Hé bien le bonsoir ! Me voici avec la suite :)
J'aurais aimé poster plus tôt, mais ce chapitre m'a donné du fil à retordre. Je ne suis pas sûr qu'il rende ce que je voulais, mais j'aime bien ce qui s'y passe. J'espère qu'il vous plaira aussi.
Bonne lecture !
3. Old habits
Sur le chemin du retour, le soleil décline dans le rétroviseur de la comète. Après cette belle journée en extérieur, Aomine continu d'insister. Persuadé que c'est l'esprit de Too qui a rendu Kagami meilleur que lui, mais aussi surtout parce que ça fait grogner le tigre et qu'il ne se lassera jamais de ses réactions exagérées. En plein fou rire, il se prend un coup de coude à un feu rouge puis un coup de poing sur l'épaule. Rien qui ne parvient à le calmer.
« T'es qu'un gamin ! Incapable d'accepter la défaite putain.
— Et toi t'es un mauvais gagnant ! La victoire te suffit pas, faut en plus que je te lance des fleurs ! Ou que je me prosterne peut-être ? Se marre le brun.
— Pfff j'en demande pas tant ! Un simple « Bien joué Taï », ça me suffirait… » Marmonne Kagami en reprenant sa conduite.
Sur son siège, cheveux au vent, Daïki ricane. Son vieux rival est susceptible là-dessus, un peu par sa faute sûrement… Kagami a toujours cherché son approbation, son respect et par jeu il rechigne souvent à le lui donner. Peut-être aussi par peur qu'il s'en satisfasse et cesse d'essayer de l'obtenir. Mais il a finalement pitié de son chauffeur et de sa mine renfrognée. Alors il se penche vers lui avec un sourire et avoue avec une sincérité non feinte :
« Ok si tu y tiens… Bien joué Taï, le seul qui puisse me battre, c'est toi. »
Il est assez près pour voir les mains de son ami se crisper sur le volant et son visage se teinter de rouge. Il jubile intérieurement et retient un nouveau rire qui pourrait lui faire penser qu'il se moque de lui, alors qu'il le pense vraiment. Kagami lui lance un regard en biais, suspicieux et méfiant par-dessus ses lunettes de soleil puis le repousse loin de lui en plaquant sa grande paluche sur son visage.
« T'es vraiment con quand tu t'y mets ! »
Il laisse un éclat de rire lui échapper tandis qu'il retombe au fond de son siège, mais cette fois son ami l'accompagne malgré lui en secouant la tête de dépit. Ouais, l'embarrasser c'est tout aussi satisfaisant.
Une fois remonté dans le penthouse, impatients de se décrasser ils se hâtent chacun dans leur douche respective. Sous la sienne Aomine essaie de se détendre, laissant l'euphorie se diluer dans son corps tandis qu'il le savonne. Seulement, il a soudain la tête en feu. Alors qu'il pense à la journée qu'ils viennent de passer, un éclair le frappe sans prévenir. Une étincelle qui allume la mèche de son inspiration, défilant une suite d'idées jusqu'à exploser en scénario complet sous ses paupières closes. La poitrine vibrant d'excitation il écourte sa douche et en sort, se séchant à la hâte. Le jogging qu'il enfile colle à sa peau encore humide et il met un t-shirt sur le chemin de son bureau.
Il vient de trouver la clef de l'intrigue qu'il ne voyait pas comment aborder, mais qu'il ne voulait pas changer non plus. Le détail sur lequel il bloquait. Les idées déferlent et se bousculent si vite dans son esprit qu'il a peur de les oublier. Il allume son ordinateur et ouvre son document dans l'urgence de tout noter avant que ça ne lui échappe. Il laisse ses doigts filer sur le clavier sans se soucier de faire des phrases, ou de l'orthographe. Il retranscrit ses pensées brutes, l'ambiance qu'il désire, des lignes de dialogues, une péripétie intéressante, le caractère d'un personnage à développer… Il laisse son imagination prendre feu, soufflant sur les braises pendant qu'elles sont encore chaudes, tapant sur les touches avec frénésie.
Aomine est tellement absorbé par cet élan salvateur qu'il n'entend pas Kagami s'approcher et qu'il sursaute presque lorsque sa voix s'élève derrière lui. Il se tourne vivement pour le trouver appuyé au mur sur le seuil de son antre, fraichement douché et le visage habillé d'un sourire moqueur qui lui est très souvent réservé.
« Te moques pas, quand faut que ça sorte je contrôle plus rien !
— Je vois ça… » S'amuse le fauve goguenard. « Loin de moi l'idée de t'interrompre, je voulais juste savoir ce que tu aimerais manger.
— N'importe. » Répond-il d'un ton évasif, déjà de retour à son écran.
Kagami s'amuse de sa concentration extrême dont il n'a été le témoin uniquement sur un court de basket. Il observe Aomine encore quelques instants, fasciné par la rapidité de ses longs doigts sur les touches. Il se demande ce qui a bien pu déclencher une telle vague créative mais il est content pour son ami qui semble vouloir surfer dessus jusqu'au bout. Le découvrir comme ça l'inspire lui aussi pour le dîner, qu'il se décide à aller préparer.
Lorsque le flot se tari enfin, il ne se relit pas, préférant laisser décanter les mots. Le brun fait juste le tri entre les idées, les classant plus ou moins dans l'ordre chronologique qu'il imagine pour le moment. Il s'adosse à sa chaise dans un bâillement et s'étire. Face à lui, seul un mince liserait orange flotte sur l'horizon, lui indiquant l'heure tardive. Il ne sait pas combien de temps il s'est fait happer par sa transe mais il se sent beaucoup plus léger, et surtout vidé. Sa tête lui tourne un peu lorsqu'il se lève enfin. Après cette plongé en apnée dans son univers, c'est presque désorienté et hagard qu'il rejoint la pièce principale où il trouve Kagami en plein dégommage de monstres.
« T'as mangé ? S'inquiète-t-il.
— Nan, je t'attendais.
— Fallait pas ! T'aurais dû me dire.
— Don't worry Aho. » Le rassure Kagami.
Pourtant il s'en fait quand même, et l'odeur qu'il reconnait en passant devant la cuisine ne fait qu'accentuer sa culpabilité… Il n'aurait pas pu imaginer une fin de journée plus parfaite. Dans son salon, Taï cherche un film à regarder, deux bières et une pile conséquente de teriyaki burgers patientant sur la table devant lui. Son estomac émet un grondement sonore d'appréciation lorsqu'il s'installe aux côtés du tigre, se découvrant affamé.
« Une éternité que j'en n'ai pas mangé de ceux-là… Merci. S'émerveille-t-il.
— C'est ce que je me suis dit aussi… » Lui sourit Kagami en le servant.
Son cœur rate un battement, touché par l'attention et ce sourire tendre et inattendu. Il y a des moments suspendus comme celui-là, quand leurs regards s'attardent une seconde de trop, où il se sentirait presque capable d'embrasser Kagami. Mais il se contente de lui sourire en retour, imaginant dans un recoin de sa tête que Daryl lui, a eu le courage d'embrasser Tyler pour se consoler.
Le lendemain alors que Kagami se désaltère dans la cuisine, il s'étonne de voir son hôte sortir de son bureau. Il vérifie l'heure sur sa montre, se demandant l'espace d'une seconde combien de temps il est parti courir.
« Je ne pensais pas te trouver debout à cette heure-ci. »
Aomine lui adresse un sourire mystérieux et s'approche de lui, enfin, de la cafetière derrière lui, pour remplir son mug. Le brun lui en sert un aussi et s'appuie sur le plan de travail. Sachant qu'il ne faut pas le brusquer de bon matin, bien que la bête ait l'air réveillée, Kagami n'insiste pas et commence à préparer son petit déjeuner.
« J'avais envie d'écrire. J'ai dû me lever un peu après que tu sois parti. C'était bien ton jogging ?
— Ouais, ça m'a fait du bien. Je me suis un peu perdu dans les rues, c'est un chouette quartier. Admet-il. T'as déjeuné ?»
Aomine hoche négativement la tête et lorgne sur ses œufs brouillés avec envie. Kagami lève les yeux au ciel et en ajoute d'autres dans la poêle. Très vite, ils ont de quoi satisfaire leurs appétits et s'installent sur l'ilot central. Et juste comme ça, tandis qu'il mange pour calmer son estomac que la course semble avoir déchainé, Aomine lui lance une bombe d'un air aussi distrait que s'il parlait météo.
« Hm au fait, j'ai appelé Seijuro. Il attend ton appel pour en savoir plus sur ton projet. »
Kagami en perd ses baguettes et se tourne vers son voisin. Il ne sait trop quoi en penser mais la panique le prend.
« Tu l'as appelé ? Mais il va penser quoi maintenant si tu joues les secrétaires ? J'aurais pu le faire tout seul !
— J'ai plus le droit d'appeler mes potes maintenant ? » Se marre le métis.
Kagami grogne. Il apprécie que son ami veuille l'aider mais il aurait préféré se passer d'intermédiaire pour parler à Akashi. Prendre les choses en main lui-même. Il se dépêche d'engouffrer le reste de son petit déjeuner et demande la bouche encore pleine :
« Je dois l'appeler quand au juste ? Il t'a donné un créneau ?
— Hm nan, tu peux essayer maintenant il ne doit pas encore être couché. Si non première heure demain avant que sa journée commence. »
Le tigre marmonne des jurons dans sa barbe en faisant le calcul du décalage horaire séparant la côte ouest Américaine du Japon. Il se dit que c'est vraiment tard pour appeler maintenant, mais d'un autre côté si Daïki a prévenu qu'il appellerait, il ne veut pas faire attendre celui qui pourrait lui apporter des solutions. Il débarrasse son assiette en vitesse et file chercher son portable.
Assis sur son lit, il observe le contact d'Akashi Seijuro sur son écran, ne sachant trop quoi lui dire. Puis il appuie sur le bouton vert avec détermination lorsqu'il se sent prêt. Sa nervosité monte d'un cran à chaque tonalité qui sonnent dans le vide. Avant la quatrième, il peut entendre la voix familière quoiqu'un peu tendu de l'empereur.
« Kagami ? Tout va bien ?
— Euh… oui. Répond-il perplexe. Désolé, je sais qu'il est tard mais Daïki m'a dit que tu attendais mon appel alors …
— … Navré Kagami mais je ne comprends pas, j'étais sensé savoir que tu allais appeler ? »
Kagami fronce les sourcils, son esprit tournant à plein régime. Akashi l'interpelle et il s'empresse de retrouver sa langue.
« Daï… il m'a dit qu'il t'avait appelé et parlé de mon projet …
— Oh… je crois que tu t'es fait berner. » S'amuse son interlocuteur, un sourire dans la voix. « Je n'ai pas eu de nouvelles de lui ces temps-ci. »
Cette fois, il se pince l'arête du nez en soupirant d'exaspération. Bordel… mais qui lui a collé un ami pareil ? Il sort de la chambre en trombe et agrippé à la rambarde de l'étage il cri son agacement dans l'appartement en prenant soin de cacher le micro de son portable sur son épaule.
« Damn it Daïki ! T'es qu'un enfoiré !
— Toi et moi on sait que t'aurais jamais osé Baka ! Passe-lui le bonjour de ma part ! »
Sur les éclats de rire satisfait d'Aomine il retourne s'enfermer dans sa chambre en se vengeant sur la porte et lâche un ricanement nerveux.
« Sorry for that Akashi. Je_ je ne te dérange pas plus longtemps…
— Ne t'en fais pas. Vos chamailleries sont toujours aussi distrayantes, j'en avais bien besoin… »
Le rire de Seijuro le surprend, et il sent soudain ses joues s'échauffer. C'est vrai qu'ils se sont régulièrement donnés en spectacle tous les deux, amusant ou choquant les témoins de leurs disputes… Gêné, il se masse la nuque.
« Il y a des choses qui ne changent pas ! Il m'énerve toujours autant…
— C'est que tout va bien j'imagine… Bon, et si tu me disais plutôt pourquoi tu voulais m'appeler ?
— Yeah… So … »
Cette entrée en matière peu conventionnelle a au moins le mérite de balayer sa nervosité et il vend son projet avec enthousiasme, expliquant ses difficultés. Akashi l'écoute d'abord sans rien dire, patient, puis lui pose quelques questions étonnement techniques auxquelles il répond le plus précisément possible.
« C'est ambitieux. Et plutôt prometteur… Ça m'intéresse beaucoup, et j'ai des contacts qui pourraient l'être aussi. Conclue Akashi.
— C'est vrai ? Tu penses pouvoir m'aider à trouver des investisseurs alors ?
— Bien sûr. Écoute, je dois me rendre à Seattle fin de semaine. Si tu peux m'y rejoindre je fais avancer mon vol et on en discute ?
— Seattle ? Ouais pas de soucis. Dis-moi où et quand, j'y serais. S'illumine Kagami.
— Parfait. On se voit bientôt alors. Passe le bonjour à Daïki pour moi, et dis-lui de m'appeler pour de vrai à l'occasion…
— J'te jure, j'le retiens celui-là ! » Affirme-t-il.
Après un dernier rire échangé et des salutations plus polies, il raccroche et se laisse tomber en arrière sur le matelas.
Son cœur s'emballe à l'idée d'enfin faire avancer son projet. Il imagine déjà le présenter aux contacts de Seijuro et il secoue la tête, incrédule. Si on lui avait dit quand il avait seize ans, qu'il s'associerait un jour avec le redoutable Akashi il n'y aurait jamais cru. Rien n'est encore fait, mais il sent une vague de motivation le submerger, revigoré par cet échange alors que tout lui semblait au point mort.
Kagami appréhendais de le contacter, ne se sentant pas légitime à demander son aide alors qu'il est resté au fil des ans une vieille connaissance plus qu'un proche. Surtout parce qu'ils ont des amis communs. Il grimace en réalisant que cet Assholemine avait raison sur ce point… il aurait sans doute tourné en rond pendant des jours avant de se décider à passer ce coup de fil qui s'est beaucoup mieux passé que ce qu'il craignait. De très bonne humeur et quelque peu nostalgique après cet appel, il envoie un message à leur autre ami commun avant d'aller enguirlander Aomine. Kuroko sera surement content d'apprendre qu'il avance…
Il retrouve la panthère terrée dans sa grotte, en plein travail. Un sourire effleure ses lèvres et il n'a soudain plus le cœur à l'embêter. Il s'éloigne donc en silence et s'installe dans le salon avec son ordinateur pour travailler une présentation visuelle digne de ce nom. Ne serait-ce que pour convaincre Akashi de son sérieux et de sa détermination.
Aomine s'octroie une pause dans son travail qui avance mieux depuis quelques jours. Il est en train de réfléchir au développement de son intrigue en dégustant un thé dans son salon, admirant le panorama. Un demi sourire retrousse le coin de sa bouche lorsqu'il entend le bruit des pas de Kagami sur son carrelage. Il lui a fallu moins d'une semaine pour s'habituer à sa présence dans son espace, avec de drôles d'impressions de déjà-vu. Alors que les pas se rapprochent, des souvenirs de l'époque où il squattait l'appartement de son ami pendant le lycée traversent son esprit.
« T'es occupé là tout de suite ?
— Hm ça dépend pourquoi ?
— Tu peux m'aider s'teuplait … J'peux pas aller voir Akashi avec cette tête demain. »
Intrigué, Aomine se retourne pour comprendre de quoi il s'agit et se fige imperceptiblement, resserrant sa tasse contre sa poitrine qui s'emballe. Face à lui, un Kagami sortant tout juste de la douche, ses cheveux gouttant sur son sol avec une simple serviette nouée autour des hanches et une paire de ciseaux dans les mains. Pris par surprise il déglutit et force son regard déjà partit en exploration à remonter très vite. Pour cacher son trouble il grogne et demande agacé :
« Tu m'as pris pour un coiffeur ou quoi ? Tu peux pas t'en trouver un vrai ?
— Je ne confis pas mes cheveux à des inconnus. Et retourner à L.A juste pour ça… Allez Ao, les tiens sont toujours bien !»
Le brun réprime un sourire. Il avait presque oublié combien Kagami pouvait être mignon parfois. Cependant il lève les yeux au ciel pour feindre son indifférence aux flatteries.
« Quelle idée de les laisser pousser autant aussi !
— C'était pas trop ma priorité ces temps-ci… » Se renfrogne Kagami.
Aomine observe sa tignasse humide pour juger de la faisabilité. Mouais… sacré défi. Hormis les siens, il n'a coupé les cheveux que d'une personne et il sait combien le tigre tient à sa crinière. Ça lui fou un peu la pression mais voilà que Taïga lui sort son regard de Chat Potté.
« Please Daï … » Souffle-t-il.
Bordel… Ça devrait être interdit d'être aussi sexy se dit Aomine alors que son cœur rate un battement. Dans un soupir résigner, il cède. En plus… il lui doit bien ça pour l'avoir manipulé et indirectement précipité ce rendez-vous. Foutu conscience.
« Fine ! Mais si je foire, tu promets de pas t'en prendre à moi !
— Aucune chance ! » Réplique Kagami en riant.
« Taïga ! Je veux une autorisation signée si non je touche pas à un seul de tes cheveux. Menace-t-il.
— Too late Aho. »
Impuissant il regarde son ami remonter à l'étage et lui lancer un sourire provocant par-dessus son épaule. Il grogne pour lui-même, avec le sentiment désagréable qu'il vient de se faire avoir. Puis il termine son thé d'une traite, retrouvant son sourire sur le chemin de la salle de bain malgré la crainte d'éventuelles représailles en cas de massacre. Comme s'il était capable de lui refuser quoi que ce soit de toute façon…
Il retrouve donc Kagami dans la salle d'eau de sa chambre d'ami, installé sur une chaise devant le miroir, pianotant sur son téléphone. Il attrape une serviette pour protéger ses épaules puis cherche un tuto sur YouTube pour limiter les dégâts. Lorsqu'il se sent d'attaque, Daïki se place derrière son ami et passe une main dans ses mèches humides pour en évaluer la longueur. Il tente d'ignorer l'effet que cette sensation lui procure tant bien que mal pour se concentrer sur la tâche ardue qui l'attend. Puis il tire un peu sur sa prise pour redresser Kagami, cherchant son regard dans le reflet du miroir.
« T'as pas intérêt de bouger Baka. »
Pour toute réponse, Kagami carre les épaules et lâche son téléphone des yeux, le posant sur le rebord du lavabo, son sourire de gamin premier de la classe sur le visage. Après une profonde inspiration, le brun se lance, peigne et ciseaux en main.
Kagami regarde les gestes adroits de son ami dans le miroir s'afférer au-dessus de lui. Il suit sagement ses indications silencieuses, penchant la tête à droite, à gauche ou en avant. Il entend le chuintement des lames couper ses mèches doucement mais sûrement. Et il se surprend à fermer les yeux lorsque Daïki vérifie leur égalité en glissant ses doigts sur son cuir chevelu. S'il a trouvé cette proximité un peu étrange au départ dans ce drôle de contexte, elle ne le dérange pas. Le parfum familier d'Aomine qui flotte autour de lui, son regard abyssal qui le fixe dans la glace, son aura assurée, lui réchauffent agréablement la poitrine. Retrouvant la même bulle dans laquelle ils s'enferment sur un terrain. Lorsque Kagami rouvre les yeux, il s'amuse du perfectionnisme et des grimaces de concentration du brun. Puis en voyant que ce dernier évite toujours ses mèches de devant, il en tire une entre ses doigts qui vient effleurer ses lèvres.
« T'es sûr de pas vouloir raccourcir devant aussi ?
— Hé, t'as voulu que je te coiffe, alors tu me laisses faire. »
Taïga se vexe un peu lorsqu'une main s'abat sur son poignet pour le réprimander. Il fait la moue mais ne se voit pas trop en position de protester… Intérieurement une voix lui murmure qu'il est complètement fou d'avoir laissé une arme pareille aux mains d'un taré comme Daïki, pourtant_à tort ou à raison_il lui fait entièrement confiance. Son coiffeur s'éclipse pour revenir un instant plus tard armé cette fois d'une tondeuse. Un frisson coule sur sa peau lorsqu'il sent les dents métalliques mordre sa nuque dans une vibration sonore. Ça le chatouille mais de façon plutôt agréable. D'une main ferme et douce, Aomine prend appui sur sa tête qu'il maintient penché en avant et s'applique sur les finitions tandis qu'il commence à s'impatienter de rester immobile. Obéissant, Taïga prend sur lui afin de ne pas bouger, endiguant les tremblements de sa jambe.
Une fois que la panthère semble satisfaite de son œuvre, elle le contourne, l'analysant sous tous les angles et finit par se planter devant lui. Kagami redresse le visage à la recherche de son regard tempête. Aomine lui lance un sourire amusé en glissant sa main dans sa frange définitivement trop longue.
« J'ai presque fini. » Répond-il à sa question muette.
Un geste et un ton étonnement tendre qui lui remu le ventre d'une étrange façon. Le tigre lui rend son sourire et se replace bien droit à la demande de son ami. Il n'a plus accès à son reflet dans le miroir, sa vue bloquée par le corps de Ao. D'ici il ne peut manquer les parcelles de peau caramel qui se dévoilent par intermittences dans ses gestes. Ça a quelque chose d'hypnotisant, presque invitant et ses doigts le brûlent d'y toucher. Cependant le risque de se retrouver avec un déficit capillaire est trop grand, donc il s'abstient. Une nouvelle fois, la main de Daïki s'enfonce dans sa tignasse, tirant un peu dessus. Un picotement dévore alors son crâne et dévale sa colonne vertébrale. Il ferme les yeux pour savourer ce frisson aussi délicieux qu'inattendu. Et sous ses paupières closes, il s'imagine poser la tête sur le ventre de Daïki à quelques centimètres à peine. Sa pensée déplacée le fait tiquer et déclenche une vague de chaleur dans son corps, une sueur froide sur sa nuque. Heureusement il n'a pas le temps d'y penser d'avantage puisque la tentation s'éloigne pour repasser dans son dos.
Dans le miroir il constate avec effroi ses joues rosies, mais son regard est très vite dévié par le sourire rayonnant de fierté de son ami qui joue avec quelques mèches pour les replacer.
« Alors ? Ça te va comme ça ? »
Kagami reporte son attention sur sa coupe de cheveux et la trouve particulièrement réussie. Il retrouve une longueur qui lui convient mieux et le dégradé que le coiffeur d'un jour est parvenu à faire sur les côtés lui donne un look plus moderne. C'est encore mieux que ce à quoi il s'attendait. Alors c'est vraiment ravi qu'il lui répond, jouant à son tour avec ses cheveux.
« Yeah it's perfect … Thanks. »
Aomine est soulagé que ça lui plaise. Il a coupé vraiment court par endroit mais Taïga n'a pas protesté. Cette proximité physique prolongée dans un endroit clos commence à l'agité maintenant qu'il n'a plus de quoi occupé son attention. Il s'autorise néanmoins à ôter la serviette des larges épaules de sa poupée vivante pour épousseter les cheveux qui s'y sont collés. Puis il imite Taïga qui s'admire encore dans le reflet du miroir et sa poitrine vibre de satisfaction. Cette coupe le met vraiment en valeur, dégageant son visage et son regard unique. Surprenant le cours de ses pensées qui commencent sérieusement à divaguer, il s'arrache à sa contemplation et ébouriffe la douce crinière de son ami dans une dernière caresse.
« Bon, si t'as plus besoin de moi… j'y retourne. Et t'oublieras pas de me nettoyer tout ça. » Ordonne-t-il en désignant le tapis de cheveux sur le carrelage.
Kagami ne s'en offusque pas s'il en croit son rire qui résonne dans tout l'étage.
Le lendemain matin, Daïki émerge d'un repos envahi de rêves flous lorsqu'il entend le bruit de son ascenseur privé. Il jette un regard à l'heure et grogne, mi déçu, mi amusé. Son avion pour Seattle ne décolle que dans trois heures, mais il le connait assez pour savoir que Kagami ne devait plus tenir en place. Il aurait aimé se réveiller plus tôt pour pouvoir le croiser, lui dire au revoir et lui souhaiter bon vol. Alors qu'il s'étire pour chasser le sommeil de son corps, Aomine se demande même s'il reviendra ici ou si son ami rentrera directement à Los Angeles. Leur cohabitation se passe si bien que ça ne lui est pas venu à l'esprit de demander, présumant… espérant, qu'il rentrerait chez lui plutôt qu'à la cité des anges.
Il est encore tôt pour lui mais Aomine préfère se lever. Profiter de son inspiration retrouvée pour avancer son roman et combler le retard qu'il a pris ces dernières semaines. En traînant des pieds, un bâillement lui décrochant la mâchoire il descend jusqu'au centre névralgique de son appartement. Très vite une odeur alléchante vient lui chatouiller les narines, et il se frotte les yeux pour être certain de ne pas rêver. Sur l'ilot central, bien au chaud sous un torchon un gâteau l'attend.
Aomine fronce les sourcils en se demandant quand Taïga a eu le temps de le préparer. D'autant qu'il est encore tiède… Maintenant il le soupçonne de ne pas avoir dormi du tout, et il sourit aux souvenirs de leurs nuits d'insomnie à évacuer la tension sur un vieux terrain de street, ou sur des jeux en lignes, ou simplement par téléphone. Avec le temps Kagami n'a jamais trouvé de remède à son trop plein d'énergie, qu'il décharge souvent en sa compagnie, et il se doute que ce rendez-vous compte parmi les jours importants pour le tigre.
Égaré dans ses songes, le brun ne remarque pas immédiatement la petite note qui accompagne le gâteau. Il la lit pendant que son café coule. « Promis, il n'est pas piégé. Ton préféré. Au moins je suis sûr que tu manges un truc d'ici mon retour ! À demain Ao. »
Son cœur subit une violente secousse, perturbé par une bouffé d'amour face à cette attention et la panthère est encore trop ensommeillée pour avoir la force de la repousser. Quand Kagami fait ce genre de choses, c'est difficile de museler ses sentiments. Aussi, il relit le mot avec un sourire bête égaré au coin des lèvres en comprenant que son ami compte bien revenir ici. Encore plus impatient de gouter à ce fabuleux trésor, il ouvre un tiroir, se saisit d'une fourchette et la plante en plein milieu du gâteau, à même le moule. Lorsque les saveurs explosent sur son palais, et que la pâte aérienne fond sur sa langue, il gémit de plaisir. Un moelleux au chocolat, cœur coulant. Un peu comme le sien en cet instant…
« Fuck Taïga… t'es un ange. » Lâche-t-il entre deux bouchées de paradis.
Sur son nuage, il se coupe une part du gâteau déjà bien entamé qu'il va déguster dans son bureau avec son café. Après avoir relue ses notes et ses derniers paragraphes et avant de vraiment se mettre au travail, il envoie un message à Kagami.
Ahomine - 7h05
Merci pour le gâteau, c'est une dinguerie. Je parie que t'as rien dormi… Bon vol quand même et bonjour à Seijuro.
Bakagami - 7h08
You know me too well… Ça va être long !
Le tigre attend l'ouverture de l'enregistrement pour son vol. Il déteste ces moments d'errance, à ne pas savoir quoi faire de lui-même, condamné à ruminer. Mais il a craint d'être en retard, prévoyant une marge de manœuvre supplémentaire en cas d'imprévu. Alors la distraction que lui offre Daïki est plus que bienvenue. Il est content que son petit cadeau lui plaise. Il ne l'a pas écrit sur le mot qu'il a laissé mais c'est sa façon de le remercier. Pour l'opportunité avec Akashi et surtout pour ces derniers jours qui sont un vrai bol d'air frais. Un havre de paix dans la tempête qu'est devenu sa vie et dont il a l'horrible sensation d'avoir perdu le contrôle.
Ils échangent un peu par message. Sans qu'il n'ait besoin de mentionner son appréhension, Aomine le rassure sur son entretient à venir, le faisant rire au passage. C'est rare un Daïki si en forme de si bonne heure et il ne manque pas de le lui faire remarquer en s'en attribuant tout le mérite. Ce n'est pas grand-chose, pourtant cette petite joute épistolaire l'amuse et lui évite de trop s'agiter, au moins jusqu'à ce qu'il doive embarquer.
Au volant de sa précieuse comète retrouvée sur le parking de l'aéroport international de San Francisco, Kagami est aux anges. À peine arrivé à Seattle, il avait rejoint Akashi pour un déjeuner d'affaire à son hôtel, qu'ils ont éternisé dans sa suite pour parler de son projet. Il a l'esprit en ébullition de tous les possibles et des prochaines étapes que le business man aguerrit a su lui conseiller. Il a été plutôt surpris de tout le temps que Seijuro lui a accordé, craignant d'empiéter sur son planning mais il fut d'une aide précieuse.
En revanche, lui n'a pas pris le temps de s'attarder à Seattle qui est pourtant une très jolie ville qu'il a déjà eu l'occasion de visiter. Il est juste aller courir le long de la promenade ce matin comme à peu près tous les sportifs du coin avant de rejoindre l'aéroport pour le trajet retour. Et maintenant il n'a qu'une hâte : rentrer et tout raconter à Daïki. Il est impatient de lui faire part de son entrevu avec son ancien capitaine et des perspectives qui s'offrent à lui. D'avoir son avis.
Ce matin Aomine s'est réveillé avant son alarme avec des fourmilles dans l'estomac. Tout excité et impatient de revoir Kagami. Contrarié par ses propres réactions plus intenses qu'il n'aurait voulu, il a décidé d'évacuer la tension dans l'effort. Pour changer de sa routine quotidienne qui ne suffit pas dans des moments comme celui-là où il se sent bouillonner au point de ne pas tenir en place, il a demandé à son coach s'il pouvait venir squatter le gymnase et s'entraîner avec les gars. Ça lui a fait du bien mais une fois rentrer chez lui, force est de constater qu'il n'a toujours pas la tête à écrire. Il tourne en rond. Surveillant l'heure toutes les cinq minutes avec le plus grand des mal à se concentrer. Il s'occupe donc de répondre à ses mails qu'il laisse s'accumuler depuis des jours, histoire d'être au moins un peu productif. Et plus l'heure approche, plus il devient difficile de commencer son prochain chapitre. Pourtant, lorsque le roulis familier de l'ascenseur lui indique que Kagami arrive, il fait mine d'être occupé et de ne pas l'entendre.
« Ao t'es là ?
— Dans le bureau, j'arrive ! »
Un trop grand sourire aux lèvres, il se laisse le temps de calmer son arythmie cardiaque avant de retrouver son ami. Lorsqu'il le rejoint, il s'étonne de trouver le sac de voyage au pied de l'escalier et Taïga dans la cuisine plutôt que dans sa chambre à ranger ses affaires. Pas vraiment son genre d'habitude. Le tigre se retourne quand il entend le bruit du tabouret qu'il tire pour s'y installer en lui adressant un sourire rayonnant, une banane coincée entre les dents. Aomine ne peut s'empêcher d'éclater de rire en découvrant cette double face de banane et Kagami retire le fruit à moitié gobé sans se défaire de son air de bien heureux.
« J'ai la dalle ! » Explique le fauve en mâchonnant son fruit.
Le brun secoue la tête, sans parvenir à le lâcher du regard. Il lui a manqué. Ce simple constat l'effraie, parce qu'il lui a fallu bien moins des vingt et un jours réputés pour créer une habitude pour qu'il s'accoutume à sa présence quotidienne. Et à peine plus de vingt-quatre heure pour que Bakagami lui manque. Il enfouit cette réflexion sous le tapis de sa conscience et se réjouit plutôt de voir que son ami a apparemment retrouvé son insatiable appétit. Ce qui, il doit bien l'admettre, l'avait un peu inquiété.
« Quand l'appétit va tout va, comme on dit. S'amuse-t-il. Alors, raconte, c'était comment ?
— Bizarre.
— Bizarre ? Répète-t-il incrédule.
— Ouais, de revoir Akashi. Dans ce contexte… Mais c'était génial. Je m'attendais à devoir lui vendre mon idée mais en fait, c'est lui qui a finit par m'en donner plein pour avancer. Je me rendais pas compte qu'il était si callé.
— Parce que t'as cru qu'il dirigeait l'empire familial juste pour faire plaisir à son père ? Ricane Aomine.
— J'en sais rien. Admet Kagami dans un haussement d'épaules. Je le connais pas tant que ça au final. Je le pensais plus inaccessible.
— Ça dépend avec qui. Je suis content qu'il ait pu t'aider. »
Kagami lui adresse un sourire embarrassé, accoudé sur l'ilot face à lui. Ce n'est pas la première fois qu'il se fait la réflexion, mais son ami a l'air d'avoir du mal, même après autant d'année, à comprendre à quel point il est important pour eux. La bande d'ado imbus d'eux même qu'ils étaient. À différents niveaux certes, pourtant il a laissé une marque au fer rouge indélébile dans chacune de leurs existences et c'est bien pour cette raison qu'il n'avait eu aucun doute en l'envoyant sonner à la porte de Seijuro. Le connaissant, il est même prêt à parier que le grand manie-tout est heureux de pouvoir payer sa dette en aidant Taïga.
« Il est plutôt cool en fait. J'avais peur de le déranger mais il était très à l'écoute. On a même passé la soirée ensemble à parler de vieux souvenirs du lycée.
— Il l'a toujours été. S'il est intransigeant, c'est parce qu'il sait surtout ce qu'il veut. Mais il n'était pas capitaine que pour sa rigueur. C'est le genre à remarquer quand ça ne va pas et se plier en quatre pour arranger les choses.
— Je_ j'ai cru comprendre oui… Qu'il est encore très attaché à chacun de vous. D'ailleurs, il m'a fait promettre de te dire qu'il s'excusait de ne pas pouvoir venir cette fois mais qu'il passerait par ici à son prochain déplacement.
— Je l'appellerai. Sourit Daïki. Pour lui confirmer que t'as tenu parole. »
Le tigre rigole à sa remarque et s'enquiert de son avancée. Il omet volontairement ses difficultés de la matinée, affirmant qu'il a trouvé un rythme satisfaisant. Puis Aomine sent son ventre gargouiller et sur un coup de tête propose à Kagami d'aller manger un bout dehors. Son idée est accueillie plus que favorablement. En effet, son ami se précipite à grand pas en direction de l'étage, saisissant son sac au vol et lui lance en montant les marches deux à deux :
« J'me change vite fait ! »
Il disparait pour réapparaitre penché à la rambarde de l'étage la seconde suivante.
« Et Ao… t'es dispo cette aprèm ? Ça te dit qu'on bouge ?
— Yeah, why not.
— Cool ! J'me dépêche ! »
Amusé par son manège, Aomine réfléchit déjà à quelle activité ils pourraient faire. Voir Taïga si enthousiaste et plein d'énergie lui ôte un poids qu'il ne savait pas porter en lui. Si bien que son regard flamboyant et cette aura lumineuse le trouble quelque peu, le ramenant au temps où il expérimentait sa fougue pour la première fois. Mais sa vitalité est communicative et il se laisse entraîner par la spirale rouge, oubliant sans aucun remord sa page blanche et sa pile de mails.
Au restaurant qu'ils ont choisi, Kagami lui raconte son entrevu avec Akashi plus en détail. Le tigre est visiblement impatient de commencer ses investigations et gonflé à bloc. Considérant que c'est une bonne chose, il ne le charrie même pas comme il en a l'habitude, préférant savourer sa bonne humeur.
Après un bon repas passé à refaire le monde au travers de leurs projets d'avenir, Daïki le guide dans les dédalles de la ville en direction de son plan pour l'après-midi. Le soleil est avec eux, et la brise tiède du printemps qui se réchauffe les accompagnent. Aujourd'hui, il a très envie d'en profiter. Comme si la météo s'accordait avec leur humeur et les invitait à conserver leur insouciance.
« C'est quoi tout ce mystère. Aller dis-moi où on va !»
Il se moque de l'impatience de son pilote et des attaques du fauve dans ses côtes qui lui arrachent plus de rires offusqués que de réponses. Lorsqu'il indique à Kagami où se garer, il peut voir une flamme brûlante illuminer son regard. Sur le parking de la base nautique, aucun doute n'est permis.
« Je me suis dit qu'un peu de sport de glisse ça te ferait plaisir.
— Putain t'as pas idée ! »
Et c'est le bras de Kagami posé autour de ses épaules qu'ils rejoignent l'accueil du complexe aquatique. Le tigre veut d'abord s'essayer au wakeboarding, s'extasiant comme un gamin devant les figures que certains usagers parviennent à exécuter. C'est un genre de téléski nautique, où des câbles plutôt qu'une voile ou un bateau tractent une planche à grande vitesse sur l'eau. Le genre d'attraction qui vous offre un bon shoot d'adrénaline et nécessite une certaine maîtrise. Mais Aomine ne doute pas que le grand sportif et amateur de surf qu'est Kagami va pouvoir s'éclater au bout de quelques essaies.
Après deux ou trois tours de chauffe, alors qu'il attend le signal pour repartir en piste, comme prévu il peut apercevoir Taïga s'élancer sur un tremplin pour tenter une figure. Il le voit décoller, défier la gravité le temps de jouer avec sa planche pour amerrir souplement beaucoup plus loin. D'où il est, le brun entend parfaitement son cri de joie porté par l'eau et c'est avec un sourire immense qu'il bondit sur ses traces. Les sensations sont grisantes. La vitesse, le vent, l'eau qui fouette sa peau. Il s'éclate comme un gosse et se marre tandis que la petite plateforme qu'il a prise le propulse dans les airs. À l'instar de son rival il ne tente pas de figure préférant assurer sa réception, mais joue de son déhanché pour slalomer entre des bouées. À l'arrivé du circuit il ne peut s'empêcher d'arroser Kagami qui l'attend en freinant d'un coup de rein brutal. Le tigre s'ébroue, trempé mais hilare et l'entraîne déjà sur un autre circuit.
Ils y passent un moment, devenant de plus en plus téméraires au fil des tours, jouant des obstacles. Fatalement, ça leur vaut quelques belles chutes mais rien de dramatique. C'est une activité géniale mais plutôt énergivore. Maintenir l'équilibre sur la planche et la tension dans les câbles avec les bras n'est pas de tout repos. Ils se décident donc à faire une pause au soleil avant d'opter pour une attraction un peu plus tranquille. Quoique, tout est relatif… Une balade en jet ski qui se transforme très vite en course, c'est aussi reposant que sans surprise.
La chaleur de l'après-midi se retire avec l'astre déclinant. Ils ont fini par sortir de l'eau, mais aucun des deux fauves n'a envie de mettre un terme à cette journée. Ils traînent en ville, délaissant la voiture de Taïga près du port qui s'anime d'une toute autre façon le soir venu. Les terrasses se remplissent, des artistes vendent leurs créations sur le parvis, des musiciens animent les places. L'air est encore doux et il règne une atmosphère de vacances dans le cœur des riverains de San-Francisco, profitant jusqu'au dernier rayon du soleil lorsqu'il n'est pas voilé par le manteau de brouillard habillant habituellement la ville.
Aomine redécouvre les rues qu'il connait finalement peu. Il s'émerveille des couleurs qui se transforment au gré de l'heure dorée lorsque le soleil glisse peu à peu derrière l'horizon, donnant un éclat particulier à tout ce qui les entoure. Les ombres se font plus nettes et tranchantes, rendant le reste plus lumineux encore, souligné des reflets chauds peignant le ciel par effet de contraste. Dans cette lumière insaisissable, Kagami lui semble plus beau que jamais. Son sourire éclatant, son regard assuré, sa peau dorée qui scintille presque, comme si elle était amoureuse du soleil et sa haute silhouette familière qui se découpe à contre-jour, reconnaissable parmi toutes les autres. Par sa démarche, dans sa façon de se mouvoir et ce quelque chose de ténu émanant de lui et qui l'attire sans qu'il ne parvienne à le définir.
Kagami qui avait craint de se faire arrêter à tout bout de champs est heureux de constater que l'obscurité naissante les protège. Il capte quelques regards étonnés, des signes de têtes distants mais rien qui ne l'empêche de profiter comme une personne lambda, anonyme dans la foule qui jouit de son début de week-end en ce vendredi soir. L'ambiance du quartier où ils errent n'est pas sans lui rappeler un de ces quartiers préférés de Los-Angeles, aussi très animé. Alors qu'il s'est arrêté pour écouter un groupe qui reprend une chanson qu'il connait, tapant la mesure du pied et hochant la tête en rythme, il s'inquiète soudain de ne plus avoir Aomine dans son champ de vision. Il était pourtant certain de l'avoir derrière lui l'instant d'avant. Il fronce les sourcils, le cherchant du regard sur la place éclairée de nombreuses guirlandes lumineuses courant dans les arbres et se fend d'un sourire en l'apercevant revenir vers lui, une pinte de bière à chaque main.
« J't'avais perdu.
— Et moi j'avais soif. » Rétorque le brun en lui donnant une des chopes.
Aomine entrechoque leurs verres, un rictus satisfait aux lèvres et se laisse absorber par la musique. Il s'amuse de voir Kagami se dandiner sur place, incapable de résister à l'appel. Il estime donc que le groupe se débrouille bien. Sur la chanson suivante, il se surprend même à hocher la tête lui aussi. Puis il profite du passage à un nouveau morceau pour demander :
« Tu veux manger dans le coin ?
— Yeah why not. Ou on peut prendre un truc à emporter. J'ai bien envie d'explorer encore un peu.
— Ouais bien-sûr, on devrait trouver ça. J'ai juste promis au barman là-bas que je lui rapporterai ses verres. Explique-t-il en désignant l'enseigne du menton.
— Pas de soucis. On en écoute encore deux ou trois alors ! »
Aomine acquiesce en souriant. Pour son plus grand plaisir, la soirée se prolonge. La journée a pourtant été longue et mouvementée mais ça lui fait du bien de sortir de sa tour d'ivoire. C'est devenu trop rare ces derniers mois. En comparaison à une journée comme celle-ci, il réalise que son quotidien est bien vide. Il a de quoi l'occuper bien sûr, et la solitude ne l'a jamais dérangé. Pourtant ce soir, il n'est pas pressé de la retrouver. Même si sa nouvelle vie d'écrivain lui procure une satisfaction inattendue, elle reste beaucoup plus tranquille que la précédente. Il est passé d'un extrême à l'autre sans réelle transition, et ce soir, aujourd'hui, vient combler un peu ce manque qu'il ressent parfois et qu'aucun mot ne peut combler. Il se nourrit de ces moments de vie, de partage, de l'ambiance et des sensations qu'il éprouve. À force de les imaginer pour ses personnages, il oublie par moment de les expérimenter pour lui-même. S'il ne prend pas garde, il s'isole et se perd dans ses histoires imaginaires, oubliant le vrai monde qui tourne sans lui au dehors. Ry par sa simple présence chez lui Kagami l'en empêche. Parce que même si ce n'est que pour une soirée télé, il est toujours pressé de le retrouver. Cette réflexion le fait soudain frémir. Aomine se demande comment ce sera lorsque Taïga repartira… le vide qu'il va laisser lui paraît déjà béant, et son ventre se noue rien que d'y penser.
« T'as froid ? S'inquiète le tigre à ses côtés.
— Hm ? Nan… nan juste un frisson. J'étais ailleurs…
— Ouais… le guitariste est balèze. »
Le brun opine, c'est vrai que ces riffs lui dressent les poils, alors il ne détrompe pas Kagami, ravalant sa peur pour revenir au moment présent.
Comme promis ils rapportent leur chopes vides. Puis ils saluent le groupe en laissant un billet dans l'étui à guitare et partent en quête de nourriture. La faim tiraille Kagami depuis un petit moment, d'autant plus avec les effluves des différents restaurants environnant. Ils trouvent sans mal de quoi se sustenter et poursuivent leur route au travers des ruelles, découvrant une nouvelle atmosphère à chaque petite place nichée au creux de la ville. C'est agréable de pouvoir déambuler à pied. Les voitures se faisant rares ici, dans le vieux centre piéton. Kagami a l'impression d'être en vacances, et surtout de ne pas en avoir pris depuis une éternité. Finalement, il est tellement toujours en train de courir partout, même depuis sa retraite qu'il lui a fallu toute cette semaine pour enfin lâcher prise et profiter vraiment du temps qu'il a pour lui. Sans penser à demain, à son projet ni à hier et ses échecs. Peut-être qu'il lui fallait trouver des solutions concrètes avant de pouvoir se l'autoriser… Mais comme c'est chose faite, il savoure sa journée aux côtés de Daïki comme il avait l'habitude de le faire au lycée. Quand rien de plus exaltant que des devoirs ne les attendaient chez eux et qu'ils prolongeaient leur rencontre jusqu'après la tombée de la nuit. Provocant régulièrement l'ire des parents de son ami. Il sourit à ces souvenirs. Retrouvant ce soir ce sentiment enivrant de liberté, sans avoir à se soucier des possibles conséquences. Un moment suspendu qui n'appartient qu'à eux, attaché à aucun avant ni après. Et ça lui fait un bien fou.
