Petit mot de l'auteure : Ce texte a été écrit pour la 129e nuit du FoF sur le thème "Igne". mot qui signifie "qui est en feu, qui se fait sous l'effet de la chaleur" Il n'est donc que peu étonnant que je me sois tournée vers Daenerys pour traiter ce thème.

Cet OS prend place après la série, au détail près que Jon n'a pas tué Daenerys et l'a épousé - ils règnent ainsi sur Westeros.

Merci à Marina, Angelica, Maya (x3), Lassa (x2), SlythLou (x2) et Destrange (x2) pour leurs review sur les OS précédents !


Il fait beau.

Il fait beau, le soleil brille haut dans le ciel, le temps est bon. C'est une belle journée, une de celle dont Jon raffole tant. Si la neige du nord lui manquait au début, il a appris à apprécier le soleil et sa chaleur, tant et si bien qu'il se surprend à attendre de telles journées avec impatiences. Alors oui, aujourd'hui est un bon jour, métélogiquement parlant.

Et uniquement météologiquement parlant – car pour le reste, rien ne va.

Quoique, s'il se voulait pointilleux, Jon reconnaîtrait que même de ce point de vue là, la journée n'est pas entièrement bonne, la faute au vent. Celui-ci, léger, ramène dans les montagnes une odeur qu'il aurait préféré oublier, celle d'un mélange de chairs et de flammes.

C'est d'ailleurs près de celles-ci qu'il trouve Daenerys. Même aussi près du brasier, Jon ne peut s'empêcher de la trouver belle, envoûtante, puissante. Elle a la même grandeur que lorsqu'il l'a rencontré la première fois, la même force dont il est tombé amoureux. Mais malheureusement, ce sont deux choses qu'il a appris à craindre chez elle.

Alors il s'approche doucement, prudemment – il a beau être un dragon, il n'en reste pas moins un bâtard, il y a du loup chez lui, et les loups craignent le feu. Il progresse dans les flammes qui redeviennent braises et dont il refuse de se dire qu'elles contiennent autre chose, même s'il sait que ce n'est pas le cas. Derrière le feu, il y a du sang.

Feu et sang.

Jamais la devise des Targaryens n'a aussi bien été incarnée que sous le règne de Daenerys du Typhon.

Celle-ci se retourne en l'entendant s'approcher. Elle sourit, elle est heureuse, fière, soulagée. Jon, lui, se retient de vomir – il n'est pas plus immunisé contre le feu que son odeur.

« Nous sommes en sécurité désormais » déclare Daenerys.

Nous n'étions pas en danger, voudrait répondre Jon. Ces rumeurs de rébellion n'étaient que cela – des rumeurs.

Mais il n'a pas besoin de parler que Daenerys voit ce qu'il a en tête.

« Ils nous auraient attaqués » déclare-t-elle. Son ton s'est fait dur, et Jon frémit – cela ne peut être de la peur, n'est-ce pas ? Un mari ne devrait avoir peur de sa femme, les épouses sont censées aimer leurs maris, pas les menacer. Mais Daenerys est devenue un dragon incontrôlable dont il ne sait prévoir les réactions, alors, oui, il ne peut empêcher un mouvement de reccul. « Je ne peux les laisser mettre en danger ma famille »

Puis, comme si elle se souvenait d'un détail, elle précise :

« Notre famille »

C'est horrible, mais Jon voudrait lui crier qu'elle n'est pas de sa famille, que cela fait bien longtemps qu'elle a cessé de l'être, que la reine folle n'est plus la femme qu'il a épousé et aimé. Sa famille est dans le nord, à craindre les nouvelles du sud, lui n'est là que par devoir ou par habitude.

(Par peur des conséquences s'il venait à avouer qu'il se sent plus loup que dragon)

Comme toujours, Jon répond autre chose que ce qu'il a en tête :

« Ils n'auraient pas attaqués. Ce n'étaient que des bruits de mécontentements. »

« Comment peux-tu être si sûr de toi, Jon ? Chaque révolte, chaque révolution débute par des murmures »

« Et des récoltes donnant de la nourriture, du travail pour le peuple permettent d'y mettre fin. »

« Ces gens remettaient en cause mon règne ! Ne comprends-tu pas que cela est dangereux ? »

« Ils ne questionnaient pas ton règne, Daenerys. Plus personne n'oserait le contester. Pas après Port-Réal. Pas après les terres de l'ouest »

Pas depuis que les âmes craignent que le ciel ne s'obscurcisse de l'ombre d'un dragon venu les réduire en cendre.

« Les gens ont la mémoire courte. J'aurais voulu vivre en paix. Mais mes ennemis m'ont jeté dans la guerre. Alors, oui, parfois, un rappel est nécessaire. »

« Ces gens ne sont pas tes ennemis ! Ils ont simplement faim ! » hurle Jon.

Il sait qu'il ne devrait pas, qu'il commet là une grave erreur, Daenerys ne supporte pas qu'on remette ses actions en question et encore moins qu'on le fasse en haussant le ton – et si quelqu'un entendait ? Mais il n'y autour d'eux que des cadavres si brûlés qu'ils ne sont plus que cendre, alors Jon peut hurler autant qu'il veut. Personne n'entendra Daenerys du Typhon être contestée.

Tout comme personne n'entendra Jon mourir si elle ordonnait son exécution.

« Les gens parlent car les gens ont faim ! La guerre a ravagé les récoltes et les champs, et tu t'es chargée de détruire le peu qui parvenait à repousser ! Crois-tu que la situation va s'arranger maintenant que les champs de la région la plus prolifique du royaume ont été réduit en cendre ? »

Jon regarde les yeux améthystes de Daenerys dans l'espoir de remords, s'attend à trouver de la colère, une envie de meurtre peut-être. Mais le regard de sa femme n'est qu'indifférence :

« Qu'ils protestent »

Elle ne le dit pas, mais Jon entend la phrase fantôme qu'elle n'a pas prononcée : je les éliminerai s'il le faut.

Il reste ainsi les bras ballants, n'osant croire ce qu'il a entendu. Daenerys, elle, s'est détournée de lui, murmure à Rhaego et Rhaenys :

« Maman vous protégera. Personne ne vous fera du mal. Vous m'entendez ? »

Les deux enfants acquissent et la mère se tourne vers son troisième fils, son aîné, celui qui a assassiné tant d'âmes innocentes. Jon, lui, regarde plus longuement les enfants, ses enfants, et ne peut manquer la terreur dans leurs yeux – causée par l'horreur à laquelle ils viennent d'assister ou par leur mère, il ne saurait le dire.

C'est idiot, mais il pensait naïvement que Daenerys n'aurait pas mis ses plans à exécution devant les jumeaux. Il faut croire qu'il n'a pas suffisamment écouté.

(Vous êtes de mon sang. Deux fiers dragons.)

(Je régnerais sur le monde. Et quand je ne serais plus, cela sera à vous)

(Le feu ne peut tuer un dragon. Et vous, mes chers enfants, vous êtes des dragons.

(Le feu est votre ami)

Mais Rhaegar et Rhaenys ont aussi une part louve – une toute petite part, à peine un quart de leur sang, mais une part suffisante pour qu'ils ne semblent pas apprécier le feu lorsque celui-ci fait crier les hommes de douleur.

Peut-être qu'un jour, le dragon dominera complètement le loup en eux. Peut-être qu'un jour, ils monteront eux aussi un dragon afin d'écraser quiconque les menaçants.

Peut-être.

Sûrement, même.

Sauf que Jon n'a aucune envie que cela arrive.

Lui, il veut que le loup, celui qui survit dans l'hiver en protégeant sa meute et les plus faibles, prenne le dessus. Et surtout, il ne veut plus voir la terreur dans leurs yeux.

Alors Jon leur dit d'aller jouer un peu plus loin, là où le vert des prés n'a pas été recouvert de gris cendré ou de rouge enflammé. Drogon s'envole à son tour et ne reste bientôt que le roi et la reine.

Daenerys regarde ses enfants gambader avec un sourire avant de reporter son attention sur Jon, dont le visage est toujours aussi sombre. Elle ne s'attarde cependant pas sur ses reproches, silencieux comme verbaux.

Elle sait bien que ses contestations ne durent jamais longtemps.

Alors elle continue de sourire, d'expliquer à Jon combien ils seront heureux maintenant qu'ils sont en sécurité et que la menace est éliminée. Lui acquiesce – bien sûr, tu as raison, tu as toujours raison – et l'embrasse. Daenerys lui rend son baiser sans s'apercevoir que le geste de Jon est mécanique, froid, bien loin des passions de leur jeunesse. Comme pour tout le reste, elle n'écoute pas ce que ces lèvres tremblantes disent – ce qui n'est pas nouveau, elle n'a jamais vraiment écouté ce qu'il avait à dire, pas depuis qu'il l'avait supplié de ne pas mettre le feu à Port-Réal.

Sûrement aurait-elle dû, car des choses, Jon en a dit beaucoup.

(Daenerys, tu ne peux pas faire ça...)

(Comment as-tu pu faire ça ? C'était des innocents!)

(Je ne te reconnais plus)

Oui, Daenerys n'écoute pas ce baiser qui a pourtant la saveur d'un adieu. Elle ne regarde pas non plus l'épée que dégaine lentement Jon.

Par contre, elle sent la douleur lorsque celle-ci est plantée en elle.

« Je suis désolé... » murmure Jon en pleurant.

C'est la première phrase de son mari qu'elle écoute réellement – il est dommage que ce soit également la dernière.