distrait par un joli visage. Legolas décida de se joindre aux archers dans la garde de nuit ... « c'est là où leur chef devait se trouver, pas en train de songer sous le clair de lune", se dit-il à voix basse quand la voix douce de Sulindal l'interrompit à nouveau dans ses pensées.

« — Que représente-t-elle pour vous?», lui demanda-t-il simplement. Une question simple en effet, dont Legolas n'était pas tout à fait sûr de connaître lui-même la réponse. Une conquête sans succès? Non, ce ne semblait pas juste. Une histoire d'amour contrarié? Non, cela semblait grotesque.

Enfin, Legolas soupira et répondit:

« — Elle est ... la sœur d'Eledhel.»

Il réussit à le dire de manière convaincante, parvenant même à s'en convaincre. Il aurait voulu ne pas avoir cette conversation. Il ne voulait pas penser à elle quand le camp pouvait être en danger et qu'une nouvelle et terrible menace pouvait surgir de ce brouillard abyssal. Il avait besoin de se concentrer. Il se leva brusquement et ramassa son carquois, indiquant la fin de la conversation.

Sulindal renvoya à Legolas un regard plein de joie, une combinaison de «Vous vous trompez si vous pensez cela, 'et' je sais bien que ce n'est pas vrai'.» Belegil et Sulindal étaient presque identiques : large d'épaules, menton proéminent, et les cheveux blonds, et pourtant les yeux gris de Sulindal manquaient peu de choses. Ils étaient sa plus grande défense et les armes les plus fortes sur un champs de bataille ... et dans le domaine de la conversation.

« —Je comprends si vous souhaitez garder cela entre la dame et vous, déclara lentement Sulindal. Votre patience est admirable. Vous n'avez jamais prononcé un seul mot à aucun de nous à propos du baiser au cercle des Amants.»

Legolas fit tomber son carquois et se rassit. L'air ahuri, il regarda Sulindal.

« — Comment avez-vous ... en a-t-elle parlé?

Non, Miredhel a toujours été discrète concernant ces choses. Je décidai de marcher dans les bois après le banquet pour m'aérer mes pensées. J'ai entendu vos voix et puis je vous ai vu passer la porte.»

Il sourit, les yeux pétillants.

« — Je crois que vous auriez pu illuminé tout Caras Galadhon avec ce baiser; mais si vous ne voulez pas en parler, soyez assuré que je garderai le silence sur cette affaire.»

Legolas regarda attentivement Sulindal. Celui-ci resterait fidèle à sa parole, s'il savait pour le baiser tout ce temps et n'en avait parlé à personne, surtout quand son frère était considéré comme l'une des commères les plus réputées du Bois Doré. Legolas avait estimé que Sulindal avait été plus difficile à connaître, car il était beaucoup plus réservé que son frère. Peut-être pourrait-il devenir le confident que Legolas cherchait, tout du moins concernant ses problèmes avec la jeune fille.

« — Le baiser était le terme convenu pour notre pari. Je voudrais être son ami, peut-être plus si elle me le permettait, avoua Legolas.

... Mais elle ne le permet pas?, devina Sulindal.

Nous ne faisons que nous disputer, déclara Legolas amèrement. Il est vain d'essayer, et maintenant je dois prêter attention à d'autres problèmes que le coeur rebelle d'une elleth.

Legolas, je vous en prie. Ne renoncez pas à elle.

Voulez-vous que j'ignore le reste du camp?, demanda Legolas, légèrement en colère.

Bien sûr que non, mais vous avez des amis qui pourraient vous aider. Le poids total du camp n'a pas à reposer seulement sur vos épaules.

Je sais, mais je crains pour notre sécurité, mon ami, même avec des guerriers elfiques tels que votre frère et vous-même dans notre procession.»

Il baissa la voix jusqu'à murmurer.

« — Je ne peux pas oublier la vue des corps sur la route, l'odeur. Je ne peux pas le comprendre. Cela reste vif dans ma mémoire. Quelque chose à propos de l'odeur ... si âcre ... bien plus que des orques simplement brûlés. Qu'est-ce qui pourrait dévaster cinquante orques comme ça , comme s'ils avaient été pris dans une tempête de feu?

Autre que quelques guerriers elfes?»

Sulindal plaisantait, et Legolas se permit d'esquisser ce qui ressemblait à un léger sourire.

« — Peut-être que le roi Thranduil y verrait plus clair concernant ce nouvel adversaire, s'il s'agit d'un ennemi. Entre temps, soignez votre coeur, jeune prince, déclara Sulindal.

Elle ne semble pas rechercher la compagnie de qui que ce soit, souligna Legolas.

Oui, mon seigneur. Elle fait encore son deuil...

Son deuil, Sulindal?

Saviez-vous que Belegil et moi avions une soeur?, questionna ce dernier sans vraiment donner de réponse. Elle était notre cadette de nombreuses années, plus proche de votre âge, je suppose. Belegil et moi la gâtions sans considérations. Elle avait de doux yeux gris ...»

Sulindal semblait perdu dans ses souvenirs, mais il poursuivit tout de même.

« — Miredhel et elle étaient des amies, plus comme des sœurs.

Qu'est-elle devenue?

Elle était forte et plus proche de Belegil que je ne l'aurais voulu. Lorsqu'ils étaient ensembles... Il soupira et secoua la tête. Elle a demandé à être formée comme une guerrière à l'arc et l'épée, ce que nous avons accepté avec joie. Lorsqu'elle elle atteignit l'âge adéquat, elle rejoignit la division d'Eledhel et de ses archers. Ils étaient proches, et pas seulement parce que nous étions tous amis. Parfois, je pense qu'ils auraient pu tomber amoureux l'un de l'autre si on le leur avait donné une chance, si le sort avait été plus clément avec eux.

Que s'est-il passé?, demanda Legolas, soupçonnant déjà la vérité.

La Guerre de l'Anneau ... la défense de la Forêt d'Or ... Annariel, qui était le nom de ma sœur, n'en sortit pas indemne. Je pense que Miredhel voulait désespérément se joindre à la division d' Eledhel, mais il ne le permit jamais. Il était toujours très protecteur envers elle ... Sulindal seracla la gorge et continua. Quand la Dame Galadriel et le Seigneur Celeborn réunirent tous les guerriers, archers et épéistes, pour assiéger Dol Goldur, la division d' Eledhel fut choisie tout comme celle de Belegil et la mienne. Miredhel fut laissée à l'arrière.

Orques, ouargues, tout ce qui était mauvais, pénétrèrent les bois. Pendant le siège, une forme sombre, un nuage sans nom, les esprits d'esclaves maléfiques libérés des cachots selon certains,enveloppait la lune. Je la perdis de vue. La forme vacilla et disparut, mais ma sœur avaitdisparue. Nous la retrouvâmes seulement plus tard, après que Galadriel arrivât et révélât les fosses , et que nous entassions et brûlions les cadavres ennemis. Eledhel ramena son corps, piétiné et abîmé, dans ses bras. Si jeune, si belle ...»

Sulindal leva les yeux vers le ciel étoilé, les yeux humides. Aucunes étoiles n'étaient visibles.

« — J'ai visité les tumulus, Sulindal. Ni moi, ni mon peuple, n'oublieront les grands sacrifices qui y furent faits.

Cette guerre a exigé des sacrifices de tout le monde. Nous sommes tous liés dans la douleur.

Et Miredhel?, demanda Legolas.

Elle souffrait cruellement, se reprochant de ne pas avoir été au côté de Annariel, nous blâmant son frère et moi de ne pas l'avoir sauvée, et l'ensemble de la Forêt Noire par association.

Y compris moi, je vois.

Je ne parlerai pas de la façon dont elle a failli mourir à cause de ce coup au cœur, son esprit ardent ayant sombré dans le chagrin, ou de la manière dont Eledhel lutta contre la décision de l'emmener aux Havres Gris. Je dirai seulement que pour la première fois depuis de nombreux mois son esprit est revenu.»

Legolas regarda furtivement l'objet de leur conversation. Eledhel avait rejoint l'elleth, offrant le confort de son épaule où elle posait doucement sa tête.

« — Elle a de la chance d'avoir un ami comme vous, Sulindal, et un frère comme Eledhel, mais je ne peux faire aucune promesse.»

Legolas se leva et s'étira.

« — Je dois rejoindre les autres à présent.»

Legolas rejoignit Farothin en bordure de camp près de la rivière. Il avait passé de nombreuses heures durant des nuits comme celle-ci, à regarder et à écouter à la recherche d'ennemis invisibles. Il se concentra sur le flot régulier de la rivière, le chuchotement des herbes, la façon dont le vent se mouvait à travers les arbres. Il écoutait tout changement qui pourrait signaler un danger. Il pouvait entendre la respiration et le mâchonnement réguliers des chevaux alors qu' ils paissaient. Tout semblait aller parfaitement. Legolas se détendit et expira profondément. Son souffle s'arrêta dans sa gorge. Cette odeur fétide caractéristique, la même qu'il avait sentie sur la route avec les orques mutilés, se percevait dans l'air froid. Il saisit son arc et tira une flèche de son carquois.

« — Que se passe-t-il ?, murmura Farothin.

Cette odeur ... les orques morts ... ne la sentez-vous pas?», souffla Legolas, ses yeux clairs balayant l'obscurité brumeuse.

Farothin hocha la tête et effectua un faible cri d'oiseau pour alerter les autres du danger. Lui aussi posa une flèche à son arc. Les chevaux commencèrent à bouger nerveusement, hennir et frapper le sol de leurs sabots.

« — Les chevaux sont nerveux.

Quelque chose se rapproche, ajouta Legolas.

Je le sens aussi, déclara Eledhel. Il avait entendu l'avertissement et s'était joint à eux, la main sur le pommeau de son épée.

Quelqu'un doit aller calmer les chevaux. Ils signaleront notre position ou pire, se disperseront dans la nuit", suggéra Farothin.

Je vais m'en charger, murmura Legolas d'une voix seulement audible aux oreilles des elfes. Farothin, vous restez sur la rivière du côté du camp. Eledhel, je veux que vous preniez le côté ouest du camp. Dites aux autres de souffler les lanternes. Nous allons utiliser la brume et le couvert de l'obscurité à notre avantage.»

Farothin et Eledhel placèrent leurs poings sur leurs poitrines et le saluèrent à la manière des elfes. Legolas acquiesça et partit.

Il se glissa furtivement le long de la berge escarpée vers la clairière où les chevaux paissaient. Legolas garda son arc dans sa main droite, une flèche toujours prête dans celle de gauche. Il pouvait entendre les chevaux gratter le sol avec leurs pattes et renifler. Les coursiers elfiques étaient rarement effrayés. L'odeur était forte maintenant. Il rejoignit d'abord une jument grise, les yeux révulsés par la peur.

« — Chut, ne crains rien.», la réconforta-t-il et il ébouriffa sa crinière avec les doigts. Il vit au loin la lumière de la dernière lanterne s'éteindre au campement. Tout était sombre, sauf la lueur de la lune, qui se cachait derrière quelques nuages. Il tapota le flanc d'Arod au passage et se déplaça en direction de l'odeur.

Legolas glissa entre les colonnes d'arbres qui dissimulaient la vue de la rive de l'Anduin. En écoutant le courant, il devina que la rivière était profonde, au moins cinquante pieds plus bas. Il fit une pause derrière un tronc d'arbre, afin de reprendre son souffle. L'odeur putride le submergeait presque à présent. L'air devenait insoutenable autour de lui, et Legolas sentait le sang dans l'air.

Un amas de nuages cachait désormais la lune, et toute la lumière se dissipa.

Cette nuit, vile, d'une obscurité totale essayait de le dévorer, et si elle n'y parvenait pas, alors son ennemi s'en chargerait. Il ignorait à qui ou à quoi il avait affaire, mais il avait vu de près ces traces inquiétantes.

Ses oreilles se dressèrent alors qu'il captait le grondement faible de quelqu'un, d'une quelconque créature en train de respirer, qui fut suivi d'un craquement distinct du bois qui se fend. Il n'osait pas bouger. Son regard balaya les alentours. Tout semblait calme, excepté son cœur qui cognait dans sa poitrine. La panique et la peur s'infiltraient dans ses veines, imprégnant son corps d'incertitude et d'aversion.

« — Idiot ! Tu n'aurais pas dû venir seul.»

Crac ! Un immense pin chuta. Le sol trembla comme si un éclair l'avait frappé. Crac ! Un autre arbre tomba au sol, cette fois-ci rasant de près Legolas. Les arbres et la nuit nuit vibraient au rythme de cette torture. La respiration se fit plus bruyante et l'elfe pouvait entendre la bête, distinguant chacun de ses souffles sonores.

Legolas resserra les doigts autour de son arc, « du calme », se dit l'elfe, et il roula brièvement des épaules, une habitude qu'il avait pour calmer ses nerfs avant les combats. Il relâcha légèrement les doigts puis serra encore l'arc. A nouveau serein, l'archer était fin prêt.

Il s'élança de derrière l'arbre, ajustant une flèche à son Legolas entendit un bruit sourd provenant des arbres, et puis le silence. L'odeur fétide s'était volatilisée, seule une forte effluve de sang frais persistait. Il sentit son corps involontairement s'affaiblir et il s'arrêta brusquement. Il ne pouvait pas être sûr que la menace ait disparu avant d'avoir balayé la zone.

Legolas pénétra dans la clairière toujours son arme en main. Tous les chevaux étaient partis, et fort heureusement de leur plein gré. Il ne pouvait leur reprocher leur fuite. Il s'agenouilla puis s'immobilisa. Il faisait trop sombre pour voir ce dont il s'agissait. Il fallait attendre la lumière du matin. Il revint progressivement vers la lisière d'arbre et la rivière où, pour la première fois, il avait entendu la respiration. Legolas avait une certitude : la créature qu'il avait rencontrée cette nuit n'était en aucun cas un loup ordinaire, un ours, un troll, un orque, ou autre spécimen imaginable.

L'elfe resta sur ses gardes et se dirigea vers les arbres et la rivière. Legolas se leva précipitamment, incrédule de ne pas l'avoir aperçu plus tôt. Ses yeux inspectaient activement les bois denses à la recherche du moindre signe de mouvement. Scrutant à peine le sol devant lui, il trébucha sur un tronc tombé au sol.

Il observa ce qui restait de l'arbre encore en place et glissa ses doigts le long de l'écorce griffée jusqu'à ce qu'il atteigne le point de rupture de l'arbre. Presque comme si quelqu'un avait arraché l'arbre comme une brindille, le tronc était fendu de manière nette en morceaux irréguliers à deux pieds au-dessus du sol. Au même moment, il remarqua quatre autres arbres, tombés de la même manière. De profondes entailles marquaient les troncs. Legolas se pencha pour les analyser et déglutit. L'odeur nauséabonde était de retour.

Ses bras s'empressèrent de saisir l'arc quand un coup violent dans sa poitrine l'envoya chanceler en direction de la rivière. Alors qu'il culbutait contre la berge et tombait à la renverse, il tira son long couteau blanc, tranchant avec frénésie l'espace vide devant lui. Il frappa un élément dur. Mais il faisait trop sombre pour dire ce qu'il s'agissait. Avant qu'il atteigne la rivière en contrebas, Legolas se demanda si c'était vraiment une bonne idée de chuter aveuglément dans un ravin, une lame à la main...