Chapitre 2 : Lui
Un jour, alors que ma petite vie bien normale continuait avec mes enfants, j'allai sur une des applications de rencontre. C'était la veille de Noël et, pour une fois dans ma vie, j'avais l'impression d'avoir la vie parfaite!
Je défilais les profils quand je vis le sien. Comme une lumière au travers mon écran, il se démarqua instantanément. Son visage, son sourire, ses yeux dans lesquels on voyait son sourire. Je fis défiler les images qui étaient toutes plus belles les unes que les autres puis je lis la description qui devait avoir l'allure de ce qui suit : « philosophie, aros, solo polyam, kinky, radical leftist. Je ne cherche rien de sérieux ». Une combinaison particulière que j'ai instantanément aimée. C'est ça, c'est absolument ça, absolument lui, que je cherche, pensai-je. Une description qui aurait laissé indifférents plusieurs ou qui aurait découragé d'autres était pour moi pratiquement la perfection. Cette pensée fut instamment suivie d'une autre : aucune chance qu'on ait un match! Mais je lui ai tout de même envoyé un « j'aime ».
Comment moi, qui disait vouloir une relation sérieuse et tout, je pouvais être autant attiré par un simple profil? Cela me dépassait, mais c'était le cas. Même après avoir apposé le « j'aime » je me rappelais encore son nom : « Magnus ». Je me rappelais le sentiment que j'avais eu en voyant son profil. Je ne m'attendais pas à avoir des nouvelles, alors vous imaginez ma surprise quand je vis la notification « Magnus a aimé votre profil » le jour suivant.
Il a quoi? Pensai-je. Il a aimé mon profil! Mais voyons, comment ça je me rappelle de lui? D'habitude quand je reçois ce genre de notification je ne me rappelle plus du profil de la personne mentionnée et je dois retourner voir, mais lui, je m'en rappelle très bien, pensai-je.
J'ouvris l'application et je constatai qu'il m'avait non seulement envoyé un « j'aime » le 24 décembre, mais il m'avait également écrit! Je failli m'évanouir. Je retournai voir son profil pour être certaine que je n'hallucinais pas, mais non! C'était bien celui que je pense : le parfait pour moi! Je me dis que la conversation allait s'arrêter comme toutes les autres après les traditionnelles interactions de base, mais non! Peut-être que l'esprit de Noël était en moi, mais on a rapidement commencé à parler de mon amour de Noël, puis de famille.
Après ces premières lignes, il me demande si j'avais lu sa bio et évidement je m'en rappelais, cela faisait parti des choses qui m'avaient marqué. Je lui dis que j'étais en effet retournée la lire lorsqu'on avait eu un match. Il me dit en même temps qu'il se trouvait neurodivergent et qu'il ne comprenait pas l'intérêt de plusieurs codes sociaux et qu'il ne les suivait pas. Cela ne me surpris pas même si je le connaissais peu. C'était encore là un autre attrait que j'avais envers lui. Il me fit penser à un de mes youtuber préféré : Aaron Ansuini. Je décidai de lui dire, sachant très bien qu'il ne devait pas le connaitre. Après tout, c'est un youtuber québécois qui fait des vidéos parlant majoritairement de sa transidentité. Je veux dire, bien que moi je l'aie suivi, particulièrement dans la période où j'avais découvert que je ne m'identifiais pas au terme « femme », mais que je me considérais plutôt non binaire, mais clairement, pas mal personne ne le connait. Comme de fait, il ne le connaissait pas – cela aurait été trop parfait!
Par la suite, la conversation a dévié sur le fait que j'avais deux enfants que j'ai eu seule. Souvent, à cette info, j'ai droit à des commentaires de gens curieux qui ne comprenne pas trop, mais lui a semblé plutôt impressionné : « Heiin, tu les voulais seule? C'est hot ça! ». Encore une fois, un autre commentaire qui le rendait encore plus parfait qu'il l'était déjà.
Notre conversation continua sur un ton léger pour finalement apprendre qu'il avait effectué une maitrise en philosophie et qu'il était en fait dans la même année scolaire qu'une de mes bonnes amies. Même s'ils ne se connaissaient pas vraiment, cela me rassura.
Je voulais absolument le voir. C'était indescriptible ce sentiment d'attirance, de perfection et – je ne le savais pas encore – mais de respect. Quand on fait la transition de l'application de rencontre vers Messenger, je suis évidement allée voir son profil Facebook et Instagram. Encore une fois, ce fut la perfection qui continuait. Déjà, une autre étiquette qu'il n'avait pas mis dans sa bio : « bi ». Pour plusieurs, ça ne changerait rien, mais pour moi c'est super important. Comme je ne m'identifie pas à 100% comme fille et bien je suis toujours contente de voir quelqu'un qui ne cherche pas uniquement une fille parce que ça finit toujours avec des commentaires genrés. Qui plus es, sur son profil Instagram, j'ai vu à côté de son nom he/she/they. Soit il s'identifiait vraiment sur le spectre non binaire ou bien il était juste conscient de l'existence de la chose. Les deux m'allaient à ce point. C'était encore une autre chose que j'appréciai de lui.
Bien que je ne fusse absolument pas du genre à proposer à personne de se rencontrer, je lui proposai. Comme j'étais assez loin de chez lui en autobus, il me demande ce que je pensais faire et je lui retournai la question. On s'entendit sur un « discussion & chill », comme « netflix & chill » sans netflix.
Est-ce que j'ai vraiment dit oui à cela, pensai-je. Évidemment que oui! Même si je n'avais eu des relations sexuelles avec seulement un seul garçon jusque là (et le nombre de fois se comptait sur une main), je me mourrais d'envi de le rencontrer, de lui parler et de faire peu importe ce qu'il aurait voulu faire!
