Chapitre 14 : The River Ran Red
Legolas se débattait dans l'eau trouble. Il était tombé dans la rivière d'assez haut et son épaule avait percuté un rocher, lui faisant lâcher son couteau. Les courants rapides de l'Anduin l'entraînèrent alors qu'il cherchait frénétiquement son arme. Les nuages masquaient à nouveau la lune. Avec son arc resté sur la berge et son couteau égaré, l'elfe se retrouvait seul et désarmé.
Une brise souffla, dispersant les nuages, et un mince quartier de clair de lune se réfléchit dans la rivière. Son couteau ! Legolas s'en empara, à seulement une longueur de bras. Le manche était chaud et poisseux. Il l'éleva vers la lumière de la lune et vit que la lame était couverte de sang.
Quand les nuages s'éloignèrent de la lune, Legolas vit du liquide rouge partout. Du sang recouvrait sa poitrine, son torse et ses mains. Il sentit le fond de sa gorge brûler et comprit qu'il allait être malade. Sa poitrine le brûlait à cause du coup qu'il avait pris et son épaule était toujours endolorie. Il lutta contre le courant du fleuve pour atteindre la berge.
Aussi soudainement que quelques minutes auparavant, une forte odeur âcre revint assaillir ses narines. L'ennemi était de retour. Le prince se jeta contre un large affleurement de pierres, situé dans le lit de la rivière. II aurait souhaité avoir son arc, mais remerciait néanmoins les Valar d'avoir trouvé son couteau à temps. L'odeur et le bruit de la respiration de la créature s'intensifièrent.
De derrière le rocher, Legolas entendit un grognement guttural, suivi d'un bruit de viande arrachée aux os. L'eau clapotait et de petites vaguelettes se formèrent et ondulèrent jusqu'à sa cachette. Des morceaux de chair et des os flottèrent devant lui. Le clapotis cessa. Legolas attendit. Il savait que la monstrueuse bête s'attardait encore. Il pouvait écouter et sentir sa respiration. Il se demandait si c'était ainsi qu'il allait mourir. Il roula des épaules et saisit son couteau. Il articula une prière silencieuse adressée aux Valar pour lui donner du courage puis se rapprocha doucement du bord du rocher. Une paire d'yeux immenses en forme de fentes dorées observait chacun de ses mouvements.
Pensant qu'il tuerait ce démon, si seulement il pouvait le voir, Legolas pouvait à peine distinguer sa forme à cause de toute la vapeur qui s'élevait de la rivière. Le regard sans paupières et serpentin de la bête répandait un rai de lumière jaune, transperçant les volutes épaisses de fumée et de vapeur pour l'illuminer. Il lui rendit son regard, anticipant tout déplacement que le monstre pourrait faire. Il avait seulement un couteau et une seule opportunité.
« — Nous ne voulons rien d'autres que la paix, finit par déclarer l'elfe. Laissez-nous, et aucun mal ne vous sera fait. »
La créature renifla, et deux colonnes de vapeur montèrent jusqu'au ciel. Les fentes étroites que formaient ses yeux brillèrent.
« — Enchanté, fils de la Forêt Noire. », salua-t-il.
Ses yeux plongèrent dans ceux de l'elfe, sans ciller. Legolas resta immobile, constatant qu'il était incapable de s'en détourner ni de bouger.
Il ouvrit la bouche pour parler, mais il n'avait plus l'usage de sa langue. Il ne pouvait même plus sentir le carquois dans son dos ou le poignard dans sa main. La douleur lancinante à son épaule disparut car tout son corps devenait engourdi. L'esprit de l'elfe se mit à errer. Il n'était ni éveillé ni endormi. Autour de lui, le monde disparut, à l'exception des yeux dorés de la bête.
Alors, la créature se railla du prince.
« — Qui aimerez-vous sacrifier à votre place ? Votre bande d'amis épuisés et de jeunes elfes abattues ne feront pas le poids face à ma force. Vous êtes faible. Je le lis dans vos yeux. J'ai connaissance de tous vos plans, prince de la Forêt Noire. Je recherche un adversaire bien plus redoutable. Si vous me conduisez à lui, j'épargnerais votre vie et une grande partie de votre pitoyable compagnie. »
Il se lécha les babines.
« — Cela fait si longtemps que je n'ai pas savouré un elfe, ou devrais-je dire, cela faisait si longtemps, jusqu'à ce soir. »
Legolas était tombé sous son charme, et les mots blessants de la bête lui firent ressentir, au plus profond de son cœur, du dégoût pour lui-même. Les yeux de l'elfe s'obscurcirent bien plus que les ténèbres de la nuit, et ses traits lisses se durcirent avec malice. Tout aurait pu être perdu si la nature n'était pas intervenue. Il commença à pleuvoir. Seulement des petites gouttes qui s'échouaient doucement dans la rivière à prime abord ; puis la foudre déchira les cieux et une pluie torrentielle balaya le ciel.
Legolas haletait en inhalant l'air frais de la pluie nocturne alors que celle-ci chassait la vapeur et la brume qui recouvraient le fleuve. Il éprouvait une sensation qui pouvait se comparer à celle que les arbres ressentent au printemps. Son visage le picotait alors que la pluie glaciale enlevait le sang et la crasse. Alors que la douleur à son épaule revenait, Legolas sentait aussi le poids rassurant de son arme dans la main. Il se rappelait où il était et à quel danger il était confronté. Son cœur se mit à marteler dans sa poitrine. Il saisit fermement sa dague et attendit l'occasion.
Il y eut de nouveau des éclairs, et la créature cligna des yeux. Maintenant, c'était sa chance. Legolas plongea sous l'eau et nagea rapidement vers son ennemi. Il surgit de la rivière, tailladant frénétiquement dans les ténèbres les écailles luisantes. Plus rapide que ce que les yeux d'un elfe pouvaient distinguer, la bête évita la dague. La foudre aveugla le ciel une fois de plus, et Legolas vit clairement son adversaire pour la première fois. Son esprit en fut apaisé car cette vision confirma ses pires craintes. Au milieu de l'eau agitée et de la pluie battante, il vit la silhouette sombre de vilaines ailes et de griffes, un long museau et des crocs cruels. Dragon. Le mot seul le faisait grincer des dents.
« — Imbécile! Vos misérables armes ne peuvent transpercer cette armure ! », rugit le dragon.
Legolas recula et jeta la dague de toutes ses forces en direction des yeux brillants du dragon. En un mouvement rapide, le dragon leva ses ailes et monta en hauteur pour rejoindre la pluie dans le ciel. Le couteau de Legolas s'enfonça de nouveau dans l'Anduin. Il l'avait manqué. Il fouilla dans son carquois et en sortit une flèche. Bien sûr, il n'avait pas son arc, mais même une flèche seule était toujours mieux pour faire face à un dragon que des poings nus.
Le dragon battit furieusement ses ailes dans le ciel, dispersant les nuages. Legolas le contempla, émerveillé par l'envergure des ailes de la bête et s'attendit au pire. Il n'attendit pas longtemps, car le dragon agita ses ailes et fondit sur l'Anduin. Il rugit et les flammes vives léchèrent la rivière dans un brasier ardent.
Legolas plongea sous l'eau et se cramponna à des rochers dans le lit de la rivière. A cause de la colère du dragon, l'eau sifflait de manière stridente aux oreilles de l'elfe. Legolas se demanda sinistrement si les dragons préféraient leurs elfes bouillis avant de les dévorer. Il regarda en l'air et vit la danse orangée des flammes au-dessus de la surface de la rivière. Le dragon battit des ailes et s'éleva à hauteur de la lune avant de replonger vers la rivière, le feu de son souffle incendiant l'air devant lui. Gardant les yeux fermés, l'elfe se recroquevilla, l'air misérable, alors que la température montait. Il s'enfonça dans la rivière jusqu'à ce que l'eau, plus profonde, devienne plus froide. La surface semblait sombre. Legolas attendit. Les elfes peuvent retenir leurs respirations sur une durée incroyable, mais même cet elfe-là commençait à se sentir étourdi. Il tendit ses bras et agita les mains dans l'eau trouble, ne trouvant rien à quoi s'agripper pour soulager la douleur. Alors que ses mains s'agitaient, quelque chose de pointu le blessa aux doigts, et Legolas put voir un filet de sang rouge à travers l'eau. Il les cacha de la vue d'autrui et put à peine croire à sa bonne fortune. Legolas avait encore retrouvé son couteau. Il poussa sur le sol de la rivière pour remonter et nagea vers l'air libre. Sa poitrine se remplit d'air, l'elfe parvint à la surface et brandit son couteau.
Le ciel était sombre et l'air, frais. Legolas tendit l'oreille. Tout semblait immobile, et plus important encore, l'odeur de l'haleine du dragon avait disparu. Le dragon aurait facilement pu le tuer. « Qu'est-ce qui l'a fait partir ? », songea-t-il. Son esprit se tourna vers son camp, et les poils de son dos se hérissèrent. Le camp ! Les flèches et des lances de ses guerriers ne feraient pas le poids contre l'armure résistante du dragon.
Il traversa péniblement la rivière en direction du ravin. Son âme était remplie d'inquiétude pour le camp, et il se remémorait encore les tas de cadavres d'orcs qui bordaient la route. Si une telle chose arrivait à son peuple ... Il ne pouvait supporter l'idée. Il essora ses cheveux trempés et replaça le couteau dans son fourreau alors qu'il examinait l'escarpement devant lui. Grâce à son expérience aguerrie de l'escalade dans les plus hauts arbres de la Forêt Noire pendant sa jeunesse, Legolas se dit qu'escalader cette paroi se révélerait très simple. En toute hâte, il plaça sa grande main et ses pieds prirent place à un repère et il commença à grimper. Il était arrivé à mi-chemin quand sa main gauche dérapa sur de la terre molle et humide et des pierres glissantes.
Il tendit son bras droit et attrapa une grosse racine qui dépassait. L'elfe étouffa un gémissement. La douleur l'élança dans son côté droit, comme si une main invisible avait attrapé et tordu tous les muscles de son épaule blessée. Il lâcha et glissa vers le bas à la base du ravin. Il murmura quelques malédictions des nains, souvenir de Gimli, et commença à grimper à nouveau, cette fois-ci en utilisant essentiellement son épaule gauche. Enfin, ses doigts touchèrent l'herbe douce sur le dessus de la corniche, et il sortit du ravin. Sans un regard en arrière, Legolas se précipita vers le lieu où les arbres étaient tombés, en espérant y trouver son arc.
En le voyant, il tomba à genoux. Il craignait que le dragon ait réduit en morceaux ou brûlé par son souffle sa récompense. Legolas poussa un soupir de soulagement et se leva. Son arc avait échappé au mal. Le tenant contre sa poitrine, il courut à travers les ténèbres et les arbres jusqu'au camp elfique.
De retour au camp, Miredhel vit le prince se précipiter à travers les arbres à un rythme effréné. Ses cheveux et ses vêtements semblaient être trempés, et des traînées noirâtres-rouges recouvraient sa tunique et ses bas. Elle craignait qu'il fût blessé, et oubliant tout protocole et titre, et le fait qu'elle le méprisait, elle cria de surprise :
« — Legolas ! »
Elle laissa tomber la couverture qu'elle était en train de réparer et courut à sa rencontre. Elle se précipita vers lui, s'arrêtant seulement quand ils semblaient sur le point d'entrer en collision.
« — Legolas, que s'est-il passé ? Êtes-vous blessé? », lui demanda-t-elle.
Il était couvert de sang, mais elle ne voyait aucune blessure. Son visage blême et confus et ses respirations haletantes lui faisaient peur. Legolas n'était pas calme et serein comme à son habitude. Il tendit la main et la saisit par le bras et s'immobilisa.
« — Ma dame, dites-moi, le camp ... est-il sauf ?. Ses yeux semblaient la supplier.
— Bien sûr qu'il l'est, affirma-t-elle, puis elle le regarda avec méfiance. Hormis l'averse, la nuit a été paisible. Mais vous ne vous sentez pas bien. Retournez avec moi au camp voir un guérisseur.
— Nous n'avons pas le temps, Miredhel. Nous devons immédiatement partir et rejoindre le plus vite possible la Forêt Noire.
— Au beau milieu de la nuit?
— Oui, et dès que possible. Retournez au camp et aidez les autres à se préparer pour le départ.
— Que s'est-il passé ? »
Legolas baissa les yeux et se rendit compte qu'il tenait toujours son bras. Il le relâcha doucement et leva les yeux vers son visage.
« — Je ne veux pas vous alarmer, mais nous courons un grave danger, et plus vite nous chevaucherons, mieux ce sera. »
Elle hocha la tête et se dirigea vers le camp où les autres elfes et elle commencèrent à se préparer pour un départ précipité. Legolas se hâta vers le lieu où il avait, plus tôt, laissé ses amis. Farothin regarda le retour du prince et fixa son visage. Ses yeux surprirent le visage épuisé du prince, remarquant les marques sombres et les traces de brûlure sur ses vêtements mouillés.
« — Monseigneur, qu'est-ce que...?
— Farothin, j'ai une altercation avec notre mystérieux ennemi, l'interrompit Legolas. Il a disparu, mais il pourrait revenir à tout moment. Je veux que vous rassembliez tous les chevaux. Nous devons chevaucher cette nuit.
— Ils se sont dispersés un peu partout, mon seigneur. Je doute que nous soyons en mesure de tous les retrouver ce soir.
— Alors, trouvez-en autant que possible. Amenez les jumeaux avec vous pour vous aider.
— Eledhel et Belegil ont délaissé leur poste de surveillance pour vous chercher après la cavalcade des chevaux. N'avez-vous pas croisé leur chemin à votre retour ? »
Legolas gémit.
« — Partez devant et commencez à rassembler nos chevaux, Farothin. Prenez d'autres guerriers avec vous pour les trouver. »
Il longea le périmètre surveillé par la garde de nuit, demandant si quelqu'un avait vu Eledhel ou Belegil depuis leur départ. Personne ne les avait aperçus. Il regarda vers le camp. Grâce à Miredhel, la plupart des abris et des fournitures étaient rangés et emballés. Il vit Sulindal parler à son frère du côté sud. Fort heureusement, Belegil était de retour.
Legolas se joignit à eux. Avant qu'ils ne puissent émettre de commentaires sur son apparence, il prit les devants :
« — Je sais, je sais. J'ai bien piètre apparence, mais cela est le cadet de mes soucis. Où est Eledhel ? »
Belegil et Sulindal échangèrent des regards.
« — Ne vous-a-t-il pas trouvé, Legolas ?, questionna Belegil.
Legolas secoua la tête et s'éclaircit la voix :
« — Écoutez, j'ai demandé à Miredhel de commencer à lever le camp.
— C'est ce que j'ai vu, répondit Sulindal. Je peux seulement supposer que vous souhaitez partir cette nuit-même.
— Tout de suite, renchérit Legolas. Je veux que vous preniez la tête de la procession. Assurez-vous que personne ne manque à l'appel. Farothin rassemble les chevaux en ce moment-même. Dès qu'il revient, nous rejoignons le pont. »
Malgré son apparence dépenaillée, on ressentait la détermination et l'autorité des rois dans sa voix, et ses yeux prirent une teinte bleu acier.
Les frères prirent rapidement congé et retournèrent à leurs besognes. Il leur fallut peu de temps pour achever leur tâche, et Legolas observa leurs expressions sombres à leur retour.
« — Tout le monde est présent ... à l'exception de deux personnes, Eledhel et Valraen.
— Valraen, l'un des plus jeunes guerriers ? Aurait-il délaissé son poste de surveillance pour aider Farothin ?
— Nous ne pensons pas. J'ai trouvé d'étranges traces près de la zone où il a été vu la dernière fois.
— D'étranges traces... »
Legolas sentit ses yeux le brûler. Il connaissait déjà la triste vérité.
« — Oui, les traces de Valraen se dirigent vers la rivière puis disparaissent, déclara Sulindal.
— J'ai trouvé son arc, brisé, et des flèches par terre », ajouta Belegil.
Legolas baissa brusquement la tête. Il l'avait perdu, Valraen, si jeune.
« — Si je pouvais donner ma vie pour le sauver, je le ferais », murmura-t-il.
Sulindal tendit une main pour la poser sur son épaule.
« — Comme nous tous, Legolas, mais nous ne pouvons plus rien y faire à présent. »
Farothin arriva et porta son poing à sa poitrine en guise de salut.
« — Nous avons rassemblé tous les chevaux, sauf cinq.
— Cela n'a pas d'importance. Certains d'entre nous peuvent chevaucher à deux personnes, dit Sulindal.
— Je suis sûr que Lady Limaer offrirait son cheval si cela pouvait lui permettre de chevaucher avec le prince », plaisanta Belegil, tout en essayant d'encourager son ami.
Legolas grimaça puis il poursuivit :
« — Assurez-vous que tout le monde soit prêt pour le départ. Nous ne pourrons tolérer aucun retard. »
Il ramassa sa besace. Il était heureux de constater qu'Arod était en bonne santé. Il voulait s'attarder un peu, espérant le retour imminent d'Eledhel. Au moins, il pouvait prendre le temps de changer de tunique. Utilisant Arod comme paravent, il ôta sa chemise ensanglantée. L'elfe examina l'arrière de son épaule droite, où une vilaine tâche commençait à se teinter de jaune et de violet. Il la tapota. Oui, c'était vraiment douloureux. Quel dommage qu'il n'y ait pas de douce et amoureuse jeune elfe qu'il puisse implorer de lui appliquer plus tard un peu de baume. En dépit de la crainte qui s'était installée dans son âme, Legolas ne put s'empêcher d'esquisser un sourire à cette idée. Il enfila sa tunique propre, remit sa besace et monta sur son cheval.
« — Un grand mal se présente à nous sous la forme d'un dragon, annonça-t-il. La majorité de la compagnie en eut le souffle coupé, et leurs yeux s'agrandirent, remplis de panique et d'incrédulité. Vous en connaissez le fondement dans votre cœur. Tout comme moi, vous sentiez sa menace. Je ne vais point vous dire « n'ayez pas peur », car il mieux que vous le craigniez. Chevauchez rapidement, restez ensemble, et ne regardez jamais en arrière. ».
Il les observa, l'air valeureux.
« — Soyez courageux, car les Valar sont avec nous ce soir. »
Les elfes montèrent sur leurs chevaux, et Miredhel chevaucha à côté du prince. Le regard suppliant, elle le dévisagea puis se confia :
« — Nous ne pouvons pas partir. Je vous en supplie. Mon frère n'est toujours pas revenu.
— Pour tout l'or du monde je ne laisserai votre frère derrière nous, lui avoua-t-il calmement.
— Alors pourquoi sommes-nous déjà prêts à partir ? », demanda-t-elle, et ses yeux se remplirent de larmes.
Legolas prit sa joue en coupe et essuya une larme alors qu'elle coulait.
« — Vous partez. Je reste, déclara-t-il et il tourna la tête vers Belegil. Dirigez la compagnie vers le pont, puis prenez la route en direction du sud du bois. Soyez sur vos gardes et regardez le ciel. Je vais trouver Eledhel et je vous rejoindrai sur la route.
— Legolas, non, protesta Sulindal. Permettez-moi de rester aussi.
— Non, Sulindal. La compagnie a besoin de votre regard perçant. Accompagnez-les, et je serai juste derrière vous. »
Avec sa permission, Belegil donna le signal ; les elfes et les chevaux s'élancèrent et disparurent dans les ombres filandreuses de la nuit. Legolas les regarda partir et soupira. Il devait à nouveau compter sur lui-même. Il avait gardé le cheval d'Eledhel à ses côtés, espérant toujours qu'il pourrait retrouver son propriétaire. Legolas s'immobilisa un instant, se demandant s'il était peut-être préférable d'attendre dans le campement vide ou effectivement d'aller le chercher. Il décida d'attendre un peu, et alors qu'il était assis seul dans le noir, des souvenirs remontèrent à la surface.
Legolas repensa aux jours précédant la Bataille des Cinq Armées où il fut témoin de la désolation de Smaug. Le dragon avait complètement rasé Lacville et tué beaucoup d'hommes. Il essaya de se rappeler précisément la manière dont Bard avait réussi à abattre Smaug. Cette information pourrait se révéler très utile. Il se remémora ensuite chaque conte que son père lui avait narré à propos d'elfes courageux et de mauvais dragons comme Glaurung, Ancalagon, Scatha et Sulthaur. Il désespérait presque en essayant de se rappeler le nom de l'elfe qui avait frappé le dragon qui mis à sac Talath Nimlost lorsqu'une brise souffla derrière lui. Legolas se redressa et plaça rapidement son arc sur le côté. Quelque chose approchait. En effectuant un mouvement fluide, Legolas retourna auprès d'Arod, armé d'une flèche à son arc, et visa dans les ténèbres.
« — Legolas ! »
C'était Eledhel. Son visage, qui semblait tendu et sombre, se transforma en une myriade d'émotions, d'abord le soulagement et la joie de voir son ami encore en vie, puis la perplexité en constatant la disparition des autres membres.
« — Où sont passés les autres ?, demanda-t-il.
— Où étiez-vous ?, siffla Legolas et son inquiétude se transforma en colère.
— Je pourrais dire la même chose de vous ! Eledhel recula. J'ai trouvé l'un de nos chevaux là-bas. Enfin, une partie des jambes et la tête.
Arod renâcla et piétina le sol de ses sabots.
« — Pardonnez-moi, ami-cheval, s'excusa Eledhel. Je craignais que votre maître, ici, n'ait connu le même sort.
— J'ai failli y passer, reconnut Legolas. Il frappa son ami dans le dos. Venez, nous devons nous hâter. La compagnie est partie devant. »
Eledhel et lui montèrent sur leurs chevaux et se mirent à la poursuite de leurs amis. Ils suivirent la lueur de l'Anduin et se hâtèrent vers le pont. Legolas gardait les yeux fixés sur le ciel nocturne alors qu'il racontait sa rencontre avec le dragon à Eledhel.
« — Vous savez, conclut le prince. Je me souviens d'un petit elfe qui avait bêtement promis à mon père « Un jour, je voudrais tuer un dragon, tout comme Eärendil ! » La réalité est bien différente de mes rêves.
— Cela est toujours le cas, Legolas !, rit Eledhel et il fit accélérer son cheval. Voyons si nous pouvons les rattraper avant le lever du soleil ! »
Et les deux amis galopèrent vers l'aube, espérant que le lever du soleil apporterait avec lui un nouvel espoir.
