Note de l'auteur : Si vous n'avez pas encore lu le reste de la série Voltron : Duality, je vous invite à vous arrêter tout de suite et à vous y mettre. Cette histoire comporte un sacré nombre de personnages originaux et part du principe que vous savez où se trouve tout le monde.

Si vous êtes à jour, bienvenue aux interludes ! Il y en aura huit au total. Le titre de chaque chapitre indique combien de temps s'est écoulé depuis la fin du chapitre 15 de SoS. Bonne lecture !


Chapitre 1

Un jour

— J'ai embrassé Lance.

Matt s'arrêta net à deux millimètres de son siège. Il avait reçu une alerte du lion rouge l'invitant à entrer en contact, en privé. Allura, Val et Edi, qui étaient en train d'explorer une nouvelle ville extraterrestre sur une nouvelle planète extraterrestre à la recherche d'une nouvelle piste, lui avaient dit de les prévenir s'il fallait qu'elles reviennent au vaisseau et Matt était parti au courant sans même leur dire au revoir.

Il devait bien l'admettre, il ne s'attendait pas à ce genre de conversation.

Keith était assis dans le noir de l'autre côté de l'écran, les oreilles rabattues en direction de la trappe au fond du cockpit de Red. Enfin, Matt supposait qu'il se trouvait dans son lion, parce qu'il n'y voyait strictement rien. Il observa Keith quelques secondes de plus, puis s'installa plus confortablement dans son siège.

— Ok, fit-il lentement. Félicitations ?

Keith enfouit son visage entre ses mains avec un petit grognement.

— Matt, je t'en prie.

— Désolé.

Le coude sur l'accoudoir, Matt appuya son menton sur la paume de sa main.

— Tu as embrassé Lance.

— Oui.

— Il t'a rendu ton baiser ?

— Oui.

Les oreilles de Keith se plaquèrent en arrière.

— Je crois ? Attends, oui. Définitivement.

— Et il te plaît.

— …Ouais. Vraiment.

Matt acquiesça.

— Bah, c'est quoi le problème, alors ?

— Le problème, c'est que je ne sais pas quoi faire. Le problème, c'est que je ne sais même pas pourquoi je l'ai embrassé de base. Ce n'est pas– ce n'est pas un truc que font les Galras.

Première nouvelle pour Matt.

— Ah bon ?

— Non ! s'écria Keith en écartant les bras, le regard fiévreux. J'ai passé trop de temps dans ta tête. Toi et Shiro, vous vous embrassez, alors j'ai juste– je sais pas ! J'ai paniqué !

Matt essaya de ne pas rire. Vraiment, il fit de son mieux. Mais il ne put s'en empêcher.

— C'est tordant.

Matt.

Matt prit une inspiration et se mordit la lèvre pour contenir son hilarité. Il n'avait jamais vu Keith aussi troublé, les oreilles parcourues de frissons tandis qu'il cherchait à disparaître par le col de son armure.

— Ok, ok. Je me tais.

Merci.

— Ça reste super adorable.

Keith montra les crocs et Matt leva les mains en signe de reddition.

— Donc, vous vous êtes embrassés. Vous sortez ensemble maintenant, ou quoi ?

— Comment je suis censé le savoir ?!

Matt ne riait pas. Il n'allait pas se remettre à rire.

— Eh ben, tu lui en as parlé ?

— Du baiser ?

— Bah, ouais, mais maintenant j'ai l'impression que vous n'avez pas parlé du tout. Quand est-ce que tu l'as embrassé ?

Keith se détourna, l'expression grincheuse.

— Hier, avant de partir. Et si, on a parlé, je te signale. On avait des trucs à préparer et il n'y a pas vraiment d'endroits où se cacher dans le lion. On se dirige vers la planète Galra.

Soudain, la bonne humeur de Matt le quitta. Il repensa à la conversation qu'il avait entrevue dans la tête de Keith, au malaise et à l'incertitude que la mission de sa mère avait instillés en lui.

— Oh. Merde. Est-ce que ça va ?

— Oui.

— Tu es sûr ? Keith–

— Je ne le fais pas pour elle. Je… (Keith soupira.) Ils ont besoin d'aide et on est les seuls en mesure de leur en apporter. Je ne vais pas faire… le reste. C'est rien, c'est– Je suis plus inquiet au sujet de Lance qu'au sujet de ma mère, ce qui est une bonne chose, on va dire. Voire une très bonne chose ? Ce n'est pas si mal avec Lance présent. Il ne– il ne me laissera pas faire un truc que je vais regretter.

Matt n'avait jamais rien entendu d'aussi triste et adorable à la fois et s'ils s'étaient retrouvés dans la même pièce, il l'aurait pris dans ses bras. Il se contenta d'un sourire chaleureux.

— Non, en effet.

Keith leva la tête avec un demi-sourire.

— Je ne sais pas, Matt, il faut que je réfléchisse. Là, Lance et Thace sont partis faire du repérage sur une lune commerciale et je suis censé faire un balayage du système pour voir combien de vaisseaux impériaux se trouvent dans les environs. Mais c'est la première fois que je me retrouve à plus de deux mètres de lui.

— Il faudra bien que tu y fasses quelque chose à un moment donné.

— Je sais.

Matt secoua la tête, exaspéré.

— Tu te prends la tête pour rien, Keith. Crois-moi. Lance t'a rendu ton baiser. C'est génial ! Vous voulez tous les deux que ça mène quelque part, alors il ne vous reste plus qu'à déterminer où, exactement, et à quelle vitesse. Ce n'est pas grave si tu n'en sais rien pour l'instant, mais… sois honnête avec lui, donne-lui l'occasion de s'exprimer aussi et… partez de là.

— Super utile.

Matt lui tira la langue.

— Va lui parler. C'est la première étape.

— Et la suivante ?

— Te connaissant ? Combustion instantanée, je parie, se moqua Matt. D'un autre côté, Lance sera sûrement tout aussi gêné que toi, alors une fois que vous aurez passé ce cap, vous allez pouvoir passer aux trucs sympas.

Keith se couvrit le visage, mais l'éclat doré de son regard perçait entre ses doigts.

— Est-ce que j'ai envie de savoir ce que tu entends par « trucs sympas » ?

— Tu as vraiment les idées mal placées, Keith.

— À se demander qui a bien pu m'en remplir la tête.

Matt… ne pouvait pas vraiment le contredire.

— Bref. Ça va sûrement commencer par des câlins, des baisers, des dîners romantiques et, je sais pas moi, des techniques de drague pourries. On parle de Lance, là. Il aura sûrement des idées, lui aussi. Détends-toi, amuse-toi et vois où la vie te mène. D'accord ?

Le léger gazouillis qui s'échappa de Keith indiquait que non, il n'était pas vraiment d'accord, merci de demander, mais il prit une profonde inspiration qui sembla le calmer.

— D'accord. Je devrais… je devrais commencer ce que je suis censé être en train de faire, là.

— Ouais, sûrement, dit Matt. Tout ira bien, Keith. Ne te prends pas trop la tête.

— Je vais essayer.

Keith eut un sourire en coin en tendant le bras vers le bouton de déconnexion.

— Merci de m'avoir écouté paniquer.

— Oh, y a pas de quoi, Keith, vraiment pas de quoi.


Sur le chemin du retour au marché, Matt se demanda comment il allait répondre aux questions que les autres devaient certainement se poser. Il ne pensait pas que Keith aimerait qu'il répande la nouvelle, mais vu comment il avait accaparé son attention, Matt n'allait pas pouvoir faire passer ça pour une simple conversation.

Allura et Edi n'avaient pas bougé depuis son départ, en pleine discussion avec les sages qui, selon la rumeur, auraient offert refuge au maître pygnar trois ans plus tôt. Edi jetait des coups d'œil réguliers à Allura et imitait presque à la perfection son port altier, même s'il lui manquait son expression soigneusement réservée.

Val, quant à elle, n'était nulle part en vue.

Allura remarqua aussitôt le retour de Matt, le scrutant comme si elle cherchait des signes d'une apocalypse imminente. Matt leva le pouce et elle se détendit, retournant à sa conversation. Elle y mit fin rapidement et s'empressa de le rejoindre.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Rien, juste une… petite crise personnelle, fit Matt avec délicatesse. Rien de grave. Rien à voir avec Zarkon. Keith avait juste besoin d'un petit discours d'encouragement. Où est Val ?

Val réapparut à point nommé, passant une porte latérale, les yeux vissés sur son appareil de communication portable avec l'air de se demander si elle avait le droit de rire. Elle leva le nez et rencontra le regard de Matt.

— Lance ? s'enquit celui-ci.

Val partit aussitôt dans un fou rire, s'appuyant sur le mur en pierre.

— Je suis désolée, haleta-t-elle, se couvrant les yeux. Vraiment désolée. Je ne devrais pas en rire.

Matt retenait sa propre hilarité tandis qu'Allura et Edi les regardaient comme s'ils débarquaient d'une autre planète.

— Ils font de leur mieux, dit Matt.

— Je sais. Je sais !

Val inspira et se mordit la lèvre pour retenir un autre éclat de rire. Elle s'essuya les yeux.

— C'est trop mignon et je suis contente pour eux. Mais je le savais. J'ai hâte de rentrer pour pouvoir jubiler devant lui comme il se doit.

Matt ricana et tenta aussitôt de l'étouffer en remarquant Allura qui patientait les bras croisés, les lèvres tirées dans une expression désapprobatrice.

Ah oui. Ils étaient en pleine mission.

— Et donc… fit Matt en se grattant la joue, contenant son sourire. Désolé. On a trouvé une piste ?

Allura garda son air sévère trois bonnes secondes, imitée par Edi, puis le masque craqua.

— Oui, dit-elle. On en a une.


Cette piste les mena jusqu'à une planète reculée n'abritant que quelques milliers d'êtres vivants, tous rassemblés dans l'hémisphère sud. Les coordonnées fournies par les sages les guidèrent vers le nord, dans une région montagneuse peuplée principalement de reptiles volants pas plus gros que des rouges-gorges et d'une sorte d'animal à six yeux avec des sabots de chèvre.

Le cœur de Matt battait à tout rompre tandis qu'ils se posaient sur une surface relativement plane. Il osait à peine espérer avoir enfin rattrapé le maître, mais ne pouvait pas envisager le contraire. Si le vieux Pygnar n'était plus là, plus personne ne pourrait leur indiquer la bonne direction, et si les Galras les avaient devancés…

Restons positif, se dit Matt, sortant de la navette derrière Allura. Il fallait que cette personne soit là, alors elle serait là. (Et si ce n'était pas le cas… ils trouveraient bien.)

Il leur fallut près d'une heure pour naviguer les pentes rocheuses abruptes jusqu'aux coordonnées indiquées, qui les menèrent à une petite vallée verdoyante nichée entre deux pics. Une structure en pierre isolée se trouvait au fond de la vallée et un ruisseau clair comme du cristal divisait la verdure avant de plonger par une falaise de l'autre côté.

Matt se figea en découvrant les lieux, parcouru de chair de poule. La quintessence s'y accumulait comme de la brume, teintant les alentours d'une couleur cyan qui lui vrillait le crâne.

— Vrekt, marmonna-t-il, cherchant ses lunettes olkaris dans son sac. Je crois qu'on est au bon endroit.

Val le regarda avec un mixte de compassion et de hâte.

— C'est vrai ?

Matt acquiesça et mit ses lunettes. Ils descendirent la dernière pente avec Allura en tête. Elle semblait suivre le flux de quintessence le plus fort en direction du point où la brume était plus épaisse : un surplomb ombragé derrière la structure en pierre.

Un extraterrestre au grand âge était assis en dessous, dos aux paladins. Il avait l'air humain de prime abord, malgré sa peau argentée. Deux bras, deux jambes. Quatre doigts à chaque main. De longs cheveux en bataille de la couleur du cristal. Les veines de l'extraterrestre laissaient échapper une lueur éthérée et Matt se demanda s'il n'y avait que lui pour le voir.

Enfin.

La voix passa les barrières de son esprit, résonnant dans sa tête avant même qu'il ne comprenne de quoi il s'agissait : de la télépathie, un peu comme ce dont se servait Red pour communiquer.

Le vieux Pygnar se retourna et Matt s'efforça de ne pas réagir devant son apparence. Il n'avait pas de cou et sa tête avait une forme étrange, plus plate que ce à quoi Matt s'attendait. Des sortes de branchies se soulevaient au rythme de sa respiration et, en lieu et place d'une bouche se déroulait un tube fin, un peu comme chez une mouche. L'extraterrestre n'avait pas de yeux.

Allura, apparemment, s'attendait à cet aspect, parce qu'elle n'hésita pas un instant à s'approcher, s'inclinant poliment.

— C'est un honneur de vous rencontrer, Maître, dit-elle en se redressant. Nous attendiez-vous ?

Oui, dit le Pygnar. Venez. J'ai tant à vous apprendre et le temps nous est compté.

Sans plus attendre, il se leva, le pas fluide, et les ramena près de la structure en pierre. Matt échangea des regards avec les autres, interloqué. Allura les avait prévenus que les Pygnars acceptaient rarement d'entraîner des étrangers. Ils s'étaient préparés à défendre leur cause ou même à payer pour être pris sous son aile.

— Eh bien, allons-y… dit Val.

Elle haussa les épaules quand ses compagnons la regardèrent.

— À professeur donné on ne regarde pas la trompe ?

— C'est vrai, dit Allura, carrant les épaules. Venez. Ne le faisons pas attendre.