Stiles égouttait le riz. Ce soir, il mangerait seul avec Jackson, et ça lui allait. Enfin, il allait falloir qu'il enfile son habituel masque à sourire, mais ce n'était rien. Pas qu'il aime mentir à quiconque sur son état, simplement… Jackson n'avait pas besoin d'être le témoin de sa mauvaise humeur, encore moins de sa tension. Il lui en avait déjà trop montré et il était certain que ça l'avait impacté et plus vite poussé à la crise d'angoisse, dans la cuisine. Alors, il devrait redoubler d'efforts. Plus tard, il pourrait se montrer honnête et vulnérable. Mais pas tant que Jackson l'était. Néanmoins, Stiles savait que sa présence l'aiderait à penser à autre chose, à effacer momentanément la visite plus qu'emmerdante de Scott. Il l'adorait, hein, mais il détestait plus que tout cette manière qu'il avait de ne pas respecter son point de vue. Ces derniers temps, cela faisait plusieurs fois qu'il lui faisait ce genre de coup. S'il n'arrêtait pas bientôt d'abuser de la sorte ou de lui imposer des choses qu'il n'aimait pas, Stiles allait finir par agir.
Et ça ferait mal.
S'il s'était également un peu retenu en ce jour, c'était pour Jackson. Il ne s'imaginait pas exploser et… Aller le voir tranquillement la seconde d'après. Sa colère se serait vue sur son visage. Alors il s'était restreint, et il avait attendu quelques heures. Attendu de revenir à un état émotionnel correct pour voir si tout allait bien et le prévenir du fait qu'ils allaient manger tous les deux. En souriant, comme toujours. Pour son plus grand bonheur, Jackson avait eu l'air… Un peu moins crispé que d'habitude. Pas beaucoup, mais suffisamment pour que Stiles y voie là un progrès, un espoir de voir davantage de lumière dans son regard les jours prochains. C'était tout ce qu'il voulait pour l'instant.
Avant d'aller chercher Jackson, Stiles servit le riz dans leurs deux assiettes. Ensuite, il ajouta les aiguillettes de poulet et noya le tout sous la sauce magique dont il avait le secret de la composition. Elle rendait le poulet délicieux. Un mélange de sel, de poivre, de piment d'Espelette et de curry. Le secret là-dedans ? Les doses. Les siennes étaient parfaites et nul n'irait le contredire – Isaac et Noah raffolaient de ce plat, avec cette sauce. Impossible de ne pas aimer.
Pour Jackson, il ne remplit pas complètement l'assiette, mais en mit un peu plus que d'habitude. Il avait besoin que le blond se remplume et c'était pour cette raison qu'il y allait petit à petit, tout doucement. De toute façon, il ne forçait jamais le loup-garou à manger plus que ce dont il était capable et l'encourageait à ne pas se forcer. Toutefois, il l'incitait à essayer. Parfois, ça marchait et d'autres fois, non. Stiles laissait Jackson y aller à son rythme.
Une fois que tout fut prêt au niveau de la table et du repas, Stiles fit un rapide tour de ses pensées avant de finalement se diriger vers la chambre qu'occupait Jackson. Evidemment, il toqua et lui demanda s'il pouvait entrer. Il retint une grimace lorsque le blond lui ouvrit directement la porte. Evidemment qu'il pouvait se déplacer seul. Evidemment qu'il pouvait marcher sans problème. Mais Stiles avait peur, peur pour lui… D'autant plus que le loup-garou avait fait une crise d'angoisse dans la journée et que celle-ci avait eu lieu un peu avant la visite de cet idiot de Scott.
- On va manger, lui indiqua-t-il d'une voix douce. J'ai fait un truc, tu m'en diras des nouvelles. C'est un plat que tu n'as encore jamais goûté et je sais que tu vas aimer. Tu viens ?
Il allait ajouter qu'il pouvait naturellement l'aider et le laisser s'appuyer sur lui s'il en avait besoin, mais la petite tête d'Isaac apparut encore et encore dans sa tête. Laisse-lui de l'espace. Oui, d'accord, mais Jackson oserait-il lui demander de l'aide s'il en avait besoin ? Stiles n'en était pas certain. Toutefois, il fit l'effort de le lui laisser, cet espace. Il ne voulait qu'une chose à l'heure actuelle : que le blond se sente à l'aise avec lui.
Jackson eut l'air d'hésiter, avant d'hocher timidement la tête. Il le suivit, aussi simplement que cela, jusqu'à la cuisine. Stiles ne sut pas complètement comment il était censé interpréter son comportement, parce que… Eh bien, il savait que le blond avait parfois du mal à lui dire non et il avait deviné pourquoi depuis longtemps – ce n'était pas bien difficile. Néanmoins, il essaya de se convaincre que Jackson commençait doucement à être honnête avec lui… Il l'espérait. Histoire de se rassurer et de restreindre ses élans protecteurs pour le laisser se mettre à l'aise à son rythme, Stiles se remémora la manière dont il l'avait laissé lui caresser les cheveux. Cette vision-là le détendit un petit peu.
Jackson prit place en face de lui non sans lui jeter un regard inquiet. Stiles n'était pas dupe, il savait qu'il le craignait. Et pourtant, c'était dans ce genre de moments qu'il aimerait qu'Isaac soit là. Parce que son ami aux cheveux bouclés était passé par là et lorsqu'ils se retrouvaient à manger tous les trois, chose rare du fait qu'Isaac était extrêmement occupé, Stiles ne pouvait que constater à quel point Isaac était… Enfin, sa présence rassurait Jackson. Pas beaucoup, mais suffisamment pour que l'hyperactif l'ait remarqué et que ce détail se soit solidement ancré dans sa mémoire.
Alors oui, même si Stiles en voulait à Isaac par rapport à la discussion qu'ils avaient eue concernant Scott, il aurait aimé lui demander de se libérer pour le repas, et éventuellement la soirée. Car Stiles aurait beau faire tout ce qu'il pourrait pour aider Jackson, c'était sans doute Isaac qui l'aiderait à débloquer les choses. Parce qu'il s'était retrouvé à sa place fut un temps et qu'il partageait un point commun avec lui : sa nature lupine. Entre êtres semblables, on se comprenait mieux.
Mais tout de même, l'hyperactif ne cautionnait pas ses accusations envers Scott et s'il s'avisait de lui en reparler, ça se passerait mal. Oui, Scott était un con, un idiot fini, un peu forceur sur les bords. Oui, il était cet enfoiré qui semblait toujours oublier qu'il ne supportait pas l'idée de boire de l'alcool. Que dans cette maison, il n'autorisait pas une seule bouteille.
Oui, Scott était un véritable humain stupide. Mais c'était son meilleur ami, un vétérinaire.
Pas un trafiquant d'êtres surnaturels.
Sentant un regard brûlant sur lui, Stiles releva les yeux vers Jackson et comprit, à son air plus que perplexe, qu'il avait dû se perdre dans ses pensées. Un peu trop longtemps, peut-être. Aussitôt, il renfila son masque habituel et s'attela à lui faire oublier sa vie, son quotidien. Sourit, cassa du sucre sur le dos de son meilleur ami – cet idiot l'avait mérité –, lui parla de son idée complètement stupide de visite, puis enchaîna avec son travail, le fait que son père lui manquait, qu'il aimerait le voir plus souvent, qu'Isaac était un con… Son monologue n'avait ni queue ni tête, mais qu'importe. Il était juste là pour meubler, parce que Jackson n'arrivait pas encore vraiment à parler. De toute évidence, il ne se sentait pas prêt. Bloqué. Voilà ce qu'il était. Stiles l'acceptait, alors il comblait le silence, lui qui détestait ça. Le silence équivalait pour lui à une forme de mort. Une forme plus subtile et morbide que les autres.
Pour sa plus grande satisfaction, Jackson l'écouta, mangea et fit même l'effort de ne pas s'arrêter à la moitié de sa portion. Si l'hyperactif se réjouit et eut envie de danser suite à ce deuxième petit progrès de la journée, il se contenta d'un sourire lumineux… Que Jackson ne comprit sans doute pas, mais qu'importe.
Il avançait, tout doucement.
A son rythme.
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- Merci d'avoir accepté qu'on se voie… Sans Stiles.
Noah regarda Isaac d'un air insondable avant de finalement lui accorder un sourire avenant. Le loup-garou quelqu'un de foncièrement gentil et… A sa manière, le père de l'hyperactif l'avait vu grandir, dans le sens où il avait à la fois assisté et participé à sa guérison. Isaac était gentil, adorable et il portait une affection toute particulière à Stiles. Quant à Noah, il lui vouait le plus grand respect – et continuait d'ailleurs de le vouvoyer.
Lorsqu'il avait reçu un message d'Isaac lui demandant une entrevue le plus tôt possible à l'écart de Stiles et sans que celui-ci soit au courant… Noah n'avait pu réprimer sa surprise. La raison que lui avait exposée Isaac ? Elle était un peu floue, mais il lui avait laissé entendre que Stiles ne serait absolument pas coopératif s'il venait à participer à cette conversation. Connaissant le caractère de son fils, Noah n'avait, ainsi, pas douté d'Isaac. Lorsque quelque chose braquait l'hyperactif, il était très difficile de lui faire entendre raison ou simplement d'essayer de lui montrer quelque chose tant il était têtu. Il se fermait comme une huître. Toutefois, il ne lui connaissait pas beaucoup de sujets aussi sensibles, alors le fait qu'Isaac ait voulu lui parler à lui, Noah Stilinski, dans le dos de Stiles, restait surprenant. Il avait besoin d'en savoir plus. Néanmoins, il n'était pas vraiment inquiet. Isaac ne leur voudrait jamais du mal, ni à l'un, ni à l'autre. Noah ne voyait rien d'autre qu'un fervent désir de protection dans ses yeux et le fait de l'avoir longtemps côtoyé et de l'avoir aidé, avec Stiles, à lentement remonter la pente, lui avait bien fait connaître ce jeune homme. Il avait confiance en lui.
Isaac s'installa confortablement sur sa chaise et inspira. Il commença avec aplomb :
- C'est à propos de Scott.
