Accusé d'avoir poignardé Thatch et battu Teach jusqu'au coma, Ace se retrouve emprisonné sur le Moby Dick.
Mais Marco semble peu à peu prêt à lui accorder le bénéfice du doute.
Doit-il risquer de faire confiance au commandant, au péril de sa vie ?
Heureusement, Ace peut toujours compter sur la fidélité absolue des Spades.
Quand Thatch obtient le yami yami no mi un peu trop tôt, cela entraine pas mal de différences.
Ace ne vivait que pour sa liberté
Pendant des années, il avait grandi sans règles ni lois dans les montagnes sauvage, sans personne pour lui dire quoi faire ou l'en empêcher. Même en tant que capitaine sur les mers il était celui qui dirigeait et choisissait sa destination. C'était pour ça qu'il aimait autant être un pirate. La seule vie qu'il désirait et le rendait heureux.
C'est pourquoi, tout naturellement, Ace haïssait plus que tout se sentir prisonnier.
Alors oui, il pouvait bien admettre que provoquer Barbe Blanche, l'homme le plus fort du monde pour un combat n'était pas son idée la plus brillante. Il voulait tester sa puissance, se faire un nom de lui même pour s'éloigner le plus possible de celui de Gol D. Roger.
Il savait au fond de lui qu'il n'avait alors aucune chance, mais il espérait alors pouvoir décrocher au moins deux ou trois coups avant la défaite.
Ace secoua la tête à sa naïveté passé. Ressortant tout juste d'une égalité après cinq jours de combat contre Jinbei, il avait été écrasé. Malgré son feu poussé au delà de ses limites, la différence de puissance, gigantesque comme un mur infranchissable l'avait frappé à plein fouet.
Barbe Blanche pouvait alors juste le tuer pour l'affront, mais au contraire il lui avait proposé de rejoindre son équipage. Et quand Ace refusa, il se fit kidnapper, avec tout ses compagnons d'aventure, les Spades Pirates.
Ils ne ressemblaient pas tant que ça à de vrais prisonniers, pouvant aller et venir sur le bateau là où ils voulaient mais pour Firefist Ace, être gardé en otage et privé de sa liberté la plus fondamentale était une hérésie. Il n'était pas à sa place, tout ces pirates n'était pas ses nakamas. On lui avait arraché son libre arbitre. Alors il a continué de provoquer Barbe Blanche.
Depuis plus d'un mois, chaque jour, il arrivait devant lui, et exigeait qu'on le relâche. Ensuite, un refus et il commençait une bagarre où il perdait inévitablement. Et il recommençait encore et encore, espérant que l'homme finirait par le trouver assez irritant pour vouloir se débarrasser de lui. Ça ne serait pas la première fois après tout, Ace ne valait pas la peine d'autant d'efforts. Le yonko s'en rendrait vite compte.
Pour l'instant toutes ses tentatives s'étaient soldées par un échec. Et ça l'énervait encore plus.
D'une certaine manière, ça lui rappelait Luffy, quand Ace voulait par n'importe quel moyen se débarrasser de lui mais que l'idiot s'accrochait de toutes ses forces pour finalement gagner son affection. Sauf que Ace se retrouvait piégé contre son gré sur le Moby Dick, un endroit inconnu, entouré d'ennemis.
Il méprisait toutes ces histoires de la prétendue « Famille » de Barbe blanche (sérieusement, étaient-ils une sorte de mafia ?), alors qu'ils étaient juste une bande de pirates un peu trop forts. Ils ne voulaient sûrement le recruter que pour ses capacités.
Il les détestait mais actuellement, perché en haut du nid de pie où il trouvait parfois refuge, il avait surtout faim. Personne ne l'empêchait réellement de manger, mais pour cela il devrait se rendre au réfectoire et être entouré de tout l'équipage. Trop d'ennemis à garder à l'oeil à la fois, leurs regards curieux piquants sa peau comme du sel sur une plaie. Il gardait sa vigilance au maximum, incapable de se détendre au milieu de tout ces types.
Il ne voulait pas les voir, et encore moins créer de liens. Ne pas leur parler et ne pas se faire remarquer. Être un fantôme la moitié de la journée et une nuisance agressive le reste du temps.
Alors, dans une routine devenue familière au jeune prisonnier, il se leva. Une fois sûr que la voie était libre, il descendit rapidement. À deux mètres du sol, il sauta et atterrit souplement comme un félin sur le pont. Ses pieds nus produisaient à peine un léger tapotement sur le parquet.
Efficace, le jeune traça son chemin dans des couloirs désormais bien connus jusqu'à arriver dans une pièce.
S'il y avait un avantage à être là depuis un moment, c'est qu'il connaissait parfaitement le navire. Souvent les soirs, une fois que tout le monde dormait profondément, il l'arpentait de long en large, mémorisant les passages et les cachettes potentielles. Et surtout, il avait trouvé les cuisines.
Où il venait actuellement de retourner. C'était un de ses endroits préférés du bateau, toujours plein de bonnes odeurs. Il laissa échapper un son ravi quand son regard se porta sur une belle pièce de viande cuite reposant innocemment sur le comptoir.
Malheureusement de nuit la porte était fermée, et bien qu'il n'aurait eu aucun mal à faire sauter la porte fermée ou même le mur pour se créer une entrée, il n'avait pas voulu car...
-Marco ne serait vraiment pas d'accord pour que je te nourrisse en dehors du réfectoire, tu sais.
Ace grogna un « comme si son avis comptait » mal articulé, la bouche déjà pleine. Il ne prit même pas la peine de se retourner, sachant qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Le gars termina d'entrer et s'appuya contre le comptoir, bras croisés mais un sourire amusé sur le visage.
Thatch était l'un des rares gars de l'équipage -si ce n'était le seul- qu'Ace tolérait. Il était drôle et optimiste, et surtout il n'en avait souvent rien à de l'opinion du Commandant Marco. Peut être parce qu'il était lui aussi un commandant. Comment un bon gars comme lui avait pu rejoindre ce genre d'équipage restait un mystère. Il avait pris l'habitude de laisser de la nourriture pour Ace comme il le ferait pour un chat errant et sauvage, même en sachant que Marco désapprouverait. Et rien que pour ça il avait une place spéciale dans son cœur.
-Et bien techniquement, il est le second d'Oyaji, donc son avis compte.
-Je vois, et c'est pour ça que je me retrouve nourri à son insu, renifla Ace avec un geste de la main vers son assiette.
Le cuisinier posa une main dramatique sur son cœur.
-Qu'y puis-je si tu rentres sournoisement dans les cuisines pour piller mon garde-manger ? Et puis il n'y a pas d'ordre de t'en empêche; tout ce qui n'est pas interdit est autorisé.
Ace laissa échapper un petit rire, ce que Thatch prit pour une victoire.
-Ce qu'il ne sait pas ne peut pas lui faire de mal...
-A vrai dire, Marco a tendance à toujours tout savoir, avoua le cuisinier.
Il regarda autour de lui comme si son coéquipier pouvait arriver à tout moment. Malgré leurs divergences d'opinion, les deux commandants étaient en quelque sorte de très bons amis. Ils aimaient juste prétendre le contraire. Pas qu'Ace puisse comprendre comment deux caractères aussi éloignés pouvaient d'entendre. Mais Thatch disait souvent que sous son air constamment ennuyé, il avait un côté ludique. Marco n'était strict qu'envers ce qui concernait la sécurité du bateau.
Mais heureusement, nulle trace de sa blonde chevelure. Il ne devait pas être au courant des manigances du cuisinier, sinon Ace était certain que le commandant irritant y remédierait.
-De toute façon, je ne mangerai pas avec vous. Je me débrouillerai autrement même s'il veut m'en empêcher.
-C'est pas si mal de manger au réfectoire, y a quelques gars avec qui tu pourrais bien t'entendre si tu faisais connaissance.
Ayant déjà entendu plusieurs fois le discours, Ace roula des yeux mais ça ne découragea pas l'autre homme qui ne pris pas ombrage de l'absence de réponse du jeune. Habitué, il continua:
-Même tes anciens coéquipiers commencent à... Ok ok je me tais !
Cette fois, il leva les mains en l'air en signe de reddition devant le regard sombre que lui envoya le jeune. C'était un sujet sensible. Bien sûr, cela le soulageait que son ancien équipage ne souffre pas de ce séjour prolongé. C'était même Ace qui les avait poussés à profiter des luxes du navire, quand les Spades étaient prêts à suivre l'exemple de leur capitaine. Il ne voulait pas les impliquer plus qu'il ne l'avait déjà fait dans son combat contre Barbe Blanche.
Mais ça n'empêchait pas la piqûre de tristesse quand ils les voyaient rire et plaisanter avec leurs kidnappeurs. Si Ace parvenait à s'enfuir, voudraient-ils toujours partir avec lui ? Il rassembla plus de conviction qu'il n'en avait réellement pour répondre :
-Je tuerai Barbe Blanche et nous partirons.
Ou du moins il partira avec ceux qui accepteront de le suivre. Il pourrait reformer une partie de l'équipage sur la route.
Thatch ne semblait pas d'accord avec son plan.
-C'est ta... Combien ? Quatre-vingtième tentative de le vaincre ? Le railla-t-il.
-Quatre-vingt-trois, corrigea Ace avec une moue boudeuse qui aurait pu être qualifiée de mignonne.
Le cuisinier résista à l'envie de lui ébouriffer les cheveux. Dommage que le jeune ne montre pas aussi souvent ce côté de sa personnalité. D'ailleurs il ne montrait quasiment rien à part de la colère et de la méfiance. Il se sentait privilégié qu'Ace commence à lui parler de temps en temps. Il glissa une autre assiette pleine vers son petit protégé, toujours aussi étonné de le voir autant manger.
-Ta meilleure chance serait de jouer le jeu et d'apprendre à nous connaître pour t'enfuir. Tu gagnerais à nous fréquenter un peu plus, proposa Thatch.
Ce n'était peut-être pas la bonne chose à dire.
-Je veux pas jouer à faire ami-ami avec vous pour vous trahir et vous poignarder dans le dos ! s'exclama-t-il plein de feu comme si l'idée même de telle fourberie était répugnante.
Au moins un point où le commandant était d'accord avec lui. La plupart des pirates n'avaient pas de telles valeurs. Mais cela ne pouvait pas continuer ainsi, le jeune homme semblait tout sauf heureux d'être ici.
-Allez, on est pas un équipage si horrible que ça, essaya-t-il de le convaincre.
-Je ne veux pas être là, alors laissez nous repartir...
Ace voulait garder une voix ferme mais elle avait un accent douloureux et triste sur la fin. Il était un oiseau en cage, entraîné de force dans une prison qu'il refusait. Il ne voulait pas nouer de liens ici, pas s'attacher à toutes ces personnes quand son objectif était de tuer celui qu'ils appelaient « Oyaji ». Sympathiser avec Thatch était déjà un problème.
Son aîné secoua la tête, semblant plein de regrets mais ne pouvant aller contre son capitaine. Il soupira, vaincu.
-J'aimerais vraiment que tu nous rejoingne de ton plein gré et que tu deviennes un de nos frères.
Ace se raidit, sa main touchant son chapeau orange dont il ne se séparait jamais. Il avait l'air énervé et le cuisinier regretta ses paroles quand le jeune répondit, soudain froid :
-Je n'ai que deux frères et c'est Sabo et Luffy. Pas une bande de kidnappeurs qui se prennent pour ma de famille.
Sur ces paroles il sortit en trombe non sans attraper au passage un dernier gros morceau de viande.
Thatch se laissa tomber sur le sol, fatigué par la conversation qui lui donnait un goût de cendres dans la bouche.
Izou entra avec précaution, silencieux comme toujours et posa une main sur l'épaule de son ami.
-Vous avez eu une conversation difficile ? suggéra-t-il
Le cuisinier rit légèrement devant la question.
-Pas besoin de demander, je sais que tu as tout entendu depuis le début.
-En effet.
Son camarade lui sourit en retour, pas gêné pour un sou d'avoir été pris en train d'espionner. Il s'assit par terre à ses côtés. Il y eut un silence tranquille, comme ceux que partagent des partenaires de longue date.
-Hé Izou... Tu penses qu'on a fait le bon choix ? En retenant Ace, je veux dire. Il a l'air malheureux ici.
L'autre prit le temps de réfléchir, ajustant son kimono violet autour de lui.
-Je crois Oyaji quand il dit qu'Ace a besoin d'une famille. Jusqu'ici il a toujours été un bon juge du cœur des autres.
-Et s'il n'avait pas besoin de NOTRE famille ? Parce que son équipage remplit déjà ce rôle ? Si notre méthode n'est pas la bonne ? Ace est... Un garçon vraiment têtu, et le contraindre ne fait que renforcer son opposition...
Imitant sans le savoir son camarade quelques minutes plus tôt, Izou soupira. Il appuya son dos contre le comptoir derrière eux.
-C'est difficile à dire. Mais j'espère qu'il parviendra à s'ouvrir peu à peu. Tu fais déjà du bon travail, je sais que ce garçon t'apprécies.
-Il apprécie surtout la nourriture que je cuisine, plaisanta Thatch un peu réconforté par ces paroles.
-C'est avec de la nourriture qu'on apprivoise les animaux même les plus sauvages, approuva l'homme avec un clin d'œil. Il faut juste du temps et de la patience.
-Avec ma mission bientôt, je n'aurai plus l'occasion de le voir pendant quelques jours.
Sa voix sonnait déçue et résignée. Et si cet éloignement ruinait toutes les avancées qu'il avait accompli avec leur petit nouveau ? Izou ne le laissa pas se morfondre et lui tapota le haut de la tête dans un geste de réconfort.
-Pars le cœur en paix, je m'occuperai bien de ton bébé tigre.
C'était agréable de se sentir soutenu. Oui, avec le temps ça ira mieux, ils apprendront à se faire confiance. Tout ira bien.
Ace fulminait toujours lorsque de retour dans le nid de pie, Deuce le rejoignit.
-Yo cap'taine !
Il souffla, se forçant à abandonner son visage renfrogné quand son second des Spades s'assit sur la rambarde à ses côtés.
-Deuce, quoi de neuf ?
Ce dernier avait pris l'habitude de souvent monter faire un compte rendu des faits et gestes des habitants du navire. Ace ne pouvait nier qu'il appréciait ce moment où il pouvait enfin se sentir lui même. Pas un prisonnier, juste un capitaine obtenant un rapport de son fidèle compagnon.
-T'as l'air sur les nerfs, t'as encore croisé Marco ?
Il grogna, une flamme jaillissant de sa paume par réflexe. Il trouvait le commandant de la première division extrêmement irritant. Un homme de sa stature avait probablement un milliard de choses à faire et pourtant il semblait toujours être dans les parages, en train de surveiller le jeune prisonnier. Il avait l'audace de se méfier de lui, comme s'il n'était pas retenu là contre son gré. Pourquoi ne pas s'épargner tout ces tracas et le libérer ? En plus il avait l'odieuse manière de l'appeler « gamin » et autres dérivés, comme si avoir le double de son âge et de son expérience lui donnait le droit de regarder Ace de haut.
Il maîtrisa sa colère, ne voulant pas incendier accidentellement son refuge. Il se contrôlait mieux que ça mais le risque existait.
-Non, et heureusement, la journée craint déjà assez comme ça, gronda-il en réponse.
Il exagérait un peu, la matinée se passait plutôt bien mais le rappel de sa situation le mettait rapidement sur les nerfs.
Son camarade posa une main sur son épaule avec sympathie. Ace s'appuya légèrement dans le contact, appréciant le soutient familier. Il s'autorisa à laisser tomber les dernières bribes de tension de ses épaules. Après quelques secondes de silence, il finit par expliquer dans un soupir :
-Thatch veut encore que je rejoigne l'équipage.
-Tu sais Ace, j'avais quelques idées préconçues sur les Barbe Blanche, mais certains ne sont pas si mal... commença Deuce avec précaution.
Pas suffisamment cependant. Le logia essaya de masquer l'éclair blessé de trahison dans ses yeux mais il sut qu'il ne trompait personne. Et en un instant la colère était là, une chaleur familière l'enveloppant, si semblable à ses flammes. Masquant tout ses sentiments comme une couverture lorsqu'il refusait de montrer la moindre faiblesse. Il s'éloigna légèrement de la main de Deuce et sa voix sonna amèrement :
-Si vous êtes si heureux ici, restez-y avec tous vos nouveaux amis.
Le second descendit du garde-corps pour se tenir devant son ami et lui pressa doucement l'épaule pour l'encourager à croiser son regard franc à travers son masque.
-Comme. On est les Spades. TES Sapdes. Et on te suivra jusqu'au bout du monde s'il le faut. On te doit tout; tu es notre ami et capitaine. N'en doute jamais.
Ace détourna les yeux en premier. Dans un tic nerveux, sa main attrapa son collier de perles rouges pour jouer avec.
-Alors quoi ?
Il détesta immédiatement à quel point sa voix sonnait faiblement. Deuce se passa une main dans les cheveux, l'air las.
-Juste... Tu sais très bien que, pour l'instant, tu n'as aucune chance de vaincre Barbe Blanche. Combien de temps cela va-t-il prendre ? Un an, dix ans ?
-Ça commence à porter ses fruits, Deuce. Combien de temps vont-ils le supporter les attaques et la destruction des murs ? J'ai même entendu des commandants dire que s'il n'y avait aucune avancé avec moi, au bout d'un moment ils seraient obligés de me débarquer sur une des îles.
-Oui mais en attendant, tu es blessé à chaque affrontement. Penses-tu que tu peux rester tout ce temps en ennemi sur ce bateau ? poussa le second.
Son ami lâcha son collier pour croiser les bras contre son torse, dans un signe de refus absolu.
-Je ne les rejoindrai pas. J'ai refusé de rejoindre les grands corsaires pour ne pas devenir le chien du gouvernement. Je ne serai pas celui de Barbe blanche.
-Je ne te demande pas de rester ici pour toujours, juste de profiter pour te détendre. Le temps aura raison d'eux, ils devront tôt ou tard te relâcher après tout.
Ace pencha légèrement la tête pour l'encourager à continuer sa pensées, son intérêt piqué. Deuce lui adressa un petit sourire de connivence.
-Barbe blanche n'est pas notre capitaine, rien ne pourra nous forcer à lui obéir. Il ne va pas nourrir 20 personnes qui refusent de lui être utiles et de se battre pour lui.
-Ça ne prendra pas encore plus longtemps ? demanda Ace dubitatif.
Son second haussa les épaules.
-Parfois la résistance passive est plus efficace. Et vois-le comme des vacances ! On peut visiter des îles encore inconnues, gratuitement hébergés, avec la possibilité d'apprendre de nouvelles choses sans crainte d'être attaqués..
-Ça me dérange pas les attaques... protesta Ace à mi-voix.
Deuce rit, cognant leurs épaules ensemble avec affection.
-C'est parce que tu es une tête brûlée qui adore te battre. Ici, tu pourras participer aux mauvais coups de Thatch, affronter Marco dans un duel et peut-être même fouiner dans la salle de navigation qui te fait de l'œil depuis notre arrivée. Quand tu voudras partir, on te suivra. Mais, le Ace heureux et confiant qu'on connait tous nous manque.
Ace laissa son regard se perdre dans les vagues, attentif aux mots de son ami. Les embruns marins sur son visage l'apaisaient comme toujours. C'est pourquoi il avait choisi d'élire domicile dans ce nid de pie à leur arrivée. Et ça avait quelque chose de satisfaisant de revendiquer la place la plus haute, observant l'équipage du géant s'agiter comme des fourmis en contrebas.
-Mais Deuce... Si un jour ils apprennent qui est mon père ?
À cela, Deuce n'avait aucune réponse.
Avec un soupire synchronisé, ils choisirent de changer de sujet. L'homme aux cheveux bleus se mit à passionnément décrire le poisson que Kukai avait péché, sachant qu'Ace n'écoutait qu'à moitié mais espérant que ce babillage incessant pourrait lui changer les idées.
Divers autres membres de Spades lui rendirent visite au cours de la journée. Ils jouèrent aux cartes, puis redescendirent vaquer à différentes occupations pendant que Saber et Barry restaient faire la sieste en compagnie de leur capitaine. Entouré de ses amis, il laissa un sourire fleurir sur ses lèvres. Il n'était pas seul.
Le soir venu, tout le monde partit dîner. Ace, comme d'habitude, refusa de venir. Il hésita à éviter les cuisines à cause de sa derrière discussion houleuse avec Thatch mais ça aurait été puéril. Et il avait sacrément faim.
Comme d'habitude le cuisinier était là -ne mangeait-il jamais au réfectoire avec les autres ?- Ace fit de son mieux pour essayer de passer en douce sans être repéré, comme à ses débuts sur le navire. Bien évidemment, cela ne fonctionna pas. Thatch garda le silence quelques minutes, un fait assez inhabituel pour être souligné, faisant simplement glisser la nourriture vers Ace. Ce dernier finit par s'arrêter de manger pour lever un regard interrogateur vers le commandant.
-Un problème ?
L'autre se secoua, sortant de ses pensées.
-Je voulais te dire que demain matin, je partirai en mission de ravitaillement. Ça va sûrement durer quelques jours
Ace était un peu déçu et s'efforça de ne pas le laisser paraître. Thatch était le seul de Barbe Blanche à s'être rapproché de lui au point accepter de volontairement passer du temps ensemble. Et surtout, comment allait-il faire pour se nourrir sans lui ? Les cuisines étaient fermée hors des heures d'activité, et les autres cuisiniers suivraient la volonté de Marco de ne pas nourrir Ace hors du réfectoire. Comme s'il avait lu dans ses pensées, Thatch sourit :
-Mais j'ai demandé à Izou de te laisser accéder aux cuisines quand je serai absent. Il est aussi commandant mais pour la 16eme division, tu vois lequel c'est ? Vraiment c'est un bon gars, tu peux avoir confiance et...
Ace se souvenait bien d'Izou. Un homme habillé en geisha, souvent deux pistolet accrochés à son Obi. Très bon au tir d'après ce qu'il avait pu en voir. Depuis son nid de pie, le jeune pouvait souvent l'observer trainer avec Thatch.
-Vous êtes proches, n'est-ce pas ? coupa As.
Cela eut l'avantage de couper le flot de paroles du cuisinier, qui ne s'attendait pas du tout à la remarque. Son petit protégé n'avait pas du tout l'habitude de poser des questions, encore moins sur des sujets personnels. Mais Thatch n'eut pas l'occasion de s'en réjouir, trop occupé à bredouiller.
-Haha, et bien, oui, c'est mon ami depuis des années, mon frère d'arme et mon partenaire de crime !
Peu dupe, Ace lui envoya un regard de « c'est-pas-ce-que-j'ai-demandé » par dessus son steak mais laissa tomber le sujet. L'autre se racla la gorge pour reprendre un peu de contenance.
-Quoi qu'il en soit, je te confie à ses soins pour que tu manges pendant mon absence ! J'espère que vous vous entendrez bien.
Le mangeur hocha la tête sans entrain puis se figea, voulant reprendre son geste de bonne volonté. Il ne voulait PAS d'un autre commandant dans les pattes. Vengeur, il arracha à coup de dents une lanière de son steak. Plus il passait de temps sur ce bateau, plus ça devenait dangereux. Il se répéta une énième fois qu'il ne devait sympathiser avec personne. Mais même Deuce l'encourageait à s'apaiser, malgré la réticence d'Ace.
Changeant de sujet, Thatch commença à décrire toutes les blagues qu'il prévoyait de faire à l'équipage à son retour. Le plus jeune prétendit que cela ne l'intéressait pas mais ne put résister à l'envie de proposer quelques idées supplémentaires au commandant. Si c'était pour ennuyer les autres pirates, il n'y avait aucun mal à se prendre au jeu.
Une fois le ventre plein, il s'enfuit de nouveau, retenant à grande peine un remerciement automatique pour le repas. Il regrettait presque d'avoir demandé à Makino de lui inculquer les bonnes manières et la politesse qui lui venaient en réflexe, même lorsqu'il ne voulait montrer aucune reconnaissance envers ses kidnappeurs.
Quand Ace sortit sur le pont du navire, il faisait nuit.
Ses yeux furent attirés par une grande forme bleu dans l'obscurité. Encore une fois il aperçut cet oiseau bizarre et brillant qui trainait parfois autour du bateau. Il supposait qu'il s'agissait de l'animal de compagnie de l'équipage, mais ne l'avait jamais vu avec d'autres personnes.
L'oiseau ne sortait que la nuit, volant dans le ciel et illuminant les nuages comme s'il était fait de flammes, bien que ce soit probablement impossible. Parfois, il atterrissait sur l'un des mâts et Ace était certain qu'il l'observait depuis son perchoir. Même sans savoir de quelle espèce il s'agissait, le volatile avait l'air étrangement intelligent. Peut-être un peu craintif car il gardait ses distances. Mais même de loin, le jeune homme pouvait reconnaître qu'il était superbe.
Ace ne pouvait pas nier avoir passé des heures à le regarder faire des acrobaties dans les nuages avec un émerveillement enfantin. Une partie de lui l'enviait pour sa liberté absolue.
L'oiseau se posa finalement sur un mât, commençant à se lisser les plumes. Ace fit claquer sa langue pour attirer son attention. Il reçut un bref regard avant de se faire de nouveau ignorer. Cela lui donna un sourire. Il se décida finalement à regagner son nid-de-pie bien aimé.
Il voyait beaucoup mieux l'oiseau maintenant qu'il était aussi en hauteur. Ses plumes ressemblaient tellement à des flammes...
Pris d'une impulsion, Ace tendit la main et le feu apparut sur sa paume. L'animal le regarda, méfiant comme s'il s'attendait à une attaque. Mais le jeune homme ne bougea pas, se contentant de maintenir les flammes et de jouer avec entre ses doigts. C'était familier et relaxant. Passant sur sa peau avec une légère chatouille sans jamais brûler. Et le volatile le regardait, fasciné par l'éclat rougeoyant. Il avait enfin réussi à capter son intérêt. Cependant il ne se rapprocha pas. Tant pis, une prochaine fois peut-être.
Ace finit par aller dormir, ses rêves remplis de feu bleu et d'étendue d'eau à perte de vue.
Le lendemain, le jeune s'éveilla dès l'aube. Sa narcolepsie et ses multiples siestes lui donnaient un rythme de sommeil très variable. N'arrivant pas à se rendormir, il descendit faire quelques étirements et s'entraîner à des mouvements de combat de base.
Son nid de pie, aussi bon refuge qu'il était, n'avait pas la taille suffisante pour ces activités.
Et hors de question de se laisser aller. Il n'y avait souvent pas grand monde au lever du jour. Seulement quelques matinaux, parfois une division s'entraînant selon le bon vouloir des commandants. Aucun Spade en vue, ce qui ne surprenait pas Ace.
Il croisa Namur mais l'homme-requin silencieux ne le dérangeait jamais, profitant du calme de l'aube pour se baigner dans l'océan.
À bâbord, se trouvait le concours de pêche, un groupe aléatoire de pirates rivalisant pour attraper les repas de l'équipage, concentrés sur leur tâche. Parfois une exclamation ou des applaudissements signalaient une prise intéressante.
Au moins, il sera tranquille.
Le soleil se levait à peine, agréable sur sa peau. Pas étonnant, il était un homme de feu et le soleil n'était rien d'autre qu'une boule incandescence géante après tout. Il commença ses exercices, délassant ses muscles endoloris. Il supposait que passer ses nuits sur un sol en bois n'était pas l'idéal. Mais après des années dormir dans les forêts sur n'importe quelle surface plane, ça ne le dérangeait pas vraiment. Il nota néanmoins mentalement de voler un matelas dès qu'il en aura l'occasion.
Il aperçut dans sa périphérie le commandant Haruta, toujours aussi matinal et hyperactif, sautiller hors des cabines pour s'entraîner à l'air libre. Ils ne se sont pas parlé, s'ignorant mais conscients l'un de l'autre. Chacun de son côté et gardant juste un œil attentif pour ne pas se gêner ou se blesser mutuellement par accident. Une fois de plus Ace souhaita un instant pouvoir l'affronter. Mais cela faisait partie des limites qu'il s'était imposé dès le début. Même s'il désirait ardemment un bon combat.
Malheureusement Barbe blanche n'était nul part en vue pour défouler son énergie belliqueuse. Même s'il avait de très fortes chances d'en ressortir blessé au moins ça lui donnait l'impression de faire quelque chose pour sortir de là. La patience du yonko sera usée bien avant la volonté têtue d'Ace.
Mais Deuce n'approuverait pas.
Peut-être devait-il faire une pause et ne pas combattre aujourd'hui, pour que son ennemi se rappelle de ce qu'était une journée calme sans tentative d'assassinat. Avec un peu de chance, il pourrait lui faire baisser sa garde...
Ace complota son plan de meurtre en faisant ses exercices, puis battit en retraite en entendant l'équipage du navire commencer à se réveiller peu à peu. Il était temps de rentrer à son nid de pie.
D'en haut, il regarda le va-et-vient des pirates. Puis un petit attroupement se forma avec Thatch. Ils embarquèrent à bord d'un navire plus petit et rapide, prêts à prendre le large. Marco aussi était là, surveillant le bon déroulement des opérations depuis le Moby Dick comme le maniaque du contrôle qu'il était. Certe, c'était sûrement son devoir en tant que second de Barbe Blanche mais cela ne dissuada pas Ace de pester contre lui.
Il devina qu'il s'agissait de la fameuse expédition de ravitaillement. Si seulement il pouvait les rejoindre...
Le bateau commencait à s'éloigner quand Thatch releva la tête, croisant le regard de Ace. Le cuisinier hocha la tête lentement comme un salut. Le plus jeune le lui rendit avec prudence. Ace était sûr que son ennemi préféré souriait quand il se détourna. Maudit Thatch. Et maudit Marco qui avait suivi l'échange de ses yeux perçants.
Il décida de s'entraîner au haki de l'observation tout au long de la matinée, les yeux fermés dans une position méditative. Il manquait encore cruellement d'expérience, faute d'avoir commencé récemment.
Son esprit suivait difficilement les déplacements de personnes aléatoires, se concentrant surtout sur la forte présence des commandants qui ne la masquaient pas. C'était une belle journée et la plupart étaient sortis.
Fossa lisait assis au pied du troisième mât, Atamos entraînait quelques hommes de sa division, Vista contemplait l'océan depuis la proue, Haruta sautillait près de Barbe blanche, Namur nageait dans la mer, Joz et Blenheim s'affrontaient à un bras de fer...
La narcolepsie frappa Ace qui s'endormit brusquement.
À son réveil, plus personne ne se prélassait dehors. Un bref regard vers le soleil lui apprit qu'il était environ midi. Parfait, dormir excitait son appétit. Mais il hésita. Thatch ne sera pas là, après tout... Cependant, il avait affirmé qu'Izou le remplacerait. Comme ce n'était pas dans son caractère de sauter un repas, Ace suivit une fois de plus le chemin bien connu. Au moins la porte de la cuisine était déverrouillée. Parfait. Il entra et son regard tomba sur l'homme habillé en Geisha assis sur le comptoir.
-Je croyais que tu allais finir par ne pas venir, sourit Izou.
-T'étais pas obligé de m'attendre, répondit impoliment Ace en commençant à creuser dans une première assiette.
Le tireur d'élite secoua la tête, faisant onduler ses longs cheveux noirs.
-Je peux pas laisser la cuisine ouverte sans surveillance... Et Thatch aurait été très mécontent si j'étais parti sans nourrir son petit protégé.
Ace fronça son nez couvert de tâches de rousseurs, boudeur à l'adjectif « petit protégé ». Il répondit malgré ses joues pleines.
-J'suis l'protégé d'personne. B'soin d'forces pour vaincre Barb' blanche.
Isou rit, ne croyant visiblement pas ses paroles.
-Alors mange encore plus bébé tigre.
Outré par le surnom, Ace s'étouffa avec sa bouchée de nourriture et commença à tousser brutalement tandis que l'homme riait. Une fois sûr qu'il n'allait pas mourir de sa fausse route, Ace le fusilla du regard, bien que l'effet se retrouvait atténué par les larmes au coin de ses yeux.
Il préféra retourner manger, ignorant son camarade qui le regardait d'un air amusé. Mais ils n'échangèrent pas d'autres paroles.
Il revint néanmoins le soir pour le dîner. Le geisha était de nouveau là, haussant un sourcil narquois.
-Déjà de retour ? Je commence à comprendre ce que veut dire Thatch quand il t'appelle gouffre sans fond. Je pensais que ce midi tu faisais le plein de nourriture pour toute une semaine.
Ace lui montra son majeur en réponse. Il n'était pas d'humeur, après une énième défaite contre Barbe Blanche et avait fini tête la première dans la mer. Ses cheveux étaient encore trempés et Marco s'était plaint en lui demandant d'« arrêter d'être aussi têtu ». Et il avait eu l'audace de proposer de soigner ses blessures.
Ace lui avait fait comprendre qu'il n'accepterai aucune fausse compassion. Et qu'en tant que prisonnier, il pouvait avoir le de comportement qu'il voulait et qu'ils n'avaient qu'à le relâcher s'ils en avaient marre. Si seulement le maudit ananas pouvait se taire avec ses conneries de « famille »...
Pourtant, il devait admettre que Thatch et Deuce avaient raison sur un point, c'est qu'il aurait pu bien s'entendre avec certains membres de l'équipage dans d'autres circonstances. C'est à dire s'il n'était pas séquestré ici. Depuis son arrivée, il les avait assez observés pour connaître une partie de leur caractère et habitudes.
-Hé Ace, je me demandais ? demanda Izou en le sortant de ses pensées.
Le jeune lui envoya un regard interrogateur, l'autorisant silencieusement à poser sa question et oubliant sa résolution de rester renfermé.
-Tu as l'air de tenir à ton chapeau, non ? Quand Namur t'a sorti de l'océan ton premier réflexe était d'essayer de replonger pour le chercher.
Pour une fois les lèvres d'Ace se sont incurvées en un vrai sourire. Il se rappelait de l'air effaré de Marco quand il avait pris appuis sur la balustrade pour resauter volontairement. Le blond était paniqué à l'idée qu'Ace soit soudainement devenu suicidaire, pendant qu'en arrière plan les Spades Pirates secouaient la tête d'un mouvement synchronisé devant la stupidité de leur capitaine.
-C'est un cadeau de mon petit frère ! Un jour, il prendra lui aussi la mer avec son propre équipage et deviendra la Roi des Pirates ! s'exclama fièrement Ace.
Parce qu'il ne pouvait certainement pas laisser échapper une occasion de parler de son cadet.
-N'avez-vous pas envie de faire partie du même équipage ? questionna Isou curieux devant l'enthousiasme soudain.
Un sourire doux illumina le visage d'Ace. Il avait l'air soudain beaucoup plus jeune.
-Non, on avait chacun des rêves différents alors on s'est tous promis d'être capitaines de nos propres équipages.
Izou ne posa pas de questions sur le « tous », devinant qu'il faisait référence aux fameux deux frères mentionné à Thatch la veille. À la place il demanda avec précaution :
-Et toi, quel est ton rêve ?
Le regard pénétrant qu'il reçut lui donna l'impression de transpercer son âme. Ace hésita, se mordillant la lèvre avant d'avouer:
-Je dois surpasser quelqu'un.
-Oyaji ? supposa Izou.
Après tout, le jeune téméraire avait défié l'homme le plus puissant du monde, clamant qu'il le surpassera. Mais le regard qu'il reçut lui fit comprendre que sa supposition était mauvaise. Bien qu'Ace le masqua rapidement, haussant des épaules avec désinvolture.
-Peut-être bien, oui. Après tout, il est le plus fort du monde.
Bien que curieux, Izou n'insista pas. Son intuition lui disant que malgré sa façade nonchalante, Ace allait se refermer comme une huître à la moindre question supplémentaire. Il avait déjà l'impression de marcher sur une corde raide.
Il sentait quelque chose d'étrange, au goût de sombre secret précieusement gardé. Une impression renforcée par quelques indices discordants.
Grâce à leur système d'information de pointe, les commandants étaient au courant que leur nouvelle recrue avait rencontré l'équipage de Shanks sans le moindre heurt. Pourquoi ne pas combattre un autre yonko pour tester sa force avant de s'attaquer à Oyaji ?
Plus le jeune s'ouvrait, donnant quelques maigres informations sur sa vie, plus il devenait un mystère. Comme une rose fermée aux multiples pétales, cachant et protégeant toujours son cœur des regards indiscrets.
Thatch avait raison : Ace était un jeune homme très intéressant.
