Résumé complet :

« Ok, ok attends, laisse-moi deviner : Tu débarques tout juste à la capitale, t'es complètement dépaysé et tu viens de passer du rang de supra-majorités à sous-population en l'espace de quelques heures. Tu as dit bye bye à la maison en bords de mer pour te retrouver dans l'équivalent d'un placard à balais avec pas beaucoup plus de processions qu'un naufragé en « Ok, ok attends, laisse-moi deviner : Tu débarques tout juste à la capitale, t'es complètement dépaysé et tu viens de passer du rang de supra-majorités à sous-population en l'espace de quelques heures. Tu as dit bye bye à la maison en bords de mer pour te retrouver dans l'équivalent d'un placard à balais avec pas beaucoup plus de processions qu'un naufragé en mer. J'ai juste ? »

Kuroo Tetsurō, 22 ans, bêta, comme l'intégralité de sa famille et de toutes les personnes qu'il ait rencontrées dans sa vie, se retrouve à Tokyo pour ses études : seul endroit de tout le pays où les bêtas ne constituent qu'une simple sous-population parmi d'autres. Son sexe secondaire n'ayant jamais constitué un obstacle pour lui, il se figure naïvement que de simples statistiques ne vont pas changer grand-chose à sa vie. Grave erreur de calcul de sa part, et il va très rapidement s'en rendre compte lorsqu'il se retrouve propulsé dans un monde qui lui est complètement inconnu et dont les règles lui semblent bien absurdes. De quoi remettre en question tout ce qu'il connaissait jusque-là.

Tags : College AU, Non-Traditional Alpha/Beta/Omega Dynamics ,AU ,SFW,No Smut,Polyamory,Healthy Relationships,Asexual Character, Intersex Character,Deaf Character,Slow Burn ,Slow Build, Social Justice ,non graphic Heat/Rut cycle , Anxiety ,Mental Health Issues ×

Pairing :

Akaashi Keiji/Bokuto Kōtarō/Kozume Kenma/Kuroo Tetsurō, Sawamura Daichi/Sugawara Koushi, Tsukishima Kei/Yamaguchi Tadashi, Hinata Shouyou/Kageyama Tobio , Iwaizumi Hajime/Oikawa Tooru, Azumane Asahi/Nishinoya Yuu, Shimizu Kiyoko/Yachi Hitoka ,Other Relationship Tags to Be Added

Si vous voyez ceci, je vous souhaite la bienvenue au CAPE.

Hum, je ne vais pas être très prolixe, je promets… Mais vous devez savoir quelques petites choses avant de commencer :

1-J'ai un peu dit merde aux règles traditionnelles des omergaverses, vous aurez donc l'occasion de les découvrir avec Kuroo.

2-comme écrit en tags, slow, slow burn et très, mais alors très peu, de contenue « graphique » si vous voyez ce que je veux dire.

3-Kuroo est stupide, mais il fait ce qu'il peut.

4-Kuroo a un cœur d'artichaut, mais il fait ce qu'il peut.

5-Yamaguchi est une pestouille.

6-Hinata est un être précieux.

7-Post le dimanche deux fois par mois (enfin on va essayer)

8-Tous commentaires sont les très bien venues !

Update: FYI, un lexique du CAPE est disponible sur mon profil ;)

Chapitre 1 : Faux départ

Ainsi commença le premier jour du reste de sa vie. À 22 ans, Kuroo Tetsurō se sentait enfin purement et simplement libre. Le déracinement à la terre qui l'avait vu naitre ne lui était pas douloureux, pas le moins du monde. Il symbolisait plutôt la délivrance, sa renaissance au monde !

Il posa ses pieds pour la première fois de sa vie sur le sol tokyoïte, et il sut. Il sut instantanément que chaque minute, chaque seconde de son existence n'avait eu qu'un seul et unique but : le mener jusqu'ici. Il releva la tête, et inspira profondément, laissant ses poumons se gorger de cette atmosphère qui avait la douce fragrance des promesses tenues. Tout le travail qu'il avait dû fournir ces dernières années avait finalement payé ! Il dut s'arrêter un instant, planté au milieu de la foule, pour reprendre contenance. Il joignit ses mains, comme pour prier, et ferma les paupières. Il se retint de toutes ses forces de ne pas hurler de joie, mais ne put contenir le sourire de triomphe qui vint se dessiner au coin de ses lèvres.

Il était à plus mille kilomètres de sa maison, et pourtant, il se sentait déjà chez lui. Certes, il avait passé plus de temps dans la voiture pour rejoindre l'aéroport, coincé entre ses deux petites sœurs à l'arrière, et sa mère à l'avant s'évertuant à lui transmettre tout un tas de conseils comme s'il s'agissait des dix commandements, que dans l'avion lui-même. Il avait cependant l'étrange impression d'avoir parcouru des milliards de kilomètres, et cette sensation à elle seule valait tous les trésors du monde.

Après quatre ans d'étude de science, et son diplôme de bachelor en poche, il avait enfin réussi à rentrer à l'Université de Tokyo. Et pas n'importe comment s'il vous plaît: il avait été sélectionné sur dossier pour rejoindre le master international en science, avec une spécialisation en biochimie et en physique. Il allait faire sa rentrée dans quelques jours et bouillonnait déjà d'impatience !

Il sortit dramatiquement ses lunettes de soleil de sa poche, et les ajusta sur son nez avec autant de classe et de désinvolture que possible. Cette nouvelle vie, il l'aborderait avec style, s'était-il promis.

Il fut cependant coupé en plein ralenti mental quand il se retrouva bousculé parce qu'il lui sembla être l'enfant illégitime de Godzilla et d'une armoire à glace. En relevant la tête, Kuroo put constater que Godzilla junior était également accompagné de tous ses amis, qui eux aussi devaient surement être les dignes descendants de quelques autres monstres légendaires. Bien qu'il ait eu des heures héroïques, le brun décida, judicieusement en son sens, de ne pas s'élever face à eux.

« Des alphas ? » pensa-t-il furtivement

Sa théorie fut finalement confirmée quand Godzilla-kun le reluqua de la tête aux pieds avec mépris et… amusement ? Il s'en retourna vers ses pairs sans manquer de lâcher un très poli « Putain de bêta de merde ».

Kuroo se stoppa, quelque peu surpris de ce qui venait de lui arriver. C'était surement la première fois de sa vie que son sexe secondaire était utilisé contre lui de manière offensive. Il tenta de ne pas trop s'en formaliser, et se remis en marche. Kuroo était, comme tous les membres de sa famille, et comme quatre-vingt-dix pour cent des gens qu'il avait pu côtoyer dans sa vie, un « béta ». Bien sûr, même sur son île, il y avait bien quelques alphas, et peut-être un ou deux omégas avaient dû croiser son chemin.

Il avait fait ses recherches avant de se rendre à la capitale. Il avait notamment appris qu'alors que les bêtas constituaient une super-majorité à peu près partout en province, à Tokyo les chiffres s'approchaient plus des cinquante pour cent de bêtas pour trente pour cent d'alphas et vingt pour cent d'omégas. Plus que dans n'importe quels endroits du pays. Ça ne l'avait pas pour autant plus impressionné que cela, son secondaire n'avait jamais un obstacle pour lui. Le reste, il l'avait appris à l'école, ou sur internet, mais il s'était figuré que cela n'allait pas particulièrement impacter sa vie directement. En tout cas, décida-t-il, ce n'était pas cela qui allait venir gâcher sa journée. Kuroo Tetsurō n'était pas du genre à abandonner si facilement ! Alors il réajusta son sac à dos sur ses épaules, et se remit en chemins.

Ainsi commença le premier jour du reste de sa vie, et peut-être sa vie finirait-elle ainsi. À 22 ans, Kuroo Tetsurō, tout compte fait, voudrait bien retourner à la maison, parce que le monde ici était un peu trop terrifiant à son goût. De plus Murphy devait vraiment, vraiment lui en vouloir! Il ne voyait pas comment sa situation pouvait s'expliquer autrement. Pourtant, Kuroo était un scientifique, il avait donc écumé tous les scénarii possibles et imaginables avant d'en venir à cette conclusion. S'il devait retracer le cours des événements, il dirait que son malheur avait commencé à la seconde même où ses pieds s'étaient posés sur cette terre maudite… Ou peut-être quand ce cher Godzilla-kun l'avait bousculé.

Après ce rapide, mais néanmoins fâcheux incident, Kuroo s'en était allé chercher sa valise de sa démarche la plus guillerette. Ah, comme il avait attendu devant ce tapis roulant, avec la même crainte que lorsqu'un enfant perd de vue sa génitrice dans un rayon de supermarché. Il avait attendu une heure durant… En vain. Il s'était rendu au comptoir des objets trouvés, mais aucune trace du dit bagage. On lui avait conseillé de se rendre au comptoir de la compagnie aérienne, avec son numéro de bagage. Kuroo avait traversé tout l'aéroport au pas de course, le cœur tambourinant violemment dans sa poitrine. Dans sa tête tournait en boucle le très célèbre, mais néanmoins macabre « tout bagage abandonné sera détruit ». Détruit ? Avec le nombre astronomique de bombes aérosol à l'intérieur, Kuroo redoutait que cela produise une explosion colossale qui allait certainement faire disparaitre l'aéroport de Narita de la surface de la Terre. De plus, avec la quantité de nourriture que sa mère avait fourrée à l'intérieur, il était certain que cela pourrait devenir des projectiles mortels une fois lancés à grande vitesse.

À bout de souffle, il avait enfin atteint le comptoir de la compagnie Bystraya Malenkaya ptchka, où en homme blond et élancé l'accueillit avec un sourire. Kuroo avait moins souri quand le concerné répondit à sa question en russe. De manière fort courtoise au demeurant, mais en russe tout de même! Après plusieurs minutes de confusion, deux hôtesses de l'air, un vigile, un chien et un vieil homme grincheux, quelqu'un parlant décemment le japonais et le russe était arrivé. On lui apprit alors que son bagage avait été placé malencontreusement dans un avion en direction de Moscou. Logique ! C'est vrai que c'est le genre de chose qui arrive régulièrement ! Surtout sur un vol interne d'à peine une heure et demie ! Bon, Kuroo, n'avait rien contre la Russie, grand pays qui lui était fort inconnu, mais il devait avouer que choisir une compagnie russe pour un vol interne n'avait pas été un choix des plus judicieux. Résultat des courses, il devait maintenant attendre que sa valise lui revienne, en espérant qu'elle ne se retrouve pas explosée en petits morceaux à l'aéroport de Moscou après avoir été prise pour un colis suspect. Certes, il n'y avait pas mort d'homme, mais ce qui l'attristait le plus, c'est que cette traîtresse de valise retenait en otage non seulement sa brosse à dents et ses caleçons propres, mais également l'entièreté de ses produits capillaires. Sans eux, ce n'était pas seulement son coiffage artistique qui était en péril, mais l'intégrité profonde sa propre identité. « Nouveau style pour une nouvelle vie » avait-il tenté de se convaincre. Après tout, il lui restait encore son sac à dos, son portefeuille et son téléphone, il arriverait définitivement à s'en sortir. Non ? Et puis affronter pour la première fois le métro tokyoïte sans 25 kilos de bagages ne pouvait lui être que bénéfique, s'était-il dit.

En effet, ses 25 kilos de bagages ne lui manquèrent en aucun cas quand il se retrouva happer par le ventre grouillant de la rame de métro, mais il s'avéra que ses 75 kilos, eux aussi étaient de trop. De sa vie, il ne s'était jamais retrouvé avec autant d'êtres humains dans un espace aussi confiné. Pourtant, il en avait fait des fêtes étudiantes dans des appartements de neuf mètres carrés, voire moins. Intérieurement, Kuroo se dit que c'était surement ce qui pouvait se rapprocher le plus de la torture. Et il se demanda avec une intensité sans pareille pourquoi tant d'êtres humains pouvaient supporter un tel sort quotidiennement.

Il s'était tant concentré sur le maintien de sa santé mentale qu'il avait fini par louper sa station, puis les deux suivantes en tentant de s'extirper de cet entrelacs humain. Une fois sorti, il avait opté pour la marche à pied, bien décidé à ne pas retourner dans les souterrains de l'enfer. Un peu d'air frais ne lui ferait pas de mal après tout !

Cette affirmation avait été néanmoins l'une des choses les plus absurdement fausses que son esprit n'ait jamais formulées. Pourquoi ?

De l'air fraie ? À Tokyo ? Mégalopole la plus peuplée du monde ? Sérieusement Tetsu !

Très très mauvaise appréciation des distances : alors qu'il s'attendait vaguement à 30 minutes de marches pour rejoindre son itinéraire principal, quelle ne fut pas sa surprise quand Google lui annonça près de deux heures de marches. Bon, ce qu'il ne s'avoua pas, c'est que certes l'itinéraire de base était d'effectivement 34 minutes, mais qu'après moult détours et autre empreints de chemins de travers, cela n'était plus du tout le cas.

Là encore, le jeune homme ne se laissa pas abattre ! Il était plutôt sportif, et ce n'étaient pas quelques kilomètres à travers la jungle urbaine qui allait l'arrêter ! De plus, cela lui donnerait surement l'occasion de découvrir les environs, d'explorer son nouvel habitat naturel. Et en effet, le début de son périple se déroula plutôt bien, son téléphone lui servait de guide, et les rues animées avaient quelque chose de magique et de terriblement excitant à ses yeux. Cependant, son euphorie fana très, très rapidement. Aussi vite que les coquelicots fanent après avoir été cueillis. Aujourd'hui, c'était bien Kuroo, le pauvre coquelicot, arraché à sa nature innocente, foulé au pied et réduit en bouillie. Sa batterie avait fini par s'épuiser, et son téléphone mourut avec les dernières lueurs du jour. Le centre-ville et ses lumières bienveillantes, elles aussi l'avaient abandonné. Il s'était alors retrouvé seul, dans un quartier résidentiel aux maisons toutes plus identiques les unes que les autres, sans la moindre idée d'où il se trouvait ou de la direction qu'il devait prendre. Il avait bien tenté de demander son chemin, mais alors qu'il cherchait des informations quant à sa localisation géographique, il avait à la place appris que les êtres humains pouvaient non seulement grogner, mais également aboyer, et que cela n'était pas agréable du tout.

Note à lui-même: ne pas s'approcher d'un oméga seul, ou accompagné, de risque de se faire aboyer dessus par un alpha territorial et courroucé.

Le seul problème était qu' il ne savait absolument pas comment les discerner, donc sa résolution tenait plus du « ne pas s'approcher de qui que ce soit ».

Il avait tenu bon jusque-là, mais son moral commençait sérieusement à se détériorer. Il s'arrêta, abattu, et porta son regard vide au loin. Il faisait nuit noire, il n'avait aucun moyen de se repérer, il avait froid et terriblement faim. Et il était si seul. Il sentit son cœur se serrait, lourd d'un vide qui semblait lentement l'aspirer. Tout avait un goût plus amer à présent. Kuroo échappa un lourd soupire et se remit en marche, trainant les pieds autant que possible, ne regardant même plus où il allait. Perdu dans ses pensées, il ne vit absolument pas le mur arriver sur sa trajectoire, et il se le prit de plein fouet. Or, quelle ne fut pas sa surprise quand il releva la tête pour découvrir qu'il ne s'agissait point d'un mur, mais d'un autre Godzilla-kun, bien plus mastoc que le dernier. La panique l'envahit instantanément et il prit immédiatement ses jambes à son coup, afin de fuir l'éventuel courroux de Godzilla-sama. Même quand il constata que personne ne le suivait, il ne s'arrêta pas, même quand son souffle se fit pénible, il continua de courir, même quand ses jambes commencèrent à faiblir, il continua. Sa course ne prit fin que lorsqu'il tourna dans une petite allée et se retrouva piégé dans un cul-de-sac. Ses jambes cédèrent finalement, et toutes ses idées noires jaillirent violemment en lui. Son cerveau commença à marcher à toute vitesse, tournant en boucles ses angoisses dont la teneur s'aggravait à chaque seconde, devenant de plus en plus sombre et de plus en plus insensée. Il attrapa ses genoux entre ses bras et y enfuit sa tête, entreprenant de prendre de grande inspiration pour retrouver son calme. Inspire, expire, inspire, expire, ins…

— Vous allez bien ?

Kuroo ouvrit de nouveau les yeux, saisit par la douceur électrisante de cette voix de velours. Lentement, il releva la tête. Son cœur rata un battement, certain d'avoir face à lui la plus magnifique des créatures que la terre n'est jamais portée. Se tenait face à lui un jeune homme tout de noir vêtu, à la peau nacrée et aux cheveux d'un noir de jais. Ses traits fins et gracieux étaient peints d'une profonde sérénité. Kuroo peina à reprendre son souffle lorsque son regard accrocha celui de ce mystérieux inconnu, déstabilisé par l'intensité mystique des deux orbes onyx qui lui faisaient face. L'inconnu soutint un instant leur contact visuel, avant de lentement cligner des yeux, faisant par la même occasion battre ses longs cils noirs.

— Euh… Mieux ? annonça Kuroo, ne pouvant toujours pas détacher son regard du jeune homme face à lui.

L'individu en question sembla échapper un faible rictus, amusé par la réponse du brun. Il lui tendit la main pour l'aider à se redresser. Kuroo s'en saisit, et une fois debout, le remercia d'un salut de la tête. Le jeune homme réciproqua l'action, et reprit de nouveau la parole :

— Puis-je vous demander ce qui vous amène ici ? Vous sembliez quelque peu en détresse, il y a de cela un instant…

— Oh… oui. Kuroo, balaya la ruelle du regard. Hum, je me suis perdu. Vous voyez, c'est mon premier jour ici, et, ça ne s'est pas vraiment passé comme je l'espérais… annonça-t-il avant d'échapper un rire nerveux.

Mister beauté fatale hocha la tête, avant que sa voix de velours ne s'élève de nouveau :

— Puis-je vous inviter à l'intérieur ? Peut-être une boisson chaude vous fera-t-elle du bien ? Nous pourrions voir ensemble comment retrouver votre chemin.

— À l'intérieur ?

Le mystérieux inconnu acquiesça et pointa son bras en direction de la rue avant de se mettre en marche. Kuroo lui emboita le pas. Quelle ne fut pas sa surprise quand il constata qu'il s'agissait d'une petite rue commerçante, dont les devantures lumineuses des échoppes habillaient la nuit. Kuroo suivit son bel inconnu qui le mena jusque devant la devanture d'un café. Ce dernier, dont les murs lézardés de lierres devaient avoir traversé plusieurs décennies, était coincé entre deux tours d'une dizaine d'étages. Sur sa devanture noire, on pouvait lire en lettre d'or « Fukuro coffee ». Quand le brun y pénétra, il fut immédiatement saisi par l'atmosphère apaisante régnant à l'intérieur. De larges feuillages de tortueuses plantes grimpantes se détachaient des murs noirs. Au plafond étaient disposé de larges luminaires dorés, illuminant d'une douce lueur orangée quelques tables de bois patiné distribué un peu partout dans la salle. Au fond se tenait un long comptoir de bois brut, devant lequel étaient disposées de hautes chaises au dossier blanc nacré.

Le bel inconnu se dirigea en direction du bar. Jamais au cours de ce court trajet, il ne s'était retourné pour vérifier que Kuroo était toujours là. Le brun le regarda passer derrière le comptoir, et ne le lâcha pas des yeux quand, dos à lui, il se défit son long gilet de laine noire, le laissant glisser le long de ses bras avec une sensualité naturelle, à la fois nonchalante et ingénue dont Kuroo avait rarement –jamais – était témoins. Il secoua la tête pour se défaire des étranges fantaisies en cours de tissage dans son esprit, et rejoint son bel inconnu. Non sans difficulté, car malgré sa grande concentration, il manqua de s'étaler parterre quand sa fesse gauche glissa du bord de la chaise. Néanmoins, il réussit à s'en sortir dignement, espérant profondément que l'incident était passé inaperçu. Quand il fut finalement installé convenablement, il releva les yeux, pour tomber sur ceux de son bel inconnu. Le regard de ce dernier ne renvoyait aucune moquerie, ni même une once de jugement. Kuroo lui sourit sans s'en rendre compte, et il vit les traits de son vis-à-vis s'adoucir.

— Vous semblez dans un meilleur état que tout à l'heure.

— Euh oui… Merci, répondit distraitement le brun, retirant sa veste tout en balayant le café du regard.

— Puis-je vous servir quelque chose ? Je ne sais pas…. Hmmm

— Kuroo… Kuroo Tetsurō, s'empressa de répondre le concerné.

Une dizaine de secondes passèrent avant qu'il s'aperçoive qu'il n'avait pas du tout répondu à la question posée.

— Euh, oui… Un café, merci.

Le jeune homme face à lui hocha la tête, et s'affaira à réaliser sa commande. Il revint vers lui peu après, et déposa devant Kuroo une jolie tasse de porcelaine ornée de roses. Ce dernier le remercia et prit la tasse entre ses deux mains. La douce odeur de torréfaction, et la chaleur apaisante de la fumée s'en échappant l'enveloppèrent tout entier, et il se sentit instantanément apaisé. Il porta la tasse à ses lèvres et laissa le liquide chaud rouler dans sa gorge. Il fut tout de suite saisi par l'arôme et la délicatesse du breuvage, qui lui sembla être la chose la plus exquise qui ait jamais titillé ses papilles. Il constata que son aise avait dû être manifeste quand il vit le bel inconnu lui sourire, avec une pointe de fierté.

— C'est… Exquis… Humm ?

— Akaashi. Akaashi Keiji.

Il avait gardé du « bel » mais c'était un peu défait de « inconnu ».

— C'est vraiment délicieux Akaashi-san. Surement la meilleure chose qui me soit arrivée aujourd'hui…

— Je suis flatté, mais forcé de constater que votre journée n'a pas été des plus agréables.

— Non… Non pas vraiment. Sans rire, je pense que si vous ne m'aviez repêché, j'aurais passé la nuit dans cette ruelle, avoua Kuroo, non sans échapper un rire nerveux.

— Cela me parait tout de même extrême.

— Vraiment pas… Je vous jure, depuis que j'ai posé les pieds à Tokyo, tout va de traviole. Ma valise est partie sans moi visiter Moscou, j'ai découvert que j'ai un sens de l'orientation urbain à chier, j'ai dû troquer mes chaussettes contre un parapluie, je sais pas où je suis, mon téléphone est mort, et je me suis fait aboyer dessus une bonne dizaine de fois.

— "Aboyer" dîtes-vous ? reprit Akaashi, amusé.

— Aboyer ! Je pensais pas que c'était possible, et c'est plutôt flippant en plus. Ah oui, et pour finir je me suis fait courser par un aboyeur en furie.

Il n'était pas bien sûr de cette dernière information, mais cela avait le mérite d'égayer son récit.

Akaashi cligna plusieurs fois des yeux, pas bien sûr de la façon dont il devait répondre à cela. Il commença par remplir de nouveau la tasse de Kuroo, et finalement reprit :

— Je suis navré d'apprendre que vos premières heures dans la capitale se sont aussi mal passées, Kuroo-san. Néanmoins, si vous avez un chargeur, je peux le brancher derrière le comptoir. Retrouver votre chemin ne sera pas si compliqué, je vous assure. Cependant, je crains ne rien pouvoir faire pour vos chaussettes…

— Ah, merci, ce sera déjà bien assez, lui assura Kuroo en lui tendant son téléphone ainsi que son chargeur.

Il manqua d'échapper une larme de joie quand Akaashi brancha son téléphone et qu'il entendit ce dernier reprendre vie.

— Pour ce qui est des aboiements, reprit le bel –plus si- inconnu, je peux vous dire que tous les alphas n'en sont pas capables, et certains savent également se comporter correctement en public.

La remarque surprit Kuroo qui échappa un rire.

— Merci pour cette information Akaashi-san, voilà qui me rassure !

Akaashi hocha la tête. Il s'excusa avant de s'éloigner du comptoir en voyant de nouveaux clients arriver. Une fois la commande prise et servie, il revint vers Kuroo.

— Kuroo-san, si je puis me permettre, d'où venez-vous ? D'après votre récit, vous ne semblez pas être un habitué de la ville.

— Ah, non, je viens de Shakotan.

Voyant que son interlocuteur semblait grandement troublé, il précisa :

— Au sud de Sapporo, sur l'île d'Hokkaido. Du coup, j'ai pas trop l'habitude des grandes villes… Kuroo échappa un rictus. Même à la fac où j'allais, je pense qu'y'avait moins d'étudiants que dans deux pâtés de maisons ici.

— Hokkaido… Ce doit être charmant, remarqua Akaashi, une note de tendresse au bout des lèvres.

Kuroo prit cela pour une invitation. Il lui parla des horizons infinis, des bords de mer calme, de l'odeur de l'iode, du vent et des algues. Il lui parla de la familiarité polie entre tous les habitants de son village natal. Plus les mots roulaient sur sa langue, et plus il sentait sa gorge se nouer de nostalgie. Il finit par se taire, tentant de garder contenance, troublé d'avoir déballé tout ça a un parfait inconnu.

Les lèvres d'Akaashi prirent les plis d'un léger sourire.

— Vous semblez attaché à cette terre…

— Oui…

Kuroo engloutit une grosse gorgée de café, tentant de faire redescendre la boule qui s'était formée dans son gosier.

— Que venez-vous faire ici dans ce cas ?

— Oh ! Je rentre en master à Todaï la semaine prochaine.

Il vit le regard de son interlocuteur s'allumer d'un intérêt complice.

— Qu'allez-vous y étudier ?

— Science. Plus spécifiquement biochimie.

— Oh…

Était-ce de la déception dans sa voix ?

— Je suis sûr que vous vous y retrouverez en bonne compagnie, lui assura Akaashi. J'y étudie également.

— Si vous y étudiez Akaashi-san, je ne peux être qu'en bonne compagnie, osa Kuroo.

Il regretta ses mots, ne voulant pas paraitre trop insistant ou frivole. Son trouble s'apaisa quand le brun face à lui leva les yeux au ciel, mais ne manqua tout de même pas d'échapper un léger sourire flatté.

— Peut-être ai-je parlé trop vite, votre insolence pourrait vous attirer certaines foudres, et même quelques aboiements.

Le sourire de Kuroo fana aussitôt, terrifié de devoir de nouveau subir les aboiements de quelques individus courroucés. En le voyant si dépité, Akaashi échappa un léger rire, tout bas, presque inaudible, comme un tonnerre d'été par-delà la mer. Kuroo se sentit aussitôt revigoré. Finalement, cette journée n'était pas si mal après tout.

Ils parlèrent un peu de tout, mais surtout de rien. Le brun voulait que cet instant s'étire encore longtemps ainsi. Il reprit conscience de la course du temps quand la porte claqua. Ils étaient vraiment seuls maintenant.

— Kuroo-san, je suis navré mais je vais bientôt devoir fermer.

— Oh…

— Peut-être puis-je vous aider à retrouver votre chemin, où devez-vous vous rendre ?

— Oh, près de la gare de Nishi-nippori.

Akaashi grimaça discrètement en entendant le nom. Cependant, il ne fit aucun commentaire et se contenta de lui indiquer la direction de la station, ainsi que la ligne à emprunter, en lui assurant qu'à cette heure l'affluence serait beaucoup plus vivable que ce qu'il avait pu expérimenter plus tôt.

Kuroo le remercia chaleureusement, le salua de la tête et tourna les talons. Akaashi le regarda s'éloigner, le trouble en lui se faisait grandissant. Était-il bien prudent de le laisser ainsi, en pleine nuit, alors qu'il l'avait retrouvé en pleine crise de panique dans une ruelle obscure ? Non. Mais que pouvait-il y faire ? Une bonne partie de son instinct prit l'initiative pour lui. Il interpella le brun, saisit son écharpe et s'en alla à sa rencontre, tout en frottant ses poignets contre l'étoffe le plus discrètement possible.

— Prenez ceci, Akaashi marqua une légère pause, le temps s'est rafraîchi.

Kuroo haussa un sourcil, les yeux toujours rivés sur l'écharpe, pas bien sûr de comment interpréter ce geste.

Face à lui, Akaashi resta de marbre.

— Il fait vraiment froid, insista ce dernier.

Kuroo refusa poliment. Une écharpe à cette époque de l'année ? Les températures atteignaient presque la vingtaine de degrés pourtant. Il se ravisa quand un vent terriblement glacial vint balayer son visage lorsqu'il ouvrit la porte. Une écharpe ne serait pas de trop.

— Vous n'allez pas avoir froid, demanda Kuroo.

Son vis-à-vis lui signifia que non.

— Euh… Comment je fais pour vous la rendre ?

— Je serais ici, affirma Akaashi.

Il lui tendit une carte, que Kuroo accepta, toujours un peu décontenancé.

— C'est noté, répondit tout de même ce dernier.

Il le salua de nouveau et franchit enfin le seuil.

Akaashi lui rendit son salut, et le regarda partir, jusqu'à ce qu'il disparaisse de son champ de vision. Enfin, il ferma la porte, retourna le panneau pour annoncer la fermeture et s'en retourna derrière le comptoir. Il entreprit de vaguement compter sa caisse, mais s'arrêta. Son masque tacite et désinvolte venait de tomber, maintenant qu'il était seul avec lui-même. Il laissa son visage retomber entre ses mains et échappa un long soupire. Il fallait vraiment qu'il apprenne à dompter ses instincts protecteurs, cela allait finir par devenir embarrassant. Il n'avait cependant en rien trahi sa morale. C'était un peu rustre, mais efficace. De plus, il se mit à secrètement espérer recroiser la route de ce jeune homme qui avait attisé sa curiosité.

-Fin du chapitre-

Finalement, cette journée ne se termine pas si mal non?

See ya