Chapitre 25 : Such Sweet Sorrow

La matinée défilait alors que le soleil s'élevait et les deux elfes détestaient l'idée de s'éloigner l'un de l'autre. Miredhel et Legolas étaient comme n'importe quel jeune couple, dans tous ces domaines de la vie, de la race, de la vitalité ou des conditions. Leur coeur et leur esprit étaient comme tous les jeunes qui trouvent le bonheur dans un jeu de regards, un contact ou même un baiser. Ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre n'étaient certainement pas nouveau en Terre du Milieu. Beaucoup avant eux avaient vécu et aimé. La relation entre Miredhel et Legolas aurait pu se poursuivre de même manière aussi routinière que d'innombrables autres couples, si le destin les avait laissés tranquilles.

Pourtant, dans ce projet pour l'Ithilien, le destin avait abandonné toute simplicité. Les Valar regardèrent vers la Terre du Milieu et eurent une vision bien au-delà de toute limite. La fraternité, la destruction de l'Anneau Unique et le sorts des derniers trois anneaux avaient amené avec eux la fin d'un âge, d'une grande transition, et rien n'était simple à de tels moments. Les royaumes s'élèveraient et s'effondreraient , et tout cela s'ajouterait au sang et à la douceur de la mort et de l'amour, et tout ce qui restait. Ithilien ne semblerait pas être différente. Le prince de Mirkwood et son peuple ne constitueraient pas exception. Legolas et Miredhel, tous leurs parents et amis feraient face à la douleur du changement et à la tourmente causée par l'aube d'une nouvelle ère.

Ainsi était le passage du temps.


Miredhel se demanda comment elle en était venue à se trouver là, avec lui, dans ses bras. Se trouver dans un tel endroit lui parut tellement naturel et pourtant si horriblement factice. Il avait été pour elle beaucoup de choses : ennemi à rival, rival à sauveur et chef à ami, mais désormais il était quelque chose d'infiniment plus cher à son cœur. Elle regarda sa main tenant la sienne et la porta lentement à ses lèvres, l'embrassant, de manière douce et appuyée. Lisse, fine, aucune ne portait pas la trace de callosités propre aux archers. Combien de vies étaient tombées entre ses mains? Elle était tombée entre les siennes et désormais, elles la tenaient. Elle passa son pouce sur le dessus de ses doigts et les embrassa. Il la regarda et lui offrit un doux sourire.

Miredhel sentit sa poitrine se serrer comme si une force invisible lui serrait le cœur. Jamais elle ne s'était sentie aussi impuissante face à une personne. Elle s'était habituée à un contrôle strict d'elle-même ces dernières années, et maintenant, elle luttait pour séparer et isoler même les émotions les plus basiques. Elle avait essayé de toutes ses forces d'éloigner le Prince. Pourtant, quand il avait avoué ses sentiments, elle l'avait embrassé. Une erreur regrettable.

'Presque regrettable', se dit-elle.

Pour le moment, ses émotions se précipitaient là où elles pouvaient, et elle pouvait à peine prendre conscience de ses propres actions, le tout dû à un simple baiser. Mais elle avait beaucoup gagné en retour. Il l'avait embrassée, l'avait regardée avec un regard infédinissable et lui avait fait ressentir des émotions qu'aucun autre elfe ne lui avait jamais fait ressentir. Un simple regard dans ses yeux confirma l'emprise qu'il avait sur elle par la façon dont cela faisait accélérer son pouls. Miredhel perdait le contrôle et elle le savait. Son regard dévia de ses mains pour croiser le sien, et elle fut à nouveau prise d'hésitations. Ces yeux, pouvait-elle leur faire confiance? Elle baissa timidement le menton et détourna son regard.

Son expression était si sérieuse qu'il ne pût s'empêcher de se demander quelle en était la cause. L'avait-il mis en quelque sorte mal à l'aise ? Ses actions en étaient-elles à l'origine? Quelle que soit la raison de son embarras, il devait y remédier par deux fois.

Il la regarda et souleva son menton du bout de ses doigts, très délicatement.

« —Miredhel?, demanda-t-il. A quoi êtes-vous en train de penser? »

Elle n'aurait jamais envisagé de dire au prince ce qui pesait vraiment dans son esprit? C'était, bien sûr très personnel, et les concernait tous les deux uniquement. Au lieu de cela, elle haussa les épaules et remarqua qu'il ne portait pas sa chevalière, celle-la même qu'elle l'avait vu porter la veille.

« —L'avez-vous perdue ? », demanda-t-elle innocemment, espérant changer de sujet.

Legolas la regarda attentivement.

Non seulement, elle était plus observatrice qu'il ne le pensait, mais elle avait aussi habilement évité de répondre à sa question ! Il n'avait pas retiré la chevalière de son doigt lors de son retour du conseil. Avec culpabilité il se demandait si elle soupçonnait quelque chose sur les évènements lors de la réunion. Ses émotions avaient-elles été si visibles? Eh bien, si elle voulait être évasive, alors il le pouvait certainement aussi.

Au lieu de répondre à sa question, Legolas embrassa l'une de ses boucles avant de la laisser tomber du bout des doigts. A présent, le soleil laissait traîner ses rayons à l'intérieur de la tente au travers des toiles, illuminant ses yeux et l'or de ses cheveux.. Pendant la première partie de la matinée, il n'avait pensé qu'à elle, mais comme il était midi, il savait qu'on allait bientôt le quérir pour établir l'itinéraire, pour regarder des cartes et des croquis des chemins qu'ils prendraient, pour réfléchir aux provisions dont ils auraient besoin. Concernant ces affaires, il ne pouvait pas demander conseil auprès de son père.Le succès de ce voyage reposait uniquement sur les épaules de Legolas, et son estomac se serra en un noeud rien qu'à y penser.

Une partie de Legolas voulait tellement lui parler de tout ce qui s'était passé : la querelle avec son père, le fait qu'on avait aperçu des colonnes d'orques … mais cette idée le faisait tergiverser. Ici, dans cette tente, avec elle, il avait été capable d'oublier ses soucis. Même si ce n'était que pour cette matinée, il voulait prétendre que rien ne s'était passé, qu'il n'avait aucun souci, aucune responsabilité, et que sa seule préoccupation était de lui faire plaisir. Il était égoïste, et il le savait. Une partie de lui se sentait dégoûté par cette démonstration de faiblesse et criait en signe de protestation, mais son cœur surpassait ce cahin-caha. La lueur dans yeux alors qu'elle lui avait tenu la main, et l'avait embrassée; c'était suffisant pour lui faire repousser toute sa raison.

Une pensée lui vint, si audacieuse et soudaine, qu'il n'en connaissait pas les origines.

Encore une fois, son côté pragmatique hurla :

'Attends ! Arrête ! Sois raisonnable ! Que dirait ton père ?'

Et ce n'était vraiment pas la bonne chose à se dire, seulement Legolas se sentait particulièrement déterminé. Il n'avait pas envie de penser à quoi que ce soit que son père aurait pu dire à ce moment-là. Tout ce à quoi il voulait penser, c'était aux sentiments de Miredhel et à sa potentielle réaction s'il osait faire évoluer leur nouvelle relation.

Il sortit la chevalière de sa poche et le lui tendit.

Une seule feuille était mise en valeur par une crête dorée magnifiquement sculptée au sommet de la bague tandis que les limbes du végétal se finissaient en des pointes transparentes. Elle en sentit le poids dans sa main et s'émerveilla des bords lisses, polis par l'usure des siècles.

« — C'est magnifique , Legolas. »

Elle tourna la chevalière dans sa main.

« — Je suppose que le dessin est le sceau de votre famille ? Est-ce que votre frère et votre père en ont une aussi ?

— Oui et non, répondit-il doucement. Le dessin a été conçu par mon grand-père. Cette chevalière lui appartenait. J'en suis l'héritier. »

Ses phrases entrecoupées faisaient ressortir son chagrin, sa douleur, et une perte que Miredhel ne pouvait pas comprendre.

La Miredhel, d'il y a quelques jours auparavant, aurait sans doute été beaucoup plus audacieuse. Sans hésiter, elle l'aurait interrogé et aurait été insistante jusqu'à ce qu'une réponse satisfaisante ait été donnée. Seulement maintenant, la Miredhel qui était assise devant Legolas était une jeune fille très différente. Il avait réveillé en elle quelque chose qu'elle ne pouvait pas comprendre, et avec cela venait une douceur inébranlable. L'ancienne Mirdhel aurait dénoncé avec mépris ce changement comme une faiblesse, mais, bien sûr, ce n'était pas le cas. Le changement en elle exprimait la sensibilité, l'envie et un désir ardent, qui craignait les affronts et aspirait à la confiance et à l'acceptation. Elle en savait si peu sur lui, sur sa relation avec sa famille. Autant elle voulait lui demander de se confier à elle, d'ouvrir son coeur, autant elle ne le voulait pas non plus. Miredhel préfèrerait vraiment que les choses soient dites de leur propre chef, parce qu'il voulait véritablement lui dire, parce qu'il lui faisait confiance. Tel fut le changement dans son cœur. Plus doux ? Indubitablement. Pourtant l'audace, qui avait forgé son caractère auparavant, n'avait pas disparu, mais simplement mûri en quelque chose de plus sage, de plus sensible, car rien n'est plus audacieux que les elfes en ce qui concerne les questions de cœur.

Elle se redressa sur un coude et fouilla ses yeux.

« —Alors vous devez sans nul doute la chérir, répondit-elle avant de la placer dans sa main ouverte.

—Oui. », répondit-il.

Il s'arrêta pour se positionner aussi et la regarder dans les yeux.

« — Mon père me l'a donnée ...quand je suis rentré à la maison après la guerre.

— Il est très fier de vous, à mon avis, répondit prudemment Miredhel, espérant qu'il parlerait un peu plus de sa famille.

— Oui il l'était . Fier de l'honneur que j'avais amené à la famille.», dit Legolas en détournant les yeux .

Un petit sourire apparut sur ses lèvres.

«— Oromer a toujours regardé la chevalière comme s'il s'agissait de son propre héritage mais mon père me l'a donnée. Mon frère n'était pas trop enjoué par cette nouvelle… »

Legolas fronça des sourcils.

« — Bien sûr il ne remettrait jamais en question la décision du roi. »

Il se réprimanda en silence.

'Mais toi, tu as osé le faire, Legolas ! Tu l'as remis en question devant tout le conseil !'

Il ferma les yeux assez longtemps pour étouffer l'agitation des émotions et des pensées qui se battaient dans son esprit. Quand il les ouvrit à nouveau, Miredhel passa une main sur sa joue pour s'y attarder.

Elle voulait poser des questions sur Oromer, sur son père ou sur les griefs dissimulés dans les yeux bleus profonds de Legolas. Au lieu de cela, elle se rapprocha et déposa un doux baiser sur sa joue. Doux et innocent, ce baiser inspirait réconfort et compréhension. Il cligna des yeux de surprise. Elle savait, ou avait aperçu sa douleur et son manque de confiance. Pourtant elle restait à ses côtés, l'avait même embrassé. Elle l'embrassa à nouveau, cette fois-ci, repoussant ses cheveux dorés pour amener ses lèvres sur sa tempe puis plus bas, à côté du lobe de son oreille. Aux endroits où ses lèvres avaient touché sa peau, celle-ci le brûlait puis se consumait à cause de ce qu'elle avait perdu.

Ses yeux se fermèrent involontairement et un torrent d'émotions envahit le prince. Le désir, la nostalgie, et oui, la passion, un dangereux appel s'agitait en lui, une voix qu'il n'avait plus entendue depuis longtemps.

'Vas-y, Legolas, lui murmura-t-il. Pourquoi être si timide? Fais lui comprendre ce que tu désires !"puis de manière plus douce dans les tréfonds de son esprit. 'Fais la tienne...fais-lui ressentir ce que tu ressens… que tu l'aimes. '

Elle l'embrassa à nouveau, et il serra ses poings fermement à cause du désir ardent et du plaisir qu'elle lui faisait ressentir, fort et doux à la fois. Sa chevalière marqua sa paume, et cette idée ridicule, qu'il avait eue quelques instants plus tôt, ne semblait plus aussi invraisemblable à présent. Il tourna la tête et lui rendit son baiser, l'enveloppant de ses bras. Il retint son souffle face à la douceur et à la chaleur de son corps contre le sien, puis expira en éloignant ses lèvres des siennes. Comme Orodruin lui-même , son cœur déchaina un flot de passion qui coula de ses réserves les plus profondes pour parvenir à sa peau pâle, dévorant toute hésitation, toute arrière-pensée. Lorsque les capacités de respiration et de paroles lui revinrent, il parla à voix basse.

« —Miredhel ?, demanda-t-il rapidement, avant que la raison ne le fasse changer d'avis. Pouvez-vous garder cela pour moi ? »

Il lui prit la main et déroula ses doigts, plaçant sa chevalière à sa portée.

La confusion s'installa dans son regard noisette alors qu'elle baissait les yeux sur la chevalière, puis de nouveau sur l'elfe à côté d'elle.

« — Legolas…

— Je veux que vous la preniez, insista-t-il, sa voix toujours très basse et imposante.

— Je pense que…, commença-t-elle lentement, mais Legolas l'interrompit.

—Ne réfléchissez pas. Dites simplement que vous l'acceptez. Je vous en prie.», lui ordonna-t-il.

Il attrapa sa main et referma ses doigts autour de la chevalière.

« — Vous m'en avez déjà assez donnée, Legolas, et… et c'est d'une grande valeur aux yeux de votre famille, je ne peux pas la garder. », dit Miredhel, sa voix se brisant alors qu'il parlait.

Elle lui tendit la bague et la main.

Il ignora son mouvement et parla d'une voix douce et sérieuse.

« — Je vous en conjure , Miredhel. Je n'ai pas à vous dire à quelles périodes sombres nous pourrions encore être confrontés. Si quelque chose devait arriver...Je veux que vous ayez quelque chose qui m'appartient vraiment.»

Sa voix et ses mots l'inquiétaient. Son prince était habituellement si optimiste. Il n'était pas du genre à désespérer. Elle se demanda un instant ce qui s'était passé au conseil pour provoquer un tel changement en lui, puis elle combattit l'enchevêtrement d'émotions qui s'épanouissait en elle .

Elle le regarda et inspira lentement. Son regard était intense, mais sincère. Elle jeta un coup d'œil à la chevalière dans sa main alors qu'un immense espoir se gonflait contre une horrible peur assiégeant son cœur. C'était trop. Elle retira rapidement la chevalière de sa main et la posa entre eux sur le lit.

« — Legolas, qu'est-ce que cela signifie ?», demanda-t-elle sérieusement.

Son désir le rendait de plus en plus audacieux. Même si elle avait posé le bijou, il n'avait pas manqué l'expression mélancolique sur son visage quand il lui avait demandé pour la première fois de la garder, ni l'espoir ou la peur se lisant dans ses yeux. Il y avait tout vu. Il sourit , ce qui ne sembla que la vexer encore plus.

« — S'il vous plaît, lui ordonna-t-elle. j'étais sérieuse.»

Elle s'éloigna de lui et de la chevalière.

« —Moi aussi, dit-il en se rapprochant d'elle. Qu'est-ce que cela signifie alors? »

Elle aurait pu lui demander n'importe quoi, n'importe quel engagement, n'importe quelle promesse, et il l'aurait volontiers accordée, tout cela pour son acceptation de cette chevalière. Son chaton pouvait être trempé dans la cire pour former un sceau ; peut-être voulait-il d'un tel sceau sur son cœur.

Elle se mordit la lèvre et détourna les yeux. Même s'il avait l'air sincère, il la taquinait sans aucun doute, et Miredhel détestait être taquinée, surtout quand elle avait stupidement cru qu'il était sérieux. Elle se leva précipitamment ; la couverture qu'elle avait enroulée autour d'elle glissa négligemment, et aux yeux de Legolas, elle ressemblait aux nephredils de son peuple, blanche, gracieuse et indéniablement fragile. Elle regarda l'endroit où il était couché avec des yeux méprisants, à la fois en colère et blessée. Il la faisait se sentir si incroyablement vulnérable, si exposée, et elle détestait cela. Même en colère, elle aspirait à mettre toute rancœur de côté juste pour être à nouveau près de lui.

La frustration monta dans sa voix alors qu'elle parlait.

« — Legolas, arrêtez ça. Je ne peux pas prendre ce bijou. Vous avez eu tort de me demander une telle chose. »

Le prince glissa hors du lit et se leva. D'un coup de pouce, il fit tourner la chevalière en l'air et la rattrapa dans un brillant flou de métal doré. Il la scrutait. Ses cheveux cascadaient de ses épaules jusqu'à sa taille, ses yeux étaient brillants et étroits au-dessus des joues empourprés et ses vêtements ne faisaient pas grand chose pour cacher la courbe de son corps. Il n'avait jamais trouvé une seule personne jolie. Il ne trouvait rarement un attribut à admirer chez une jeune elfe, que ce soit les cheveux, les yeux, la peau ou le corps. Il se dit que Miredhel était plus différente de tout ce qu'il avait connu. Elle n'était certainement pas la plus belle jeune fille qu'il ait jamais rencontrée : Arwen , l'épouse d'Aragorn surpassait tout à ce sujet. Ce n'était pas non plus le fait qu'elle était simplement entêtée qui l'attirait, car, avant elle, il avait rencontré d'autres femmes à la volonté tout aussi forte. Elle était simplement Miredhel …audacieuse mais hésitante, imprudente mais prudente, ardente et timide- un tableau de concentration , de force de douceur indéniable. Même rapidement, quand ils s'étaient rencontrés pour la première fois, elle l'avait condamné comme nulle autre auparavant, d'un seul regard ou mot, elle pouvait lui fendre le cœur. Il doutait qu'elle soit au courant de cette incroyable attraction sur lui. Même à présent, ses yeux le réprimandaient et les remords se propageaient dans tout son être. Il avait agi trop tôt, de manière trop précipitée et audacieuse…

Legolas remit la chevalière dans sa poche.

« —Miredhel?», demanda-t-il.

Il se rapprocha d'elle.

« —Vous avez raison. Je n'aurais pas dû faire une telle demande.»

'Si tôt…', ajouta-t-il mentalement.

Aussitôt, il maudit son impulsivité.

Faisant preuve de beaucoup de soin et de retenue, il attrapa sa main et la porta à ses lèvres, s'émerveillant de la joie que lui seul pouvait jouir d'un tel privilège, et embrassa lentement le dessus de sa main. Son regard croisa le sien pour chercher le pardon.

De tels yeux ! D'un seul regard Miredhel sentit sa résolution s'effondrer au sol comme des chaînes. Elle l'attira vers elle et soupira avant de dire :

« — Legolas, sachez que je suis flattée… plus que flattée, que vous vouliez m'offrir un tel cadeau.

— Ce n'était qu'un souhait. Je voulais juste vous donner quelque chose, dit-il.

— Mais c'est déjà le cas, répondit Miredhel en désignant la dague qu'elle avait reçue la veille.

— Cela ne compte pas, c'est mon père qui vous l'a offerte, dit-il , obstinée.

— Vous m'avez donné des fleurs hier., insista-t-elle, et ses yeux se mirent à scintiller.

— C'est le cas, mais des fleurs ne représentent pas un cadeau assez digne pour ma dame.

—Non, non , gloussa-t-elle. Ça l'est vraiment, si cela vient de vous.

— Alors, ces fleurs seront mon cadeau. Quand nous atteindrons Ithilien, je ferai pour vous un jardin au-delà de toute imagination. »

Les yeux de Legolas brillèrent en pensant au jardin qu'il créerait pour elle.

« — Je l'aimerais sûrement beaucoup, dit-elle. Y aura-t-il un banc pour que deux amoureux se rencontrent et rêvent?

— Très certainement, acquiesça Legolas, souriant à cette pensée. Mais le problème demeure, je veux vous offrir quelque chose maintenant, mais je n'ai rien à donner sauf ma chevalière, et que vous ne l'accepterez pas.»

Son sourire se transforma en une petite moue.

Miredhel se permit un petit sourire à sa plus sincère consternation de ne pas avoir trouvé un cadeau convenable pour lui.

« — Vous êtes d'une grande générosité. Très différent de l'elfe que j'ai supposé que vous étiez.

— Quelle chance pour nous deux, que les premières impressions ne soient toujours pas les plus exactes, alors. », ironisa Legolas.

Il se rassit sur le lit. Il prit une de ses bottes et commença à l'enfiler.

Miredhel le regarda alors qu'il s'habillait.

« —Mon prince, considérez votre compagnie comme un cadeau suffisant pour moi. C'est tout ce que je désire.«- , dit-elle sincèrement et dès qu'elle eut parlé, elle comprit la véracité de ses paroles dans son cœur.

Legolas s'arrêta brièvement pour la regarder avec anxiété. Elle ne savait pas qu'il prévoyait de partir le lendemain matin. Il frissonna à l'idée de la quitter, mais il n'amènerait pas Miredhel à se mettre en danger inutilement. Il ouvrit la bouche pour lui parler de ses projets, mais les mots n'en sortaient pas. Au lieu de cela, il dit :

« —Le destin peut nous amener à nous séparer. Cependant, je souhaiterais que vous vous souveniez de moi.»

Miredhel n'aimait pas la façon dont cela sonnait. Ses mots résonnaient comme s'il allait partir pour aller quelque part, mais bien sûr, il lui dirait avant que cela n'arrive, non?

Elle fronça les sourcils alors qu'elle y réfléchissait un instant :

« —Legolas ? Allez-vous partir ?»

Il regrettait vraiment qu'elle ait posé cette question. Il se leva du lit et regarda vers la sortie..

« — Aux alentours de midi, ma présence va être requise pour d'autres projets . Si j'essayais de rester, Sulindal viendrait se joindre à nous ! »

Il essaya de sourire. Il n'avait pas menti, mais d'après ce qu'il ressentait, il en était de même.

Miredhel hocha lentement la tête.

« — Eh bien, je ne peux pas m'attarder ici non plus. Je dois trouver mon frère pour faire la paix avec lui.»

Elle baissa les yeux sur sa robe.

« —Je suppose que je devrais d'abord changer de tenue. »

Legolas se détourna du rangement de sa besace pour la faire sourire.

« — A mes yeux, vous êtes resplendissante, dit-il avec un clin d'œil.

— Ce n'est guère approprié à porter lorsqu'on va voir son frère, en revanche. Surtout quand de nombreuses excuses et explications doivent être mises sur la table.», gémit Miredhel.

Elle n'avait pas hâte d'être à cet après- midi. Il faudrait toute la douceur de la matinée pour contrer cette prochaine confrontation avec son frère.

Legolas trouva ce qu'il cherchait dans sa besace et en sortit une longue cape brune. Il l'apporta à Miredhel et l'enroula autour de ses épaules avant de se poster devant elle pour attacher le fermoir autour de son cou. Il se pencha pour embrasser son front.

« —Puis-je vous revoir ce soir? », murmura-t-il, faisant de son mieux pour atténuer l'appréhension dans sa voix. Après tout, il ne voulait pas paraître trop désespéré et misérable.

Ses yeux s'éclairèrent et Miredhel tendit la main pour lisser les cheveux autour de de ses tresses et de son visage.

« —Ce serait un honneur, répondit-elle. S'il m'est possible de me déroger à tous mes devoirs et projets. »

Legolas l'embrassa sur la joue puis s'arrêta sur le pas de la porte. Ses yeux s'illuminèrent de joie.

« —Eh bien, faites de votre mieux, ma dame, car je vous verrai ce soir. »

Il se retourna pour partir.

Miredhel se tenait seule dans la pâle lumière de la tente et posa inconsciemment sa main sur sa joue à l'endroit où il l'avait embrassée. Elle regarda le lit où ils avaient trouvé du bonheur dans les bras l'un de l'autre. Le matin était venu et il était reparti : le rêve était terminé.

Legolas et Miredhel étaient de nouveau seuls. Tous deux ressentaient le poids de la réalité, s'élevant comme un charognard avec des ailes plus rapides que l'un ou l'autre ne le souhaitait.

Miredhel rentra sur la pointe des pieds jusqu'à sa tente, mais fut instantanément soulagée en constatant que Limaer était absente.

Elle troqua rapidement sa chemise de nuit contre une autre tenue. Elle se demandait à quel point son frère avait dû être renseigné et à quel point il devait être en colère contre elle. Ces pensées en tête, elle partit à sa recherche.

Cela ne dura pas longtemps, car Miredhel croisa rapidement Eledhel sur le chemin de sa tente. Il la saisit par l'épaule et la tira hors du chemin vers un arbre voisin. Là, il la tenait à distance et resta renfrogné durant ce qui, pour sa soeur, sembla une éternité, ou plus encore.

« —Miredhel, finit-il par maugréer. Comment as-tu pu être aussi imprudente ?»

Sous un front plissé, ses yeux gris étaient sombres et orageux* alors qu'il fronçait les sourcils.

« —Eledhel, je suis désolée.»

Un coup d'œil à la douleur dans ses yeux la fit pleurer.

Il l'attira dans une étreinte féroce et lui caressa les cheveux avant de l'éloigner pour l'examiner.

« —Miredhel, pourquoi est-ce qu'à chaque fois que je suis en colère, je finis toujours par te consoler ? Ca devrait être l'inverse !

« —Je suis désolée, Eledhel. C'était imprudent et tout à fait insensé.», renifla Miredhel, plaçant ses mains sur ses joues pour les refroidir.

Eledhel souffla et se renfrogna pendant quelques instants encore, mais la gratitude qu'il ressentait de la voir indemne l'aidait à calmer sa mauvaise humeur. Il finit par relever son menton et dessina légèrement la fine cicatrice sur son cou.

« —Alors enfin, ma petite soeur a vu un orque, dit-il sciemment.

— Et je l'ai tué.» , ajouta-t-elle calmement, les yeux baissés.

Il leva le menton.

« —C'est une chose étrange, ma sœur. J'ai cru être furieux contre toi. J'ai failli étrangler un capitaine à moitié idiot au conseil quand j'ai entendu parler de ton implication dans l'affaire. Par peur de te perdre !

— Je me suis défendue, insista-t-elle, de plus en plus audacieuse.

— Eh bien, tu es ma sœur, dit-il, un peu fièrement avant de secouer la tête. En plus, cela ne serait pas convenable de partir d'ici en mauvais termes. Après tout, j'avais insisté pour que tu viennes ici avec moi.

— Eledhel...tu pars quelque part? », demanda Miredhel.

La confusion se lisait sur son visage.

Son frère plissa le nez, puis il comprit.

« — Oh, dit-il avec précaution. Je suppose que tu n'en es pas encore informée, mais oui, quelques-uns d'entre nous se dirigent vers le Gondor. Un grand nombre d'Orques ont été repérés allant dans cette direction.

— Je n'en ai pas entendu parler. », murmura-t-elle.

Pourquoi Legolas n'en avait-il pas fait mention ? Ils avaient passé toute la matinée ensemble et il n'avait pipé mot au sujet de la réunion du conseil. Elle lui avait même demandé. Il ne lui avait pas dit la vérité. Ses joues s'empourprèrent de nouveau et elle eut très envie de s'asseoir.

« —Que s'est il passé d'autre? », demanda-t-elle calmement.

En son for intérieur, elle pensa :

'Qu'est-ce que Legolas a oublié de me dire d'autre ?'

« — Eh bien, il y a eu un grand débat sur le fait de t'interroger. Certains des gardes forestiers se sont disputés à ce sujet. Les jumeaux, moi, et ..eh bien...Legolas également, nous avons écarté cette idée. Et puis des éclaireurs sont arrivés et nous ont fait part de cette nouvelle. »

Eledhel ajouta d'une voix plus basse.

« — Le roi n'a pas autorisé Legolas à partir pour avertir le Gondor. Et que penses-tu qu'il a fait ? Le prince a renoncé à son titre et a tenu tête à son père en lui disant qu'il irait, qu'il partirait avec ou sans sa permission ! »

La bouche de Miredhel s'ouvrit. Elle avait peine à y croire. C'est ce qui s'était passé, et Legolas ne lui en avait pas parlé ! Ils avaient passé toute la matinée ensemble à se parler et à se confier l'un à l'autre, et il ne trouvait pas le moyen de lui dire ça ?

« — Je ne peux pas y croire, mon frère, même si je sais que tu dis la vérité.

— Il s'est aussitôt retiré après la réunion, nous a quittés et s'est dirigé vers sa tente. Je suppose qu'il voulait être seul. Je ne l'ai pas revu depuis mais il avait l'air terriblement mal.

— Je suis vraiment désolée de l'entendre. »

Elle secoua la tête et détourna ses yeux. Les larmes lui montaient aux yeux et elle avait du mal à discerner si elle se sentait plus bouleversée par ce que Legolas devait ressentir, ou si cette affliction était due au fait qu'il ne lui faisait pas confiance.

Elle décida que la combinaison des deux possibilités fonctionnait vraiment bien ensemble. Elle se sentait nauséeuse. Tout ce que Miredhel pensait savoir sur la matinée entière avec lui s'était évanoui dans l'incrédulité. Elle cligna des yeux, puis regarda le mélange d'arbres et de feuilles.

Eledhel attribua sa réaction au contrecoup de ces nouvelles et il poursuit allègrement.

« —Qu'y a-t-il entre vous deux ? J'ai entendu dire que tu avais dormi dans sa tente la nuit dernière. L'as-tu vu ? », la questionna -t-il , curieux.

Il y eut quelque chose dans son ton qu'elle n'apprécia guère.

Elle secoua la tête.

« —Nous sommes amis, c'est tout, rétorqua -t-elle, glaciale. Après le feu de joie , ma tente était occupée. Le prince Legolas m'a gentiment proposé d'utiliser la sienne. Il n'y a rien d'autre à dire.»

Miredhel regarda fixement son frère.

« —J'espère que cela ne me concerne pas , Eledhel.», dit une voix derrière elle.

Elle se retourna pour voir qu'il s'agissait du prince en personne. Il avait, sans aucun doute, entendu chaque mot qu'elle avait prononcé.

Miredhel réussit à ne pas rougir ou paraître embarrassée par son apparition soudaine et intempestive. Au lieu de cela, elle lui lança un regard déçu et pivota vers son frère.

« — Comment vous-sentez-vous ? , demanda Eledhel avec sympathie.

Miredhel faisait écho à son frère , marquant un sourcil en direction de Legolas.

Il lui retourna son expression.

« —Mieux. », dit-il brièvement .

Il pencha légèrement la tête vers Miredhel.

« —Dame Miredhel, lui adressa-t-il de manière révérencielle. Pourriez-vous m''escorter sur le sentier pendant que je passe en revue certains détails des évènements de la veille avec vous ? Certaines questions qui persistent pourraient être résolues par votre propre perspicacité. »

Miredhel fronça les sourcils et jeta un coup d'œil à Eledhel. Le prince était vraiment top démonstratif. Eledhel avait sûrement déjà des soupçons.

« —Ca ne peut pas te faire de mal ma sœur, intervient avec son frère. Cela ne me dérangerait pas d'entendre votre récit. Tout ce que j'ai ouï dire jusqu'à présent ne sont que racontars. »

Il fit volte face avec Legolas et se mit à marcher avec eux sur le chemin.

Legolas marqua une pause. Il voulait vraiment parler en privé avec Miredhel. Son esprit s'empressa de trouver une solution, il osa prudemment :

« —Eledhel, je voudrais vraiment jeter un oeil aux cartes avec vous et les jumeaux. Avez-vous consulté les parchemins du roi et les cartes de la forêt ? »

Le frère et la sœur échangèrent des regards inquiets en entendant la façon dont leur ami parlait de son père, le roi. Sa voix était formelle, douce, mais bordée d'un sentiment de froideur et de chagrin que Miredhel ne comprenait que trop bien. Elle se réprimanda de ne pas l'avoir remarqué auparavant. Elle avait été tellement subjuguée de bonheur et de plaisir qu'elle en avait complètement négligé ses sentiments à lui.

'Je ne savais pas., pensa-t-elle , désespérée. Comment aurais-je pu savoir? Il ne m'a rien dit.'

Elle se sentait misérable. Elle se sentait en colère - en colère contre elle-même - de ne pas l'avoir remarqué, en colère contre lui de ne pas lui avoir dit.

Eledhel rompit cet horrible silence.

« — Je crois. Y a-t-il un parchemin en particulier qui requiert votre attention?, demanda-t-il prudemment.

— Le roi a une carte avec une bordure vert foncé et un sceau de famille en or. Cette carte détaille les terres extérieures. Voulez-vous bien me la fournir ? »

Eledhel hocha la tête.

« —Bien sûr., affirma-t-il à Legolas avant d'étreindre sa sœur.

— Essayes de lui parler s'il te plait?», murmura-t-il à son oreille.

Elle acquiesça.

Quoi qu'il arrive , elle avait définitivement prévu d'avoir une discussion avec le prince…