Epuisés par une longue conversation faite d'engueulades, d'excuses et de quelques tirades philosophiques, Sirius et Remus s'étaient endormis côte à côte vers 3h du matin ; bien après Peter et James qui eux, s'étaient contentés de feuilleter le livre de potion nouvellement acquis avant de sombrer dans les limbes. Ces derniers se levèrent donc naturellement ; James étaient particulièrement excités par cette nouvelle journée :

« Avec ce bouquin, rien n'est impossible Pete ! L'amour et le respect éternels d'Evans sont à moi !
Si je n'étais pas déjà promis à elle, j'épouserai le type qui a écrit ces notes.
-Ell—elle v-va t-te su-sup-supplier d-de sortir aa-avec toi, bégaya Peter.
-Exactement ! confirma James. A quoi je ressemble sans mes lunettes ; beau gosse, non ?
-Sss-splendi-dide.
-Et bien, je ne vois absolument rien ! s'exclama-t-il comme si c'était une merveilleuse nouvelle.
Bon, allons réveiller nos deux tourtereaux. Aujourd'hui, on a quelques emplettes à faire. Guide-moi !

Les deux garçons n'utilisèrent pas la subtilité pour réveiller les autres ; ils leur sautèrent plutôt dessus sans ménagement pour les couvrir de chatouilles. Sirius, ses cheveux longs ébouriffés comme jamais, se prêta bien vite au jeu et transforma cela en bataille d'oreiller. Remus lui, s'accrochait à son coussin comme à une bouée de sauvetage, refusant d'ouvrir les yeux au milieu de tout ce bazar de pieds et de mains baladeuses dont celles de Sirius qui n'hésitèrent pas à employer la manière forte pour sortir son ami des bras de Morphée. Quand Remus ouvrit enfin les yeux pour protester, l'autre était à cheval sur lui et commençait à passer ses mains sous son t-shirt pour lui faire des guilis.

« Je suis encore fâché tu sais ! balança le lycan, les joues en feu, avant de lui exploser son coussin sur sa magnifique face.
-Et moi j'ai dit que j'étais sincèrement désolé, répliqua Sirius en répondant à son attaque. »

James et Peter s'arrêtèrent là, ça devenait un peu trop intense pour eux.

« Bon, les gars, c'est pas tout mais il faudrait se préparer.
-Pourquoi tu ne mets pas tes lunettes ? demanda Remus, tout échevelé, se relevant péniblement de son lit.
-Peeves ! Je refuse qu'il vienne nous embêter aujourd'hui ; alors camarades, respectez vos engagements envers lui, nous lui devons bien ça.
-Est-ce qu'il va seulement venir vérifier ?
-Allons Rem', ça va être drôle, je le sens.

C'est ainsi que la dream team débarqua dans la Grande Salle où Peeves les attendait pour se moquer d'eux. Ils partirent ensuite à Pré-au-lard après que James ait confondu Sirius avec Severus, enlevant d'office 100 points à leur maison à cause de Lily qui pensait qu'il faisait une mauvaise blague. Peter servait de canne d'aveugle à un James survolté, comme d'habitude (« vous pouvez me décrire comment elle m'a regardé ? »), et Sirius, maquillé et coiffé superbement était méconnaissable ; il ressemblait fortement à sa cousine Narcissa et pas mal d'élève se retournait sur son passage comme s'il avait du sang vélane. Remus était un peu excédé par ce trop-plein d'attention ; il faut dire qu'en homme, il attirait déjà pas mal les regards mais là, il en jouait encore plus, balançant des clins d'œil équivoques et des petits signes coquets de la main en veut-tu en voilà. L'imbécile !

« Bon. Voilà l'plan ! commença James, coupant court aux pensées de Remus. On a cette liste de fourniture pour la potion, on a un peu d'argent…sauf Padfoot qui a probablement été déshérité_pardon Sirius !_je propose qu'on se sépare ; moi et Pete/Moon' et Pad' et on fait nos emplettes !
-Mais…commença Remus,
-Oh, allez Moony ! Ça ira beaucoup plus vite comme ça et, on pourra se rejoindre aux Trois Balais.
-S-s-s'il nnnous re-res-te de l'aar-r-gent.
-Oh, Rosemerta m'adore, t'inquiète Pete ! Let's go ! »

James déchira la liste en deux maladroitement et en donna une partie à Sirius. Avant que celui-ci ne la passe à Remus, il entraîna précipitamment Peter par le bras vers la direction des boutiques au bord du village avec un « Bye bye » et un clin d'œil plus que suspicieux, disparaissant bien vite parmi la foule des élèves qui allaient vers Honeydukes. Remus le regarda s'éloigner, impuissant, avant de jeter un regard vers le bout de papier qu'il avait maintenant entre les doigts. Dessus, l'écriture brouillonne de James donnait peine à croire qu'il faisait partie des meilleures élèves de Poudlard et le lycan eut bien du mal à déchiffrer les deux seuls mots qui y était écrit ; « Réconciliez-vous ! ». Sirius déchiffra cela par-dessus l'épaule de son ami qui lui, se demandait sérieusement où il pouvait fuir le plus loin possible. Comme s'il avait anticipé ses pensées, Sirius enserra l'épaule de Remus de sa main comme pour le retenir.

« Sacré James. Bon ; on se balade et on va aux Trois Balais ? proposa Black, l'air absolument pas étonné le moins du monde de la manigance. »

Pour toute réponse, l'estomac du loup garou, à sa plus grande honte, se mit à faire un bruit des plus démoniaques qui fit se retourner pas mal de passants. Sirius sourit :

« Trois Balais directement alors, concéda-t-il. J'offre les desserts pour me faire pardonner !
Celui que tu aimes.»

Remus imagina un instant le rembarrer.
Cependant, plus que le sourire de son ami, le sucre était un bon argument de pression pour lui.
Il visualisa très clairement les cakes au chocolat de Rosmerta, moelleux comme cela devrait être interdit pour les bonnes mœurs. Fondants au milieu, parfaits avec un soupçon de chantilly et de cannelle. Son odeur, son goût : la béatitude. Orgasme gustatif garanti à venir, décuplé avec la biéraubeurre. 1 min d'aller direct vers le paradis, 3 si on prenait son temps. Il était 11h ; il pouvait se permettre d'en prendre 2 : un pour le petit déjeuner et un pour déjeuner. A cette pensée, son estomac grogna de satisfaction et sa bouche répondit sans le consentement de son cerveau :

« Allons-y. »

Quand ils entrèrent, les Trois Balais étaient surpeuplés, tout semblait avoir été investi par des figures connues. Remus y identifia Lily au milieu de la grande salle, sur une des plus grandes tables. Elle était assise, l'air très à l'aise au milieu de nombreux ami de toutes les maisons de Poudlard. Cependant, quand on s'intéressait de plus près à la scène, on voyait que certains essayaient sans doute de se faire inviter à la prochaine fête de Slughorn puisqu'ils semblaient particulièrement collants avec elle. Pour corroborer cette impression, les yeux verts de Lily s'allumèrent pour lancer des signaux de détresse quand elle aperçut son ami gryffondor. Ayant tout de suite identifier l'urgence, Remus fit lui-même un signe de tête à Sirius qui soupira mais le suivit à la table de la belle rousse.

« Voici Remus, présenta Lily quand ils s'assirent en face d'elle, c'est lui qui va m'accompagner au bal de samedi prochain, n'est-ce pas Remus ? »

Ses pauvres yeux verts le supplièrent. Par télépathie ils semblaient dire « Pitié je te le revaudrai milles fois, je te couvrirai de roses, je t'achèterai un château, des centaines de gâteaux et tu auras mon éternelle reconnaissance ». Remus pensa à Sirius, se fustigea, puis il pensa à James et il jaugea du regard les deux vautours autour de Lily. Ils étaient beaux, l'un Serpentard, l'autre Poufsouffle, beaux et grands mais le vide intersidéral encore plus grand de la bêtise se ressentaient en eux. L'un deux était Magnus Bookard, lui-même fervent participant du club de Slug ; un 6ème année qui se trouvait être le plus grand rival de James puisque ça devait être le seul que celui-ci reconnaissait officiellement comme une menace potentielle. Ces deux n'abandonneraient pas si facilement leur proie et le visage de Lily en disait long : cela devait faire un bon bout de temps qu'elle avait dit non et non puis non et lancé quelques sorts de chauve-furie mais ils attendaient qu'elle s'épuise, qu'elle fasse une erreur quelconque pour s'engouffrer dans la brèche et elle n'était pas loin de capituler, elle qui ne le faisait jamais. Remus eut de la peine pour elle ; James et ses types n'étaient pas si différents (mis à part l'intelligence fugace qu'il pouvait avoir de temps en temps les jours de pleines lunes tous les 36 du mois).

« Nous y allons, effectivement, fit donc Remus qui fit exprès de poser ce dernier mot avec un peu de gravité. Ensemble. »

Le Serpentard semblait clairement dégoûté cependant Magnus, le Poufsouffle, hocha la tête avec un sourire qui se voulait humble « je suis battu » voulait-il dire mais il ne devait pas avoir renoncer à danser avec Evans et le loup en Remus s'imaginait avec délectation ce sourire se transformer lorsque Peeves ferait son apparition au beau milieu du bal. Pendant un instant il se sentit très bien puis après, très coupable d'avoir ne serait-ce que pensé cela.

« Et cette beauté ? enchaîna Magnus, se tournant vers Sirius, très intéressé, tu ne nous la présente pas, Lily ? »

Lily paraissait totalement prise de court quand elle reconnut enfin les traits de Sirius sous ce maquillage fin et délicat. Elle balbutia quelque chose d'inaudible avant que Sirius lui-même ne l'interrompe avec une voix féminine grave et sensuelle très bien imitée :

« La beauté va se présenter toute seule ! Lupi Halley. Enchanté. Et vous êtes Magnus Bookard, n'est-ce pas ?
-J'étais persuadé que j'avais affaire à une Black, balança Bookard droit dans le mille. Bellatrix était une connaissance…avant qu'elle ne se fasse virer d'ici. »

Black ne cilla pas, il mentit avec facilité, prétendant que ce n'était pas la première fois qu'il y avait cette confusion et réussit à sortir un rire absolument charmant, passant les doigts dans sa belle chevelure ébène, les yeux rivés dans ceux de l'autre qui paraissait purement conquis. Il faut dire que Magnus le regardait comme on regarde de la nourriture après plusieurs jours de jeun. En plus, Sirius l'attaqua droit dans son ego, susurrant des louanges qui paraissaient couler comme du miel.

Ce flirt complètement imprévu laissa le pauvre Remus comme deux ronds de flans. Lily, elle, regarda le loup avec autant d'incompréhension que lui-même puis son visage se peigna d'un air de compassion. Après un stage dans l'univers fascinant du doute et de l'horreur, la logique du loup le rattrapa bien vite : bien sûr cet idiot de Sirius avait un plan en faisant tout cela. Bien sûr. Mais pas question que j'assiste à cela non plus.
Le masochisme, très peu pour lui.

« Lily…As-tu besoin de prendre l'air ?
-Remus, pitié, oui. »

Sirius fit un clin d'œil discret à Remus avant qu'ils partent. La réponse eut l'apparence d'une horrible grimace.
_

« Ca va, Remus ? » demanda Evans une fois dehors.
-On ne peut mieux, pourquoi ? essaya Remus avant d'être coupé net dans son mensonge par le regard équivoque de la rousse.
-Je ne suis pas James, murmura-t-elle, un peu blessée, tu peux tout me dire tu sais. »

Et en effet, en cet instant, face à ses yeux de biche si tendres et patients, il se sentait près à tout dire. Lâcher ces mots qu'il n'avait avoué librement à personne, ce poids qui pesait sur sa vie depuis des années et qui tels un cauchemar récurrent s'invitait les nuits de pleines lunes, il aurait pu, oui. Lui dire tout de suite qu'il était un monstre, qu'il ne méritait pas d'aimer ni de l'être et qu'il se haïssait. Et elle le sentit dans son regard qu'il y avait quelque chose. Instinctivement cela devait faire des années qu'elle l'avait vu mais elle ne disait rien ; elle savait se faire patiente Lily, elle n'insistait jamais. Elle était comme Sirius en cela, toujours fidèle mais elle, elle n'en devenait pas blessante et étouffante par moment. C'était ce qui les avait rapprochés et Remus, une nouvelle fois, en sentant glisser sa main sur la sienne fut reconnaissant d'autant de chaleur. Il éclata de rire, à la grande surprise de la rouquine.

« Qu'est-ce qu'il y a ?
-Rien…merci d'être comme tu es, c'est tout.
Oui, marchons un peu et parlons…de Sirius, de toi, de ce que tu veux.
Allons…allons à la cabane hurlante, d'accord ?
-Tu évites toujours d'y aller, pourtant ! s'étonna Lily. Excuse-moi, mais c'est dur de faire semblant de ne pas l'avoir remarqué….
-Oui, mais ça pourrait changer, fit Remus mystérieusement en la prenant par le bras. Je dois être courageux maintenant. J'ai envie de te dire quelque chose, est ce que tu m'écouteras ?
-Bien sûr. Toujours, promit-elle puis elle lui donna un petit coup d'épaule.
Alors, Sirius, vraiment ? Tu aurais pu avoir meilleur goût tu sais !
-Il est insupportable, acquiesça le lycan, totalement narcissique, un vrai rebut de l'humanité. Il m'en fait voir de toutes les couleurs, tu n'as même pas idée !
- Je questionnerai toujours ton choix en matière d'ami, je ne vais pas te le cacher…alors là !
-Non, tu ne comprends pas, fit-il en s'arrêtant.
Tu ne comprendras jamais à quel point ils sont importants pour moi ; Sirius, James, Peter.
Ne lève pas les yeux au ciel, c'est vrai. J'étais seul, j'étais renfermé sur moi-même, ils m'ont vu ; il m'a vu sans jugement aucun. C'est le premier, Sirius, qui m'a remarqué, il a voulu être mon ami, il s'est battu pour ça. Moi jamais je n'aurai laissé quelqu'un rentré, non, et il a juste ouvert la porte, défoncé les barrières à coup de sourire et de sottises. Et je l'aime ! Oui, je ne devrai pas…je trahis sa confiance chaque seconde, à penser à lui comme ça. Mais c'est comme de respirer, je n'y peux rien ! Il a…il a fait des choses inimaginables pour moi, tous, ils l'ont fait pour moi.
Moi qui pensais finir ma vie tout seul, ils me prouvent chaque jour que je devrai me battre contre ses pensées. Et ils sont formidables, je ne les mérite pas. Peter qui suit James comme son ombre est le plus fidèle des amis, James est irrécupérable avec toi mais on peut toujours compter sur lui et Sirius…je n'ai pas de mot pour qualifier combien il m'énerve, je ne sais parfois pas ce qui m'attire chez lui. Parfois, quand il n'est pas avec moi, je me dis que les veracrasses ont plus de qualités.
Peut être que je suis fou, vraiment fou mais à chaque fois que je le vois je me dis que c'est évident finalement ; que le monde serait effectivement froid et triste sans lui, que j'y serai mort 100 fois dans ce monde sans couleur et sans forme ; je me dis que ma vie a vraiment commencé quand je l'ai rencontré. Il est la raison pour laquelle quand je me regarde dans le miroir, je me dis que oui, peut-être que finalement, ce n'est pas si mal…d'être moi. Si « ça » a pu l'intéresser alors…peut-être, peut-être que je mérite d'exister.»

Remus se sentait fébrile…il n'avait pas jamais parlé comme ça à quiconque ; on aurait dit qu'il était sorti de son corps pendant une minute, ça lui paraissait tellement vulgaire et si…vain. Il en avait presque envie de vomir. De s'enfoncer dans ses pensées, de s'étouffer dans son mépris de lui-même jusqu'à en crever. Je dois être courageux, se rappela-t-il. Il osa à peine regarder Lily mais se fut elle qui le força à le faire en lâchant :

«J'ai compris…s'il te plait ne pleure pas. »

Elle l'enserra de ses bras sans se préoccuper des gens qui passait autour d'eux.

« Et bien, fit-elle en lui tapotant le dos, se forçant à sourire, qu'est-ce qu'on va faire de toi ? »

Elle ferait une bonne mère se dit Remus. Rassurante, aimante. Lui qui n'avait pas eu le droit à cela, c'était une bénédiction, un vrai don du ciel, une amie pareille. Mais il n'arrivait pas à se laisser complètement aller. Il n'avait pas terminé.
Peut-être que Lily s'enfuirait en courant si elle savait ? Peut-être qu'il aurait à pratiquer le sortilège d'Oubliette dans quelles secondes ? Elle n'avait pas l'air d'avoir sa baguette à portée de main, remarqua-t-il. Ce serait facile, une fois loin de tous, ce serait facile…et terriblement douloureux. Tu dois avoir confiance. Il se libéra doucement de son étreinte et sourit tristement :

« Ce n'est pas tout. »

Il lui prit la main et l'entraîna vers la cabane hurlante.