Chapitre 23 : Into the light

Au début, du sol jusqu'à la cime des arbres, tout était entièrement éclairé par le feu de joie. Rapidement, les lumières de la clairière s'atténuèrent jusqu'à devenir un léger flamboiement. La musique s'estompa pour laisser place aux stridulations des grillons et au chant nocturne des oiseaux. Elle avançait prudemment entre les arbres, ses yeux scrutant avec appréhension le sentier. De temps à autre, elle distinguait la lueur des yeux jaunes, dans les arbres, sur le sol. Elle se souvint que Legolas lui avait parlé des araignées dans cette forêt.

Miredhel agrippa sa dague. I pas pu aller très loin ? Les bois devenaient plus sombres, seulement éclairés par un pâle quartier de lune derrière les nuages. Elle ne voyait plus le feu de joie derrière elle. Elle se souvint que, bêtement, elle n'avait dit à personne qu'elle partait. Et si Legolas était déjà revenu à la fête et pensait qu'elle était partie avec Limaer? Retourner à la clairière était la meilleure solution.

Derrière elle, une brindille craqua.

Miredhel se faufila derrière un arbre.

« — Legolas ? », interpella-t-elle avec espoir, sachant qu'un elfe des bois comme le prince pouvait marcher sans émettre de bruit en pleine forêt. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas lui. Miredhel examina l'arbre derrière elle, se demandant s'il lui fallait se réfugier parmi ses branches. Elle baissa les yeux sur sa longue robe blanche, belle , certes mais si peu utile pour grimper. Le bruit des pas se rapprocha.

Miredhel abandonna l'idée de grimper à un arbre. Elle quitta le sentier et se déplaça rapidement d'arbre en arbre, cherchant à se protéger derrière leurs larges troncs. Une paire d'yeux jaunes vacillait dans le noir. Miredhel retint son souffle. Cette idée avait été si stupide. Elle n'aurait jamais dû venir. Elle se fraya un chemin à travers plusieurs frondaisons de fougères dans les sous-bois, bien consciente du bruit de pas derrière elle.

Si elle pouvait le retrouver, elle retournerait derechef sur le sentier pour rejoindre la clairière. Elle espérait ne pas croiser une des créatures de cette forêt. Elle dégaina sa dague et patienta. La forêt se tut. Son traqueur s'était arrêté. Elle prit le bas de sa robe dans sa main libre qui tenait le fourreau de l'arme orné de pierres précieuses et, tout en restant très vigilante , elle fit demi-tour jusqu'au chemin.

« S'il vous plaît, faites que ce ne soit pas l'une de ces araignées, pria -t-elle. Après tout, Dame Galadriel n'a-t-elle pas nettoyé la forêt des créatures ? »

Avec le clair de lune, elle apercevait les formes de nombreux papillons noirs duveteux qui voletaient au milieu de la mousse argentée et des lichens craquelés qui brillaient dans les branches des arbres. Des souvenirs vifs d'un vieux rêve lui revinrent, dans lequel elle voyait Annariel dans la Forêt Noire en train de se battre : la bataille, le sang… Elle avait vu ces papillons de nuit dans son rêve. Gardiens ténébreux et silencieux, s'élevant parmi l'assaut de flèches et des orques noirs, ils dissimulaient la vue de son amie. Miredhel ferma les yeux sur ce souvenir, aussi réel qu'il fût.

Quand elle ouvrit des yeux, elle vit une silhouette incertaine se déplacer à travers les arbres devant elle, lui bloquant l'accès au sentier. Un orque ? Elle était piégée. Miredhel resserra son emprise sur sa dague. La lame en l'air dirigée droit devant elle, elle marcha en silence vers le chemin. Encore trois pas. Encore deux pas. Elle prit une profonde inspiration et voulut que son cœur cesse de battre. Elle serra le manche de sa lame. Un pas de plus.

Mais avant que Miredhel ne puisse agir, l'orque sauta de l'arbre, plaquant ses épaules au sol. Son arme tomba par terre. Elle tendit son bras pour l'atteindre lorsque les griffes de la créature se glissèrent dans ses cheveux, tirant sa tête en arrière pour exposer son cou à nu. Dans ses yeux, on n'y voyait que cruauté. L'elfe se tordit sous son poids. Elle aurait crié, si cette lame collante de sang séchée n'était pas pressée contre sa gorge.

« — Vas-y, hurle, siffla -t-il. Plus savoureux pour moi. »

Il se réjouissait de cette terreur perçue dans ses yeux. Miredhel observa ses yeux errer sur son corps puis ses cheveux ; et la bête grogna, d'un grondement rauque venant de sa poitrine.

Elle retint son souffle.

« — Irgrech, jura-t-il avec plaisir. L'amour du Prince!

— Quoi ? » haleta Miredhel.

L'orque arracha quelques fleurs de ses cheveux et les observa au clair de lune. Le bras de Miredhel était de nouveau libre. Elle jeta un coup d'œil à l'endroit où se trouvait sa dague et tendit discrètement sa main pour l'attraper. L'orque glissa une griffe sur sa joue et elle frissonna malgré elle. Il déchiqueta les fleurs violettes dans ses griffes.

« — Tu as ces fleurs dans tes cheveux, grogna-t-il. Symbole du palais royal...une jolie prise. »

Il éloigna le poignard de sa gorge et le fit glisser sur sa clavicule, laissant une traînée irrégulière de gouttelettes rouges. Il inhala l'odeur, ses yeux roulant de folie. Elle avait peu de temps. Il la torturerait puis la tuerait , si elle avait de la chance. Si ce n'était pas le cas, elle devrait se suicider.

Les doigts de Miredhel effleurèrent la poignée de l'arme. L'orque glissa son doigt là où il l'avait blessée et le porta, l'air affamé, à sa bouche.

« — Des amis sont actuellement à ma recherche, bluffa-t-elle. Si vous partez maintenant, je ferai en sorte que votre misérable vie soit épargnée. »

Du bout de ses doigts, elle glissa lentement la dague vers elle, juste un peu plus près.

L'orque lui cracha au visage, ne voyant pas son geste.

« — Vos amis auront leurs parts ! Je connais Anglach… »

Et il s'interrompit.

« — Foutaises!! »

Il hurla et la misérable créature leva sa terrible lame en l'air.

Miredhel tressaillit, alors qu'il replongeait son poignard vers sa gorge. Elle roula sur le côté et saisit le manche en l'air de sa main gauche . Son bras noir et musclé s'abaissait quand même, la lame effleurant son cou, alors qu'elle tentait de le repousser. Elle libéra sa main droite.. Elle attrapa triomphalement sa dague.

« —Sana sina, mereth en draugim. », murmura-t-elle et elle plongea la lame dans le cou de son ennemi.

Il poussa un cri, puis émit un gargouillement. Du sang chaud et noir gicla sur sa peau , son corps, et elle le repoussa loin d'elle. Elle était allongée, ensanglantée et effrayée, plus apeurée qu'auparavant. Miredhel regarda la créature à côté d'elle, sa gorge était ouverte, fumante et elle eut un haut-le-cœur. Elle se dit qu'elle détestait les orques.

Elle aurait pu rester là toute la nuit, se sentant incroyablement misérable, si elle n'avait pas vu une autre silhouette avancer sur le sentir.

« Un autre orque, se dit-elle. C'est de pire en pire. »

Elle prit son arme et rampa désespérément entre un buisson et un tronc d'arbre, se recroquevillant en silence jusqu'à ce que la silhouette contourna l'arbre. Elle sursauta en criant, l'orque fit volte face et attrapa son bras, tirant sa propre lame sous sa gorge.

« — Pas encore, marmonna t-elle

— Miredhel ? »

Elle se détendit.

« — Legolas? », demanda-t-elle.

Et il relâcha la pression exercée sur son bras. Il l'entraîna vers le clair de lune.

« —Vous êtes complètement couverte de noir…. de sang d'orque ! Que vous est-il arrivé ? demanda-t-il, dans un soupçon de colère, observant les brindilles dans ses cheveux, le sang sur son cou et sa robe.

— Je…, commença-t-elle à dire.

— Que faites-vous ici, seule?

— Eh bien, c'est un…»

Elle s'arrêta et se retourna vers l'orque mort. Ses lèvres tremblaient.

« — Etes-vous blessée? demanda-t-il calmement et il porta une main à sa joue et écarta les cheveux de son cou.

— Vous avez été blessée. », conclut-il et il retraça la ligne de la blessure de son doigt.

Elle se retourna vers l'orque.

« — Je l'ai tué. », dit-elle clairement, montrant le cadavre.

Les yeux de Legolas s'écarquillèrent et il se déplaça pour s'agenouiller à côté.

« — C'est une bonne chose que nous vous ayons offert cette dague ce soir, et non le bracelet. »

Il regarda l'armure et le poignard comme s'il essayait de les détailler en profondeur, puis il ramassa l'arme.

« — Pas empoisonnée, cela semblait être la seule arme. », dit-il en poussant un soupir de soulagement.

Il attira Miredhel vers lui et, ensemble, ils se retournèrent rapidement sur le sentier. Leur réapparition auprès du feu de joie créa un émoi. Belegil et Sulindal se précipitèrent vers eux.

« — Miredhel, tout va bien ? », demandèrent-ils, presque à l'unisson.

Elle hocha la tête, l'air misérable.

« — Où est mon frère ? », leur demanda-t-elle.

Les jumeaux échangèrent un regard.

« — Il est...euh….parti pour raccompagner une jeune femme chez elle. », dit Sulindal.

Legolas fronça les sourcils.

« —Miredhel a tué un orque dans les bois.

— Il pourrait y en avoir d'autres, souligna Belegil.

— Je sais. Rassemblez tous deux des personnes pour une battue, et je vous rejoindrai avec quelques gardes de mon roi. »

Belegil s'inclina et partit, mais Sulindal resta. Il jeta un long regard à Miredhel puis prit Legolas à l'écart.

« — Et pour Miredhel?, murmura-t-il.

— J'enverrai quelqu'un pour la ramener au camp. »

— Envoyer quelqu'un ? Qu'est-ce qu'elle faisait là-bas de toute manière ?, demanda Sulindal, un sourcil arqué.

—Je ne suis pas tout à fait certain de la réponse, admit-il.

— Elle a l'air effrayée. Elle se sentirait probablement mieux si quelqu'un qu'elle connait reste avec elle, dit-il en regardant le prince. Nous pouvons traquer les orques assez aisément sans trop d'aide, mon seigneur. »

Legolas hésita et s'écarta pour retourner aux côtés de Miredhel.

« — Lorsque vous aurez terminé, faites votre rapport et envoyez des coursiers alerter le Roi. », ordonna-t-il à Sulindal.

Il passa son bras autour des épaules de Miredhel.

« —On y va ? »

Presque tout le long du retour, ils marchèrent en silence. Legolas était surtout en colère et Miredhel se sentait toujours effrayée. Il ne posait plus de questions et elle ne fournissait aucune information. Lorsqu'ils atteignirent sa tente, les deux elfes furent amusés et surpris de voir l'ombre de deux silhouettes dans sa tente.

Legolas et Miredhel échangèrent un regard.

« — Cette nuit ne cesse de s'améliorer, grogna-t-elle et Legolas l'emmena loin de la tente.

— Venez. », dit -il.

Alors qu'ils marchaient plus avant sur le campement, il aperçut l'un des valets de pied de son père et l'arrêta.

« — Cette Dame a subi quelques tourments. Elle sera dans mes appartements. »

Miredhel resta silencieuse et le suivit docilement jusqu'à sa tente. Il la fit pénétrer à l'intérieur, la fit s'asseoir sur son lit et apporta du linge ainsi qu'une bassine d'eau claire. Elle eut un petit sourire et commença sans piper mot à essuyer le sang de son visage, de son cou et de son corps. Il lui tendit une bandelette propre et elle la pressa contre sa blessure.

« — J'ai décidé que je ne voulais plus jamais croiser le chemin d'un autre orque, finit-elle par dire. J'ai sa mort sur ma conscience.

— Il aurait pu vous torturer et vous tuer, dit calmement Legolas.

— Je sais, répondit-elle d'une petite voix. Elle porta sa main à ses cheveux et commença à retirer les petites brindilles et les épines de pin, tout en évitant son regard.

— Pourquoi étiez-vous là-bas ?, demanda-t-il d'une voix claire.

— Pour vous chercher, avoua-t-elle. Je vous ai attendu à la clairière mais…

— Je suis désolé. »

Sa voix était douce, et il tendit une main vers ses cheveux pour enlever l'une des fleurs qui restaient et la lui offrir.

«- Je vous en prie, pardonnez-moi. »

L'air distrait, elle retraça du doigt la coupure sur le haut de sa gorge.

« — Je ne vous en veux pas, Legolas. Tout était de ma faute. J'ai été très stupide. »

Elle prit une petite fleur violette du bout de ses doigts.

« — Il les a reconnus, dit-elle en le regardant avec espoir.

— Reconnu les fleurs ? , fit Legolas, surpris. Essayez de ne plus y penser, Miredhel. Vous devriez vous reposer.

— Non, Legolas. L'orque. Il...il n'a pas nommé cette fleur couronne pourpre. Il l'a appelé autrement.

— Autrement ? , demanda Legolas à contre-cœur, et ses yeux étaient plein d'inquiétudes.

— Oui, l'orque l'a nommée…»

Miredhel baissa les yeux et murmura :

« — L'amour du prince. »

Legolas cligna des yeux. Il avait eu espoir qu'elle n'en ai pas vent.

« — Eh bien, Miredhel, vous ne pouvez pas vraiment vous attendre à ce qu'un orque connaisse le véritable nom d'une fleur.

— Non, je suppose que non. », dit -elle.

Elle se leva pour placer son bandage dans la bassine à côté d'elle.

« — Mais il les connaissait. Il savait que cela vous appartenait, Legolas … " symbole du palais royal", a-t-il dit. », confia-t-elle d'une voix tremblante.

Le prince prit la bassine et se détourna d'elle. Il la disposa sur une table basse et essuya l'eau renversée. Son cœur l'avait trahi. Il ne pouvait pas se montrer hypocrite envers elle désormais, pas maintenant qu'elle connaissait la vérité. Il ne pouvait pas mentir et dire que cela ne signifiait rien, ni rompre son serment.

Il se tourna vers elle.

« — Miredhel. Ces fleurs sont l'amour du prince. J'en avais conscience quand je les ai choisies pour vous….je voulais que vous les portiez. J'espérais pouvoir vous les donner sans que vous sachiez leur véritable nom. Je suis désolé, dit-il, peiné.

— Legolas, non, dit-elle doucement.

— Non, Miredhel. Je ne peux pas non plus être véritablement désolé. Mes sentiments envers vous restent respectueux. Je vous ai fait une promesse à la hâte, une promesse que j'ai complètement regrettée depuis cet instant, mais je tiendrai ma parole. J'espère que cela ne gâchera pas notre amitié., dit-il , l'air déterminé.

— Legolas, comment pouvez-vous dire ça ? Avoir des sentiments pour moi ? J'ai connaissance de votre liaison avec Lierwen. », fit Miredhel, l'air brisée.

Les yeux de Legolas s'écarquillèrent.

« — Comment en avez-vous entendu parler?

— J'ai mes sources. N'essayez pas de nier votre amour pour elle. Je ne peux qu'être heureuse pour vous.

— Mais Miredhel, nous avons rompu notre relation amoureuse avant même que je ne parte pour la Lorien.

— Mais vous l'aimez toujours, argumenta-t-elle . Je vous ai entendu chanter dans la nuit, Legolas. Souvenez-vous de cette chanson, dans laquelle vous entendez son appel dans vos songes, et l'or et le bleu. J'ai tout entendu ! »

Legolas s'assit sur le lit. Son visage s'empourpra et Miredhel ne pouvait deviner s'il s'agissait de colère ou d'embarras. Mais il se mit à rire, elle fronça les sourcils.

« — Miredhel, douce Miredhel !, dit-il joyeusement. Dans la chanson que vous avez entendue, je parlais de la mer !

— La mer? , demanda-t-elle, naïve.

— Oui. », dit Legolas.

Il attrapa sa main pour la rapprocher.

« — A cause de mon sang sindarin, j'ai le désir de prendre la mer ; depuis la guerre, il a resurgi. Certaines nuits sont pires que d'autres. La nuit où vous m'avez entendu chanter a été la pire que j'aie ressentie depuis que j'ai entendu le cri des mouettes à Pélargir. »

Aussitôt, Miredhel se sentit incroyablement bête. Elle regarda vers la porte et souhaita disparaître mais Legolas lui tenait toujours fermement la main. Une larme solitaire coulait de son œil.

Il la regardait, près de lui, à côté du lit. Il se leva et porta une main à sa joue.

« — Un mot de votre part me fera taire à jamais sur cette question…», commença -t-il , mais il ne put terminer sa phrase.

Miredhel se penchait, désireuse de ses lèvres.

Elle serra fermement sa main dans la sienne et enroula son autre bras autour de ses épaules, et Legolas, surmontant sa première appréhension, l'embrassa en retour. Elle s'écarta la première et ils se penchèrent l'un vers l'autre à bout de souffle. Ses yeux cherchaient avidement les siens.

« — Si je vous embrasse à nouveau, vous ne me giflerez pas comme vous avez essayé de le faire dans le Cercle des Amants ?, demanda-t-il.

— Je pourrais bien vous frapper si vous ne le faites pas. » , lui dit-elle.

Alors il l'attira encore plus près de son corps, entourant étroitement ses deux bras autour de sa taille, et il l'embrassa à nouveau. Cette fois-ci il mémorisa son goût et la sensation de son corps contre les siens. Ils se seraient probablement embrassés beaucoup plus longtemps si quelqu'un n'était pas entré dans la tente.

« — Hum…», fit cette personne.

Miredhel et Legolas sursautèrent en même temps. C'était Sulindal et il avait un air très amusé et content, voire suffisant, sur son visage.

« — Nous avons fouillé la zone et posté de nouveaux gardes. Nous avons trouvé un cadavre d'orque mais aucun autre. Le roi souhaite parler avec vous, maintenant, Legolas. »

« — Dites-lui que j'arrive de suite. », répondit ce dernier.

Sulindal salua, avec un clin d'œil, et prit congé. Le prince s'écarta de Miredhel et la tint à bout de bras.

« —Les serviteurs ne vont pas tarder à vous apporter quelque chose à porter, melamin, dit Legolas avec envie. Dormez ici ce soir. Je n'ai pas l'impression que j'aurai une chance de revenir avant l'aube. »

Il l'embrassa une fois de plus, à nouveau, avant d'aller voir son père.