Hermione comprit ce que Drago avait voulu dire lors du dîner. Elle s'attendait à un moment un peu formel probablement, où elle devrait surveiller ses manières et manger dans de l'argenterie rutilante.
Cependant, ils mangèrent à une extrémité de la table, proches les uns des autres. Hermione resta silencieuse au début du repas, écoutant Drago et sa mère bavarder, avant de se rendre compte qu'il s'agissait juste d'un repas en famille comme elle en avait connu des centaines auprès de ses parents ou même de la famille Weasley — en moins désordonné.
Ce fut suffisant pour qu'elle se détende et se sente plus à l'aise. Narcissa lui posa des questions sur ses projets, semblant approuver son envie d'indépendance et de faire carrière. Alors qu'ils buvaient une légère infusion, Narcissa murmura, l'air rêveur.
— Je n'aurais jamais espéré devenir indépendante de cette manière. Je veux dire, mes sœurs et moi avons été élevées pour nous marier avantageusement et faire des enfants…
Elle marqua un court silence, puis elle souffla, avec une grimace dépitée.
— Finalement, regardez donc ce qui en est sorti. L'une de mes sœurs a été reniée et je n'ai pas eu de nouvelles d'elle depuis notre adolescence. Mon autre sœur a plongé dans la folie, après un mariage malheureux et stérile et des choix… douteux. Quant à moi… mon époux a failli nous faire tous enfermer à Azkaban. C'est une ironie délicieuse que vous êtes celle qui nous ramène à la vie, miss Granger. L'unique héritier Malefoy sauvé du déshonneur par une née de moldu.
Hermione hésita brièvement, puis elle murmura, avec douceur.
— Votre sœur aînée… vous n'avez jamais eu envie de la revoir ?
Narcissa cligna des yeux, comme si elle revenait au présent, et elle hocha brièvement la tête.
— Si bien sûr. Mais… Lucius ne l'aurait jamais permis. Autant ne plus y penser, c'était bien moins douloureux.
Drago renifla et répliqua sèchement, les poings crispés.
— Père est en prison et il y finira sa vie.
Narcissa cligna des yeux et fixa son fils avec surprise, probablement habituée à ce qu'il se montre docile. Hermione tendit la main discrètement et la posa sur son bras, espérant l'apaiser. Puis, elle s'humecta les lèvres, avant de murmurer.
— Je l'ai rencontrée. Andromeda.
Narcissa émit un hoquet de stupeur, ses mains voletant jusqu'à sa gorge et elle pâlit légèrement. Puis, elle souffla, visiblement sous le choc.
— Comment va-t-elle ? Pouvez-vous me parler d'elle ?
Hermione sourit distraitement en se perdant dans ses souvenirs.
— Nous l'avons rencontrée alors que nous étions en fuite. Elle ressemble terriblement à…
La voix de Hermione s'étrangla dans sa gorge et elle se reprit rapidement, terminant sa phrase dans un souffle.
— À votre autre sœur. Elle a… Elle avait une fille, mais elle est morte le jour de… la bataille de Poudlard. Cependant, elle est grand-mère et Harry est le parrain du petit Teddy.
Narcissa eut un sourire triste, ne semblant pas gêné par le discours un peu décousu de Hermione.
— Elle était amoureuse d'un nez de moldu. C'est la raison pour laquelle elle a été jetée dehors. Elle a préféré être reniée plutôt que de l'abandonner.
Hermione soupira.
— Ted Tonks. Ils étaient mariés. Il… il a été tué par des rafleurs juste après… pendant…
Narcissa vacilla, les yeux écarquillés.
— Seigneur… elle a donc tout perdu dans cette guerre ?
Hermione baissa la tête et Drago entrelaça leurs doigts comme pour la soutenir. La jeune fille eut un sourire triste.
— Comme beaucoup d'entre nous. Sa fille et son mari ont été tués, mais elle a dit à Harry qu'elle trouvait du réconfort dans la présence de son petit fils. Il a un peu plus d'un an maintenant et elle répète sans cesse qu'il la maintient bien occupée.
Narcissa resta silencieuse, les yeux dans le vague et Hermione murmura, certaine que Harry approuverait sa proposition.
— Vous pourriez peut-être la rencontrer ? Après tout, nous allons être… liées et Harry est comme un frère pour moi, il y aura forcément des occasions de nous réunir tous.
Narcissa hocha lentement la tête, avec une expression presque triste.
— Ce serait formidable. Je vais vous laisser entre vous, mes enfants, je suis… fatiguée. Passez une bonne soirée.
Elle se leva gracieusement et posa une main sur l'épaule de Drago en passant près de lui, avant de disparaître d'un pas lent. Lorsqu'ils furent seuls, Hermione murmura, les joues rouges de gêne.
— Je suis désolée d'avoir abordé ce sujet, j'aurais dû t'en parler avant. Ta mère avait l'air… perturbée.
Drago lui sourit gentiment, la regardant avec une expression qu'elle fut incapable de décrypter.
— Ne t'excuse pas, bien au contraire. Ce que tu as fait… Je te remercie.
Ils terminèrent leurs tasses en silence, puis Drago se leva et tendit la main à Hermione.
— Nous pourrions passer un moment dans la bibliothèque sauf si tu préfères aller te coucher ? Je sais que tu apprécies cette pièce.
La jeune femme hocha la tête, le suivant en silence. Une fois installée, elle soupira nerveusement.
— C'est étrange. Cette situation. Je n'avais pas imaginé que…
Drago leva un sourcil, attendant ses explications et elle haussa les épaules avec nervosité.
— Nous deux, faisant connaissance. Je croyais te connaître déjà, mais tu sembles quelqu'un de totalement différent.
Après quelques instants de silence, Drago répondit, dans un murmure hésitant.
— Je n'étais pas vraiment accessible. C'est peut-être ce que tu trouves si étrange, non ?
Hermione ricana.
— Ce n'est pas toi, Drago. C'est juste que je n'avais pas vraiment pensé à… l'aspect pratique de cet arrangement. Je suppose que mon esprit avait déjà classé cette histoire de mariage pour envisager la suite, alors chaque instant est une surprise.
Drago la dévisagea un instant, intensément, avant de murmurer, sa voix un peu plus grave qu'à son habitude.
— De bonnes surprises au moins ?
Hermione cligna des yeux, puis elle hocha lentement la tête sans quitter le jeune homme des yeux. Puis, elle passa la langue sur ses lèvres et répondit, avec douceur.
— Pour être honnête, je pensais sincèrement que nous arriverions à nous entendre, mais je n'aurais pas osé espérer que nous aurions autant de points communs. Que nous puissions… devenir proches.
Drago hésita brièvement avant d'insister.
— Et maintenant ? Comment vois-tu les choses ?
Les joues de Hermione s'empourprèrent alors qu'elle repensait aux baisers qu'ils avaient échangés un peu plus tôt. Si elle devait être honnête, elle ne voyait plus leur mariage arrangé comme une amitié forcée, où ils devraient s'accommoder l'un de l'autre. Loin de là… Désormais, il y avait une certaine anticipation qui lui tordait le ventre, elle avait hâte de découvrir ce que l'avenir leur réservait.
