Joyeux anniversaire Maloriel :D !
Pour l'occasion, je voulais t'écrire un OS, mais je crois que je me suis un peu emballée... Je ne sais pas trop combien de chapitres aura cette histoire mais je suis partie plus loin que prévue. Quoi qu'il en soit, j'espère que ça te plaira :)
Bon Aokaga day tout le monde et bonne lecture !
1. Going Down
Voilà plus d'un mois qu'elle est partie. Cassandra a pris ses affaires et a quitté la maison sans se retourner. Au départ, Kagami a cru qu'elle reviendrait. Mais rien. Les premiers jours, voir cette maison qu'il avait acheté pour elle, pleine de silence et de vide…Rester dans cette coquille sans âme où erraient les fantômes de leurs souvenirs était trop dure. Alors Kagami avait fui chez Alex, celle qui se rapprochait le plus d'une figure maternelle pour lui. Sans poser de question elle lui avait ouvert les bras, le laissant s'y morfondre.
Avant de s'endormir, il lui arrive encore de se demander comment six ans de relation ont pu foutre le camp si vite, le laissant seul comme un con pour une simple question.
Cass' et lui passaient du bon temps. Jamais une dispute, que des rires et des aventures. Dynamique, belle et toujours prompte à le suivre dans sa quête d'adrénaline, il tenait sincèrement à elle. Plutôt indépendante et menant milles projets, il avait trouvé ça accommodant lorsqu'il jouait encore. Ils s'accordaient leur peu de temps libre et c'était suffisant. Contrairement à ses ex, elle comprenait son manque de disponibilité et ne lui en demandait jamais trop.
Seulement… Depuis qu'il a pris sa retraite de la NBA, rien n'a changé. Alors qu'il en avait d'un coup plein à revendre, contre toute attente Kagami s'est retrouvé à courir après le précieux temps de Cass' qui vaquait toujours à ses multiples activités où il n'était jamais convié. L'incertitude de l'avenir de cette relation qu'il pensait épanouie et le sentiment dérangeant de ne pas être si important que ça dans la vie de sa compagne l'avait poussé à lui demander où est ce qu'ils allaient ensemble. La réponse ? Visiblement nul part.
Avec le recul qu'il a réussi à prendre chez Alex, Kagami se dit qu'il aurait dû se poser la question avant… Avant de se faire à l'idée de cette vie à deux et d'acheter une baraque en banlieue dont il ne voulait même pas. Peut-être sentait-il Cassandra déjà distante à l'époque ? Toujours est-il que malgré la douleur inévitable de la séparation, il y voit plus clair aujourd'hui et signer les papiers pour la vente de ce rêve inachevé est plus un soulagement qu'un crève-cœur.
Cette rupture qu'il n'a pas vu venir lui laisse un goût amer dans la gorge. Il s'en veut de ne pas avoir compris plus tôt. De ne pas avoir écouté certains de ses proches… Mettant leurs doutes sur le compte de la jalousie, l'incompréhension ou il ne sait quoi d'autre. Pourtant certains mots qu'il avait préféré ne pas entendre reviennent résonner dans son esprit, le laissant là avec son air hébété, faussement surpris dans le miroir du rétroviseur.
Kagami soupire face à sa propre bêtise et son entêtement aveugle puis les camoufle derrière une paire de lunettes de soleil et démarre sa voiture.
Il a besoin de prendre l'air. Un sac de fringues dans le coffre, le toit décapoté et sa playlist à fond dans les enceintes, il prend la route sans réfléchir à sa destination. De toute façon, réfléchir ce n'est pas son truc… Dès qu'il commence il lui arrive des déconvenues, du genre : sa meuf le quitte.
Cheveux aux vent, Kagami roule le long de la côte Californienne, laissant Los-Angeles derrière lui. Il se laisse envahir par les souvenirs, revisitant certains avec nostalgie, trouvant dans d'autres de nouvelles raisons de se blâmer, des indices évidents qu'ils allaient dans le mur. Il va lui falloir encore du temps pour digérer l'affaire Cassandra mais il n'a plus envie de s'apitoyer. Au moins il a essayé. Alors il ne lui reste plus qu'à aller de l'avant comme il l'a toujours fait, avec la certitude qu'ils n'étaient pas si bien que ça ensemble. Une réalité qui fait mal autant qu'elle fait du bien.
Sur la route pour il ne sait pas vraiment où, il profite d'une pause-café pour répondre à l'appel de Tatsuya. Son frère prend des nouvelles tous les deux jours environ, le découvrant chaque fois d'une humeur différente. Aujourd'hui, ce sera monsieur résolue. Prêt à oublier Cass' et à se focaliser sur ses projets personnels.
« Je vois… et donc tu pars en road trip parce que ? » s'amuse son ami d'enfance.
— Je ne suis pas en train de fuir si c'est ce que tu penses. Rouler m'aide à réfléchir.
— Je préfère ça que de te savoir sur le canapé d'Alex ou seul dans une chambre d'hôtel.
— Tu vois, pas la peine de t'en faire. I'm fine.» Assure Kagami.
Himuro ne dit rien, mais le tigre est certain de l'entendre penser. Il lève les yeux au ciel à ce que son frangin préfère taire et qu'il devine pourtant, autant agacé qu'amusé.
« Tatsu… sans déconner, ça va.
— Ok ! Ok si tu l'dis. J'aurais juste voulu être là pour m'en assurer.
— Reste où t'es baka. Pour une fois que tu prends des vacances.
— Tu veux pas me rejoindre ?» Propose son ami de toujours.
Kagami prend le temps de la réflexion. C'est sûr qu'il a besoin de s'aérer un peu, mais pas si loin, ni si longtemps. Il a des choses à faire ici. L'invitation lui réchauffe le cœur mais il la décline, au regret de son frère décidément trop inquiet.
« Bon, si tu changes d'avis tu me dis.
— Yeah I will.
— Et… juste par curiosité, tu roules direction Nord ou Sud ?
— Hum ? Euh Nord pourquoi ?
— Oh juste comme ça, pour savoir…»
Dans un reflex inutile, Kagami fronce les sourcils en observant son téléphone. Comme si son écran pouvait lui révéler les pensées du dragon qui lui sont encore parfois difficiles à décrypter.
« Bon je vais y retourner. Profite bien Tatsu.
— Thanks, you too lil' bro.»
Sans plus s'attarder, le rouge s'exécute et reprend la route, appréciant la vue de l'océan scintillant sous le soleil du début d'après-midi. Il retourne à son périple, avalant les kilomètres au son de ses chansons favorites qu'il s'autorise à brailler en duo avec les chanteurs. Ça le défoule et ça fait sourire quelques automobilistes qui le croisent, partageant parfois un bout de refrain. Il apprécie moins quand on le prend en photo ou qu'on le film, s'arrangeant avec la circulation pour l'éviter, grimaçant un semblant de sourire quand c'est impossible. Déjà un an qu'il a quitté les Lakers mais toujours la cible des fans ou des paparazzis du dimanche. Un des aspects de sa carrière de basketteur qui ne va assurément pas lui manquer.
Alors que les musiques défilent et qu'il poursuit sa course contre le soleil qui décline toujours plus à l'ouest, les souvenirs de Kagami l'emportent inévitablement vers le basket. Il se souvient du jour où il a été drafté comme si c'était hier. Et depuis il n'a pas vu le temps passer, vivant un rêve éveillé chaque fois qu'il foulait le parquet. À chaque début de saison, dès que son agent lui décrochait un nouveau contrat. Du bonheur pur. Tous ses objectifs, il les a atteint. Même celui de porter les couleurs de son équipe de cœur, où il a eu la chance de finir sa carrière.
Repenser à cette vie ne lui laisse que la chaleur de la satisfaction et de la gratitude dans la poitrine. Il est extrêmement fier de son parcours, ne regrettant aucun des sacrifices qu'il a dû faire en route. Même celui de trouver une relation stable, une partenaire de vie avec qui partager ses succès et ses échecs. Certains y parviennent, ça n'a pas été son cas. Il a toujours fait passé le basket avant, se disant qu'il aurait le temps pour s'investir pleinement dans ce projet-là plus tard. Imaginant que Cassandra attendait sa retraite avec les mêmes envies que lui.
Malgré son besoin de se poser, construire un foyer et pourquoi pas une famille, la NBA lui manque, ça lui manquera toujours. Mais en choisissant cette voie, il a eu conscience dès le départ qu'il ne pourrait pas jouer toute sa vie. Du moins en tant que professionnel. Parce que rien ne l'empêchera jamais de jouer. Autant crever sinon… Cette sombre pensée aussi soudaine qu'impromptue le surprend quelque peu. Elle invoque un visage derrière ses rétines, effaçant celui de son ex avec une efficacité déconcertante, le ramenant plus loin encore dans le passé.
Perdu dans sa rétrospective, alors que Kagami ne faisait plus vraiment attention aux chansons qu'il entendait, la suivante le ramène à son escapade. Les premières notes de You're going down des Sick Puppies dessinent un rictus au coin de ses lèvres. Si ça ce n'est pas du hasard… Amusé par la coïncidence, Kagami est plus troublé encore par le prochain panneau qu'il croise. Vaguement, il se demande si ce sont des signes à suivre, son imagination qui s'emballe ou bien si ce n'est pas là-bas qu'il avait inconsciemment choisi d'aller. Peu importe au fond, puisque la perspective de le voir fait battre son cœur un peu plus vite. Comme allégé de ce poids qui le comprime depuis des jours, il ne lui faut pas longtemps pour se décider et changer de voix, enfin sûr de sa prochaine destination.
Kagami tape sur son volant au rythme de la chanson qui lui rappelle immanquablement son vieux rival. Un moment il se questionne. Devrait il le prévenir ? Ne serait-ce que pour savoir s'il est chez lui. Mais il imagine déjà son air choqué... Non, lui faire la surprise est trop réjouissant. Pressé d'arriver à San Francisco, Kagami accélère l'allure sans même s'en apercevoir.
Devant la page blanche de son document, Aomine fixe le curseur qui clignote, l'esprit ailleurs. Aujourd'hui rien ne vient. Des jours qu'il n'arrive pas à écrire et ça commence à l'agacer. Cette page blanche l'obsède, sans parvenir à la remplir. Pourtant, il se conforme à la même routine que pour son premier livre. D'ailleurs il a encore du mal à intégrer que son roman soit devenu un best-seller. S'il avait su que son éditeur lui en commanderait un second si vite, il ne se serait peut-être pas réjouit de ce succès.
Son bouquin, il l'a écrit plus pour lui que pour le partager. C'était un moyen de faire le deuil, une façon de compenser les heures d'entraînement, de rester productif et de ne pas devenir fou d'ennui. Alors il s'était lancé dans ce projet sans réfléchir, juste parce que cette histoire avait besoin de sortir de lui. Aomine avait le sentiment de l'avoir porté longtemps avant d'être capable de la raconter. De pouvoir poser les bons mots pour lui rendre justice. Et l'heure de la retraite sonnée, elle avait commencé à faire plus de bruit dans sa tête, cognant contre son crâne avec force, jaillissant par vagues incontrôlables qui lui faisait noircir des pages et des pages jusque tard dans la nuit.
Ça avait presque été facile, comparé à celle-ci qu'il ne connaît pas encore, qu'il apprivoise tout juste. Il a bien quelques idées, mais rien qui n'a eu le temps de germer aussi profondément que la première. Ce succès inattendu lui met une pression qu'il ne se serait jamais cru ressentir en dehors du basket. C'est presque réconfortant quand il y pense… Lui qui avait eu si peur de ce moment fatidique qu'était la fin de sa carrière est finalement capable de trouver du plaisir ailleurs, et des sensations similaires. Aujourd'hui il a conscience que l'écriture l'a empêché de sombrer dans ce néant familier qu'il sentait rôder telle une bête affamée, tapis dans l'ombre à attendre sa chute. Un peu comme maintenant, alors que l'angoisse fait battre son cœur au même rythme que ce foutu curseur.
Aomine est en train de relire ses notes pour trouver l'inspiration lorsque l'interphone de l'entrée annonce l'arrivée de quelqu'un. Il fronce les sourcils en jetant un œil à son calendrier. Non, il n'attendait personne… Mais si quelqu'un est dans l'ascenseur menant à son antre, c'est que Mick, le portier connaît cette personne, sans quoi il l'aurait appelé pour avoir son autorisation. Son esprit turbine pour trouver de qui il peut s'agir tandis que ses pas le guident vers le vestibule où devrait atterrir son visiteur mystère. Agacé d'avoir été dérangé en plein processus de recherche, il guette le défilé des chiffres indiquant les étages. Au quinzième, le roulis régulier du moteur laisse place au ding caractéristique.
La tête basse, les mains appuyées derrière lui, il reconnaît sa silhouette avant de croiser son regard. Son cœur rate un battement lorsque Kagami redresse le visage sur lui, dévoilant un sourire radieux qui a le don de le réchauffer comme un soleil de printemps après l'hiver. Et lui reste planté là, la bouche ouverte sur des questions muettes qui se bousculent dans son esprits. Bakagami s'approche de lui en riant, visiblement fier de son effet. Par réflexe, il saisit la main tendue et se laisse attirer dans une accolade virile dont le tigre a le secret. Il lui rend son étreinte en le serrant brièvement contre lui, heureux de le voir malgré la stupéfaction. En général Aomine déteste les surprises… Mais celle-ci ? Son sourire parle pour lui.
Incrédule, la panthère tient son ami à distance pour le contempler, s'assurer qu'il ne rêve pas, ce qui lui vaut une nouvelle moquerie. Pourtant malgré la joie apparente de Kagami, il lui trouve les traits tirés. Plutôt logique quand il y pense. En revanche sa visite improvisée l'est moins.
« Qu'est-ce que tu fous là Baka ? T'aurais pu prévenir !
— Et manquer ta tronche d'ahuri ? Never !
— Tsss… »
Il le pousse pour la forme, faute d'une répartie éloquente et rejoint sa cuisine à la recherche de rafraîchissements.
«Tu veux boire un truc ?
— Ouais n'importe ce que t'as.»
D'un coup d'œil, il évalue le contenu de son frigo et attrape deux canettes de bière. Sans prévenir il envoie la sienne à Kagami qui la réceptionne sans mal. Ce simple geste lui tire un énième sourire. Ils ont beau passer de longues périodes sans se voir, certains réflexes ne s'oublient pas et bien qu'il le sache, le constater lui procure toujours un plaisir particulier.
Aomine s'adosse à son plan de travail tandis que son hôte prend place sur un tabouret de l'îlot central. Il l'observe avaler de grandes goulées désaltérantes, fasciné par la danse de sa pomme d'Adam sur sa gorge. Il s'ébroue mentalement pour se ressaisir et se demande ce que son ami peut bien faire chez lui en entamant sa propre bière. Un frisson glacé entre crainte et excitation le parcourt lorsqu'il se dit que ça y est, Kagami a enfin lu son livre. Il s'est toujours dit qu'à sa lecture, Kagami comprendrait tout et débarquerait chez lui pour lui dire ce qu'il en pense. Ou lui foutre son poing dans la tronche… Mais les dernières nouvelles qu'il a eu le concernant ont tendance à lui faire penser qu'il est là pour autre chose.
«Bon alors, tu te décides à me dire ce que tu viens faire à San Francisco ?
— Je viens voir un pote. Pourquoi j'aurai pas dû ? » Lui lance un Kagami défiant.
Aomine secoue la tête avec un demi-sourire. C'est qu'après plus de vingt ans, il commence à connaître l'animal. Et là, le tigre est sur la défensive.
« Baka ! Tu restes ?
— Ça dépend… Répond Taïga dans un haussement d'épaule. Je peux ?
— Évidemment.
— Thanks…»
Ils échangent un sourire et d'un geste, le brun invite son ami à le suivre au salon. Il prend place dans son fauteuil préféré tandis que Kagami s'affale sur son canapé dans un soupir d'aise.
«T'es venu comment ?
— Voiture. J'avais envie de rouler et quand j'ai vu le panneau je me suis dit que j'allais venir dire bonjour
— T'as bien fait. Depuis le temps qu'on devait se voir…
— Ouais c'est vrai, ça faisait un moment. J'te dérange pas ?
— Non, en fait j'avais besoin d'une pause alors tu tombes bien.
— T'étais sur quoi ?
— J'essayais d'écrire. Mais aujourd'hui est un jour sans.
— Oh… un nouveau livre ? Star du basket et un Best-seller ça te suffit pas ?»
Aomine roule des yeux à la provocation mais parler de son roman avec lui a quelque chose d'inconfortable. Parfois il a l'étrange sensation que malgré ses dires, Kagami l'a lu. Et cette possibilité le rend terriblement nerveux. Alors il change de sujet.
« Qu'est-ce que j'y peux… le public me réclame. Et toi, quoi de neuf ? Ça avance ton projet d'école ?
— Nan… c'est au point mort.
— Pourquoi ? Je croyais que t'avais eu le soutien du conseil ? S'étonne-t-il.
— La ville est ok, on a même plusieurs possibilités pour construire. Le problème c'est les banques…
— Sérieux ? Ton apport leur suffit pas ?
— Pour construire si, je suis large. Le problème c'est je cite "la viabilité du projet à long terme". Ils ont peur que ça ne fonctionne pas. Si je ne trouve pas d'investisseurs, j'aurais de quoi payer le staff un an ou deux mais sur le fond ils ont raison.»
Le brun fronce les sourcils, partageant sincèrement la contrariété de son vieil ami. Il se souvient de son enthousiasme la première fois qu'il lui a parlé de cette idée folle de créer une école pour jeunes sportifs. Un endroit où les gamins auraient les mêmes chances d'avoir une bourse peut importe leurs origines sociales et plus de place pour développer leurs talents. Un centre de formation de futur champions en quelque sorte.
« Merde… désolé mec. Tu sais que si t'as besoin je peux_
— Non ! Non merci, j'apprécie mais je veux pas t'embarquer là-dedans. Imagine je m'foire ?
— Si tu parles comme ça aux costards-cravates, je comprends mieux leurs réticences !»
Kagami lui lance un regard noir et un oreiller qui trainait là au visage. Il se protège du projectile en riant. Bien qu'il est déçu de ne pas pouvoir l'aider, il comprend son refus. Kagami est quelqu'un de prudent en ce qui concerne ses proches, protecteur, et il a toujours eu ce besoin de se débrouiller seul. C'est frustrant de le regarder faire, surtout quand il sait qu'il peut faire la différence, mais il respecte ça chez lui. Cette force de caractère sans borne. Alors il n'insiste pas pour s'impliquer personnellement sans pouvoir se résoudre à le laisser dans cette situation pour autant.
«T'as demandé à Seijuro ? Les investissements il maîtrise. Il a sûrement quelques tuyaux ou des contacts qui pourraient t'aider.
— Nan… nan j'y avais pas pensé. Tu crois que ça l'ennuierai ?
— Bin, si tu lui expliques avec conviction y a moyen que ça l'intéresse. Et puis il adore collectionner les reconnaissances de dettes ! »
Sur cette dernière affirmation, le brun ricane. L'image de son ancien capitaine avec les cornes du diable à qui on vendrait son âme pour des faveurs le faisant toujours rire. Malgré ce côté assoiffé de pouvoir et d'influence, il s'avère qu'Akashi a vraiment du flair pour les bonnes affaires et les idées à fort potentiel. En businessman accompli, il est sûr qu'il sera de bons conseils pour un vieux pote dans le besoin. D'autant qu'il a un côté très généreux dans ses bons jours à ne pas sous-estimer.
Kagami ne peut s'empêcher de sourire. Parce que le rire de Daïki est communicatif, mais aussi parce que son idée lui donne un peu d'espoir. Résolu à ne pas demander d'argent à ses amis et anciens collègues, il n'avait pas pensé à simplement demander conseil. Quelque part ça le gêne un peu de contacter Akashi. Ils n'ont jamais été très proches et voilà une paire d'années qu'il n'a pas eu l'occasion de lui parler. Mais si ça peut l'aider à avancer… Aujourd'hui ce projet, c'est tout ce qui lui reste et il compte bien réussir à le concrétiser. C'est sa façon de rendre une part de la chance qu'il a eu de tomber sur les bonnes personnes, sans qui son talent seul n'aurait servi à rien. Après avoir fait partie du système, il est pleinement averti des rouages de son fonctionnement, de ses failles et de ses injustices. En bon Saint Maritain, il s'est donné pour mission d'en lever quelques-unes.
Il termine sa bière, pensif. Encore une fois, Aomine s'est proposé sans hésitation et ça le touche. C'est bon de savoir qu'il peut compter sur lui, même pour des projets fous. Cependant il préfère attendre pour impliquer les proches. Mélanger argent et amitié, il n'aime pas l'idée.
Un mouvement sur sa gauche le sort de ses divagations. Le brun qu'il n'a pas vu se lever lui tend une nouvelle bière qu'il accepte volontiers. Le silence se glisse entre eux, sans qu'il ne soit gênant. Ils en partagent plus que de longues conversations. L'un comme l'autre n'étant pas du genre à s'épancher… Il en profite pour admirer la vue et s'y perdre. Le nid que s'est trouvé la panthère, amatrice des panoramas dégagées sur le ciel ne pouvait pas rêver mieux. L'appartement de Aomine trône à l'un des derniers étages d'un building du centre-ville. Tout en vitre il offre une vue imprenable sur des kilomètres. De là où il est, Kagami est aux premières loges pour assister au sunset sur la baie de San-Francisco. Tout à sa contemplation, il sent le regard de son ami peser sur lui.
Comme à chaque fois qu'il le surprend à l'observer, son rythme cardiaque accélère. Il se demande invariablement à quoi la panthère pense, et surtout s'il le regarde encore comme autre chose qu'un ami. Cette éventualité le terrifie et l'empêche d'aborder la question. La gorge nouée d'appréhension. Il redoute ce que cette discussion pourrait apporter, encore plus ce qu'elle pourrait lui enlever. Daïki est quelqu'un de très cher à ses yeux, depuis tant d'années maintenant que le perdre lui est tout bonnement inconcevable. Pour rien au monde il ne s'y risquerait. C'est pourquoi il continue d'affirmer qu'il n'a pas encore lu son livre. Pour garder la carte de l'ignorance en main, comme un atout qu'il sort de sa manche dès qu'il en ressent le besoin.
Lorsqu'il ose enfin affronter le regard bleu perçant, un frisson dévale son échine. L'intensité du fauve est trop pénétrante pour la supporter d'avantage. D'ordinaire il n'aurait pas céder à ce duel silencieux mais il se sent particulièrement vulnérable en ce moment, trop pour le laisser poursuivre cet intime sondage. Incertain il finit par souffler :
« Quoi ?
— … T'as l'air fatigué. Tu dors mal ?»
Kagami soupire, presque soulagé. Il bascule la tête sur le dossier du divan et prend le temps de formuler sa réponse. Il doit reconnaître que son ami a été particulièrement patient, d'autant qu'il se doute que l'information a déjà fait le tour de leur cercle commun.
« Qui te l'a dit ?
— Qui m'a dit quoi ?
— Arrête… Joues pas les idiots. Je sais que tu sais.
— À ton avis ? »
Il redresse la tête juste à temps pour apercevoir la moue désabusée de son vis à vis, confirmant sa théorie. Dans un grognement, il la laisse retomber se promettant de ne plus rien confier à Kise sans être parfaitement sobre. Ce fouineur arrive toujours à l'avoir ! Pour ce qui est du brun, il le trouve étonnement silencieux. Est-ce qu'il attend, ou bien abandonne-t-il ? La seconde option lui semblant fort peu probable, Kagami consent à cracher le morceau.
« Je dors à l'hôtel. Tu sais que j'aime pas les hôtels…
— T'as fait quoi de la maison ?
— Vendu… J'ai donné les clefs ce matin aux nouveaux proprios.
—... Je vois.
— Je m'en tape. J'aimais pas le quartier de toute façon.
— T'as le droit d'avoir les boules. Même si ce n'était pas la maison de tes rêves, c'est ce qu'elle représente qui est dure à lâcher.»
Le yeux fixés au plafond incrusté de spot lumineux, Kagami est surpris par l'analyse de Aomine. Non pas qu'elle soit fausse, bien au contraire, mais parce qu'il ne le savait pas si fin psychologue. À vrai dire, de sa part il se serait plus attendu à un "J'te l'avais bien dit" ou des piques bien senties sur son sentimentalisme. Peut-être qu'au fond, c'est ce qu'il est venu chercher en venant ici. Quelqu'un qui ne le prendrait pas avec des pincettes et le secourait sans se soucier de le vexer. Irrité par sa réflexion sans trop savoir pourquoi, il soupire sa frustration bruyamment.
« Ouais enfin, c'est pas comme si tu m'avais pas prévenu. J'peux m'en prendre qu'à moi maintenant.»
Sans crier gare, le brun lui assène un coup de coussin qui le contraint à reporter son attention sur lui, furieux.
« Baka ! J'aurais très bien pu me tromper sur son compte. T'as rien fait de mal.
— Elle est quand même partie.
— Bin tant pis pour elle ! C'était pas la bonne.»
La colère manifeste de son pote envers son ex l'amuse. Depuis le début il ne la porte pas dans son cœur, mais pour une fois il est plutôt du même avis. Aujourd'hui il sait que Aomine a raison. Il a fini par se rendre à l'évidence. Certes avec Cass ils avaient des centres d'intérêt commun, et de l'affection l'un pour l'autre, mais leurs vision de l'avenir était trop différente pour que ça suffise.
« Yeah… I know. But still… J'sais pas j'ai l'impression d'avoir perdu mon temps avec elle. C'est plus ça qui me fout la rage qu'autre chose. Si j'avais été moins con, je l'aurais compris avant.
— Taï, tu pouvais pas savoir. T'as préféré y croire et alors ? Tu ne vas pas t'en vouloir pour ça… Faut toujours que tu prennes toutes les responsabilités pour tout. Arrête de jouer les martyrs putain. Ça me gonfle. Elle n'avait qu'à être honnête avec toi dès le départ si elle ne comptait pas s'engager.»
Cette fois, la virulence de Aomine le choque plus qu'elle ne l'amuse. Il faut dire aussi que l'utilisation de son surnom est assez rare pour témoigner de la gravité du moment. Malgré la complicité qu'ils ont développée au fil des ans, ils ne s'appellent presque jamais par leurs prénoms. D'un accord tacite, ils le réservent pour les choses difficiles à dire et les situations où cette barrière entre eux devient un obstacle plus grand que la pudeur elle-même. Sans elle, les mots de son ami le percutent de plein fouet, le laissant interdit et muet.
« Écoute… Je suis désolé. Je sais que tu attendais autre chose de cette relation. Mais tu ne peux pas dire que tu as perdu ton temps. Toute expérience est bonne à prendre. Et puis, tu n'as que trente-six ans. T'es à la retraite d'accord, mais t'es pas octogénaire que je sache…»
Kagami observe Aomine un moment. Habitué à leurs chamailleries perpétuelles, à ses côtés il a facilement tendance à oublier combien ils ont grandi. Son bon sens et sa bienveillance sont des preuves de maturité qu'il ne soupçonnait pas, ou plutôt dont il n'a pas été témoin jusque-là et pourtant ces paroles ont l'effet d'un baume apaisant sur son cœur meurtri.
« Je sais que t'as raison. abdique-t-il. C'est juste que je suis encore plus loin que ce que je pensais de cocher toutes les cases. À ce rythme je vais me retrouver à quarante piges et n'avoir rien construit.
— Rien construit ? You're kidding right ? » Aomine se lève pour venir s'installer face à lui sur sa table basse, son regard sévère braqué sur lui. «Donc avoir un diplôme universitaire, être médaillé olympique, avoir marqué l'histoire du basket et bientôt ouvrir une école de sport, c'est rien à tes yeux ? Parce qu'il me semble que c'est ce que t'as réussi à faire pendant que "la norme" remplissait des cases.
— Évidemment dit comme ça… marmonne-t-il de mauvaise foi.
— Je trouve rien de grave à être hors norme si ça veut dire ne pas se conformer à ce qu'on attend de toi. Sérieusement Taïga, on en serait où toi et moi si on s'était contenté de suivre les plans que les dictats et nos parents nous imposaient ? »
Kagami fronce les sourcils, considérant la question avec sérieux. Il imagine ce que serait devenue sa vie s'il avait écouté son père et refusé l'opportunité offerte par Alex. Et il doit bien admettre qu'en comparaison, cette alternative lui paraît bien morne.
« Well… j'aurais surement un boulot chiant à mourir dans l'entreprise familiale, une maison, un crédit, femme et enfants. Et toi… hm, un auteur fauché ? Tente-t-il dans un demi sourire.
— Pas ouf hein ? Confirme Daïki dans une grimace de dégout.
— Nan, pas ouf.»
Le tigre ne pensait pas aborder ce sujet avec Aho, mais force est de constater qu'il a bien fait. Il a su dissiper son coup de déprime surgit de nul part et lui donner matière à réfléchir. Dans un élan de reconnaissance, Kagami vient presser son genoux contre celui du brun :
«Thanks… J'te savais pas si beau parleur. Ne peut-il s'empêcher d'ajouter pour masquer son trouble.
— T'y habitue pas trop Baka. La prochaine fois que je t'entend dire des conneries pareilles, j'ten colle une ! »
Voilà qui ressemble plus au Aomine qu'il connaît. La menace soulignée d'une claque sur sa cuisse lui arrache un éclat de rire. C'est aussi inattendu que libérateur, de simplement rire.
« Ah ! J'me disais aussi … »
Aomine préfère de loin l'entendre rire. C'est peu commun de voir Kagami abattu, lui toujours si combatif. C'est si déroutant que ça lui tord l'estomac. Heureusement, la lueur de détermination semble ravivée dans son regard et il aime penser qu'il y est un peu pour quelque chose. Désireux de lui remonter le moral il prend place à ses côtés, allume télévision et console puis lui tend une manette.
« Tiens, choisit un truc. Après on mange et on sort.
— On mange quoi ?
— T'occupe.»
Il rit intérieurement à la moue défaite de Kagami qui cherche parmi sa bibliothèque virtuelle un jeu intéressant quand lui passe commande dans sa pizzeria préférée.
« Pour la burger, supplément viande et fromage, sans olive. Pareille pour la forestière. La cannibale et la californienne comme d'habitude_ Oui même adresse. Pour dans une heure ce serait bon ? »
Il confirme son achat et prend la seconde manette, prêt à affronter Kagami dans une course de voiture. Ce dernier lui adresse une œillade inquisitrice en coin tandis qu'il lance la partie mais ne dit rien. Aomine s'abstient de tout commentaire, se laissant happer par le jeu.
Ils enchainent les circuits, luttant pour la première place ou au moins celle précédant l'adversaire. Peu importe quel affrontement ils se livrent, leurs esprits de compétition prend rapidement possession d'eux. Très vite, les tentatives de déstabilisation et de triche font leur apparition, entraînant rires et cris offusqués. Lorsque l'interphone indique l'arrivée du dîner, Aomine se voit contraint de lâcher sa prise qui n'a de toute façon pas l'air trop dérangée de l'avoir sur le dos.
Le temps qu'il descende récupérer les pizzas, Kagami a rangé la console et sortie à boire sur l'ilot de la cuisine où il l'attend sagement. Un sourire l'accueil et cette vision l'enchante, bien qu'il se doute que ce soit surtout la nourriture que Kagami est heureux de voir débarquer.
« J'espère que t'as faim.
— J'ai la dalle ! »
Dans un silence relatif, il dévorent leur pitance avec appétit. Cependant Aomine ne peut s'empêcher de noter que le goinfre qui lui sert d'ami ne termine pas sa seconde pizza. Pour ne pas entacher l'humeur de Kagami, il ne le taquine pas sur le sujet, se doutant que si le sommeil à été difficile dernièrement, l'appétit aussi.
« T'as de quoi te changer ? Tu peux prendre une douche si tu veux. Lui indique-t-il en terminant de débarrasser le diner.
— Tu tiens vraiment à sortir ? Je suis pas très chaud Ao…
— Yep ! T'es venu ici pour prendre l'air il me semble, alors c'est ce qu'on va faire. Je connais un endroit sympas tu verras.
— Really Ao… » Tente de l'amadouer le fauve d'une voix plaintive.
D'un geste qui n'admet aucune résistance il pointe du doigt le couloir menant aux chambres et soutient le regard rubis jusqu'à ce qu'il capitule.
« Ok fine ! Tu trouveras mes affaires dans le coffre de ma bagnole ! »
Déjà en chemin pour aller les récupérer, il savoure sa victoire dans le dos de Kagami. Si jouer les bagagistes est le seul prix à payer pour le sortir et lui changer les idées, ça ne le dérange pas. Avant d'investir sa propre salle de bain pour une toilette furtive, Aomine écrit à quelques potes où il compte se rendre, si jamais certains sont dispo pour passer boire un verre avec eux.
Frais et changé Aomine traîne sur son téléphone lorsque Kagami le rejoint. L'animal tire encore la tronche mais il a fait un effort. Il lui faut toute la volonté dont il est capable pour ne pas s'attarder plus que nécessaire sur sa silhouette athlétique mise en valeur par son look. Ça fait bien longtemps que le brun s'est fait une raison et qu'il s'efforce de ne pas voir son ami autrement. La plus part du temps c'est facile, mais quand il est pris de court ou qu'il baisse sa garde, son crush se rappelle à lui. Et cet air renfrogné sur le visage familier n'aide pas, le ramenant à l'époque où cette flamme s'est allumée pour lui. En secret, il sourit à ses vieux souvenirs qui lui serrent la poitrine puis enroule son bras autour de la nuque de son invité au risque de se faire mordre et l'attire vers la sortie.
« Arrête de bouder Bakagami, j'tassure que ça va être fun. »
Seul un grognement incompréhensible lui répond. Téméraire, Aomine ne se laisse pas impressionner et glisse sa main dans la tignasse que Kagami a tenté de discipliner pour l'ébouriffer. Cette fois il se fait pousser sans ménagement dans la cabine d'ascenseur en représailles où le fauve se presse d'examiner les dégâts dans le miroir.
« Regarde ce que t'as fait ? T'es content de toi ?
— Très. Affirme-t-il, en bombant le torse.
— Pff… »
Le rouge râle mais il voit bien son rictus dans le reflet. Sentant sa victime sur le point de craquer, il enfonce le clou en venant l'imiter et ses grimaces de fausse concentration ont raison du masque de contrariété de Taïga. Ce dernier lui cède un rire, le bousculant gentiment hors de l'ascenseur. Satisfait d'être enfin parvenu à le dérider, Aomine l'entraîne dans les rues de sa dernière ville d'adoption.
Devant l'établissement qu'il affectionne, il explique à Kagami le concept du lieu. Un bar branché où l'on peut venir se détendre ou faire des rencontres. Il suffit d'arborer des bracelets néons distribués à l'entrée en respectant le code couleur pour indiquer aux autres son état d'esprit, ou envie du moment. Kagami s'étonne d'abord du principe avant de pénétrer dans le pub, curieux. Il le laisse découvrir l'ambiance et choisir sa couleur tandis qu'il salue le vigile qui commence à le connaître. Son ami semble hésiter un moment devant les bracelets, et ça l'amuse. Le voir ici lui fait vraiment plaisir, même s'il aurait préféré des circonstances plus… réjouissantes.
Ayant choisi sa couleur du jour, il passe par le comptoir pour commander avant de leur trouver une table. Taïga finit par le rejoindre et s'installe face à lui, inspectant les alentours. Aomine en profite pour observer son poignet arborant un bijoux lumineux rouge vif. Le rouge, évidemment… Voilà de quoi leur assurer la tranquillité. D'après le code, cette couleur indique un stop. Traduisible par « c'est compliqué », « danger » ou encore « pas envie d'être approché ».
Une serveuse vient déposer leurs bières, ce qui ramène l'attention de Kagami à leur table. Ils trinquent ensemble à cette soirée de retrouvailles improvisée, heureux de se voir autrement qu'en coup de vent après un match opposant les Lakers et les Warriors. Le brun se dit qu'ils devraient se voir plus souvent maintenant qu'ils n'ont plus l'excuse du boulot, ce serait bête qu'ils se perdent de vue… Quand la voix grave de son rival interrompt ses pensées.
«T'as quelqu'un ? Demande ce dernier en pointant sa main du menton.
— Hm ? Oh non, j'ai pris bleu pour qu'on soit tranquille.
— Parce que si non tu attires trop de monde c'est ça ?» Se moque Kagami, visiblement plus détendu.
La panthère se calle nonchalamment sur le dossier de sa banquette, lui offrant un sourire enjôleur et lève un sourcil interrogateur.
«Tu en doutes Bakagami ?»
Pas une seconde… Pense le concerné. En effet depuis qu'ils sont gamins, Aomine est canon. Comme si son talent n'était pas assez agaçant… Vingt ans après, ses yeux bleus remarquables sont toujours tempétueux mais son regard s'est adoucis. Sa mâchoire bien dessinée a perdu les traits fins de l'enfance, le rendant plus virile. L'ancien As de Too est toujours svelte et félin, mais sa carrière de sportif de haut niveau peut se lire sur sa musculature entretenue. Ces dernières années, le soleil de la côte Ouest a réhaussé le teint mat naturel de sa peau, ornée de quelques motifs encrés rendus discrets par sa teinte sombre. Quant à son air renfermé, froid et agressif qu'il arborait quand il l'a connu… il n'en reste plus rien dans l'homme fier installé devant lui. Aomine en a toujours imposé, sur le parquet et en dehors, mais il lui semble que son charisme inonde toute la pièce et irradie d'une réelle assurance. Sans aucun doute attirant. En toute objectivité bien sûr.
Cependant il préfère ne rien dire, surjouant le dépit que la réflexion lui inspire pour éviter de conforter le don juan de service dans son délire prétentieux, et revient plutôt sur le sujet principal. À savoir son statu amoureux du moment, toujours difficile à suivre.
« Ça c'est pas bien passé avec ton ex ?
— Summer ?
— Non, pas elle. J'ai même pas eu le temps de me souvenir de son prénom…» Explique-t-il. « J'en étais resté à l'épisode avec ton coéquipier… Derreck c'est ça ? Tu ne m'as jamais dit ce qu'il s'était passé.
— Oh, ouais… Non ça l'a pas fait.» Commence un Aomine gêné. «On s'amusait bien mais il a rencontré quelqu'un d'autre prêt à se poser alors on est resté pote.»
Kagami considère son ami, cherchant à lire entre les lignes.
«Toujours pas décidé à te caser alors ?
— Non c'est pas vraiment ça. Disons que j'ai toujours du mal à savoir si on s'intéresse à moi pour la fame, le fric, ou moi.» Répond le brun dans un haussement d'épaule.
Le revers de la médaille… identifie Kagami. Il prend une gorgée de bière, pensif, comprenant complètement son ami et sa difficulté à s'engager. Le milieu dans lequel ils évoluaient jusqu'à il y a peu rendant les rencontres faciles. Presque trop. Quand on cherche du sérieux. Il ne s'attendait pas forcément à plus de détails mais pourtant Daïki poursuit.
« Disons que jusque-là je n'ai rencontré personne qui m'en ait donné envie non plus. Avec Derreck ça collait bien c'est vrai, mais de là à faire ma vie avec…
— Je comprends… Avec Cass' j'imagine que si ça avait été une évidence, on n'en serait pas arrivé là non plus.
— Bien s'entendre ça ne suffit pas…
— No. I guess No.»
Kagami joue avec sa peinte, se rappelant les paroles d'Alex qu'il était trop abattu pour entendre il y a quelques semaines. D'après elle, une relation ça se construit, ça se décide. Il faut le vouloir et trouver la force de faire le même choix tous les jours. Lui a toujours fait passer le basket avant, son premier amour, et s'étonnait ensuite de ne pas passer en priorité. Il ne trouve plus son raisonnement si bête aujourd'hui, même si ça fait mal de l'admettre. L'air ailleurs de Daïki lui rappelle qu'il n'est pas le seul à batailler avec ce genre de questionnements et cette idée suffit à étirer ses lèvres. Ils font bien la paire, à ruminer comme deux âmes en peine.
« Tu m'avais promis du fun Aho. Je m'attendais à mieux.
— C'est toi qui mets des sujets déprimant sur le tapis aussi !
— Bullshit ! » S'offusque-t-il en riant.
D'un commun accord, ils bannissent la thématique des relations amoureuses pour la soirée si ce n'est pas pour s'en moquer. Ils trinquent une nouvelle fois à cette décision et abordent un sujet bien plus passionnant. Les play-off qui débutent et qui se jouent sans eux. Au fil de la discussion tournant toujours autour du basket, Kagami s'étonne de ne pas avoir parlé à son vieux rival avant. Ils expérimentent pourtant la même transition difficile qu'est le terme de leur vie de joueur. Contrairement à lui, il apprend que Daïki reste proche de son équipe, ayant du mal à quitter le terrain. Dans son cas, c'est compliqué de les voir, d'assister aux matchs sans avoir le droit de fouler le parquet. Peut-être que si son genoux n'avait pas montré de sérieux signes de fatigue il aurait rempilé.
Alors que sa seconde pinte est bien entamée, ils en sont à évoquer de vieux souvenirs. Échangeant leurs perspectives sur un vécu commun qui ne parait plus si loin ce soir, ici avec lui. Kagami a mal au ventre, et aux zygomatiques, trop peu sollicités dernièrement pour être capables d'endurer autant de plaisir. Il peine à reprendre son souffle, se tenant les côtes lorsque Aomine évoque ses disputes avec Ryota et les interventions de Kuroko pour y mettre un terme, qu'il n'a aucun mal à imaginer. Penser à lui file toujours un peu le cafard au tigre, mais grâce à Aomine l'exercice est beaucoup moins douloureux. Ils lui envoient même quelques photos d'eux, et des vocaux certainement trop enjoués pour être compréhensibles…
Contre toute attente, il passe un excellent moment. Et comme le lui a assuré son ami, personne ne vient les importuner, les laissant en tête à tête, profitant de l'euphorie festive des lieux. Il en vient presque à oublier qu'ils ne sont pas seuls tant ils s'amusent. Mais bientôt, un ami de Daïki les rejoint. S'il est d'abord déçu de cette apparition, craignant d'être mis à l'écart il est vite rassuré. Le gars en question n'est autre qu'un Warriors qu'il a déjà eu l'occasion d'affronter et de rencontrer.
« Hey Hi Tiger ! What are you doing here ?
— I visit an old rival.
— Oï ! Who calling you old Asshole ? » S'emporte Aomine.
De bien meilleure humeur, l'alcool aidant aussi à le désinhiber un peu, Kagami ne se renferme pas comme il a l'habitude de le faire. Même lorsque son complice le taquine, cherchant de toute évidence à l'embarrasser devant témoin il ne se laisse pas faire et réplique à grand renfort d'anecdotes. Trop heureux que cette petite guerre se retourne contre Aho lorsque son coéquipier s'allie à lui, au grand damne de la panthère.
Si Kagami ne s'amusait pas autant, il regretterait presque d'avoir invité ses potes. Les fourbes font cause commune et il en prend pour son grade. Ils sont finalement trois à les avoirs rejoint, rendant leur table presque trop petite pour leurs gabarits. Alors qu'il écoute ses anciens coéquipiers se plaindre du coach et de son programme de tortionnaire, Kagami a un bras autour de ses épaules. Lui a un peu de mal à se concentrer avec la proximité de Taïga. Il en profite pour se gorger de sa présence, de son énergie solaire qui lui ont tant manqué. Ne s'y attendant pas, il sursaute lorsque l'objet de sa convoitise vient poser sa tête contre la sienne en geignant de désespoir.
« Aaaah Ao… Ils me donnent trop envie de jouer tes gars. Dis leur de se taire !»
La remarque qu'il traduit les fait rire, et il s'autorise à poser une main réconfortante sur la nuque d'un Kagami dépité, et visiblement éméché. Occupant l'autre place à côté de lui, Steph prend la demande au sérieux et propose un affrontement. L'ouïe fine du tigre ne manque pas de le capter, attirant toute l'attention de l'animal surexcité à la perspective de jouer. Aomine, un peu plus lucide tente de freiner l'engouement qui se répand autour de la tablée, sans succès. Il faut dire qu'il a du mal à résister au regard suppliant de Kagami en général, mais quand ses autres compagnons l'imitent dans une prière silencieuse, il est vaincu, impuissant à jouer les rabat-joie. Et puis ce n'est pas comme s'il n'en avait pas envie non plus…
C'est ainsi qu'ils se retrouvent il ne sait trop comment dans les vestiaires qu'il a mainte fois foulé durant les cinq dernières années, se préparant à jouer un match promettant d'être… intéressant. Le sérieux qu'affiche Kagami en enfilant sa tenue empruntée lui plait, étonné de voir la rapidité avec laquelle il a dessoulé. Lorsqu'ils rejoignent les autres dans le gymnase, le sourire de gosse qu'arbore son ami en s'imprégnant des lieux comme si c'était la première fois le chamboule.
« Oh god I missed that so much…
— Yeah… me too. Come on, let's show them how we play basketball.»
Le regard flamboyant qu'il reçoit en réponse termine de lui faire oublier la folie de la situation dans un frisson incontrôlable.
Des deux contre deux s'organisent, laissant le cinquième joueur arbitrer les duels. Si les premiers affrontements se font dans les règles de l'art, cela vire rapidement au grand n'importe quoi. Le règlement est bafoué, réécrit au bon vouloir de l'arbitre en faction. Loin de s'en plaindre, Aomine attend son tour avec impatience. Puis, profitant de son statu de maître du jeu pour désavantager Kagami, il lui impose toute sorte de contraintes ridicules juste pour le plaisir de l'emmerder. Comme toujours, ils finissent par s'embrouiller, causant l'hilarité des Warriors. Ne les croyant pas capables de coopérer, imaginant sans doute une victoire facile, ces derniers déchantent en se frottant à leur duo. Tout aussi complices qu'ils peuvent être rivaux, ils gagnent cette manche.
Aomine s'éclate comme il ne l'a pas fait depuis longtemps. Voir Kagami s'amuser autant que lui contribue grandement à son bonheur. Il savait que malgré ses réticences, son ami avait besoin de voir du monde. Il n'est pas mécontent de l'avoir un peu forcé, mais la fatigue commence à se faire durement ressentir. Il ne sait pas quelle heure il est, sûrement grand temps de rentrer. Non sans regrets, ils prennent une douche expéditive avant de saluer les autres à grand renfort d'accolades chaleureuses devant le gymnase. Aomine leur promet de passer les voir bientôt tandis que Kagami échange son numéro et quelques images de leur soirée mémorable.
Le trajet en taxi est relativement court jusqu'à chez lui, et silencieux. Il sourit au Kagami somnolant contre la vitre et l'aide à s'extirper de la voiture. Le portier de nuit les salue poliment malgré l'amusement qu'il peut lire sur son visage. Il faut dire que la vision d'un grand gaillard bancal traînant maladroitement un autre grand gaillard à moitié endormi a de quoi être amusant. Il le soutient jusqu'à sa chambre d'ami où il le dépose tant bien que mal sur le lit. Essoufflé, Aomine prend le temps de s'étirer, le dos douloureux. Alors qu'il s'apprête à quitter la pièce il entend Taïga le retenir.
« Wait Daï… !
— Yes ?
— Thanks you… T'avais raison, je me suis bien amusé et j'en avais besoin… Confesse Kagami tout bas.
— Y'a pas de quoi Taïga.» Murmure-t-il dans le noir, plus ému qu'il n'aurait cru.
Le brun se surprend à rester sur le seuil de la chambre, observant l'adonis se glisser gauchement sous les draps. Aomine profite de ce moment dans l'obscurité, le silence et l'intimité de chez lui pour baisser la garde et s'autorise une seconde à le trouver beau, à le désirer. Son cœur s'emballe sans hésiter, se délectant de la vue. Le croyant déjà endormi, il se fige, prit en flagrant délit lorsque Kagami le tire de sa contemplation en marmonnant d'une voie ensommeillée :
« Good night Aho.
— Yeah, you too Baka.»
Et il se retire dans sa chambre avant de dérailler plus que de raison, se contraignant à refouler ses fantasmes. Aomine se déshabille et s'affale avec bonheur dans son lit. Épuisé, il ne tarde pas à s'endormir, baigné par la lueur de la lune déjà basse dans le ciel.
