Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages pour ce chapitre : Mu, Shaka, Aphrodite, mention des autres.
Rating : T
Note : Bonjour à tous ! Merci de continuer le voyage avec moi, merci pour les divers ajouts dans les favoris et/ou liste de suivis, un énorme merci pour les reviews de mes fidèles lectrices ! Ça aide et booste tellement ! 3
Merci à ViMiKi qui poursuit l'aventure avec nous ! Tes reviews font toujours très plaisir.
Fealina07 : Coucou ! Du temps a passé, j'espère tellement que tu vas définitivement mieux et que ton Covid n'était pas un Covid long, que tu puisses bien te remettre ! Ce virus est vraiment une saleté ! Je l'ai eu 2 fois, mais heureusement rien de très grave à part une énorme fatigue. Donne-moi de tes nouvelles si tu peux, je prie pour qu'elles soient très bonnes ! Merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écrire malgré ton état. Courage à toi si ce n'est pas fini mais encor eune fois, je prie pour que si et sans séquelles !
Mini-Chan : Merciiiii à toi ! Je suis si contente que tu apprécies mon Shura, parce que je t'avoue que je l'adore, moi aussi ! Et tu as raison, quand je l'écris et le décris, quand je l'imagine, j'ai aussi en tête El Cid. Je trouve qu'ils se ressemblent beaucoup, pas seulement physiquement. J'aime leur loyauté indéfectible, El Cid envers Sisyphe (pour moi c'est de l'amour, faut pas me prendre pour une novice, j'ai l'oeil!), Shura envers ses amis. J'aime aussi beaucoup les fanarts du trio et j'ai souvent eu envie d'écrire sur leur amitié. Il était importan tpour moi d'introduire des scènes avec eux. Bref, je suis contente que ca te plaise. Pour le couple Mu x Aphrodite, je suis heureuse de t'avoir fait apprécier Aphrodite, que j'ai appris à aimer en écrivant sur lui ! Et que tu ne trouves pas Mu out of character. Il a toujours représenté la force tranquille pour moi, mais un peu comme une rivière qui coule tranquillement, mais si tu fais pleuvoir un peu trop sur elle, (si tu l'emmerdes, quoi !) elle déborde et peut tout dévaster. Il faut se méfier de l'eau qui dort. Je termine en saluant ton parcours. Voyager beaucoup est une chance et un enrichissement, même si, enfant, cela peut être perturbant (besoin de stabilité etc). Je comprends d'où te vient ton goût des voyages. Et ton mélange assez étonnant de vocabulaire. Si tu préfères écrire en anglais, n'hésite pas ! Tu dois d'ailleurs parler plusieurs langues. Je suis admirative. Bref, j'espère que la suite te plaira. Et bon séjour au Brésil même si tu n'y es pas en vacances et que c'est difficile apparemment. Bon courage à toi.
On retourne donc plusieurs mois en arrière, au début de l'été !
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Le Fil rouge du Destin
Chapitre Vingt-sept : La plus grande vérité qu'on puisse apprendre un jour est qu'il suffit d'aimer et de l'être en retour.
(Moulin Rouge)
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Le Sanctuaire
Maison des Poissons
Jeudi 22 Juin 1989
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Arrivé à l'entrée du jardin du Douzième Temple, Mu marqua une pause et observa son illustre gardien et compagnon d'armes, Aphrodite.
Son abondante chevelure, relevée en queue de cheval haute retombant sur le côté droit, dégageait la courbe gracile de sa nuque, et balayait une épaule dénudée au gré de ses coups de sécateur dans ses rosiers.
Le Premier gardien avait eu cette vision un nombre incalculable de fois, ces derniers mois, car son ami du Douzième était souvent ainsi penché presque amoureusement sur ses rosiers ou un autre plant de fleurs de son magnifique coin de paradis.
Pourtant, il ne s'en lassait jamais.
Et il ne pensait pas que cela pourrait arriver, un jour, car il avait, à chaque fois et systématiquement, ce petit temps d'arrêt irrépressible, à sa vue, comme saisi par celle-ci.
Et de fait, il l'était.
Alors oui, Aphrodite était bel et bien le plus beau de toute la Chevalerie d'Athéna et certainement, au-delà.
Mu n'y avait jamais prêté une attention particulière, auparavant, car à ses yeux, ses mauvais travers gâchaient tout. Et depuis leur retour à la vie et la purification d'Athéna, même s'il lui était devenu plus agréable à regarder, il n'avait pendant longtemps rien fait de plus que le remarquer.
Puis, au fil des jours et des semaines, surtout ces derniers temps, en vérité, il avait appris à voir cette autre beauté, cette touchante sensibilité qu'il abritait en lui et qui donnaient un charme particulier et différent, plus profond, à sa grâce et à son élégance naturelles.
Au point d'en avoir établi une certitude : son aîné était devenu tellement plus qu'une simple beauté physique, il était si loin de l'égocentrique, narcissique et sadique Chevalier des Poissons qu'il avait d'ailleurs à peine connu, autrefois… et n'avait jamais eu envie de connaître plus, en vérité !
Alors que tout ce qu'il apprenait et découvrait d'Aphrodite, notamment depuis un peu plus de trois mois et leur collaboration pour le jardin de Shaka, lui donnait encore plus envie d'approfondir leur relation.
Son esprit vif, son ironie mordante, certes, mais désormais dénuée de toute agressivité ou méchanceté gratuite, sa culture impressionnante et insoupçonnée sur le monde du vivant, bien au-delà de simples connaissances botaniques, l'étonnante intelligence relationnelle dont il faisait preuve et qui lui avait permis de trouver sa place parmi les Ors assez rapidement, et d'en être apprécié, n'étaient que quelques-uns des traits qui dessinaient le portrait de l'homme qu'aurait dû être Aphrodite, dans sa première vie, si son Destin avait été autre.
Si les Dieux ne s'en étaient pas mêlés, surtout.
Grâce à Athéna, et à ses camarades qui lui avaient donné sa chance, il pouvait l'être désormais.
Et Mu voulait de cet homme-là dans sa vie, il voulait une place dans la sienne, une différente de celles des autres.
C'était d'ailleurs avec l'idée en tête d'approfondir encore leur relation qu'il était venu, ce matin-là, rendre visite à son aîné.
Le Maître des lieux – et objet de ses réflexions – finit par se redresser et se tourner vers lui, l'ayant senti approcher dès son entrée dans on Temple, mais ne le voyant toujours pas le rejoindre.
- Bonjour, Mu ! l'accueillit-il, alors que le Bélier se décidait enfin à venir vers lui, s'attardant sur chaque bosquet et plant de fleurs sur sa route. Namaste, ajouta-t-il en faisant le mudra que lui avait appris Shaka. Je pensais que tu te rendrais directement au Treizième, c'est gentil de t'arrêter me saluer au passage ! Comment vas-tu ?
- Namaste, Aphrodite, répondit Mu en lui rendant son salut. Je vais bien, merci. C'est toi que je suis venu voir, je suis arrivé là où je souhaitais aller. Je ne te dérange pas ?
Le sourire d'Aphrodite baigna encore plus de lumière le jardin pourtant bien exposé aux rayons du soleil matinaux.
- Mais pas du tout ! Tu es toujours le bienvenu chez moi, et c'est avec plaisir que je te reçois !
- Merci, mais tu es sûr ? Tu sembles en pleine activité, fit-il remarquer en portant son regard sur un petit tas de roses au pied des arbustes flamboyant et majestueux. Que fais-tu, exactement ?
- Je prépare des boutures pour ma prochaine plantation, mais tu ne me déranges absolument pas ! expliqua-t-il en reprenant son activité.
- Tant mieux, alors. Tu veux avoir de nouveaux pieds, c'est bien cela ?
- Tout à fait, pour les replanter à la fin de l'automne. Normalement, à la fin de l'été et pendant deux mois environ, les roses ne poussent plus, mais ont encore des feuilles, c'est le bon moment pour prélever les tiges qui serviront à bouturer. Mais mes rosiers ont une croissance différente, elles se mettent en pause pour se protéger des trop fortes chaleurs, et c'est donc au début de l'été que je dois faire cette opération. Je suis un peu à la traîne, en vérité !
- D'accord, je comprends. Alors, si je ne te dérange pas, je peux au moins t'aider ?
Aphrodite se redressa et lui fit face.
- Tu veux vraiment ? Parce que je peux le faire plus tard, et on peut prendre le thé tranquillement ou faire une partie de go ou de tavli, comme tu préfères…
- On pourra le faire après, on a le temps pour cela, répondit Mu en souriant. Je sais que chacune de tes tâches au jardin est en lien avec un moment précis de la journée, rien n'est laissé au hasard.
- C'est souvent le cas, en effet, mais je peux y revenir demain matin, assura le Maître jardinier. Je ne veux rien t'imposer, Mu.
- Au contraire, cela me ferait plaisir de t'aider, si c'est possible, bien sûr. Je ne veux pas saboter ton travail.
- Aucun risque ! le rassura Aphrodite. Tu es très délicat, précautionneux et surtout respectueux. Et puis, je t'ai déjà montré comment couper les tiges, tu te souviens, on l'a fait pas plus tard que la semaine dernière sur les roses de Damas Quatre saisons.
Mu hocha la tête.
- Oui, bien sûr. Je te remercie encore, d'ailleurs, de m'avoir permis d'en apporter chez moi. Leur présence égaie mon salon et mon entrée, et leur parfum merveilleux emplit tout le Premier Temple et pas seulement mes appartements.
Aphrodite se tourna tout naturellement vers le grand arbuste d'1,5 mètres de haut au feuillage si caractéristique des sublimes roses de Damas. Un peu en retrait des autres variétés à cause de la puissance de son parfum, justement, il n'en attirait pas moins le regard, avec ses magnifiques fleurs doubles, d'un rose tirant sur le mauve, qu'il avait légèrement modifié pour leur donner un aspect mousseux à la fois très élégant et très réconfortant.
On avait clairement envie de se vautrer dedans.
Lors d'un après-midi où ils avaient été accueillis dans le jardin avec autorisation de jouer prudemment, Kiki et Simon avaient même dit que « ça ressemblait à un gros nuage en barbe à papa ».
- C'est une des variétés les plus odorantes au monde, parmi les roses anciennes, expliqua-t-il en reportant son attention sur son ami. C'est pourquoi elle est beaucoup utilisée en cosmétique et en gastronomie, aussi. N'hésite vraiment pas à venir choisir ce que tu veux comme fleurs pour chez toi, Mu, je te l'ai déjà dit. Ça me fait tellement plaisir de les voir admirées par d'autres que moi ! Certains de nos camarades sont de véritables rustres, incapable d'apprécier ce genre de privilège ! J'ai des variétés pourtant très rares ! Certaines sont même uniques, puisque je les ai créé moi-même.
- Justement, personnellement, je les trouve toutes bien plus jolies, ici, dans ton jardin, avec toi.
- Les fleurs en général, et les rosiers surtout, ont besoin d'être taillés et de respirer, il est donc nécessaire de prélever quelques-unes d'entre elles à des moments bien précis.
- Mais tu fais beaucoup de choses, avec.
- C'est vrai, reconnut le Douzième gardien, mais elles ne se prêtent pas toutes à la transformation, et je n'ai pas besoin de grandes quantités. Que ce soit en pharmacie, en cosmétique ou pour la consommation, au final, je n'en garde pas beaucoup.
- Vraiment ? s'étonna Mu. Je pensais le contraire.
- Il y en a un peu partout, chez moi, sous toutes les formes, je comprends ta confusion, concéda l'aîné en penchant élégamment sa tête sur le côté. Et j'en distribue aussi pas mal, je décore le Treizième, bien sûr et les appartements de la Déesse Athéna, mais peu de nos camarades m'en demandent. Sauf, évidemment, pour des occasions particulières. Enfin si, une rose ou plus de temps en temps, je suis un vrai distributeur pour certains… pour tous, en y réfléchissant ! finit-il par en rire. Ils sont tous bien plus romantiques qu'ils ne le laissent supposer. Mais ce que je veux dire, c'est que mettre un bouquet pour égayer son appartement, son hall, ses murs, on ne me le demande pas souvent. A part Shura, Shaka, Camus et Aldebaran, et je l'espère, maintenant, toi aussi.
- Tu m'as convaincu, même si j'ai toujours pensé que les murs austères de nos Temples en auraient bien besoin.
- Exactement !
- Tu devrais avoir plus de demandes, je pense, car beaucoup ont voulu savoir d'où provenait ce merveilleux parfum, dans mon Temple. Plutôt que du désintérêt, je crois juste que certains n'osent pas te le demander, à mon image.
Un éclair de tristesse traversa les yeux aussi bleus que le ciel d'été du Douzième gardien.
- Vraiment ? Même aujourd'hui ? Je fais encore si peur que ça ? Ou avoir quelque chose de moi…
- Non, pas du tout, le rassura immédiatement Mu en posant sa main sur son bras nu. Mais elles sont toutes tellement belles, Aphrodite… Ce serait presque comme un sacrilège de les sortir de ce lieu magnifique qui leur sert d'écrin.
Un doux sourire revint illuminer le visage d'Aphrodite à l'entente de ces mots.
- Elles sont là pour apporter leurs bienfaits à leurs destinataires : que ce soit un message, car chacune a sa signification, un ravissement des sens par leur beauté ou leur parfum, le bien-être, car elles peuvent aussi être apaisantes ou stimulantes… même la simple joie quand on les reçoit… elles sont toutes utiles ! Donc, je compte sur toi pour le faire savoir, Mu : je serai ravi de donner fleurs et conseils, tant que j'ai l'assurance que la personne en prendra soin, lui dit-il en posant sa main sur la sienne, toujours si chaude et douce sur son bras.
- Je le ferai avec plaisir, assura le cadet, ému, alors que son aîné libérait déjà sa main et son bras, au passage.
La manière dont Aphrodite parlait de ses fleurs était toujours touchante.
C'était un peu comme s'il les missionnait pour apporter un bonheur que lui ne se sentait pas capable ou digne d'offrir aux autres.
Alors que tout partait de lui.
- Merci beaucoup, Mu !
- Merci à toi, Aphrodite. Nous avons beaucoup de chance de t'avoir avec nous.
Cette affirmation laissa une seconde le Douzième gardien, ancien vilain petit canard de la Garde dorée, sans voix.
- Comme architecte décorateur ? le taquina-t-il, une pointe d'amertume dans la voix. Maître jardinier ?
- Frère d'armes, ami et homme de goût, grand esthète, entre autres. Par tout ce que tu es et tout ce que tu fais, tu apportes la Beauté sous toutes ses formes au Sanctuaire et sur tout le Domaine, que tu pares de mille couleurs et de mille parfums.
- Mu…
- A notre retour, poursuivit le Bélier sans tenir compte de son intervention émue, tout n'était que vieilles pierres et ruines. Les vergers et les jardins du Domaine de notre enfance avaient disparu depuis bien longtemps, et la dernière Guerre sainte n'avait apporté que plus de désolation, encore.
- C'est vrai que tout avait été abandonné, sous le Lémure, soupira le Poissons. Je n'entretenais que mon jardin, mes roses empoisonnés chez moi, et autour du Treizième pour le protéger. De l'oliveraie, des vergers et du potager, il ne restait plus que l'Olivier sacré d'Athéna qui survivait seul et se suffisait à lui-même.
- Aujourd'hui, le Domaine est magnifique, et c'est grâce à toi en très grande partie.
Habitué aux compliments sur sa beauté et son physique avantageux, qu'il accueillait à bras ouverts, Aphrodite l'était beaucoup moins sur le reste, surtout depuis cette nouvelle vie qui l'avait vu changer et évoluer pour le meilleur.
Le pardon était une arme redoutable.
Il ne demandait pas aux personnes coupables de se racheter, mais exigeait de fait d'en être digne.
Le travail de tout une vie…
Les compliments le gênaient donc souvent, car il ne s'en sentait justement généralement pas digne.
Aussi, détourna-t-il le regard un court instant, avant de se reprendre et d'user d'un ton léger, riant presque.
- Je ne suis pas tout seul à entretenir tout ça !
- Mais tu es le Maître d'œuvre, le chef d'orchestre. Et tu donnes envie, Aphrodite, vraiment. Si les Chevaliers ne sont pas encore prêts à décorer leur intérieur sur tes conseils avisés, tu as au moins toujours des volontaires pour travailler sur tous les espaces verts que comportent aujourd'hui la Terre sacrée d'Athéna. Ce n'est pas rien, venant d'eux, alors que certains préfèrent soulever cent blocs de marbre que de tailler une simple haie. Pourtant, ils sont toujours prêts à le faire avec enthousiasme, si tu leur demandes.
- Oui, c'est vrai, tu as raison, concéda-t-il, touché. Je ne me rends pas toujours compte des choses. Heureusement que vous êtes là pour m'ouvrir les yeux de temps à autres !
- A ton service, et avec plaisir, répondit le Bélier en inclinant légèrement la tête.
- Merci, Mu. Je…
- Oui ?
Aphrodite secoua la tête, faisant voler quelques mèches de cheveux échappées de sa queue de cheval haute, et qui retombèrent ensuite souplement pour encadrer gracieusement son visage.
Mu les fixa un instant, bloquant l'élan de sa main qui avait voulu, tout naturellement, aller saisir l'une d'elles pour la glisser derrière une oreille délicate.
Ce genre d'envies, qui ressemblaient parfois à des réflexes, se multipliaient, depuis quelques temps.
- Je me disais simplement que c'est moi qui avais de la chance, répondit Aphrodite, le sortant de ses pensées. Mon univers se résumait à Saga, Angelo et Shura, et il s'est considérablement élargi, en quelques mois, surtout les derniers. Je ne pensais pas que ce seraient Shaka et toi qui feraient tomber mon second niveau de barrières les premiers. Et pourtant, aujourd'hui, nous sommes amis, tous les trois.
- En effet, nous le sommes.
- Vous êtes beaucoup trop bons, tous les deux, vraiment, vos cœurs sont incroyablement purs.
- Nous le sommes seulement avec ceux qui le méritent, nous ne faisons pas acte de charité avec toi, Aphrodite. Je sais que tu ne crois pas en faire partie, mais c'est à nous d'en juger. Et Shaka et moi sommes entièrement d'accord là-dessus, auquel cas, nous ne perdrions pas notre temps à le partager avec toi.
- Cela me touche, vraiment. Mais j'imagine que c'est aussi gratifiant de côtoyer le plus beau Chevalier qui soit ! Même si ce genre de choses superficielles n'est pas important pour vous deux, particulièrement.
Mu sourit, pas dupe pour une drachme son aîné ne fanfaronnait que pour dissimuler sa gêne et reprendre contenance.
- En effet, nous voyons au-delà des apparences, avec notre âme et notre cœur plutôt qu'avec nos yeux. Et nous te voyons autant que nous te regardons, Aphrodite, dans tout ce que tu as de plus beau. Mais nous avons fait une longue digression par ma faute, pardonne-moi, enchaîna-t-il rapidement pour changer de sujet et ne pas l'embarrasser davantage, le sentant un peu fébrile.
Aphrodite apprécia l'attention et le remercia d'un sourire, avant de saisir la perche tendue pour s'éloigner de ce terrain glissant où les compliments et l'attention qu'il recevait lui faisaient facilement perdre pieds.
- Elle était très utile ! Et flatteuse. Mais reprenons, oui, il faut quand même avancer. Alors, première chose : pour couper les tiges destinées aux boutures, il faut que tu fasses attention à ne prendre que celles qui ont au moins un bourgeon et trois yeux, expliqua-t-il, de nouveau incliné vers ses précieuses roses.
Mu se pencha à son tour, se rapprochant opportunément de son aîné sans en avoir l'air, et désigna une tige.
- Celle-ci, par exemple ?
- Oui, exactement, confirma Aphrodite en souriant et en tournant son profil vers le sien.
Et son sourire se figea.
Ils étaient vraiment proches, leurs visages à un souffle l'un de l'autre.
Il ne s'y attendait pas, il n'avait pas perçu le mouvement discret de Mu qui avait réduit sensiblement la distance entre eux.
Son cœur rata un battement, avant de repartir en trombe.
Mais il se reprit vite et se redressa, rompant le moment suspendu, et recula prudemment.
- Attends, avant de commencer, je vais te chercher des gants pour que tu ne te blesses pas avec les épines des roses. Et peut-être aussi, un tablier… ou alors je te prête un haut, plutôt. Tu ne travailleras pas la terre, je m'occuperai des boutures plus tard, mais on ne sait jamais. Mes roses ne seront pas agressives avec toi et te laisseront faire, mais elles sont parfois taquines. Je ne voudrais pas que tu abîmes ta si jolie chemisette en l'accrochant. Elle te va vraiment bien, en plus.
- Je sais que tu apprécies me voir la porter, aussi, je veille à la mettre spécifiquement lorsque je viens te voir.
- Raison de plus ! Cette délicate attention doit être préservée. Je reviens de suite, ne bouge pas.
Le Douzième gardien gagna rapidement sa chambre et choisit une de ses tenues de jardinage.
Elles étaient en fait constituées de chemises ou de blouses qu'il avait un temps porté, mais qui ne lui plaisaient plus, dorénavant, ou qui ne lui allaient plus, aussi, cela ne le dérangeait pas de les abîmer.
Il utilisait aussi parfois ses tenues d'entraînement ou celles avec lesquelles il faisait du sport.
Comme celle qu'il portait, ce jour-là : un cuissard long bleu ciel, collant mais respirant pour qu'il n'ait pas trop chaud, qu'il utilisait pour courir ou faire du vélo sur la plage, et un t-shirt rouge vif, au col large qui découvrait parfois son épaule en glissant.
Pour Mu, Aphrodite ne laissa rien au hasard et opta pour une tunique qui lui irait bien, il en était certain.
Il le lui apporta et prétexta aller chercher des gants pour ne pas le regarder se changer.
Bien sûr qu'ils s'étaient déjà vus torses nus, mais disons qu'Aphrodite n'avait pas connu d'étreinte intime depuis un moment et la sensation d'un corps chaud et musclé contre le sien commençait à sérieusement lui manquer.
Même s'il lui arrivait encore parfois de dormir avec Shura et Angelo, ils veillaient tous les trois à rester entièrement habillés, c'était plus prudent…
Et leur chaleur, bien que réconfortante, n'était pas la même.
Se retrouver face aux torses nus de ses camarades aux thermes ou dans l'arène ne le mettait pas systématiquement dans tous ses états, fort heureusement, mais dans un moment comme celui-ci, seul avec Mu, il n'était pas certain de ne pas se trahir en ayant à nouveau sous ses yeux les muscles fins, déliés mais non moins puissants du torse du Bélier.
Il ne voulait pas risquer, par un geste ou un regard trop appuyé, de compromettre leur amitié qui lui était devenue précieuse, au fil des mois, depuis qu'ils avaient travaillé ensemble sur le jardin de Shaka et s'étaient rapprochés.
Mu était un homme entier, à la bonté d'âme exceptionnelle, mais aussi extrêmement exigeant et intransigeant avec le devoir et la loyauté.
Jamais Aphrodite n'aurait pu imaginer qu'il se verrait pardonné pour sa vie de pêchés et tout le mal qu'il avait pu faire ou incarner.
Mais non seulement son cadet lui avait accordé son pardon, mais également, son amitié.
Il n'était bien évidemment pas aussi proche de lui qu'il l'était de Shura ni d'Angelo, mais Shaka et Mu venaient juste après, désormais.
Certes, ils ne se confiaient pas sur tout, encore, ses deux cadets étant aussi de nature très réservée, mais ils étaient d'une grande écoute.
Et si les deux premiers n'étaient pas disponibles, Aphrodite se tournait désormais spontanément vers les seconds.
Il avait avec eux une relation un peu plus développée qu'avec les autres, même s'il s'entendait très bien, aujourd'hui, avec tout le monde.
Même avec Aiolia, alors que Deathmask, Shura et lui n'avaient pas été tendres avec « le petit frère du traître ».
Mu lui avait fait un véritable cadeau, Aphrodite en était d'autant plus conscient qu'Angelo n'avait pas eu le même traitement.
Le Cancer avait été absous de ses péchés par la Déesse et accueilli par ses pairs, nouant de vrais liens avec chacun d'eux, depuis, progressivement et à différentes échelles, cependant, le Bélier se disait encore aujourd'hui incapable de lui pardonner entièrement.
Ceci dit, Mu ne lui reprochait pas un fait qui s'était déroulé, mais quelque chose qui aurait pu se passer.
Et bien que cela ne soit finalement et heureusement pas arrivé, le seul fait que ça aurait pu se produire bloquait totalement le pourtant réputé si sage et compréhensif Bélier.
Et pour cause, ce fait était tout simplement la possibilité qu'Angelo, enfin, Deathmask, s'en prît à Kiki sans la moindre hésitation.
A cette terrible époque, il tuait des enfants sans ciller, parfois encore dans le ventre de leurs mères.
Alors s'il avait considéré Kiki, au même titre que Mu, comme un ennemi du Sanctuaire, malgré son jeune âge, il lui aurait ôté la vie sans état d'âme et peut-être de manière douloureuse.
Ce simple fait mettait Mu dans une rage contenue inhabituelle chez cet homme si sage et posé, que tout le monde pouvait percevoir à travers leurs cosmos, même si rien ne transparaissait sur son visage et dans son attitude corporelle, autre que la froideur qu'il lui témoignait dorénavant.
Aussi, ayant découvert cette intransigeance chez Mu, Aphrodite chérissait leur lien comme un trésor et veillait tout particulièrement à ne rien faire qui put la mettre en péril.
De retour auprès de lui, il sourit fièrement, satisfait d'avoir encore une fois su faire le bon choix vestimentaire : la tunique qu'il avait choisi pour son cadet lui allait parfaitement, comme prévu !
Le vert et le mauve de ses motifs faisaient ressortir ces mêmes couleurs dans les yeux de Mu.
Cela aussi, il l'avait récemment découvert, à peine quelques jours plus tôt, alors qu'il avait été très proche de lui.
Ils étaient installés sur des nattes dans le jardin, tous les trois, avec Shaka, et ses deux amis lui parlaient des différents chakras, notamment celui du cœur. Ils étaient en train de lui décrire comment il était représenté dans les écritures et l'iconographie bouddhique.
*- Les couleurs associées au Chakra du cœur, appelé Anahata, sont le vert et le rose. Le vert représente la guérison, la croissance, ainsi que des relations heureuses avec les autres. Il symbolise également la présence nourricière et thérapeutique de la nature autour de nous.
- Le vert fait référence à un amour plus extérieur, tourné vers les autres, mais sa deuxième couleur, le rose, résonne avec l'amour intérieur, c'est-à-dire l'amour de soi, celui qui prend soin de notre enfant intérieur et de nos parts blessées. C'est pourquoi nous t'invitons régulièrement, Shaka et moi. à poser tes deux mains sur le chakra du cœur, au niveau du sternum, pour ressentir en pleine conscience ses vibrations apaisantes.
- D'autres interprétations avancent que les deux couleurs du Chakra du cœur correspondent à différents moments de la vie. Anahata est vert dans l'enfance, puis devient rose à mesure que l'on avance vers l'âge adulte. C'est d'ailleurs la raison avancée expliquant pourquoi Shion a les yeux roses, aujourd'hui, une couleur qui n'existe pas dans la nature et qui est de l'exacte nuance d' Anahata.
- C'est pas vrai, Shaka, tu es sérieux ? Mu ?
- Shaka dit vrai. Cela est dû à son incroyable temps de vie, qu'il a passé en sagesse et en pleine conscience, dans l'amour des autres et l'acceptation de soi et de ses propres faiblesses.
- Tu pourras bientôt le voir dans la Galerie des portraits des Chevaliers installée par Athéna, au Palais, lorsqu'elle sera terminée et inaugurée, et en attendant, Dokho te le confirmera, mais sache que dans sa jeunesse, Shion avait les mêmes yeux que Mu, d'un vert intense pailleté de rose, dont les éclats se sont rapidement accentués au fil des années après la Guerre sainte, et très tôt. Jusqu'à s'étendre à toute l'iris.
- Tu as du rose dans les yeux, Mu ?
- Oui.
- Et un peu plus présent, d'année en année.
- Je n'en suis pas certain, Shaka. En tous cas, ce n'est pas encore visible, à distance.
- Je confirme, je ne vois rien, d'ici !
- Si tu y consens, Mu, Aphrodite peut s'avancer pour mieux voir.
- Cela ne me dérange absolument pas. Viens, approche.*
Aphrodite ne s'était pas fait prier, il voulait absolument voir ce phénomène, curieux comme il était !
Il s'était alors penché vers son cadet en veillant tout de même à ne pas envahir son espace vital ni l'oppresser.
Leurs visages séparés de quelques centimètres à peine, le regard d'Aphrodite avait plongé sans aucune retenue dans celui de Mu, déjà habituellement presque magnétique, quand on y restait longtemps attaché.
L'atlante avait cette capacité à capturer le regard des autres et le verrouiller, c'était envoûtant.
Les éclats de rose étaient invisibles de loin, mais ils devaient contribuer à donner cette impression étrange quand on le regardait dans les yeux.
D'aussi près, Aphrodite avait été comme aspiré par ce tourbillon de couleurs et de vie.
Tout avait soudain disparu autour de lui, autour de Mu et lui, il n'y avait plus eu qu'eux et leurs regards verrouillés l'un à l'autre et ce, avec une telle force, qu'ils en avaient presque tout deux oubliés de respirer.
Découvrir ce vert d'eau si intense pailleté effectivement d'éclats entre mauve et rose, qui rappelaient tout à fait la couleur extraordinaire des yeux de Shion. avait bien failli lui faire perdre pieds et se noyer.
Un comble pour le Chevalier des Poissons…
Et Mu, qui lui avait rendu son regard à l'identique, sans qu'Aphrodite ne se douta que c'était parce qu'il s'était lui aussi complètement perdu dans ses yeux d'un bleu qu'il avait découvert bien plus profond et nuancé qu'il ne paraissait à distance convenable et réglementaire, ne l'avait pas aidé à retrouver une prise dans la réalité.
Ce fut leur ami Shaka qui, sentant qu'en écho à leurs cœurs, leurs cosmos commençaient à s'emballer, fait très inhabituel chez Mu, par ailleurs, s'était décidé à intervenir avec sa discrétion légendaire, les ramenant à lui, à la dimension présente, et… à la raison.
Les deux hommes avaient alors repris leurs positions, un peu troublés encore, mais Aphrodite avait rapidement retrouvé un ton enjoué et curieux, posant à nouveau des questions sur les chakras, alors que Mu s'était fait plus discret un temps encore.
Alors certes, depuis ce moment unique, Aphrodite n'avait plus été aussi proche de Mu et donc, ces fameux éclats roses n'étaient pas visibles, mais connaissant leur existence, désormais, Aphrodite avait l'impression de les voir malgré tout, même avec un peu de distance, à chaque fois.
Et sa jolie tunique accentuait cette s'impression rémanente.
Se rappeler cet incroyable moment avec son cadet fit d'ailleurs battre son coeur à un rythme un peu plus soutenu.
-Elle est plus belle que la mienne et de meilleure qualité, tu es sûr que je peux porter ça pour jardiner ? demanda Mu, inquiet, en admirant le vêtement sur lui. J'en prendrai soin, bien sûr, mais c'est risqué.
- Ne t'en fais pas, je ne la mets plus depuis longtemps. Tu pourras même la garder, elle te va vraiment bien !
- C'est très gentil, mais…
- J'insiste, Mu ! lui dit-il en prenant ses deux mains entre les siennes.
- Dans ce cas, garde-là moi ici, je la mettrai quand je viendrai jardiner avec toi, proposa-t-il.
- Mais tu pourrais la mettre pour d'autres occasions, aussi, elle est quasiment neuve. Je ne l'ai que très peu porté ! Enfin, si elle survit au bouturage !
- J'aime bien l'idée d'avoir ma propre tenue, ici, chez toi, pour nos moments au jardin. Si tu es d'accord, bien sûr.
- Entièrement d'accord, accepta-t-il en souriant largement. J'aime bien cette idée, moi aussi ! Après tout, j'ai, moi aussi, chez toi, un joli dhoti que tu m'as donné et que je mets pour nos moments « prendre le temps pour le thé ». (1)
- Exactement. J'aime aussi le fait que tu portes mes vêtements, te voir dedans me plaît.
Leurs regards s'accrochèrent un moment, puis Aphrodite détourna le sien un court instant.
Mu se rendait-il compte de l'ambiguïté de ses propos ?
L'aîné préféra faire comme si ce n'était pas le cas, malgré le fait que ses mains, toujours prisonnières des siennes, avaient semblé se resserrer autour de ses doigts.
- D'ailleurs, parlant de thé, tu veux boire quelque chose, avant de continuer ? proposa-t-il, les yeux à nouveau rivés aux siens.
- Non, ça ira, pas pour l'instant. Merci, Aphrodite.
- D'accord ! N'hésite pas.
- Promis.
- Alors, on reprend, décréta le Douzième gardien en libérant ses mains pour se pencher de nouveau sur ses fleurs. Une fois que tu as repéré une tige, il faut que tu conserves les 20 centimètres du centre, parce que les extrémités sont trop tendres, et pour ça, tu dois couper juste au-dessus d'une paire de feuilles. Comme ça, expliqua-t-il en sectionnant une première tige. A toi.
Mu repéra une rose répondant aux critères de sélection et se positionna pour la couper, selon les indications de son aîné, et le fit lorsqu'il valida.
Celui-ci le regarda faire encore deux ou trois fois, puis, assuré qu'il savait ce qu'il faisait, le maître jardinier s'occupa de sa propre sélection.
Ils échangeaient parfois quelques mots, d'autres fois, travaillaient dans un silence plaisantant et confortable, intime.
Ils aimaient tous les deux partager ensemble ce genre de moment.
C'était ainsi qu'ils avaient commencé à se parler vraiment pour la première fois, quelque mois plus tôt, au moment de l'aménagement du jardin de Shaka.
Ils s'étaient retrouvés tous les deux seuls sur une parcelle et la discussion s'était engagée, d'abord par des questions de Mu sur ce qu'ils étaient en train de faire, sur les plantations, puis progressivement, l'échange s'était élargi à d'autres sujets, au fil des jours qui avaient vu ces moments à deux se répéter.
Et cela s'était poursuivi, ce, même rejoints par Shaka et/ou Aldébaran.
Après une quinzaine de minutes, Aphrodite se redressa.
- Je pense que c'est suffisant, Mu, on peut s'arrêter là. Merci beaucoup pour ton aide !
- Tu ne veux pas qu'on continue avec les boutures ? Cela me fera réviser un peu mes leçons, et je pourrais faire les miennes sans t'appeler au secours à chaque fois.
- Cela ne me dérange pas que tu le fasses, Mu, assura Aphrodite en rassemblant délicatement toutes les roses qu'ils avaient sélectionné, toujours à mains nues, sans aucune crainte des épines pourtant bien acérées.
Cela faisait un beau bouquet coloré et varié, avec toutes les nuances de rouge, de blanc, évidement, mais aussi de rose, d'orange, de fleurs parfois bicolores, des pétales doubles, de larges fleurs et d'autres, plus discrètes.
- Je préfère t'appeler pour d'autres raisons ou le simple plaisir de te voir.
- Tu peux faire les deux ! Mais soit, je veux bien te montrer. On ne sait jamais, si tu veux le faire mais que je ne suis pas là.
- Par exemple.
- Assis-toi, je vais chercher du matériel en plus.
Mu s'installa devant la grande table en bois d'une petite terrasse qui servait d'atelier extérieur à Aphrodite, où de nombreux pots étaient déjà posés.
Il y avait également plusieurs outils, des sacs de sable et de terreau, d'autres sachets sans inscription, des jerricanes d'eau, des plants, et d'autres choses encore.
Cela sentait bon la terre et les fleurs.
Tout le jardin sentait bon, les senteurs étaient multiples, mais elles se mêlaient harmonieusement, tous comme les couleurs diverses et nuancées.
Mu n'exagérait pas en disant qu'Aphrodite était un chef d'orchestre, mais c'était aussi un artiste, et la toile que formait son jardin présentait à chaque saison une peinture différente, la partition, une composition chaque jour unique par la mélodie qui s'y jouait : le jardin était vivant, par le bruissement du vent entre les feuilles, le murmure des insectes et le chant des oiseaux qui y avaient trouvé le refuge parfait.
Il l'était aussi pour les hommes, tant la paix qu'il abritait parvenait à gagner le cœur et l'âme de ceux qui prenaient le temps d'y faire halte.
Aphrodite avait également une petite distillerie au fond du jardin, où il réalisait toutes les étapes préliminaires à ses préparations diverses et variées, en cuisine, en pharmacie, en cosmétique. Et autour de laquelle flottait, en permanence et parfois de manière plus accentuée, une délicieuse et envoûtante odeur d'alcool et d'essence de fleurs…
Le Maître de cet univers enchanté revint assez vite avec quelques outils en plus, mais aussi une carafe d'eau gazeuse à la menthe, la préférée de Mu, et deux verres.
Il les servit, tandis que celui-ci le remerciait pour son attention.
Ils prirent le temps de se désaltérer un peu, il faisait déjà chaud en ce milieu de matinée, même si la table était à l'abri à l'ombre d'un grand pommier.
Puis, Aphrodite démarra sa leçon de bouturage.
- Surtout, veille à bien retirer toutes les feuilles de la tige, exceptées les deux du haut. Enlève aussi les épines situées sur le tiers inférieur de la tige sur environ 5 centimètres.
- C'est ce qui sera mis en terre ? demanda Mu en suivant ses indications.
- Exactement. Ensuite, tu mets le bas du rameau dans l'eau, poursuivit-il en joignant le geste à la parole, puis, si tu en as et que je ne suis pas disponible, tu peux aussi le mettre dans une poudre ou un gel d'hormones de bouturage pour stimuler la production de racines.
- Mais même si tu n'es pas là au moment où je bouture, tu pourras repasser à ton retour. Je préfère que les plantes soient stimulées par ton cosmos plutôt que par des produits, même s'ils sont naturels.
Aphrodite sourit, ravi par cette réponse à laquelle il s'attendait.
Mu respectait tellement la nature, le vivant en général, cela le touchait particulièrement.
Il était l'un des seuls, avec Shura, Saga, Shion, Dokho, Shaka et Shun, à saluer la nature, lorsqu'il entrait dans son jardin, par exemple, en accordant un long regard à chaque bosquet qu'il voyait, même aux fleurs sauvages et libres qui s'épanouissaient de-ci, de-là.
- C'est aussi mon cas. Je n'aime pas trop utiliser ce genre de choses, j'ai l'impression de les forcer, d'une certaine façon. Je préfère le leur demander, quand c'est nécessaire que ça aille un peu plus vite, comme dans le jardin de Shaka. Sinon, je les laisse travailler et vivre à leur rythme, murmura-t-il en caressant les pétales de la rose blanche qu'il tenait, avec une touchante délicatesse. La perfection prend du temps.
Mu regarda Aphrodite si intensément que celui-ci finit par se tourner vers lui et se sentit presque rougir.
- J'ai dit quelque chose de spécial ? demanda-t-il avec un petit rire gêné.
- Je suis désolé, j'ai simplement été, une nouvelle fois, saisi par la beauté qui réside en toi et que tu laisses parfois filtrer, expliqua le Bélier sans le quitter des yeux.
- Qu'est-ce que tu racontes, il n'y a nulle beauté à l'intérieur, Mu ! Tout a été utilisé pour l'enveloppe extérieure ! Il fallait au moins ça pour cacher la pourriture interne, je suppose.
L'auto-dérision ironique et mordante pour cacher ses profondes blessures, comme toujours.
Mais là où, autrefois, elle était teintée de méchanceté et d'agressivité, elle n'était plus, aujourd'hui, que le reflet de la sensibilité insoupçonnée du Poissons et surtout, de sa peur d'être rejeté.
Car en vérité, toute sa vie, toutes ses vies, pourrait-on dire car la première autant que l'actuelle étaient concernées, il n'avait voulu qu'une chose : être reconnu au-delà de sa beauté et surtout, être aimé.
Par Saga, évidemment, mais pas que.
Et ayant grandi en s'enfermant dans cette idée qu'il ne serait jamais assez bien pour personne, assez digne, conditionné par le Lémure qui lui répétait ces mêmes mots terribles, le manipulait, œuvrait pour accentuer le mal et la folie en lui, préservé du basculement total uniquement grâce à l'amitié d'Angelo mais surtout, celle lumineuse et salvatrice de Shura, il avait bien du mal à accepter, aujourd'hui, que quiconque put lui trouver une quelconque beauté autre que le physique plus qu'avantageux que la nature lui avait octroyé.
Mu posa sa main sur le bras d'Aphrodite et y exerça une légère pression.
- Athéna t'a rendu la pureté de ton cœur et de ton âme, et ils sont tous deux aujourd'hui magnifiques, Aphrodite. Tu devrais en être aussi fier que tu ne l'es de ta beauté physique.
Le Douzième gardien se mordit la lèvre.
- Tu es gentil, merci, Mu.
- Je suis sincère.
Oh, oui, Aphrodite en était certain, vu l'intensité du regard que son cadet posait sur lui, encore une fois.
Mu était un véritable ami, cela le touchait beaucoup de le voir si prompt à le complimenter et le rassurer.
Et à rechercher sa compagnie, aussi, de plus en plus souvent.
- Je n'en doute pas. Cela viendra peut-être avec le temps, j'apprendrai à me regarder autrement. Après tout, si tu me reconnais tant de valeur, et Shaka aussi, au point de m'accorder votre amitié, c'est qu'il doit y avoir quelque chose qui en vaut la peine.
- Exactement. Tu en vaux la peine. Et effectivement, je ne suis pas le seul à le penser.
- Je sais.
Un court silence s'imposa, puis Aphrodite reprit, car Mu continuait de poser sur lui et avec intensité ses yeux qui cillaient à peine.
Cela ne le mettait pas mal à l'aise, il était plus ou moins habitué au regard si particulier de l'atlante.
Cependant, il avait l'impression qu'il y avait autre chose, une attention un peu plus marquée, peut-être… ?
Avec la solitude qui lui pesait de plus en plus, c'était très dangereux de ressentir ce genre de choses, ça amenait si vite à de l'interprétation et des malentendus.
Il devait rester prudent.
- Alors, où en étions-nous… Ah ! oui, on passe donc l'étape du gel d'hormones de bouture et après avoir mis le rameau dans l'eau, on le place directement dans le pot. Je rappelle qu'il y a pour moitié du terreau ou de la tourbe, et pour moitié du sable pour les rosiers. Ce peut être différent, selon les boutures, selon les fleurs, mais aussi, les variétés d'une même espèce.
- C'est noté, acquiesça Mu.
Il ôta sa main du bras d'Aphrodite sur lequel il s'était attardé pour reprendre son ouvrage.
- On enfonce bien les cinq centimètres qu'on avait prévu sur la tige…. voilà… et après, il n'y a plus qu'à arroser, et c'est fini !
- Les pots sont grands, fit-il remarquer.
En effet, ils devaient travailler debout, les larges pots alignés sur la table.
- Il faut que les racines puissent se développer, ces demoiselles ont besoin de place.
- J'imagine. Et tu les mettras en pleine terre quand ?
- A la fin de l'automne. D'ici-là, elles resteront à l'abri dans la serre, au frais et au sec.
- Elles y seront bien.
- Oui, comme des reines ! s'enthousiasme Aphrodite. C'est bon pour toi, Mu, tu as d'autres questions ? N'hésite pas !
Le Bélier s'accorda un temps de réflexion, puis sourit.
- Pas pour le moment, non.
- Une dernière chose, on peut mettre jusqu'à trois boutures dans ces pots-là, ils font une quinzaine de centimètres. Deux dans ceux-ci, qui sont un peu plus petits, précisa-t-il en les désignant tour à tour. Si tout est clair pour toi, alors, c'est parti !
Une bonne demi-heure passa de la même façon que le temps précédent, entre discussions enjouées et silences intimes et confortables, échanges de sourires et de regards divers et variés.
Pour aller plus vite, Mu téléporta ensuite les grands pots de boutures directement dans la serre, précisément là où Aphrodite le lui indiqua.
Ils revinrent ensuite ranger l'atelier extérieur.
- Je ne dirai pas non à une bonne douche ! soupira Aphrodite en s'étirant élégamment.
- Moi non plus, répondit Mu en s'essuyant le front.
Avec un naturel qui s'était progressivement installé entre eux, le maître des lieux humidifia son pouce pour essuyer la légère trace de terre que son invité y avait laissé, souriant devant ce spectacle.
Et pour la énième fois ce matin-là, leurs regards s'accrochèrent quelques instants, et comme toutes les fois précédentes, Aphrodite se détourna assez rapidement.
- Je sais que tu pourrais être chez toi nu sous la douche en un claquement de doigt, mais puisque c'est bientôt l'heure de déjeuner, et que je tiens à te remercier de ton aide en t'invitant à ma table, tu peux tout aussi bien en prendre une ici, avant le repas, le temps que je finisse de ranger, lui proposa-t-il en terminant de débarrasser la table. Je prendrai rapidement la mienne après toi.
- On devrait la prendre ensemble.
- Mu, voyons ! gloussa Aphrodite en lui faisant face, amusé par l'idée.
Mais voyant que son cadet gardait son sérieux, il reprit le sien.
- Je sais qu'on est habitué à se voir plus ou moins nus entre nous aux thermes, mais ma baignoire a beau être très grande, il nous faudrait être très proches sous le jet d'eau pour se laver…
- En effet.
Le Douzième gardien, qui avait repris un rangement inutile pour se donner une contenance, s'immobilisa et observa le Premier.
- Je pensais que nous étions devenus amis.
- Nous le sommes.
- C'est une plaisanterie très cruelle pour un ami qui s'est parfois confié sur sa solitude, Mu.
- Cela n'en est pas une, Aphrodite, assura-t-il, toujours aussi sérieusement. En aucune façon.
Ayant décidé d'aller au bout de son initiative, son regard vert était franc et déterminé.
Et incroyablement hypnotique, encore une fois.
Aphrodite s'était très tôt fait cette réflexion et il y avait d'ailleurs été de plus en plus sensible, c'était pourquoi il avait souvent besoin de couper le contact visuel en détourant les yeux, un court instant.
Mu posait ses yeux sur le monde d'une manière singulière qui lui était propre, avec une rare intensité, voire une certaine forme d'avidité.
Comme s'il voulait tout connaître de lui, tout apprendre, percer tous les mystères, d'une part, et s'abreuver de sa beauté et de tout ce qu'il avait à offrir, ne voulant pas en perdre une miette.
C'en était parfois fascinant, parfois troublant.
Depuis peu, il arrivait à Aphrodite de surprendre une intensité presque équivalente dans les regards qu'il lui adressait plus particulièrement.
Et ce jour-là en particulier.
Mais encore une fois, il avait surtout trouvé cela dangereux et probablement né de son imagination, de son envie de susciter un tel intérêt, de sa solitude pesante au milieu de tous ces couples si amoureux qui vivaient clairement leurs meilleures vies.
- Qu'est-ce, alors ? Essaies-tu de me séduire ? demanda-t-il d'un ton léger, qui cachait le sérieux de son questionnement.
Autant en avoir le cœur net, ce n'était pas bon de se faire des idées, leur amitié finirait par en pâtir.
Mu allait gentiment lui répondre que bien sûr que non, il ne lui faisait pas des avances, ils étaient deux adultes, amis et frères d'armes, ils pouvaient donc bien se laver ensemble, même en étant très proches.
Il n'y avait aucune ambiguïté entre eux, Mu ne le voyait pas autrement que…
- Je t'offre une alternative aux objets froids et sans vie avec lesquels tu joues pour tromper la solitude, le manque et l'ennui. Si cela t'intéresse, tu me trouveras dans la douche, conclut-il en se penchant vers lui pour murmurer ces derniers mots au creux de son oreille, sa main posée sur l'arrondi de sa joue.
Puis, il se détourna sans attendre et regagna l'intérieur du Temple, laissant Aphrodite complètement abasourdi par ses propos.
Certes, il avait appris à connaître Mu au fil des mois précédents, et ce faisant, il s'était rapidement aperçu du petit caractère que possédait ce dernier, qu'on ne lui soupçonnait pas de prime abord.
Quand on pensait à Mu, c'étaient la sérénité, la gentillesse et la douceur qui venaient en premier lieu à l'esprit.
On le savait très puissant, personne n'avait le moindre doute là-dessus, il ne tergiversait jamais et ne faisait pas de cadeaux à ses ennemis.
Revêtu de son armure imposante, il était une forteresse inébranlable.
Mais dans un monde en paix, il était à l'image de celle-ci, comme à l'écart de l'agitation des Hommes et des Dieux.
Et il parvenait à créer cette même sérénité autour de lui.
C'était ce qu'Aphrodite appréciait tant chez lui, ce qui le faisait se sentir si bien, en sa présence.
Il avait même songé, parfois, au cours ou au terme d'un moment partagé avec lui, qu'il était béni des Dieux de pouvoir le côtoyer ainsi.
Ce n'était pas rien, le concernant.
Mu était parfaitement conscient de la manière dont tout le monde le percevait et il avait mis en garde Aphrodite à ce sujet, dès qu'ils avaient commencé à passer plus de temps ensemble et se rapprocher.
*N'en déplaise à Angelo, je ne suis ni un mouton, ni un agneau, mais bel et bien un Bélier. Je suis un signe de feu, affilié à la planète Mars, donc au Dieu belliqueux Arès. Ma constellation protectrice est liée à Jason et sa quête de la Toison d'or, une aventure qui évoque le risque et l'ambition. Je sais ce que je veux et comment l'obtenir, Aphrodite, je vais toujours au bout de ce que j'entreprends. Cela ne m'empêche pas d'être gentil, doux et sensible, au quotidien, ni d'avoir acquis une certaine sagesse. Mais c'est un choix de ma part, je ne subis pas ces traits de caractère, et je ne les feins pas non plus.*
Se rappelant de ce discours qui l'avait marqué, Aphrodite put alors facilement prendre sa décision.
Mu n'agissait pas par hasard, il savait ce qu'il voulait, et ce qu'il voulait, présentement, c'était lui, Aphrodite.
Alors, sans plus d'hésitation, il regagna ses appartements, se déshabilla…
… et rejoignit Mu, qu'il découvrit debout dans la baignoire, nu sous le jet d'eau auquel il offrait son visage.
Magnifique et très excitante vision, que le Poissons n'aurait jamais cru possible de voir se matérialiser ainsi.
Si on lui avait dit un jour qu'il retrouvait Mu nu sous sa douche à l'attendre, il en aurait tellement ri qu'il aurait sûrement gagné un aller simple pour les Enfers.
Mais il était bien là.
Et si Aphrodite avait eu encore un léger doute sur les motivations de son cadet, la manière dont il l'accueillit y mit définitivement un terme.
Le baiser qu'ils échangèrent alors fut exigeant, avide et pourtant, terriblement sensuel et langoureux.
Il aurait suffi, à lui seul, à transporter Aphrodite dans une autre dimension.
Et de fait, au terme de celui-ci, alors qu'il reprenait à peine ses esprits – Déesse, que c'était bon d'être désiré et dévoré ainsi juste avec un baiser ! – il se rendit compte que l'eau ne coulait plus sur eux, qu'ils n'étaient plus dans sa salle de bain mais dans une autre, et donc, même plus chez lui.
Mu les avait téléportés hors du Sanctuaire, très loin du Domaine sacré, hors de portée de cosmos.
Ce qui se passait-là n'appartenait qu'à eux.
Le Douzième gardien n'eut pas le temps de poser la moindre question sur le lieu où ils se trouvaient, de toute façon, il avait autre chose en tête, d'une part, et d'autre part…
Mu n'avait visiblement pas l'intention de lui faire faire le tour du propriétaire…
La « douche » changea bien vite de nature, et leur étreinte se poursuivit en ce lieu inconnu, dont ils investirent ensuite une chambre et un lit qui l'étaient tout autant.
Et cet incroyable moment hors du temps termina de convaincre Aphrodite que Mu était le digne représentant de son signe : fougueux, passionné, conquérant, et extrêmement doué…
Mais où et quand avait-il donc appris tout cela ? s'était demandé le Poissons, lors d'un très court instant de répit où ses neurones avaient réussi à momentanément se reconnecter.
Avant d'être de nouveau emporté par le désir et le plaisir.
Son corps endormi et délaissé depuis de très longs et nombreux mois fut réveillé et éveillé à tel point qu'Aphrodite se sentit renaître.
Il se le réappropriait totalement, au fil de leurs échanges, à chaque caresse, chaque baiser, chaque effleurement et chaque douce morsure.
Au terme de ceux-ci, quand la tornade fut passée et le laissa comme un naufragé sur la plage après la tempête, le flot d'émotion qui l'assaillit alors fut si violent qu'il en eut le souffle coupé et que les larmes lui montèrent aux yeux.
Une angoisse sourde le prit également : le retour à sa solitude.
Il s'y était fait tant bien que mal, mais il en souffrait encore grandement, et après une telle étreinte, qu'il imaginait déjà unique et sans lendemain, l'idée d'y retourner lui pulvérisait littéralement le cœur, déjà bien malmené.
Il se mordit furieusement la lèvre au sang et posa son bras en travers de ses yeux pour tenter de contenir son émotion et ses larmes.
Mais Mu était extrêmement sensible et doué pour percevoir les sentiments des autres, l'âme et le cosmos, évidemment, c'était l'un des plus grands empathes, le plus doué de sa génération.
Il se redressa donc dans le lit, se pencha sur le visage de son aîné et embrassa ses lèvres, aspirant les gouttes de sang qui y perlaient de longues secondes.
- N'hésite pas à venir me trouver quand tu en as envie, Aphrodite. C'est ce que je ferai de mon côté, et j'espère que tu me répondras favorablement, lui dit-il en se rasseyant.
Les mots de Mu le soulagèrent, et il aurait pu s'en réjouir, mais quelque chose d'autre avait retenu son attention.
- Tu… as léché, non, aspiré mon sang… murmura-t-il sans bouger, cachant toujours ses yeux de son bras replié. Tu ne peux pas être déjà au courant… Ou alors, tu as pris l'antidote avant, tu avais tout prévu avant de venir...
- Je ne sais pas de quoi je pourrais ou non avoir été informé, mais ce qui est certain, c'est que je n'ai jamais eu besoin d'antidote à ton poison.
Cette fois, Aphrodite se redressa vivement.
- Mu, tu… !
Il s'interrompît en découvrant son cadet en tailleur sur le lit face à lui, le drap en travers de son bassin – merci, Déesse, ce qu'il voyait déjà était suffisamment tentant pour lui faire perdre le fil - la main tendue au creux de laquelle flottait une toute petite sphère rouge.
- Qu'est-ce que…
- J'ai extrait le sang que j'ai récupéré sur tes lèvres de mon organisme. Je voulais en soustraire le poison, mais je ne parviens pas à l'isoler. Pour être exact, je n'arrive pas à l'identifier.
La sphère de la taille d'un ongle de pouce disparut, téléporté par Mu jusqu'à la mer pour l'y dissoudre.
- La quantité est infime, mais de ce que je sais, elle est suffisante pour tuer, aussi, j'aurais dû pouvoir le détecter. J'en viens donc à me demander si ton sang est encore empoisonné. Je ne veux pas te donner de faux espoirs, Aphrodite, ajouta-t-il en prenant sa main abandonnée sur le lit, mais je me pose sérieusement la question. Je le sens qui imprègne ton être et ton cosmos, mais ton sang extrait ne semblait plus en contenir. Pourtant, je ne t'imagine t'imagine pas nous cacher un tel fait, et encore moins Athéna le faire. A moins…
- … qu'Elle n'en sache rien, compléta Aphrodite. Je te le confirme, Elle n'en savait rien, jusqu'à récemment.
- Alors ton sang n'est réellement plus empoisonné ? Pourtant, je le sens te parcourir… s'interrogea Mu en posant sa main à plat sur le torse d'Aphrodite.
Une main douce et chaude qui lui avait donné tant de plaisir en le caressant si habillement, qu'il lui provoqua un léger et délicieux frisson bien difficile à ignorer.
- Car c'est le cas, lui confirma-t-il en prenant sa main pour les poser ensemble sur sa cuisse. Il est une composante de mon être, Mu, il fait partie de moi, il est moi. Mais une fois hors de mon corps, il n'est désormais plus… actif, dirons-nous. Je ne peux plus empoisonner personne.
- C'est une excellente nouvelle, Aphrodite, se réjouit-il en serrant sa main plus fort. Depuis quand le sais-tu ? Comptais-tu nous en parler ?
- Évidemment que j'allais le faire ! assura l'aîné. Ce n'est pas quelque chose que je peux garder pour moi, tout le monde est concerné. Je voulais simplement attendre que nous soyons tous réunis et l'anniversaire d'Angelo, dans deux jours, me donne l'occasion parfaite pour cela. Mais je comptais te le dire, ainsi qu'à Shaka, avant les autres, j'avais commencé à le faire, je ne sais pas si tu te souviens. Enfin, Angelo et Shura sont déjà au courant…
- C'était certain qu'ils le seraient en tout premier lieu, répondit Mu d'un ton neutre. Quand l'as-tu appris ?
- Je le sais depuis trois jours, seulement, au moment de ma « petite » altercation avec Minos.
- Il est vrai que nous avons été interrompus, tu ne nous as pas tout raconté de cette rencontre, se souvint Mu, le visage fermé. Tu nous as simplement dit que Minos s'était introduit au Douzième après son audience au Palais pour te faire des avances déplacées. Mais alors que tu allais nous donner les détails, tu as été appelé par Shion.
- Oui, on passait un si bon moment, tous les trois, que j'en avais complètement oublié mon rendez-vous avec lui au Treizième pour la préparation de l'anniversaire de la Princesse en septembre, et aussi pour le cadeau d'Angelo, alors que les deux étaient très importants. Je n'ai donc pas perdu une une seconde pour le rejoindre au pas de course ! Et de ce fait, je n'ai pas pu continuer mon histoire et vous parler de mon poison.
- Et tu en es sorti très tard, de ce rendez-vous.
- M'en parle pas ! J'étais épuisé, en plus. Shion, est vraiment très exigeant. Même s'il me fait entièrement confiance pour les préparatifs de la cérémonie, il y a certains points sur lesquels j'ai dû négocier sévère. Enfin bref... Pour en revenir à notre sujet, 'ai le temps, maintenant, tu veux que je te raconte ? Ou est-ce qu'on doit rentrer ? D'ailleurs, où sommes-nous ? demanda-t-il soudain en balayant la pièce du regard à la recherche d'indices. Le réveil indique 5h, mais il doit être bientôt 11h ou 12h, à Athènes, je n'ai pas pris ma montre… Enfin, tu m'as un peu fait perdre la tête et la notion du temps, je ne suis plus sûr de rien, en vérité !
Mu sourit tout en serrant plus fort sa main, qu'il n'avait toujours pas lâché.
- Nous sommes au Brésil, chez Aldébaran.
- Mais… il n'y a personne ? s'alarma Aphrodite en baissant la voix. C'est pas un peu risqué ? On aurait pu réveiller quelqu'un !
- Non, c'est son appartement personnel, aucun risque, il est vide. Et très bien insonorisé, il me l'a assuré. Même quand il vient au pays, il n'y est pas souvent, il passe beaucoup de temps à la villa familiale. Nous sommes complètement seuls.
Aphrodite soupira de soulagement.
- D'accord, tant mieux… C'est vrai que tu m'as dit que je n'avais pas à retenir mes cris et mes gémissements, quand on a commencé…
- Je voulais les entendre, confirma Mu en portant sa main à ses lèvres pour embrasser l'intérieur de son poignet, les yeux rivés aux siens.
Aphrodite se mordit la lèvre et prit une profonde inspiration pour se contenir et pourvoir garder le fil de leur discussion.
- Et donc, si je comprends bien, Aldébaran te prête son appartement pour tes petites rencontres coquines… Combien d'hommes et de femmes as-tu emmené ici, puissant et impétueux Chevalier du Bélier ? voulut-il savoir en plissant les yeux.
Son ton était léger, il était taquin.
Mais Mu répondit très sérieusement.
- Aucun. Il n'y a que toi, Aphrodite.
L'aîné se mordit encore la lèvre.
Ce genre de phrase, avec un tel regard…
Il en avait rêvé toute sa vie.
Mu était dangereux.
Tout comme l'était son énorme besoin d'attention et le vide affectif de sa vie.
- Tu n'es pas un menteur, mais j'avoue que j'ai du mal à croire qu'il n'y ait eu personne avant moi.
- Personne avant toi, ici, je te le confirme. Je n'ai rien dit pour ailleurs. Tu le sais déjà, je ne te l'ai jamais caché.
- Tu as toujours été assez discret à ce sujet, mais oui, j'avais cru comprendre certaines choses au sujet de tes escapades hors Sanctuaire. Et tes talents en disent également assez sur ton expérience… ajouta-t-il en glissant sa main libre sur son torse. Tu es très surprenant, Mu.
- Je suis heureux que cela ait pu servir à te satisfaire.
- Oh ! le mot est faible !
Le Premier gardien prit la main du Douzième qui parcourait délicieusement son torse, et la ramena à ses lèvres pour embrasser l'intérieur de sa paume, cette fois, mais toujours sans le quitter du regard.
- Je te proposerai bien une nouvelle démonstration, mais j'aimerais avant que tu termines ton récit, et connaître le fin mot de l'histoire au sujet de ton poison, si tu es d'accord. Cela me semble important.
- Oui, on s'est un peu écarté du sujet… reconnut Aphrodite, leurs mains à présent entrelacées, comme les deux premières. Ça remonte donc à trois jours, ma rencontre avec cette saleté de Minos, dont je me serai bien passé…
Les deux hommes se rallongèrent sur le côté, l'un en face de l'autre, jambes mêlées sous les draps, et Aphrodite commença son récit.
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A suivre
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Notes :
1. Je me suis inspirée de la cérémonie du thé en Chine, aussi appelée Gong Fu Cha, qui signifie « prendre le temps pour le thé ».
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Merci à vous d'avoir été au bout de ce chapitre, en espérant, comme à chaque fois, que vous avez passé un bon moment de lecture.
J'espère de tout coeur que vous adhérerez à ma vision de ce couple, de chacun d'eux tels que je les décris et écris individuellement, mais aussi comme ils sont ensemble. Que cela vous semble possible, crédible, une évolution presque logique, d'après tout ce que j'ai décrit d'eux et semé un peu de-ci, de-là, dans ma fic.
Dans le prochain chapitre, la suite, donc, avec notamment le face-à-face Aphrodite / Minos, et la suite de cette journée si particulière et déterminante pour les amis devenus amants.
J'espère vous y retrouver.
Merci encore pour toute l'énergie que vous me donnez.
Prenez soin de vous et de vos proches.
Je vous souhaite le meilleur, à dans deux ou trois dimanches !
Lysanea
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