Petit mot de l'auteure : Ce texte a été écrit pour la 121e nuit du FoF sur le thème "Enfant". Je voulais faire un truc joyeux mais... Ce texte est enregistré dans mes doc sous le nom de "Jaime et les enfants morts", ça vous donne une idée de la déviation d'ambiance x)
Merci à Angelica, Marina, Plume (x2) et capricorne11 pour leurs reviews sur les textes précédents !
Tywin Lannister s'incline respectueusement devant Robert, avant de déposer deux petites formes sanglantes sur le sol.
- En témoignage de mon engagement vers la Couronne, dit-il.
Le jeune roi hausse un sourcil, l'air de se demander ce que cachent ces capes. Jaime, lui, se retient de vomir. Comme tous les membres de l'assemblée, il a compris que ce sont le corps de deux enfants qui sont dissimulés derrière le tissus rouge. Mais contrairement aux autres, il a compris à qui ils appartiennent – il reconnaît immédiatement la main qui dépasse du draps.
C'est cette petite main qui, une semaine à peine, était venue se glisser dans la sienne après que sa propriétaire l'ai interpellé joyeusement à coup de « Ser Jaime ! ».
C'est la main qu'il avait tant tenu, pour rassurer d'un cauchemar ou pour raccompagner auprès de sa mère.
C'est la main qui avait accompagné les comptines qu'il chantait à sa propriétaire.
C'est la main qui s'agitait gentiment à chaque fois qu'il passait dans un couloir.
Et maintenant, cette main est rouge. Aussi rouge que la cape qui le recouvre – un rouge qu'il ne connaît que trop bien, pour l'avoir porté de nombreuses années.
Mais le rouge enveloppe aussi une autre forme, plus petite. Rien n'en dépasse, mais Jaime sait bien quel corps se trouve à l'intérieur.
C'est le corps qu'il a deviné se développer dans le ventre de sa mère.
C'est le corps qu'il a vu naître, alors qu'il était de garde lorsque la reine a accouché.
C'est le corps dont il a vu le premier pleur, le premier sourire, le premier pas.
Et maintenant, ce corps est en pièces. Lui aussi se trouve dans cette cape pourpre. Jaime pensait détester la blancheur de la cape qui orne ses épaules depuis maintenant deux ans. Mais en cet instant, il est heureux de la porter. Pour rien au monde il ne voudrait être assimilé au rouge meurtrier de celles qui enveloppent les corps de Rhaenys et Aegon Targaryen.
Lorsque les corps sont dévoilés, la salle ne peut retenir un murmure de frayeur et d'indignation – mais le nouveau roi semble apprécier le présent macabre, alors la foule se tait, et applaudit. Si le roi est satisfait, alors la cour l'est. Si le roi trouve qu'assassiner deux enfants innocents est une bonne chose, alors la cour aussi.
Jaime a soudainement envie de vomir son dégoût de ce monde qui décidément ne changera jamais. Il voudrait sortir du rang, se tenir debout contre son père et son roi, leur crier sa haine, mais il n'y parvient pas. La vision de ces corps sans vie le paralyse. Ces deux enfants ont été l'une des rares choses lui apportant de la joie dans cet Enfer qu'était Port-Réal – et maintenant, ils sont partis.
Tout comme Rhaegar, Rhaella, Elia – tous sont partis.
Ne reste plus que le fantôme d'Aerys et les cadavres ensanglantés de ceux qu'il a sincèrement aimé.
Jaime regrette presque qu'Eddard Stark ne soit pas là. Il le déteste pour l'avoir jugé sans sommation, pour avoir lâché ce « régicide » que tous ont murmuré sur son passage dans la journée, mais en ce moment, il aurait apprécié sa présence. L'homme lui a paru être le genre de personne à être indignée par cette barbarie et à le dire haut et fort. Jaime aurait eu du soutient, un regard où se raccrocher, quelqu'un pour lui dire que non, ce n'est pas lui qui est anormal d'être révolté par un tel acte.
Mais comme toujours, Jaime est seul pour faire face à la cruauté et à la barbarie. Seul, avec le poids de ses actes nés de décisions qu'il aurait aimé ne jamais avoir à prendre.
Est-ce pour cela que j'ai tué Aerys ? Pour sauver mon père et pour que celui-ci devienne un homme que je méprise ? Pour sauver le peuple de la barbarie d'un roi et pour que son successeur se montre tout aussi cruel ? Est-ce pour cela que je me suis parjuré ? se demande-t-il, retenant ses larmes et la bile amère qui monte en lui.
Lorsque Robert l'appelle pour statuer de son sort, Jaime ne reçoit pas son pardon royal avec autant de joie qu'il aurait dû. Cette faveur signifie qu'il va devoir rester ici, à Port-Réal, à garder un nouveau roi dont il craint la folie inévitable née de l'ivresse du pouvoir.
Alors qu'il s'incline devant son roi, jurant fidélité et respect, Jaime se fait une promesse : de tout faire pour que Rhaenys et Aegon soient les premiers et les derniers enfants à souffrir du règne de cerf.
Cette promesse en cache une autre, plus sanglante : celle de ne pas attendre deux ans avant de tuer Robert si celui-ci devient comme Aerys.
