Petit mot de l'auteure : ce texte a été écrit pour la 144e nuit du FoF sur le thème "dîner".
Cet OS répond également à plusieurs défis de la Gazette des bonbons aux citrons : défis des citations contes des royaumes (1 « Il est temps qu'elle se comporte enfin comme une vraie dame. Comme une princesse. »), défis des belles paroles (celui qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit), 815e défi du 1000 prompts (manger), collectionner les pop (Clochette : écrire sur un personnage avec une coupe sévère). Le texte part du Et si proposé par Angelica : et si Amerei avait rencontré Lancel alors que celui était encore écuyer ? Ce qui fait cinq défis pour les Toujours plus.
Contexte : UA saison 1
Personnages : [Lancel, Amerei]
Pour le contexte, Amerei est un personnage qui apparaît dans les livres. Elle appartient à la maison Frey. Elle a une sexualité très libérée (surtout dans le contexte de GOT quoi) si bien que ses parents sont un peu désespérés. Elle est fiancée dans les derniers livres à Lancel.
Merci à Angelica, Marina et Yzanmyo et LiliCatAll pour leurs reviews sur le chapitre précédent.
- Amenez le plat avant que je ne me fasse dessus !
Aussitôt l'exigence du roi – curieusement formulée pour un personnage d'aussi haut rang par ailleurs – prononcée, les serviteurs s'empressèrent de s'exécuter. Sous les mines ravies des nobles rassemblés, apparurent alors de toutes parts des mets alléchants, qui sollicitaient tant la vue que l'odorat. Ils ne faisait aucun doute que tous allaient se régaler et profiter d'avantage de la réception donnée par le souverain.
Tous, sauf Amerei Frey.
La jeune femme s'embêtait fermement et elle ne devait qu'à toute sa concentration de retenir un immense bâillement. Mais qui avait l'idée de pareils dîners ? Elle savait que la Cour menait un train de vie plutôt prolifique... mais tout de même, elle avait atteint un stade inimaginable. Après avoir ingurgité des petits-fours suivis de diverses soupes et potages pendant une heure, ils n'en étaient qu'au plat principal. Celui-ci serait ensuite suivi par du fromage, des desserts, des collations d'après-repas (elle n'aurait jamais pensé que le concept puisse exister)... En somme, une éternité d'ingurgitation. Cela la rendait malade d'avance, non pas tant de devoir manger – même si elle trouvait quelque chose d'assez inapproprié à se gaver autant alors que par delà les murs du château des centaines de miséreux mourraient de faim – mais surtout de devoir rester stoïque et immobile pendant toute la durée du repas. Mais qu'elle torture ! Amerei Frey n'était pas le genre de femme qui se plaisait dans l'immobilité mais préférait s'activer – dans tous les sens du terme...
Chassant de son esprit ses pensées que le reste du monde qualifieraient d'indécentes, Amerei tenta de se concentrer sur ce que son assiette avait à lui proposer et mangea en silence, offrant quelques sourires de-ci de-là. Mais malgré tous ses efforts, elle ne put s'empêcher de tapoter nerveusement son assiette avec sa fourchette ce qui eut pour conséquence de s'attirer les foudres de sa chaperonne :
- Cesser immédiatement ce tapage peu noble, ma lady.
Amerei leva les yeux au ciel devant le ton de la Septa Minerva, qui ne prenait même plus la peine de cacher son agacement et le profond manque de respect qu'elle avait pour sa pupille. Le geste insolent n'échappa à la veille dame, qui la menaça :
- Nous reparlerons de votre comportement ce soir, jeune fille.
- Septa, ne soyez pas si dure avec Amerei, la défendit sa sœur Marissa. Elle n'a rien fait de mal... si ce n'est de mal tenir sa fourchette. Ce n'est vraiment pas quelque chose de grave.
- Bien sûr que si c'est grave ! Votre sœur est incapable de se tenir en société, et ce qui vous parait comme n'être qu'un petit détail révèle en réalité de son mauvais comportement. Mais sous ma surveillance, ces écarts de conduire seront derrière elle, dit la Septa dans une promesse qui apparaissait être à Amerei une menace. Il est grand temps qu'elle se comporte comme une vraie dame. Comme une princesse.
Amerei se retint de rire devant la dernière remarque qui traduisait les ambitions cachées de sa chaperonne. Ses parents, désespérés par sa conduite, l'avaient envoyé à Port-Réal dans l'espoir de lui trouver un mari. Lorsque personne ne s'était montré volontaire pour superviser la jeune fille, ses parents avaient implicitement laissé sous-entendre que des récompenses seraient attribuées à la septa qui se dévouerait – et que plus haut serait le rang du prétendant dégoté, plus grande serait la teneur de cette récompense. C'était finalement Minerva, une veille femme aigrie à la coiffure sévère. Sa personnalité était à l'image de son chignon : serré, sévère, triste, sans folie. Elle se prenait plus une personne noble, à la moralité exemplaire et à la sagesse impressionnante – et Amerei rêvait de pouvoir lui jeter à la figure qu'elle n'était rien de tout cela. Septa Minerva n'était noble dans aucun sens du terme, sa moralité s'effritait dès qu'il était question d'argent ou de positions avantageuses. Quant à sa sagesse... si elle avait un tant soi peu vécu sa vie, la septa aurait compris que celui qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit.
Mais cela n'aurait servi à rien d'exprimer ainsi ce qu'elle avait sur le cœur – elle n'aurait récolté qu'un sermon, du même acabit dont elle était victime en ce moment. Non pas que les propos qui lui étaient adressés la blessait – depuis le temps, elle en avait eu l'habitude – mais plutôt parce que cela lui causait un profond ennui. À part hocher la tête d'un air contrits elle n'avait pas grand-chose à faire.
Heureusement pour elle, le roi choisi ce moment-là pour annoncer qu'une pause danse allait débuter avant que les desserts ne soient amenés. Alors que de la musique se faisait entendre et qu'Amerei se levait précipitamment, Septa Minerva la retint brusquement :
- Où croyez vous aller comme cela, jeune fille ?
- Danser, bien évidement. Rencontrer du monde. Ce n'est pas pour cela que nous sommes venus ?
- Je vous connais que trop bien. Vous allez simplement en profiter pour vous éclipser.
- Bien sûr que non, répliqua de mauvaise foi Amerei, qui avait évidement pour objectif de s'éclipser. J'ai rencontré un charmant jeune homme avant de venir et je lui ai promit la première danse. Je vais le rejoindre.
- Un jeune homme ? répéta la Septa, clairement (et à juste titre) dubitative. Et peut-on savoir de qui il s'agit ?
- Oui... c'est... euh...
Elle avisa alors un jeune homme blond qui était à dix mètres de leur petit groupe, et se précipita vers lui. Sans même lui dire bonjour, elle le prit par le bras brusquement et le ramena devant sa Septa en déclarant fermement :
- C'est lui. C'est...
- Lancel Lannister, se présenta-t-il.
- Est-ce vrai que ma pupille vous a promis une danse ? demanda la Septa, méfiante.
Le jeune homme était visiblement perdu, et Amerei ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Elle ne put cependant qu'être reconnaissante lorsqu'il mentit avec toute la conviction qu'il put rassembler :
- Tout à faire, chère Septa.
- Comme je le disais, je vais danser. Nous allons danser, rectifia Amerei. A tout à l'heure.
Sur ses paroles définitives, Amerei tira de nouveau le dit Lancel derrière elle. Celui-ci attendit d'être éloignés de quelques dizaines de pas avant de demander :
- Je rêve où je viens de mentir à une religieuse ?
- Non. Enfin oui. Mais disons que tu as sauvé la vie d'une jeune femme, donc c'est un mensonge qui en valait la peine.
- Et qu'est-ce qui menaçait la jeune femme ?
- L'ennui, répondit Amerei en riant. La Septa. La vie. Enfin, merci du coup de main.
Elle commençait à se dégager de son bras, mais Lancel raffermi sa prise. Devant son regard étonné, il se justifia ainsi :
- Je pense que votre Septa nous observe encore. Si elle vous terrifie au point de vous jeter sur le premier inconnu qui passe, vous devriez peut-être aller au bout de votre histoire. Et je dois vous avouez que je n'aime pas vraiment l'idée de mentir, à une religieuse de surcoît. Mais si vous m'offrez réellement la première danse alors... je n'aurais pas vraiment menti ?
Il ne lui dit pas qu'il la trouvait particulièrement jolie et qu'il ne voulait pas encore quitter son bras, si doux et chaud contre le sien. Il se contenta d'attendre une réaction de la part de son interlocutrice, qui ne tarda pas à se faire sentir : Amerei ria franchement à sa remarque, et dansa la première danse avec lui.
La première, et toutes les suivantes de la soirée – et toutes les autres, y compris celle de leur mariage.
