Chapitre 27 : Beyond Reach
'Tout se passait bien trop vite', se dit Miredhel, et maintenant elle promettait à Legolas qu'elle chevaucherait avec lui jusqu'au Gondor. Le Gondor ! Elle posa sa main sur son front.
« —quelle idiote, quelle idiote, mais quelle idiote..», marmonna-t-elle.
Elle pouvait à peine supporter la vue d'un orque et maintenant, elle allait à la rencontre de quelques milliers d'entre eux?
'Oh, Miredhel, dans quoi t'es-tu embarquée ?', se dit-elle, observant l'air sinistre le chemin boisé de la Forêt Noire devant elle, souhaitant que tous les chemins de sa vie soient aussi clairs.
« —Tout va bien , ma dame?.», questionna une voix douce à côté d'elle.
Elle redressa la tête pour voir ce capitaine, Adrendil, appuyé nonchalamment contre un arbre. Il corrigea sa posture et il la rejoignit.
« —Cela se passe dans la partie extérieure du camp, sachez-le. S'il vous plait, accordez-moi le plaisir de vous accompagner sur ce chemin..»
Ses yeux s'étrécirent quelques instants alors qu'il prenait une posture décontractée, frôlant la lame à sa ceinture.
« — Vous savez, quelques orques et d'autres bêtes immondes ont été vues sur la rive sud depuis peu.»
Il s'arrêta et regarda son visage.
« —Enfin, vous le savez, mieux que quiconque..»
Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose puis la referma aussitôt.
« — On a beaucoup parlé de vous au conseil hier soir, Dame Miredhel.
— C'est ce que j'ai entendu dire...», répondit-elle l'air évasive, déterminée à ne pas paraître surprise par aucun commentaire qu'il pourrait éventuellement faire, se demandant quel était l'objectif de cette conversation.
Elle décida de passer à l'offensive et de détourner elle-même la conversation.
« —J'ai aussi entendu que mon frère , Eledhel, avait entamé une conversation avec vous de manière , eh bien, plutôt brutale. .»
La main d'Adrendil glissa sur son cou, qu'il frotta comme s'il était gêné.
« — Ce n'est pas exactement comme cela que je décrirai une attaque aussi injustifiée.
— Je dois admettre que j'ai été scandalisée en l'apprenant..»
Elle s'arrêta et haussa un sourcil.
« —Eledhel est, en général, bien sûr…
— Bien sûr…, répéta Adrendil, massant toujours cette vilaine ecchymose violacée sur son cou.
— Eledhel fait généralement preuve de beaucoup plus de retenue que moi, termina Miredhel, lançant un sourire taquin avant de poursuivre. Mais bien sûr, il est très protecteur envers sa soeur.»
Adrendil était déterminé à ne pas paraître plus affecté. Son sourire charmeur reprit le dessus.
« —Qui ne le serait pas avec une sœur si charmante?»
Miredhel fronça les sourcils, pensant que, en dépit du fait que sa remarque était totalement indésirable et injustifiée, il était extrêmement beau, avec un fond de malice. Il avait des pommettes hautes associées à des yeux bruns qui reflétaient son intelligence et des cheveux épais couleur sable.
Il eut à nouveau un sourire doux, car elle n'avait pas rejeté son compliment. Il lui offrit son bras, et elle ne pouvait guère trouver une excuse pour refuser. Miredhel lui accorda donc cet honneur. Après tout, elle n'avait pas vraiment officialisé sa récente relation avec Legolas. Elle espérait plus que tout qu'Adrendil essayait simplement d'être amical.
« —Donc , Dame Miredhel, vous avez vécu de nombreuses aventures ces derniers temps, observa-t-il.
—Hélas, une de trop à mon goût, Capitaine. Les aventures sont mon quotidien depuis que je suis en compagnie de votre prince. »
Adrendil sourit intérieurement. Il espérait qu'elle mentionnerait son nom.
« — Ah oui, le prince.. ou devrais-je dire le Seigneur de l'Ithilien désormais, depuis qu'il a renoncé à son titre et à ses liens avec la Forêt Noire.
— J'imagine, acquiesça Miredhel, mal à l'aise.
— Prince ou non, il a toujours eu le don de partir en quête d'aventures… ou des plus belles jeunes femmes.»
Miredhel sourit intentionnellement.
'Créature sournoise et vicieuse, pensa-t-elle, que veut-il de moi?'
Elle se mit à rire.
« — Certes, il a du talent pour le premier ; quant au second, je ne pourrais pas vraiment le dire.»
Adrendil gloussa.
« — Quel homme rusé! Mais bien sûr, je faisais allusion à vous. Dites-moi, êtes-vous ami avec le prince Legolas ?
— J'admire la force et l'autorité dont votre prince a fait preuve.
— Ah , mais ce n'est pas du tout ce que j'ai demandé, Dame Miredhel, dit-il en s'arrêtant sur son chemin. Je vous en prie, soyez franc avec moi. Un simplement oui ou non suffira.»
Ses joues s'empourprèrent. Quelle audace ! Une fois de plus, elle décida de garder son calme.
« — Mes excuses, Capitaine… que vous n'ayez pas compris ma réponse. Je serai plus claire...oui c'est un ami..»
Il hocha la tête et une lueur de perfidie éclairait ses yeux.
« — Lors de la réunion du conseil, il est devenu assez évident qu'il vous admire beaucoup, murmura-t-il.
— Il me l'a déjà dit lui-même auparavant..», déclara Miredhel d'un ton neutre de sa voix normale, ignorant la prétendue intimité de son murmure.
Ils prirent un tournant et elle se demanda combien de temps il comptait encore marcher à ses côtés.
Un court laps de temps , sa remarque parut surprendre Adrendil, mais il se ressaisit .
« — Ma dame, je ne peux pas ignorer ses sentiments à votre égard.
— Alors, s'il vous plaît ne le faites pas, interrompit Miredhel.
— Mais sachez ceci, il n'est pas votre seul admirateur. .»
Avant que Miredhel ne puisse s'éloigner, il saisit sa main et y colla sa bouche pour un baiser long et appuyé.
« — Capitaine!»
Elle haleta avec indignation, il laissa retomber sa main avant qu'elle n'ait le temps de le repousser.
« — Maintenant, c'est à moi de m'excuser. Pardonnez-moi, car votre beauté m'a fait perdre mon bon sens.»
Il repoussa ses cheveux sur ses épaules, puis joignit ses mains devant elle.
« —S'il vous plaît.»
Adrendil avait une voix veloutée et attirante.
« —Permettez-moi de me rattraper ce soir, pendant le dîner ? »
Miredhel laissa échapper une bouffée de colère qu'elle avait retenue.
« —Je ne peux pas vous permettre cette satisfaction, Capitaine. J'ai... d'autres plans.»
Son regard se détourna à ces derniers mots.
« —Je comprends parfaitement.», répondit Adrendil, compréhensif.
Il comprenait vraiment, car sa réponse confirmait désormais les soupçons qu'il nourrissait sur son lien avec le prince.
Elle eut un léger sourire, désormais plus sûre que jamais qu'elle voulait lui fausser compagnie. Il n'en avait cependant pas fini ; si quelque chose pouvait être sûr à propos d'Adrendil, c'était qu'il était persistant.
« —Je vais devoir vous quitter, Dame Miredhel. Je rejoins la compagnie de Legolas, vous savez, et je veux aider à planifier le voyage de demain. Nous partons aux premières lueurs de l'aube.
— Oui, je sais..», répondit Miredhel.
Elle ne déclara pas délibérément qu'elle partait aussi.
« —J'ai toujours admiré sa seigneurie, lui dit Adrendil, sa voix intense et fluide à la fois. Il a supervisé ma formation de maître au tir à l'arc.Il m'a aidé à obtenir mon poste de capitaine dans la Garde forestière.»
Son regard la sonda, mais elle ne détourna pas les yeux.
« — Il est très gentil, dit-elle clairement.
— En effet, il l'est . Personne ne lui est plus fidèle que moi. Pourtant, une fois révélé, l'apprenti souhaite toujours surpasser son maître.»
Adrendil lui serra la main puis s'engagea sur un chemin séparé qui traversait le regroupement de tentes. Quelques pas plus tard, il fit volte face.
« — Si le prince et vous... deviez vous séparer, je serais très heureux de profiter de votre compagnie, un soir, pour un dîner ...ou plus..»
Il lui décocha un sourire, se retourna et partit.
'Quelle elfe insupportable ! '
Miredhel frissonna, se sentant agacé.
'Pour le dîner ...ou plus?', se répéta-t-elle.
Il connaissait ou soupçonnait d'une manière ou d'une autre sa relation avec Legolas et persistait toujours.
'Peu loyal', pensa-t-elle.
Elle ne pouvait nier qu'elle se sentait flattée, car Adrendil était, malgré des défauts évidents, magnifique par sa voix et son apparence, même charmant à sa manière.
« —Oui, et maintenant, il part aussi pour l'Ithilien. Parfait ! »
Elle se demandait ce que dirait ou ferait Legolas s'il était au courant du comportement amoureux du capitaine. Elle soupira et retourna à sa tente, se demandant si Limaer serait là ou non. Limaer! Limaer avait été l'objet d'Adrendil la veille seulement.
« —Mmmph !» ronchonna Miredhel et elle accéléra le pas vers la tente.
Une fois arrivée, elle se glissa dans sa tente pour voir Limaer allongée sur le dessus du lit. Elle réparait activement une robe. Elle laissa de côté sa couture pour constater avec inquiétude le retour de son amie.
« —Eh bien, eh bien..»
Elle souriait et regardait Miredhel, tout en attendant qu'elle parle.
« —En effet.», dit Mirehdel en s'asseyant sur son lit.
Elle prit sa besace et en jeta le contenu, désireux de le réorganiser avant le voyage de demain.
Limaer pinça les lèvres puis soupira.
« —Miredhel ! Ne me dites pas que rien ne s'est passé. Dites moi ! Vous savez que je veux savoir ! »
Miredhel plia soigneusement une chemise et la plaça à côté de sa besace.
« —Savoir quoi?»
Limaer marcha vers elle en quelques pas et attrapa la besace de Miredhel , et s'assit aussitôt dessus. Elle n'allait pas abandonner si facilement .
« —Je ne me lève pas tant que vous ne m'avez pas dit ce qui s'est passé ! Avec l'orque? Avec le prince ? Tout !.», déclara-t-elle , les dents serrées.
Miredhel se renfrogna pendant un moment, puis elle se mit à rire.
« —On dirait que vous savez déjà tout ce que je pourrais dire.»
— Non… Miredhel !, gémit-t- elle .
— Bon, d'accord, dit-elle avec un soupir exagéré. Au moins rendez-vous utile et aidez-moi à plier ces choses.»
Limaer s'activa, tira la besace de dessous elle et commença à aider, écoutant avec impatience Miredhel alors qu'elle racontait son histoire, laissant de côté les moments intimes entre elle et le prince, bien sûr.
« —Alors vous l'avez tué ? , haleta-t-elle. Quelle horreur ! .»
Elle serra la main de Miredhel.
« —Et maintenant, le prince et un petit groupe partent pour avertir le royaume des hommes mais je suppose que vous savez tout cela.»
Miredhel hocha la tête en rassemblant une longueur de corde dans son sac.
« —Je vais avec eux, Limaer..»
Les yeux de l'autre jeune fille s'ouvrirent comme des soucoupes.
« —Oh Miredhel, c'est ce que je me suis dit. Cela explique enfin que vous rangiez votre besace..»
Elle s'arrêta pour détailler son amie.
« —Pourquoi faites-vous cela ? Sans votre présence, ils sont tout de même assez pour combattre..»
Miredhel haussa les épaules. Elle n'était pas sûre de la réponse à cette question elle-même .
« —Est-ce à cause de votre frère ?, demanda Limaer. Dites moi, est-ce à cause du prince Legolas?, ajouta-t -elle à voix basse.
Elle essayait de lire dans les yeux de Miredhel, mais elle se détourna de son regard.
« —J'aimerais que vous vous confiez à moi comme à une amie si vous me le permettez, Miredhel, dit calmement Limaer.
— Bien sûr que vous êtes mon amie, répondit-elle , croisant son regard.
— Je sais que la mort d'Annariel a été difficile pour vous, mais je ne pense pas qu'elle voudrait que vous soyez seule.
— Comment pouvez-vous prétendre savoir ce qu'Annariel voudrait?, s'écria Miredhel, regrettant instantanément son ton quand la jeune fille tressaillit.
Depuis sa jeunesse dans le Bois d'Or, Limaer avait admiré Miredhel, la pensant forte et intelligente, espérant toujours qu'elle pourrait s'immiscer dans l'amitié étroite qu'entretenaient Miredhel et Annariel. Elle les avait enviées, voulant toujours en faire parti ; souhaitant se joindre à leurs plaisanteries et leurs rires, leurs moments de calme et de joie. Elle avait toujours un espoir, et peut être pourrait-elle encore se lier d'amitié avec Miredhel.
Limaer inspira profondément.
« —A qui parlez-vous , Miredhel? Avez-vous quelqu'un à qui vous confier ? Votre frère ? .
—Je le pourrais..», répondit-elle froidement, mais dans son coeur, elle connaissait la véracité des paroles de Limaer.
Elle se sentait seule. Il lui manquait une amie, et même si Limaer n'avait rien d'aussi doux ou aérien qu'Annariel, elle était là. Annariel s'en était allée et Miredhel déglutit tellement elle se sentait irrémédiablement vide.Admettre la défaite et la disparition d'une personne était une chose horrible. Et solitaire.
« —Je sais à quel point vous avez désiré cette amitié, Limaer..», dit-elle , les yeux baissés.
Limaer se rapprocha de Miredhel.
« —C'est toujours le cas, mais Miredhel, c'est un voyage formidable à entreprendre.
— En vérité, il est plus qu'un ami..», confia Miredhel.
Elle devait se confesser à quelqu'un.
« —Plus?, demanda Limaer avec un sourire narquois.
— Mais à quel point plus, je ne le sais pas. Et si vous voulez vraiment être une amie pour moi, alors, s'il vous plait, taisez-vous à ce sujet. Ne le répétez pas..»
Limaer fait un clin d'œil entendu.
« —Bien sûr, lui assura-t elle. Je serai plus silencieuse que les collines oubliées d'Eryn Loch.»
Elle s'assit tranquillement pendant un moment, étudiant ses mains croisées sur ses genoux. Puis elle ramassa l'une des tenues froissées de Miredhel, tirant et lissant les plis. Ses yeux se posèrent sur Miredhel en train de la regarder.
« —Quoi ?, demanda Miredhel. Quelque chose vous trouble. Et ce à cause de ce j'ai dit, à propos de moi et de Legolas.
— Non, Miredhel. Honnêtement, je pensais que je me sentirais plus jalouse mais je ne le suis pas. Au lieu de cela, je m'inquiète pour vous. Le prince Legolas, il est tout simplement remarquable, n'est ce pas? .»
Ses doigts parcoururent à nouveau la pile de vêtements pliée, lissant les plis.
« —Mais attention, mon amie, car j'ai entendu beaucoup trop de récits de ses aventures depuis notre arrivée ici..»
Se demandant quel genre d'histoires Limaer avait entendu exactement, Miredhel dit :
« —Alors je devrai être sur mes gardes.
—En effet. J'ai entendu cette histoire d'une femme sans égal qui…
—Assez Limaer !, s'exclama Miredhel, s'emportant promptement.
Elle ne voulait pas connaître de nom, de descriptions ou d'histoire concernant les précédentes conquêtes de Legolas. Elle avait été connue pour être légèrement jalouse par le passé, et une telle information ne pouvait que ronger son esprit à l'avenir.
« —Vous préférez ne pas connaître la vérité, demanda innocemment Limaer.
—Comment pouvons-nous savoir que ces histoires sont vraies ?, rétorqua Miredhel, espérant vraiment qu'il ne s'agissait que de rumeurs.
—Vous avez raison, nous ne l'avons pas encore vu rendre service à une autre femme que vous, Miredhel., acquiesca Limaer.
—Exactement. Si nous l'avions réellement vu s'éprendre d'une autre , alors ce serait une tout autre affaire, dit Miredhel, satisfaite de son raisonnement, et du fait que Limaer en semblait satisfaite également.
—Faites attention, cependant, ma chère, conseilla Limaer comme s'il s'agissait de son dernier mot.
Elle tendit la main pour lisser l'une de ses élégantes boucles puis se leva. Elle retourna dans son lit et s'assit soigneusement à côté de sa tenue qu'elle était en train de repriser.
L'après-midi passa pour les deux dames. Limaer poursuivit fidèlement sa préparation et sa couture, et Miredhel rangea et organisa ses affaires et vêtements pour le voyage du lendemain. Elle les étala toutes sur son lit, se demandant lesquelles prendre et lesquelles laisser derrière elle. Chaque fois qu'elle sentait que le rangement était parfait, elle remarquait un petit défaut dans son organisation et recommençait. En vérité, elle était assez nerveuse, non seulement pour le voyage imminent, mais aussi à cause de son dîner le soir-même en compagnie de Legolas. Aussi, elle découvrit que son anxiété provenait surtout du fait qu'elle avait une relation avec lui.
Lorsqu'elle finit par se lasser d'organiser et de faire ses bagages, sentant qu'aucune solution parfaite ne pouvait être trouvée, elle enfila une jolie robe pour la soirée à venir. Elle lâcha ses cheveux pour qu'ils partent en boucle tout autour de son visage, le long de son dos, et quand elle fut assez satisfaite de son apparence, enleva le contenu de sa besace de son lit et s'y allongea. Miredhel pensa qu'elle pourrait toujours finir de préparer ses affaires plus tard.
L'idée de Miredhel de rencontrer Legolas dans la soirée fut toutefois rapidement mise de côté lorsqu'elle entendit qu'on l'appelait de l'extérieur. Elle se leva du lit et ouvrit l'entrée pour voir l'un des gardes forestiers de Mirkwood.
« —Madame, le prince envoie ce message : le plan a changé et le groupe partira dans l'heure. Rassemblez vos affaires et rejoignez le reste du groupe à l'extérieur, dit-il, son regard parut embarrassé tout en passant de Miredhel à Limaer.
—Oui, bien sûr..», répondit une Miredhel plutôt étourdie.
La porte à rabat de la tente retomba du bout de ses doigts, et elle regarda Limaer puis ses affaires sur le sol à côté du lit avec incrédulité.
« —Miredhel? N'avez-vous pas entendu ce qu'il a dit?, demanda Limaer, en se levant. Ils partent...dans l'heure !.»
Miredhel continuait de se tenir là en caressant du bout des doigts le tissu soyeux de sa robe de soirée. Elle pouvait à peine y croire. Partir ? Elle avait encore beaucoup à faire : finir de préparer ses affaires, changer de vêtements, tresser ses cheveux en arrière, vérifier son armement, et elle n'avait pas encore discuté du voyage avec son frère ! Eledhel se demandait s'il savait même qu'elle les rejoignait. Probablement pas, se dit-elle, car si Eledhel avait su, il se serait sûrement précipité vers sa tente en signe de protestation.
Miredhel déglutit sinistrement.
Limaer lui tapota l'épaule.
« —Si vous prévoyez d'aller avec eux, alors nous ferions mieux de vous préparer. »
Miredhel baissa les yeux de sa robe, sa bouche formant un parfait "o".
« —Je devrais me changer en priorité., se décida-t-elle.
— Oui, je pense que ce serait un début. Changez-vous et je finirai de préparer votre besace », dit sagement Limaer.
Les deux dames se sont donc rapidement mises au travail. Miredhel troqua sa jolie robe pour une tenue d'équitation plus adéquate de la Lorien d'un gris doux tandis que Limaer rangeait à la hâte les affaires de Miredhel dans le sac.
« —Je me demande quelle est la raison de cette envie pressante de partir.
— En effet. », approuva Miredhel.
Elle s'assit pour resserrer les lacets de ses bottes légères. Elle ramassa ses gantelets en cuir du lit. C'étaient des cadeaux d'Eledhel, s'adaptant parfaitement à ses poignets minces avec un motif de néphrédil formant une étoile sur la manchette. Au moment où elle eut fini de les attacher, Limaer avait fini de faire son sac. Miredhel attacha sa ceinture et attacha sa nouvelle lame à sa taille, puis prit son arc et son carquois. Limaer tendit à son amie la besace, qu'elle avait réussi à préparer avec soin.
« —Merci, dit Miredhel, puis elle tendit la main avec hésitation pour placer son arc dans sa main gauche afin de pouvoir serrer Limaer dans ses bras avec son bras droit.
— Merci, dit-elle à nouveau.
— Soyez prudente, Miredhel, avertit Limaer, et essayez de ne pas laisser notre prince favori faire quelque chose de trop téméraire.
— Je pourrais difficilement l'arrêter s'il essayait. Allez-vous m'accompagner au rassemblement?, dit Miredhel avec un sourire.
— Non, je ne pense pas. Je n'ai jamais été très douée pour les adieux, déclara Limaer.
— Que vos sentiers soient verts et dorés jusqu'à ce que nous nous revoyions. » dit Miredhel avant de prendre congé.
Elle avait rapidement coiffé ses cheveux en nattes, et maintenant, tout en marchant , elle les triturait pour s'assurer qu'elle avait bien serré.
Miredhel avait l'impression qu'elle pouvait à peine respirer, et l'air frais de l'automne lui brûlait la gorge. Elle poursuivit son chemin, vérifiant nerveusement sa dague à sa ceinture, sa besace pour tout et rien, étirant ses doigts puis les refermant. Elle était perdue dans le remue-ménage des gens le long du sentier forestier, qui plaisantaient, discutaient , chacun s'activant à ses propres affaires, jusqu'à ce qu'elle entende une seule voix qu'elle avait fini par reconnaître. Cela ne venait pas du joyeux groupe près d'une tente dans la clairière, mais de l'autre côté du petit sentier, dans les bois.
« — Je ne peux pas permettre ça. », fit une voix agacée.
C'était Legolas.
Miredhel fit une pause. Son premier mouvement fut de s'arrêter et d'écouter, mais cela ne la concernait certainement pas. Elle tendit une oreille de l'autre côté d'un tronc.
« —Non !, implora t-il . Non je ne laisserai pas faire. »
Maintenant, Miredhel craignait pour sa sécurité. Et s'il avait été pris au piège?
Elle nicha silencieusement sa besace au pied d'un arbre et s'enfonça plus profondément dans les bois. Sa main s'attarda sur la dague à sa ceinture alors qu'elle se rapprochait du son de la voix de Legolas. Elle aplatit son dos contre un pin décrépi et et lentement, prudemment, elle pencha la tête pour jeter un œil de derrière le tronc. Elle n'aurait pas été plus surprise si elle avait vu le prince organiser un goûter avec un grand nombre d'Uruk hai.
Car là, sous les branches d'un vieux chêne, se tenaient Legolas et une belle jeune femme aux cheveux longs blonds tirant vers le blanc, aux yeux bleus brillants et à la peau diaphane sans égal.
Miredhel retint son souffle et se plaqua contre l'arbre.
'Eh bien , c'est certainement ce qui se passe quand on écoute sans y être convié, pensa-t-elle, vous imaginez le pire dans ce qui est dit'
« —Je ne peux pas y croire, mais je suis tellement content de cette présence, dit Legolas à voix basse à la fille. Mais le roi sera très en colère.
—Je sais mais je ne pourrais pas te regarder partir sans faire mes adieux . », dit-elle.
Miredhel étouffa un gémissement et osa regarder une fois de plus. La jeune femme était désormais dans ses bras, avec Legolas qui caressait ses cheveux fins et soyeux de ses doigts.
« —Chut, la réconforta t-il. Je ne pourrai jamais être bien longtemps en colère contre toi , mais je pars ce soir. Tu devrais rentrer chez toi. »
Miredhel tourna la tête, prise d'une envie irrépressible de savoir qui pouvait être la fille, et de comment elle pouvait se faufiler à nouveau sans se faire remarquer. Elle retint un sanglot puis se prépara pour se faufiler discrètement sur le chemin, mais avant d'être hors de portée, elle entendit à nouveau leurs voix basses.
« —Je suis désolée de ne pas être venue plus tôt., lui dit-elle.
—Je comprends pourquoi tu ne l'as pas fait.
— Prends soin de toi, Legolas, dit-elle en chuchotant. Je t'aime.
—Je t'aime aussi. », lui dit-il.
Et dans les ombres et les fougères, Miredhel ferma les yeux. Elle pouvait sentir son pouls battre jusque dans sa tête : je te l'avais dit, je te l'avais dit. Elle pouvait à peine y croire, elle ne pouvait pas. Serait-ce le même prince qui, quelques heures auparavant, avait proclamé à quel point il avait besoin d'elle ?
« — Il avait besoin de toi, lui rappela une petite voix. Il avait besoin de toi, mais il n'a jamais dit qu'il t'aimait. »
Non, il ne l'avait pas fait.
Une douleur fulgurante traversa sa tête, sa poitrine, son ventre, et elle tomba à genoux près de l'arbre où elle avait rangé sa besace. Elle s'agenouilla là pendant un moment ; c'est à peine si une pensée lui traversa l'esprit, et pour la première fois depuis de longues heures, jours, mois, l'émotion la submergeait librement sans contrôle pour détruire sans limites sa carapace. Elle finit par ralentir sa respiration à un rythme gérable, souhaitant ne jamais les avoir vus, entendu leurs mots, pour qu'elle puisse toujours croire qu'il se souciait vraiment d'elle...que ses mots signifiaient plus.
Lorsqu'elle entendit le craquement des aiguilles de pin, avertissant de l'approche imminente d'une personne, elle se leva et passa ses mains sur son front et ses joues. Elle esuya les minuscules bouts de feuilles rouges et dorées accrochées à sa tunique et serra sa besace contre sa poitrine, le serrant comme un enfant qui éprouve un sentiment de sécurité avec sa peluche préférée.
« —Miredhel? »
C'était Legolas. Elle lui fait face nonchalamment bien que cela ait épuisé toute sa volonté de le faire. Elle ne pouvait certainement pas porter d'accusation maintenant. Elle pouvait à peine bouger. Le désir et l'action avaient toujours été deux aimants uniques, et maintenant que Miredhel ressentait toute la force de l'un, il lui manquait l'autre. Elle ne mentionnait pas ce qu'elle avait vu, mais attendait un moment plus opportun. Elle pouvait se souvenir de ses pensées et ensuite les effacer avec plus de certitude, plus de conviction. Elle réussit un petit sourire à Legolas, qui avait étudié le jeu de l'émotion sur son visage.
«- Etes-vous prête, alors ?, demanda-t-il.
—Pas vraiment, répondit Miredhel.
—Puis-je vous délester de vos affaires? »,demanda -t -il poliment en désignant sa besace.
Miredhel la serrait toujours contre sa poitrine.
« —Non ça ira. Je vais bien. J'étais en route pour la clairière. »
Ce fut avec espoir qu'elle le regarda pour voir s'il allait s'excuser et lui donner des explications concernant sa présence dans la forêt.
Legolas la regarda avec inquiétude, notant l'étrange lumière dans ses yeux.
« —Moi aussi, mais j'ai dû m'arrêter une fois de plus dans ce bois.
—Oh? , demanda Miredhel.
— Ces arbres me manqueront, mon foyer durant tant d'années.
— Vous disiez au revoir à la forêt?, demanda-t-elle avec lassitude, et Legolas prit sa réserve pour de la fatigue ou peut être de la nervosité.
— Je suis désolé que nous ne puissions pas avoir notre dîner spécial ce soir, Miredhel.
—Tout comme moi, Prince Legolas., répondit-elle. comme moi.
—Ne vous en faites pas, ma dame. Je me rattraperai par trois fois dès que l'occasion se présentera. »
Miredhel ne répondit rien en retour et continua simplement de marcher. Désormais, Legolas était certain que cette nouvelle humeur était liée à leur départ prématuré. Il voulut alléger ses esprits et changea de sujet.
« —J'ai dit à votre frère que vous allez vous joindre à la compagnie, donc vous n'allez pas avoir à vous inquiéter de quelconque réaction. », fit Legolas.
Cette information retint aussitôt l'attention de Miredhel.
« —Qu'a-t-il dit?, demanda -t-elle anxieuse.
—Dit? Grogné , c'est plutôt de cette manière. Il n'était...pas vraiment content., l'informa-t-il, et voyant sa consternation, il ajouta rapidement :
—Mais je lui ai fait savoir que c'était mon intention de vous avoir avec nous...puisque vous étiez la seule à avoir abattu un dragon. Finalement, il s'est joint à mon opinion.
—Lui avez-vous dit…, commença à dire Miredhel.
—A propos de nous? »
Il s'arrêta et la regarda attentivement, plaçant un main sur chaque épaule. « — Non. Mais vous le ferez. »
Il la regarda d'un air confiant et se pencha pour déposer un baiser sur son front.
L'instinct de Miredhel lui hurlait de se retirer, mais elle ne le fit pas. Même face à sa propre duplicité, ses lèvres brûlaient encore, ravivant le désir dans sa peau, à travers son cœur, et elle désespérait. Comment pourrait-elle lutter contre cela, alors que ses armes, sa colère et son dégoût se réduisent en cendres par un seul baiser ?
"Je suis sotte ", pensa-t -elle avec amertume, pour renoncer à toute chance de joie dans un amour potentiellement réciproque. Muredhel resta silencieuse pour le reste du chemin, ne répondant qu'aux pensées cruelles qui lui foudroyaient sa paix intérieure.
Lorsqu'ils atteignirent la clairière, Legolas la dirigea vers une monture brun clair aux pieds d'un blanc poussière.
« — Miredhel, je sais que perdre votre cheval sur le chemin a été difficile pour vous. » , lui dit-il en serrant sa main.
Elle acquiesça vaguement, confuse quant à son objectif. Son esprit était déjà un fouillis de toute manière.
« —J'ai choisi cette jument parmi les meilleures de mon père, pour vous. Je sais qu'il n'y aura pas meilleure bête que Thorontal. »
La voix de Legolas s'estompa, désireux de connaître son opinion, d'observer sa réaction.
—Bien, Legolas. Elle est magnifique. Merci.
—Alors, elle est à vous? »
Legolas sourit. C'était enfin un cadeau qu'elle accepterait volontiers.
Miredhel frotta timidement le museau du cheval avec une adoration à peine voilée, mais lorsqu'elle se tourna pour regarder Legolas et le remercier, elle sentit que quelque chose la dérangeait encore. Sa réticence à son contact. Son silence est inquiétant. A présent, ses yeux invoquaient une âme qui avait dérivé hors de sa portée. Vague, lointain. Comme une forêt sur un long horizon, il entendait le faible bruissement de nombreux toiles de tentes qui claquaient, il voyait les feuilles d'émeraude et la sombre écorce brune, mais la distance était tout simplement beaucoup trop grande pour être mesurée et traversée. Elle était inexplicablement loin de lui.
Espérant la ramener vers lui, Legolas demanda :
« —Miredhel ? L'appréciez-vous ?
—Oui , Legolas. Elle est merveilleuse, dit Miredhel, se tournant pour lui faire face, et bien que ce fut contre sa volonté, dans un élan, elle lui embrassa la joue.
—Je dois y aller maintenant, dit- il, il se sentait immensément mieux après ce baiser. Rapprochez-vous de la tête du groupe et essayez de rester avec votre frere, si possible, lui somma-t-il et il partit, convaincu qu'il serait toujours incapable de comprendre les femmes.
Il jeta un dernier regard en arrière pour la voir admirer le cheval et il secoua la tête. Qu'est ce qui n'allait pas avec elle ? Il se rassura en pensant qu'elle devait se sentir dépassée. Se sentant réconfortée par cette analyse, il se dirigea vers Arod, son père et son frère l'attendaient tous les edux.
« —J'ai entendu les rapports des éclaireurs, Legolas, dit sombrement son père. Un autre attroupement important a dépassé la limite sud est en direction du Gondor?
—Oui, c'est pourquoi j'ai décidé de partir le plus tôt possible. Le mal est à l'oeuvre ici, père.
—Les anciennes alliances sont mortes, mon fils.
—Je ne peux pas y croire, dit fermement Legolas. Certainement pas.
—Legolas, s'il te plaît, dit Oromer. Laisses quelqu'un d'autre partir si tu dois avertir le monde des Hommes.
—Il s'agit de MON allégeance au Gondor, à Aragorn, qui lie ma décision, ma volonté. », répondit fermement Legolas.
Le roi échangea un regard triste avec Oromer.
« —Que la paix soit avec vous alors. », dit-il , et Legolas pivota pour bien placer ses affaires avant de monter à cheval. La main du roi attrapa son épaule et son fils se retourna.
« —Legolas?, dit-il calmement. Je suis fier de toi. De ta détermination.Ta force. Ta loyauté. Je ne pense pas avoir à craindre pour toi comme je l'ai fait autrefois. »
Il attira Legolas et le serra dans ses bras.
« —Fais attention, mon prince..mon fils.
—Merci, Ada. Je le ferai. » , murmura Legolas.
Il se pencha sur Ador et leva son long arc en élevant la voix.
« —Ecoutez-moi, ma compagnie. Nous courons un grave danger contre de puissantes forces et le temps lui-même . Nous ne cheminons plus pour Eryn Lasgalen ou le Bois d'Or. Maintenant, durant cette heure, nous marcherons comme un seul homme. Un peuple ! Un but !
—Pour l'Ithilien !, rugit la troupe en retour, et la foule de cavaliers elfes bondit en avant à travers les bois, brisant les sentiers lisses en une ondulation de paille et de poussière derrière eux. Et le seigneur de l'Ithilien ouvrit la voix, ses cheveux pris dans une forte brise fomenté par sa propre hâte, un étendard blanc doré pour diriger le chemin de la bataille et de la gloire.
