Petit mot de l'auteure : Salut ! Je viens pour un texte toujours sur Jaime, mais un peu plus triste que le précédent. Cet OS répond aux 5e et 7e thèmes de la 113e nuit du FoF (étrangler et copie), un forum où l'on peut discuter fanfic, faire des jeux et plein de trucs.
Je répond également à plusieurs défis de la gazette, à savoir le Thème challenge 2 (à quel point as-tu changé ces deux dernières années ?) et au 991e défi du Mille Prompt (et si la prophétie du Valonqar s'était vérifiée ?).
Pour rappel (parce que la série n'en a pas du tout traité) cette théorie fait référence à une prophétie qui a été adressée à Cersei, où le Valonqar la tuerait. Valonqar signifie "petit frère" en haut valyrien, et Cersei a toujours détesté et s'est méfié de Tyrion en partie à cause de cette prophétie. Certains pensent cependant qu'elle concerne en réalité Jaime, qui est né quelques secondes après Cersei (et est donc techniquement son petit frère). Le fait que la série n'ai rien dit à ce sujet et n'ai pas cherché à respecté cela restera l'une de mes grandes déceptions. Mais bref.
Merci à Angelica et Marina pour leurs reviews sur le texte précédent !
Ses cinq sens étaient agressés par la folie de Daenerys Targaryen : le ciel rougissait à vue d'oeil, une odeur acre se faisait sentir dans la capitale, le vent apportait par rafales les cris des malheureux qui se mouraient au-dehors. Sa main tremblante, qui tentait de l'aider à garder son équilibre, ne parvenait qu'à se saisir de pierres, que la cendre avait recouvert.
La cendre... s'était certainement ce qui était le pire. Toute sa bouche avait goût de cendre, emplissant son être d'une sensation de putréfaction.
Et pourtant, malgré la mort qui se manifestait à lui de toutes parts, toutes les parcelles de son corps et de son âme étaient tournées vers la figure pâle qui se tenait face à lui.
- Jaime ! s'était exclamée cette dernière, le soulagement perceptible dans sa voix rendue faible par la fumée.
Lui ne répondit rien, se contentant d'observer celle qu'il avait longtemps considérée comme sa moitié. Son double – sa copie, diraient certains. Il est vrai que Cersei et lui s'étaient toujours ressemblés comme deux gouttes d'eau. Petits, ils étaient tellement indissociables que même leur père n'arrivait à les distinguer l'un de l'autre; et lorsqu'ils échangeaient leurs vêtements et se coupaient leurs cheveux de même manière, il n'y avait que leur nudité qui pouvait les trahir. En grandissant, les différences entre leurs corps s'étaient accentuées, et pourtant, Jaime avait toujours eu l'impression de trouver en Cersei sa copie parfaite. Peut-être plus d'un point de vue physique certes, mais d'un point de vue mental. Les deux jumeaux partageaient toujours la même vision du monde, qui se réduisait dans leur esprit à leurs deux personnes. Il n'y a que nous qui comptons, répétait sans cesse Cersei – et Jaime acquiesçait.
Cersei n'avai eu de cesse d'affirmer que leurs destins étaient liés. Nous sommes deux moitiés d'un même être, Jaime. Nous sommes venus dans ce monde ensemble, et nous le quitterons ensemble. Et Jaime aquiesait de même. Pourquoi l'aurait-il contredit lorsqu'il pensait chacun des mots que Cersei prononçait ? Il n'avait aucune raison de le faire.
Du moins, jusqu'à aujourd'hui.
En cet instant, lorsqu'il regardait Cersei, il ne voyait plus le miroir de son âme qu'elle avait toujours été pour lui. Il ne se voyait plus. Devant lui se trouvait une femme qu'il n'était plus sûr de connaître – si tant est qu'il ne l'est jamais connu.
Le constat était douloureux, implaccable, cruellement réaliste – mais vrai : le miroir s'était brisé.
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Il était tenté de croire que Cersei faisait figure d'étrangère pour la première fois, mais il savait au fond de lui que ce n'était pas vrai. Il ne savait pas quand ce changement avait eu lieu. Lorsqu'ils s'étaient retrouvés séparés l'un de l'autres, un royaume entier et des conflits armés à n'en plus finir entre eux ? Lorsqu'il était rentré diminué d'une main, et elle d'un fils ?
Ou bien était-ce leur si longue séparation qui avait révélé ce constat glaçant qui était que Jaime n'avait en définitive pas besoin de Cersei ? Le Lannister ne s'était jamais posé la question auparavent. Cersei et lui n'avaient jamais été séparés l'un de l'autre, ses deux années au service d'Aerys ayant été l'exception. Mais à cette époque, Jaime avait dû s'accrocher corps et âme au souvenir de Cersei pour ne pas sombrer dans les abîmes que la folie du souverain façonnait tout autour de lui. Cersei, ou plutôt la pensée d'elle, l'avait maintenu en vie.
Il n'en avait pas été de même lors de son emprisonnement chez les Starck. Jaime se consolait par son image, mais ne partait pas à la dérive comme cela avait été le cas plus tôt. Lors de son enlèvement par les Braves Compaings, il ne s'était pas appuyé sur sa soeur pour tenir, mais sur Brienne.
Brienne.
Peut-être était-ce elle, qui avait fait éclater en morceaux le miroir des jumeaux Lannister. Ou peut-être qu'elle s'était contentée de se placer entre les deux reflets, empêchant l'un de distinguer l'autre.
Mais Jaime savait qu'aucune de ces hypothèses n'étaient justes. Il avait aperçu l'implaccable vérité suite au conseil de Port-Réal, où ils avaient été confontés à la guerre à venir contre les Morts. Le miroir n'avait pas été brisé – simplement leur reflet. Auparavant, leurs deux images se supperposaient parfaitement l'une sur l'autre, mais désormais cette époque était révolue. Jaime avait changé, vraiment changé. Il s'en était aperçu au fur et à mesure de son voyage vers la capitale, il n'avait juste par réalisé à quel point. Peut-être que sauter dans une fosse à ours sans arme pour une étrangère aurait pu lui mettre la puce à l'oreille, mais tel n'avait pas été le cas. Pour preuve, il avait été pris au dépourvu lorsque Brienne lui avait demandé pourquoi il était revenu sur ses pas pour la sauver. Pourquoi ? Une réponse honnête aurait été "je ne sais pas". Des réponses clairvoyantes auraient été "je vous aime déjà" ou "je suis un homme différent". Mais il n'avait pas été en mesure de mettre des mots sur ce qui s'opérait en lui à ce moment. Il s'était alors contenté d'un "j'ai rêvé de vous" lancé négligemment et voulant rejeter le trouble qu'il ressentait intérieurement.
Aujourd'hui, Jaime ne pouvait plus se mentir. Là où Cersei semblait être restée celle qu'elle avait toujours été – celle que Jaime s'était efforcé de ne pas voir –, lui avait changé. Et il ne pouvait plus l'ignorer.
Cersei non plus, d'ailleurs.
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- Jaime ? demanda-t-elle de nouveau, la voix plus inquiète.
Il croisa alors son regard pour la première fois, et il vit la réalisation tenir l'éclat de ses yeux. Elle avait enfin compris qu'il n'était pas venu pour elle, du moins pas pour l'aider. Son visage prit alors un air de défi, provoquant, et Jaime sut que le miroir était définitivement brisé.
- Qu'est-ce que tu comptes faire ?
La question resta en suspend, pour la simple et bonne raison qu'il n'avait pas réellement de réponse. Lorsqu'il avait entendu Sansa Starck annoncer d'aussi mauvaises nouvelles sur la débacle qu'essuyaient les armées de Daenrerys et la probable victoire de Cersei, Jaime n'avait pas réfléchis. Il ne pouvait pas laisser gagner une reine qui avait été prête à abandonner le royaume pour sa gloire personnelle, quand bien même s'agissait-il de sa soeur. Ce n'était tout simplement pas possible. Il avait alors prit la route, s'enfonçant toujours plus au sud, sachant pertinemment qu'il serait le seul à qui elle laisserait une ouverture – ou du moins, c'est ce qu'il espérait. Il n'en était pas sûr – elle avait après tout voulu par deux fois le tuer. Mais il se devait d'essayer : pour Brienne, pour les innocents de Port-Réal, pour la paix. Et aussi pour lui. Pour chasser définitivement la part sombre et pourrie qui était encore en lui.
Il n'avait tout simplement pas prévu que Daenerys Targaryen se révélerait pire que Cersei. Ou du moins que sa soeur, en excécutant cette enfant de Naath, révelerait ce qu'il y a de pire chez les Targaryen.
Feu et sang. Daenerys avait eu exactement ce qu'elle avait voulu, et Cersei ce qu'elle avait mérité. Peut-être était-ce qu'il y avait à retenir de toutes ces intrigues de cour, ces trahisons et manigances : du feu et du sang. Que peu importe qui se retrouverait sur le trône de fer, le résultat serait toujours une folie que le pouvoir entraînait invariablement. Soufflant pour se donner du courage, Jaime prit sa résolution. Il était venu pour une raison précise, et il allait la mener à bien.
- Je compte briser la roue.
Tyrion lui avait répété les mots que Daenerys avait prononcé plusieurs années auparavant. Il trouvait assez ironique de les répéter à son tour. Ironique, et pourtant logique : la roue devait être brisée là où elle avait commencé à se mettre en marche.
Là où se trouvait ce pour quoi elle se mettait en marche.
Sans laisser le temps à Cersei de réfléchir et comprendre cette phrase sybilline, Jaime se jeta sur la nuque gracile de Cersei. Alors qu'il serrait d'avantage, des images passées se superposaient devant lui, où il caressait cette même nuque avec affection, où les yeux de sa soeur pétillaient de plaisir et non de rage. Où leurs corps se mêlaient pour vivre, et non dans une lutte pour la mort.
Après quelques minutes de pression non relachée, Jaime sentit que son étranglement avait porté ses fruits. Il posa alors délicatement le cadavre à ses pieds, des larmes brouillant sa vue. Il resta un instant ainsi, vidé de toutes pensées, la regaine Régicide revenant sans cesse dans son esprit.
Ce fut une pierre qui le tira finalement de son état léthargique. Le plafond de la salle du trône, fragilisé par le feu, commençait à s'effondrer. Jaime considéra à quitter la pièce, avant de se résigner – où irait-il ? La ville était en proie aux flammes, à la mort. Il ne parviendrait jamais à s'en sortir vivant. Comment veux-tu mourir ? Lui avait demandé Bronn. Dans les bras de la femme que j'aime. Son souhait ne se réaliserait jamais. Brienne était loin de cette horreur, en sécurité à Winterfell, alors qu'importe qu'il meurt dehors ou bien dans une salle où son innoncence et ses espérances avaient de toute façon déjà étaient réduites en cendres ?
Non, cela n'avait définitivement aucune importance.
Jaime jeta un coup d'oeil au trône qui se trouvait derrière le corps sans vie de sa soeur, l'endroit même où Joffrey et Aerys avaient ordonnés autant d'horreurs. Alors que le plafond ceda complètement et qu'il sentait sa conscience quitter son corps, il se surprit à prier les Sept pour que ce trône de fer disparaisse avec eux.
Note (de fin) : ah et du coup le texte répond aussi au défi 21 de la collection restreinte : pas de fin heureuse. Je l'ai pas dit en haut car je voulais pas spoiler.
Sinon j'écoute Jenny the Oldstone, et je suis toujours autant prise aux tripes avec cette chanson. Malgré la déception de la fin de Jaime et les critiques qui ont été adressées à la fin de la série, elle reste merveilleuse. Et repenser à tous ces personnages qui m'ont marqué... c'est aussi douloureux que génial.
Bises !
