Petit mot de l'auteure : Voici un petit Braime qui contient en fait beaucoup moins de Braime que ce que j'avais en tête en commençant à écrire. Mais qu'importe, je vous le présente quand même !

Et jFANGIRLd si tu lis ceci, je te souhaite un bon anniversaire !

Sinon le texte répond à plusieurs défi de la Gazette :

- Le mille-prompt 988 : et si Jaime était resté avec Brienne ?

- Prompt of the day : ombre

- Défi des belles paroles 3 : restez avec un amour qui vous donne des réponses et non des problèmes, de la sécurité et non de la peur, de la confiance et non des doutes

- Si tu l'oses 442 : un vent glacial caressait son corps sans vie


Personnages : [Jaime, Brienne] Sansa

Contexte : UA 8x04

Merci à Angelica (x2), Marina (x2), Destrange, Miss Macaronii (x2), Leptitloir et Wizzette (x2) pour leurs review sur les drabbles précédents


Une ombre passa au-dessus de lui. Il ne parvenait pas à distinguer son visage, mais il aurait reconnu son rire fou entre tous. Cersei. Il ne se rappelait pas que celle-ci ait déjà produit un son aussi horrible – elle l'avait plutôt habitué aux paroles doucereuses et aux gémissements plaisants – mais il avait su instinctivement que l'auteure du rire était sa sœur.

Celle-ci avait profité de sa confusion pour se venir à lui. Ainsi rapprochée, Jaime pouvait enfin distinguer les traits de son visage – ou plutôt, son absence de traits. Un vent glacial caressait son corps sans vie, qui n'était qu'amas de sang et de chairs mêlées si bien à la terre qu'il était presque impossible de distinguer l'un l'autre. Là où prenaient place ses yeux d'ordinaire si vivants ne se trouvait que des larmes de sang. Jaime aurait voulu fuir cette vision cauchemardesque, ou tout du moins faire un mouvement de recul, n'importe quoi pour faire comprendre à Cersei que sa présence n'était pas désirée. Mais l'ombre de sa sœur le poursuivait, l'écrasait par sa présence, se rapprochait inlassablement de lui, le clouant sur place. Et alors qu'elle était parvenue à sa hauteur, elle lui murmura : pourquoi tu m'as laissé, Jaime ? C'est de ta faute...

Ta faute...

C'est avec cette remontrance en tête que Jaime s'éveilla, des larmes aux coins des yeux et le cœur affolé. Près de lui, il sentit Brienne s'agiter. Essayant de reprendre sa respiration, il sortit du lit doucement, afin de ne pas troubler le sommeil de son épouse – en vain, car celle-ci venait de poser une main inquiète sur son épaule :

- Encore ce cauchemar ?

- Non je... j'ai entendu Eléa faire pleurer. Je vais voir si elle se porte bien.

Il savait que Brienne n'était pas dupe et savait qu'il mentait (ou du mois, qu'il ne disait pas toute la vérité), mais ne chercha pas à le contredire. Leurs nuits étaient toujours agitées. Entre les souvenirs de la Guerre et les traumatismes de chacun, il était bien rare que les deux époux dorment d'une traite. La naissance de leur fille n'avait pas aidé à rallonger leurs nuits, si ce n'est qu'ils trouvaient chacun un grand réconfort à serrer contre leur cœur la petite forme chaude.

Déposant un dernier baiser qui se voulait rassurant sur le front de sa femme, Jaime se dirigea vers la petite annexe de leur chambre qui abritait le berceau de leur fille qui produisait des sons plaintifs. Il jeta un coup d'œil à la fenêtre d'où il pouvait voir le soleil commencer à se lever – synonyme du déclenchement d'une crise de larme de la part de l'enfant. Jaime prit alors Eléa dans ses bras, et décida de l'emmener faire un tour afin de laisser Brienne se reposer.

.

Seul les gazouillements de sa fille et ses pas lourds tranchaient le silence qui régnait dans le château encore endormis. Il ne savait pas où il allait, mais il ne souhaitait qu'une chose : oublier la vision démembrée et cadavérique de Cersei, tout en sachant qu'il n'y parviendrait pas. Cela faisait un an qu'il avait appris la mort de sa sœur et il n'avait eu de cesse de recevoir la visite de l'ombre de celle-ci, pleine de reproches et d'amertume. L'idée que sa sœur ait péri seule, sans personne... cela lui était insoutenable. Il avait sincèrement essayé d'écouter Brienne, lui disant qu'il n'aurait pas pu éviter sa mort et que tout ce qu'il aurait gagné aurait été de perdre la vie lui aussi. Il savait que ses propos étaient sages et justes, mais il ne pouvait pas chasser de son esprit cette culpabilité sourde qui l'envahissait. Nous sommes venus en ce monde ensemble, et nous le quitterons ensemble – n'est-ce pas ce qu'ils s'étaient promis si longtemps ? C'est lorsque ces doutes le tiraillaient que Jaime aurait aimé être réellement un homme sans honneur – ainsi, il ne serait pas en train de ressentir des scrupules indésirés à l'idée d'avoir brisé son serment envers Cersei. Et comme un coup du sort, alors qu'il venait de songer au nom de sa sœur, apparu dans son champ de vision la fameuse tour où tout avait basculé.

Ce que l'amour me fait faire quand même...

C'est de ta faute...

Saisit d'une montée de panique, le Lannister ressentit le besoin de prendre l'air. Vérifiant qu'Eléa était correctement emmitouflée dans ses couvertures et pouvait affronter le froid, Jaime se précipita à l'extérieur. De la neige tombait de temps à autres du ciel embrumés, faisant la fascination de l'enfant. Jaime lui était plus critique envers l'étendue blanche. Il ne savait pas bien si sa dépréciation tenait au fait qu'il ne s'était toujours pas habitué à la froideur de celle-ci, ou bien s'il avait toujours peur que des morts se relèvent entre deux arbres nivéaux.

Se laissant porter par ses pas, Jaime parvint sans réellement s'en rendre compte au bois sacré. Il se figea un instant, alors que les souvenirs de sa conversation avec le jeune roi – qui était encore à l'époque Bran Stark, ou la Corneille, il n'avait jamais bien compris toute cette histoire – lui remontaient à l'esprit. Il revoyait Bran lui dire que le Jaime qui l'avait mutilé à vie n'était plus le même Jaime que celui qui était venu dans le Nord pour se battre en risquant sa vie. Ces paroles avaient été douces à ses oreilles, mais plus que de les entendre, Jaime aurait aimé les croire.

Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi tant de valeureux hommes avaient laissé leurs vies lors de la Grande Guerre tandis que lui, avec une main en moins, était toujours debout.

Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi Cersei avait péri tandis que lui non. Elle méritait ce sort, avaient déclaré d'un commun accord tous les habitants de Westeros. Certes, Cersei méritait ce sort. Mais lui aussi, avec les monstruosités qu'il avait commises. Alors pourquoi n'était-il pas mort lui aussi ? Si l'Étranger était venu se présenter à lui, Jaime n'aurait pas protesté. Il aurait demandé un sursis de quelques secondes afin de mettre Eléa à l'abris, et aurait rejoint le dieu sans cherché à se dérober d'un sort qu'il méritait. Si Brienne avait entendu ces pensées, elle lui aurait dit qu'il ne méritait pas de mourir, et peut-être était-ce le cas. Mais il ne méritait certainement pas d'être accueillis à Winterfell, lui qui avait fait souffrir si souvent les Stark. Certes, la reine du Nord lui avait ouvert sa demeure uniquement par qu'il avait épousé Brienne – mais tout de même. Il ne méritait même pas que Brienne daigne vouloir de lui. Après tout, il avait bel et bien songé à s'enfuir au sud pour retrouver Cersei. Et même s'il ne l'avait pas fait et était resté auprès de Brienne, cela ne l'empêchait pas d'y avoir sérieusement songé – et d'être hanté toutes les nuits de ne pas l'avoir fait.

Même si une voix (celle qui s'amusait à le tourmenter et qui ressemblait étrangement à celle de Cersei) lui rappelait qu'il aurait tout aussi culpabilisé s'il avait quitté Brienne. Après tout, il était heureux, réellement heureux, auprès de la fière guerrière et de sa fille, légitimement reconnue auprès de tous. Alors pourquoi, pourquoi diable est-ce que l'ombre de Cersei ne cessait de le tourmenter ?

Il avait tout essayé pour la chasser. Tout, sauf une chose. Prier les anciens dieux.

Jaime avait depuis bien longtemps cessé de croire en l'existence d'un être supérieur. Mais alors que la neige tombait sur l'arbre centenaire, Jaime se dit qu'il n'avait après tout rien à perdre. Il s'agenouilla donc devant le visage formé dans le tronc, et commença à prier.

Pitié... faites que Cersei me quitte et me laisse en paix...

Il faillit éclater de rire en entendant des pas derrière lui juste lorsqu'il venait de terminer sa demande de solitude, mais se retint pour ne pas réveiller sa fille qui s'était rendormie dans ses bras. Il se tourna vivement, s'attendant presque à voir sa sœur. Mais ce n'était ni Cersei, ni son ombre.

C'était Sansa Stark.

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La dame de Winterfell vint se poser à côté de lui, ne le regardant pas alors qu'il baissait la tête en signe de révérence. Ils demeurèrent longtemps dans la neige, Stark et Lannister côtes à côtes, réunis momentanément dans la prière. La reine du Nord finit par demander :

- Pourquoi priez vous ?

- Je prie pour oublier quelqu'un. Ou pour que quelqu'un m'oublie. Je ne sais pas vraiment. Et vous ?

- Je prie pour ne jamais oublier quelqu'un. Et que ce quelqu'un ne m'oublie jamais.

- Même dans la prière, nous sommes opposés... murmura Jaime.

- Pensez vous toujours que nous sommes opposés ? demanda Sansa.

Jaime considéra sa question. Ils s'étaient battu dans le même camp lors de la dernière guerre, Jaime avait prêté allégeance à Bran Stark et au Nord avec un entrain beaucoup plus réel que lorsqu'il s'était agenouillé devant une Cersei nouvellement reine, et cela faisait un an qu'il vivait sous le même toit que la dame de Winterfell et personne ne s'était encore entre-tué.

- Non, répondit Jaime, surpris de la sincérité de sa réponse. Je pense que nous sommes devenus... alliés.

- Alors en tant qu'alliée, laissez-moi vous conseiller une chose. Les dieux ne pourront rien pour vous. Seul vous pouvez vous procurer votre propre paix. Oubliez la.

Il ne fut même pas étonné qu'elle devine qui était la personne au cœur de tout ses soucis. Etait-il si prévisible ? Sûrement.

- Je ne sais pas... je ne sais pas si j'en ai le droit.

Il ne savait pas pourquoi il osait enfin prononcer ces mots à ce moment là, devant Sansa Stark, mais le fait en avait été là. Il n'avait pas le droit d'être en paix car Cersei ne l'était pas. Parce que contrairement à ce que tout le monde lui disait, il demeurait quelqu'un de mauvais, qui ne méritait certainement pas de vivre l'esprit serein. Et l'esprit tourmenté de sa sœur, qui lui rappelait ses pires heures... c'était sa punition.

- Restez avec un amour qui vous donne des réponses et non des problèmes, de la sécurité et non de la peur, de la confiance et non des doutes.

- Que.. pardon ?

- C'est ce que ma nourrice disait toujours, expliqua Sansa. Je crois que c'est exactement ce que vous traversez. Il n'est pas facile d'oublier une relation, surtout lorsque l'on a réellement aimé la personne comme vous. Mais même si cela n'est pas facile, vous devez le faire. Sinon vous allez vous consumer de l'intérieur... Et Brienne ne mérite pas ça. Ma filleule ne mérite pas ça. Et même si cela m'arrache de devoir le dire... vous ne méritez pas ça non plus. Vous avez bien assez payé pour vos crimes, quels qui soient. Alors faites votre deuil, et laissez la partir, une bonne fois pour toute.

Jaime prit quelques instants pour méditer ce que la Stark venait de dire. Il acquiesça finalement, avant de reprendre la parole :

- D'accord. A condition que vous ne la laissiez pas partir.

- Que... réussit à bredouiller une Sansa interloquée.

- Yara Greyjoy. C'est pour elle que sont vos prières, n'est-ce pas ?

- Comment... comment savez vous cela ? demanda-t-elle apeurée, avant de se reprendre. Si vous en parlez à qui que ce soit, alliés ou pas, je vous...

- Je ne dirai rien à personne, rassurez vous. Et pas parce que vous me menacez, mais parce que je sais ce que c'est que d'aimer quelqu'un qui nous est interdit. Vous m'avez donné un conseil, donc voici le mien : brisez les interdits. Vous êtes reine, elle aussi, aimez vous librement et complètement.

- Vous savez bien que personne ne nous acceptera.

- Pour ce que ça vaut, je vous accepte. On ne choisit pas de qui on tombe amoureux. Vous avez déjà un grand seigneur qui vous soutient ouvertement... deux, si l'on compte Dorne. Ils sont de nature ouverte. Pour le reste, libre à vous de vous battre pour convaincre les autres. Mais si l'adage de votre nourrice est vrai, et que Yara est votre réponse, votre sécurité et votre confiance... je pense que cela vaut le coup de se battre contre le monde entier.

- Allez vous vous battre contre le monde entier pour Brienne, ser Jaime ?

- Non. Je vais me battre contre mes démons et moi-même. Je pense que cela est équivalent au défi qui vous attend.

L'impassible reine du Nord se feint d'un sourire en entendant sa dernière remarque.

- Je le pense, oui... Mais je pense également que chacun peut vaincre ses démons.

Elle ne précisa pas ce qui se cachait derrière les siens, mais Jaime pouvait aisément le deviner – Joffrey et Ramsay.

Le silence retomba entre eux, jusqu'à ce que Sansa ne demande :

- Puis-je la prendre ?

- Bien sûr. Vous êtes sa marraine... et sa reine.

Et tandis que Sansa Stark berçait doucement une petite Lannister dans ses bras, Jaime sentit l'ombre de Cersei disparaître peu à peu dans les branches murmurantes de l'arbre sacré. Peut-être avait-il droit à la paix, lui aussi. Il se devait dans tous les cas de tout faire pour se l'accorder – pour Brienne, et pour sa Petite étoile.


Note (de fin) : arg, Angelica m'a vraiment complètement converti au YaraxSansa. Sinon, Petite Etoile pour ceux qui arriveraient sur ce texte, c'est le surnom que j'ai adopté comme canon de Jaime envers sa fille. D'ailleurs Eléa comme prénom c'est bien évidement pour La nuit des temps (Barjavel), mais aussi parce que dans ma langue, Eléa signifie "étoile".

Bref, j'espère que vous avez aimé ce texte. Bises !