Petit mot de l'auteure : Ce texte est une réponse au 63e défi de Bibliothèque de fictions : suite à une malédiction (ou au contraire une bénédiction) votre personnage se retrouve transformé en animal.
Merci à Angelica, Marina, Lassa, JessSwann (x2) et Destrange (x2) pour leurs review sur les chapitres précédents !
La louve hurle dans la nuit noire.
C'est un son sinistre, qui effraie les paysans à proximité. La Bête est de retour, murmurent-ils terrorisés. Les mères de famille s'assurent alors que toute leur marmaille est rentrée à la maison, les pères se munissent de faux et de piques. Tous veilleront, alertes, prêts à se défendre si la Bête attaque.
Évidement, ils ne savent pas que la Bête n'attaquera pas. La Bête est puissante, féroce, impressionnante – tout ceux qui l'ont aperçue sont unanimes sur ce dernier point – et pourtant, elle n'éprouve aucune animosité envers les humains. Car lorsque la louve crie, ce n'est pas pour se mettre en chasse ou effrayer un adversaire. Son hurlement est un cri de tristesse.
La louve hurle quelques fois par an, toujours aux mêmes dates : celles de la mort de son père, de sa mère et de son frère. Car la louve avait une famille auparavant – une famille que d'autres animaux, de vraies Bêtes quant à eux, lui ont arrachés. Cette famille, la louve ne s'en souvient plus. Elle a oublié leurs visages, leurs voix, leurs odeurs. Des siens ne lui reste que la douleur de les avoir perdus.
Elle ne s'autorise plus à penser à eux – cela fait trop mal. Mais à l'anniversaire de leur mort, elle ne peut s'empêcher d'effectuer le même chant macabre. Pour ne pas oublier ses morts. Et pour ne pas oublier les vivants qui lui restent.
Elle sait que quelque part, elle a encore une sœur et des frères. Mais elle n'a jamais cherché à les retrouver – à quoi bon ? Bien trop d'années sont passées depuis qu'elle les a vu pour la dernière fois. Et elle a bien trop changé ils ne la reconnaîtrait pas. Ils auraient comme le restant des humains un mouvement de frayeur et criaient à la Bête. Mais ce n'est pas grave. La louve n'en est pas attristée. Elle est plutôt reconnaissante de sa nouvelle vie.
Bien évidement, elle n'avait pas imaginé qu'un jour, elle troquerait définitivement ses robes contre une fourrure grise. Elle avait pris pour habitude de s'échapper de temps en temps dans l'esprit de Nyméria. Nyméria était plus libre. Nyméria avait moins de soucis. Nyméria n'avait pas perdu sa famille.
Nyméria n'était pas elle, et c'était une raison suffisante pour se plonger dans son esprit.
Et puis un jour, elle n'en était jamais repartie.
Nyméria avait fait une mauvaise chute, et son âme commençait à quitter son corps. Avant de mourir, elle lui avait proposé de prendre sa place quitter son enveloppe humaine et glisser son âme dans sa propre dépouille. Arya avait dit oui – plus rien ne la retenait dans le monde humain.
Maintenant, Arya-fille n'est plus. Ne reste que Arya-louve qui était avec les années devenue juste « la louve ». Elle ne regrette pas cette décision. Celle-ci lui apparaît comme une bénédiction. Devenue louve, elle n'a plus à penser, elle n'a plus à se soucier de cette douleur qui lui comprimait à chaque instant sa poitrine humaine – sauf ce soir.
Ce soir, huitième anniversaire de la mort de son père, la louve hurle de chagrin. Cela fait cinq ans qu'elle répète le même rituel.
Mais pour la première fois, un hurlement lui répond.
Cela l'intrigue, bien évidement. Alors la louve va en direction du cri. Elle arrive dans une clairière où se trouve une autre louve. Son pelage est si blanc qu'avec la neige qui tombe, elle manque de la voir. Elle se méfie – l'intruse a-t-elle des intentions néfastes ?
Mais le vent souffle et amène vers la louve l'odeur de la blanche. La grise reste un instant figée, alors que remonte dans son esprit le souvenir du parfum. Et lorsqu'elle l'associe avec la personne qui l'émettait, la louve court vers l'inconnue de la clairière – inconnue, qui n'en est pas une.
Maintenant à dix centimètres de distance, les deux louves se toisent. Lorsqu'elles étaient encore humaines, elles ne s'appréciaient pas tant que cela. Mais les choses ont changées – elles ont changées. Humaines, peut-êtres étaient-elles destinées à se détester. Mais désormais, elles sont louves – et sous cette forme, tout leur est possible.
