Le matin du 21 avril, Ron et Hermione se cramponnaient à la brochure du ministère « Les Erreurs de transplanage les plus communes et comment les éviter », mais celle-ci n'était pas parvenue à apaiser leur trac. Ron n'avait presque rien mangé au cours du déjeuner. Après celui-ci, ils étaient allés s'asseoir dans un coin ensoleillé de la cour. Ron sursauta en voyant une fille tourner l'angle du mur et essaya de se cacher derrière Hermione.
- Ce n'est pas Lavender, le rassura Hermione d'un ton las.
- Ah, bon, dit Ron, plus calme.
- Harry Potter ? demanda la fille, qui tenait un petit rouleau de parchemin. Je dois te donner ça.
- Merci… Dumbledore m'avait annoncé qu'il ne me donnerait pas d'autre leçon tant que je n'aurais pas récupéré le souvenir de Slughorn ! dit-il dès que la messagère se fut suffisamment éloignée pour ne pas l'entendre.
- Il veut peut-être savoir où tu en es ? suggéra Hermione tandis que Potter déroulait le parchemin.
Il le parcourut des yeux et sembla affligé.
- Regardez ça, murmura-t-il.
Ce n'était pas l'écriture longue, fine et penchée de Dumbledore, mais un griffonnage désordonné, très difficile à lire en raison de grosses taches humides qui avaient fait baver l'encre en divers endroits.
Chers Harry, Ron, Megan et Hermione. Aragog est mort la nuit dernière. Harry, Megan et Ron, vous l'aviez rencontré et vous savez que c'était un être hors du commun. Hermione, je suis sûr que tu aurais aimé le connaître. Je serais très touché si vous vouliez bien descendre ce soir pour assister à l'enterrement. Je voudrais qu'il ait lieu au crépuscule, c'était le moment de la journée qu'il préférait. Je sais que vous n'êtes pas censés sortir si tard mais vous pourrez vous servir de la cape. Ça m'ennuie de vous le demander mais je n'aurai pas la force de rester seul. Hagrid.
- Oh non, pour l'amour du ciel ! s'écria Hermione en se tournant vers Ron, qui avait semblé de plus en plus incrédule à mesure qu'il lisait le mot.
- C'est un malade mental ! s'exclama-il d'un ton furieux. Cette chose a dit à toute sa famille qu'ils pouvaient nous dévorer, Harry, Megan et moi ! Il les a invités à se servir ! Et maintenant, Hagrid voudrait qu'on aille pleurer sur son abominable cadavre velu !
- Nous inviter à l'enterrement de son araignée géante, il nous aura vraiment tout fait, commenta Megan en secouant la tête.
- Il n'y a pas que ça, déplora Hermione. Il nous demande de quitter le château le soir en sachant que les mesures de sécurité sont mille fois plus strictes qu'avant et qu'on risque de gros ennuis si on se fait prendre.
- On est déjà allés le voir le soir, fit remarquer Potter.
- Oui, mais pas pour ce genre de raison. Il nous est arrivé de prendre de grands risques pour aider Hagrid mais là… Aragog est mort, de toute façon. S'il s'agissait de lui sauver la vie…
- J'irais encore moins, affirma Ron d'un ton résolu. Tu ne l'as jamais vu, Hermione. Crois-moi, il gagne à être mort.
- Je suis désolée pour Hagrid, mais je ne vais pas aller faire semblant d'être dévastée par la mort de son monstre de compagnie, acquiesça Megan.
Potter reprit la lettre et la relut. Il semblait perturbé par les taches d'encre qui la parsemaient : de toute évidence, de grosses larmes étaient tombées sur le parchemin…
- Harry, tu ne peux pas envisager d'y aller, insista Hermione. Ce serait trop bête d'avoir une retenue pour ça.
Potter soupira.
- Oui, je sais. Je pense que Hagrid devra enterrer Aragog sans nous.
- Exactement, approuva Hermione, soulagée. Écoute, il n'y aura presque personne au cours de potions, cet après-midi, à cause de l'examen de transplanage… Alors, profites-en pour essayer d'amadouer un peu Slughorn !
- Tu crois que j'aurai plus de chance à la cinquante-septième fois ? demanda Potter d'un ton amer.
- Bon tu m'agaces, s'exclama Megan. Si c'est de la chance dont tu en as besoin, tu n'as qu'à en prendre !
- En prendre ? répéta Potter sans comprendre.
Ron ouvrit de grands yeux.
- Mais oui Harry ! Utilise ta potion !
- Ron… voilà la bonne idée ! s'exclama Hermione qui paraissait stupéfaite. Bien entendu ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
Potter les regarda tous les trois.
- Felix Felicis ? dit-il. Je ne sais pas… Je la mettais de côté pour…
- Pour quoi ? demanda Ron, incrédule.
- Qu'y a-t-il de plus important que ce souvenir ? interrogea Hermione.
Potter ne répondit pas pendant un long moment. Megan leva les yeux au ciel.
- Harry ? Tu es toujours là ? s'enquit Hermione.
- Que… quoi… ? Oui, bien sûr, répondit-il en reprenant ses esprits. Bon, d'accord… Si je n'arrive pas à parler à Slughorn cet après-midi, je prendrai un peu de Felix et je ferai une nouvelle tentative ce soir.
- Très bien, c'est décidé, conclut Hermione d'un ton énergique. Heureusement que tu es là, Megan !
Elle se leva et exécuta une gracieuse pirouette.
- Destination… Détermination… Décision…, murmura-telle.
- Oh, arrête, la supplia Ron. J'ai suffisamment le trac comme ça… Vite, cache-moi !
- Ce n'est toujours pas Lavender, s'amusa Megan.
Ron avait plongé derrière elle en voyant deux autres filles apparaître dans la cour.
- Tant mieux, dit Ron en jetant un coup d'œil par-dessus l'épaule d'Hermione. En tout cas, elles n'ont pas l'air très heureuses…
- Ce sont les sœurs Montgomery et je ne vois pas comment elles pourraient être heureuses, répondit Hermione. Tu n'as pas entendu ce qui est arrivé à leur petit frère ?
- Pour être franc, il arrive tellement de choses aux familles de tout le monde que j'ai du mal à suivre, avoua Ron.
- Eh bien, il a été attaqué par un loup-garou. Selon la rumeur, leur mère aurait refusé d'aider les Mangemorts. Le garçon n'avait que cinq ans et il est mort à Ste Mangouste. Ils n'ont pas pu le sauver.
- Il est mort ? répéta Potter, choqué. Mais les loups-garous ne tuent pas, ils te transforment simplement en l'un d'entre eux.
- Parfois, ils tuent, dit Ron avec une gravité inhabituelle. Il paraît que ça peut se produire quand le loup-garou se laisse emporter.
- Comment s'appelait ce loup-garou ? demanda précipitamment Potter.
- D'après les bruits qui courent, c'était Fenrir Greyback, répondit Megan.
- J'en étais sûr… Ce fou qui veut s'en prendre aux enfants, celui dont Lupin m'a parlé ! s'écria Potter avec colère.
Hermione le regarda d'un œil sombre.
- Harry, il faut absolument que tu te procures ce souvenir. Il peut aider à arrêter Voldemort, n'est-ce pas ? Toutes ces choses atroces qui arrivent, c'est lui qui en est la cause…
Dans le château, la cloche sonna au-dessus de leurs têtes. Hermione et Ron se levèrent d'un bond, terrifiés.
- Vous y arriverez très bien, leur assura Potter tandis qu'ils se dirigeaient vers le hall d'entrée pour rejoindre les autres candidats à l'examen de transplanage. Bonne chance.
- À toi aussi ! lança Hermione avec un regard éloquent.
Megan emboîta le pas du garçon en direction des cachots.
- Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna Potter.
- Je vais en cours de potions.
- Mais, et l'examen ?
- Je n'ai pas encore dix-sept ans.
- Oh.
Bien sûr, il ne connaissait pas sa date de naissance. Ron et Hermione non plus, mais ils savaient qu'elle n'était pas devenue majeure à temps pour l'examen. Ses amis avaient tenté, à une époque, de lui extorquer l'information au sujet de son anniversaire, mais les jumeaux les en avait dissuadés. Elle accéléra le pas et gagna les cachots avant Potter.
Ils n'étaient que quatre en cours de potions, cet après-midi-là : Megan, Potter, Ernie et Draco. Il n'aurait dix-sept ans que le 5 juin. Avec tout le courage qu'elle put réunir, Megan ne s'arrêta pas devant sa table de potions habituelle, et s'installa à celle des Serpentard.
- Qu'est-ce que tu fais ? siffla Draco.
La jeune fille ne répondit pas et commença à sortir son matériel de potions avec calme.
- Vous êtes trop jeunes pour transplaner ? les salua Slughorn d'une voix cordiale. Vous n'avez pas encore dix-sept ans ?
Potter et Ernie hochèrent la tête en signe de dénégation.
- Eh bien, reprit Slughorn, l'air joyeux, puisque nous sommes si peu nombreux, essayons de faire quelque chose de divertissant. Vous allez tous les quatre me concocter une potion amusante !
- C'est une très bonne idée, monsieur, approuva Ernie d'un ton flagorneur, en se frottant les mains.
Megan leva les yeux au ciel. Draco resta de marbre.
- Qu'est-ce que vous entendez par « une potion amusante » ? demanda-t-il, irrité.
- Surprenez-moi, répondit Slughorn avec légèreté.
La mine maussade, Draco ouvrit son exemplaire du Manuel avancé de préparation des potions. Il était évident qu'il considérait ce cours comme une perte de temps.
- Je vais faire une potion anti-feu, annonça Megan d'un ton badin.
Draco ne lui répondit pas, tâchant visiblement de faire comme si elle n'était pas là. Elle le vit feuilleter son manuel au hasard et s'arrêter sur la Décoction Hoqueteuse, qui n'allait certainement pas surprendre Slughorn.
- Ils t'ont dit que j'ai découvert votre petit manège ? demanda Megan en revenant de l'armoire à ingrédients et en commençant son découpage. Je dis « Ils » parce que je ne saurais pas dire si cette petite fille était Crabbe ou Goyle. En tout cas, ça leur va vachement mieux que leurs têtes habituelles, ils doivent être contents, peut-être qu'ils continueront le Polynectar même une fois que tu auras fini avec la Salle sur Demande.
Draco planta son couteau dans sa planche à découper d'un geste sec. La lame vibra, s'attirant un regard surpris et inquiet de Slughorn. Dès que le professeur se fut détourné, satisfait de constater qu'aucun de ses élèves n'en avait égorgé un autre, Draco planta son regard dans celui de Megan. Celle-ci en fut désarmée.
- Je t'ai dit de ne pas t'en mêler, asséna-t-il à voix basse entre ses dents serrées.
- Et je t'ai dit que j'allais t'aider. Tu t'es vu dans une glace, récemment ? On dirait un Inferius.
- Tu dis ça parce que je ne suis pas transparent ?
Pendant une seconde, tous deux semblèrent sur le point d'éclater de rire. Puis ils se reprirent et se retournèrent d'un même mouvement vers leur chaudron en se tournant le dos.
- Tu dois touiller dans l'autre sens, commenta Draco au bout de plusieurs minutes de travail silencieux.
Il n'y avait pas beaucoup de matières dans lesquelles Draco était meilleur que Megan. La jeune fille poussa un soupir et entreprit de corriger son mouvement.
- Est-ce que la Marque te brûle aussi ?
- En ce moment ?
Ils se parlaient à voix très basse, sans se regarder.
- Surtout depuis deux jours.
- Oui.
Ce n'était pas un sujet dont Megan pouvait discuter avec qui que ce soit d'autre. Bien sûr, ses amis savaient que le sinistre symbole était gravé dans sa peau depuis deux ans, mais personne n'avait plus osé aborder le sujet, et le sortilège de Désillusion qu'elle lui jetait à l'école lui permettait de l'oublier. Sauf lorsque Voldemort choisissait de se rappeler douloureusement au souvenir de ses fidèles.
- J'ai trouvé un baume apaisant, à l'Eucalyptus citronné, indiqua Megan, toujours concentrée sur la préparation de sa potion anti-feu. Je l'applique dès que ça devient douloureux, c'est plutôt efficace. Tu peux en commander par hibou.
Aucune réponse ne lui parvint, mais Megan devina le sourire de Draco. Voldemort serait certainement furieux de savoir qu'elle enduisait la Marque des Ténèbres d'un produit de beauté commercialisé par Sorcière Hebdo.
Au bout d'une heure et demie, Slughorn annonça la fin du temps imparti pour réaliser les potions.
- Voilà une vraie merveille ! s'exclama Slughorn en regardant le contenu d'un jaune éclatant du chaudron de Potter. Élixir d'Euphorie, j'imagine ? Et ce parfum ? Mmmm… Vous y avez ajouté une pincée de menthe, n'est-ce pas ? Pas très orthodoxe mais quelle inspiration, Harry ! Bien sûr, cela permet d'atténuer les éventuels effets secondaires qui donnent un peu trop envie de chanter ou de tordre le nez d'autrui… Je ne sais vraiment pas où vous allez chercher toutes ces idées, mon garçon… À moins que…
Megan surprit le coup de pied que le garçon donna dans son sac, qui contenait le manuel du Prince de Sang-Mêlé.
- … ce soit simplement les gènes de votre mère qui resurgissent en vous !
- Ah, oui… peut-être, répondit Potter, visiblement soulagé.
Megan laissa échapper un rire moqueur.
Ernie avait l'air de mauvaise humeur. Décidé à l'emporter sur Potter, pour une fois, il s'était montré plus audacieux et avait inventé sa propre potion qui s'était figée au fond de son chaudron en une sorte de pâte violette. Slughorn avait qualifié la décoction Hoqueteuse de Draco de simplement passable, ce qui n'eut aucun effet sur le jeune homme, qui rangeait déjà ses affaires. Seule Megan eut le droit à une remarque positive, sa potion anti-feu étant tout à fait réussie, mais trop banale aux yeux de Slughorn. Lorsque la cloche retentit, Potter traîna à sa table pour tenter à nouveau d'extorquer son souvenir à Slughorn. Megan, Draco et Ernie partirent aussitôt. À regret, la jeune femme vit son ami s'éloigner vers sa salle commune sans un regard en arrière.
Les cours de l'après-midi étaient terminés. De nombreux élèves de sixième année avaient fini leur examen de transplanage et en racontaient les détails à leurs amis. Neville, tout comme Megan, n'avait pas encore l'âge requis, et écoutait Stephen Cornfoot et Kevin Entwhistle se plaindre d'avoir échoué dans la salle commune de Gryffondor. Roger Malone, lui, avait réussi et tapotait l'épaule de Cornfoot d'un air compréhensif. Megan était assise dans son fauteuil habituel lorsque Potter franchit le trou du portrait, l'air déconfit, ce qui suffit à confirmer à la jeune femme qu'il avait de nouveau échoué avec le maître de potions. Il gravit les escaliers qui menaient aux dortoirs pour y déposer ses affaires, et n'en redescendit que quelques minutes avant le retour de ses deux meilleurs amis.
- Harry ! Megan ! s'écria Hermione en se glissant à travers le trou du portrait. J'ai réussi !
- Bravo ! se réjouit Potter. Et Ron ?
- Il… il a raté à peu de chose près, murmura Hermione tandis que Ron entrait à son tour dans la salle, l'air morose. Un coup de malchance, un tout petit détail, l'examinateur a remarqué qu'il avait laissé la moitié d'un sourcil derrière lui…
- La moitié d'un sourcil ? répéta Megan, dubitative. Ils se fichent de nous ou quoi ?
- Comment ça s'est passé, avec Slughorn ? demanda Hermione à Potter.
- Ce n'est pas la joie, répondit le garçon à l'instant où Ron les rejoignait. Pas de chance, vieux, mais tu réussiras la prochaine fois… On se présentera ensemble.
- Oui, sans doute, grogna Ron. Mais quand même, la moitié d'un sourcil ! Comme si c'était grave !
- Je te comprends, assura Hermione d'un ton apaisant, c'est vraiment dur…
- Ceci dit, si tu perds une moitié de sourcil à chaque transplanage, tu ne ressembleras bientôt plus à rien, fit observer Megan.
Hermione eut le plus grand mal à dissimuler son rire, et adressa un regard compatissant et plein d'amour à Ron. Comment faisait-il pour ne s'apercevoir de rien ?
Ils passèrent la plus grande partie du dîner à insulter copieusement l'examinateur de transplanage, et Ron semblait un peu plus joyeux lorsqu'ils retournèrent dans la salle commune. La conversation s'était orientée à présent sur l'habituelle question du souvenir de Slughorn.
- Alors, quoi, Harry, tu vas te servir de Felix Felicis ou pas ? demanda Ron.
- Oui, je crois que ça vaudrait mieux. Je pense que je n'aurai pas besoin de tout le flacon. Douze heures, c'est trop, ça ne prendra quand même pas la nuit entière… J'en boirai simplement une gorgée. Deux ou trois heures devraient suffire.
- C'est merveilleux, quand on avale ça, affirma Ron avec un sourire ému. On a l'impression qu'on ne peut rien rater.
- Tu t'emballes, Ronald, tu n'en as jamais pris, lui fit remarquer Megan tandis que Hermione éclatait de rire.
- Non, mais j'ai cru en prendre, répondit Ron sur un ton d'évidence. C'est exactement la même chose…
Comme ils venaient de voir Slughorn entrer dans la Grande Salle et savaient qu'il aimait bien s'attarder à table, ils traînèrent un peu dans la salle commune, leur plan consistant à lui laisser le temps de remonter dans son bureau avant que Potter aille le voir. Megan était consternée que Potter n'ait pas pensé au Felix Felicis plus tôt, et elle commençait à être impatiente de connaître le secret que cachait le souvenir. Ils allaient enfin découvrir ce qu'étaient les Horcruxes, et pourquoi la question posée par Voldemort cinquante ans plus tôt était si importante aux yeux de Dumbledore.
Dès que le soleil fut descendu au niveau de la cime des arbres de la Forêt interdite, ils estimèrent le moment venu. Après avoir soigneusement vérifié que Neville, Dean et Seamus se trouvaient dans la salle commune, ils montèrent discrètement dans le dortoir des garçons. Potter prit des chaussettes roulées en boule au fond de sa grosse valise et en retira le minuscule flacon aux reflets dorés.
- Bon j'y vais.
Il porta le flacon à ses lèvres et en but une petite gorgée, soigneusement mesurée. Megan était de nouveau jalouse. Elle aurait aimé une journée de chance. Juste une journée parfaite. Et si elle dérobait le flacon de Potter, qu'il n'avait pas mérité de gagner ?
- Qu'est-ce que ça fait ? murmura Hermione.
Potter ne répondit pas tout de suite. Megan observa ses pupilles se dilater et ses lèvres s'étirer lentement, puis il se leva avec un grand sourire.
- Parfait, déclara-t-il. Vraiment parfait. Bon… Je descends chez Hagrid.
- Quoi ? s'écrièrent Ron et Hermione, effarés.
- Ce n'était peut-être pas du Felix Felicis mais de l'essence de folie, en fait, ricana Megan.
- Harry… tu dois aller voir Slughorn, tu te souviens ? lui rappela Hermione.
- Pas du tout, répliqua Potter d'un ton résolu. Je vais chez Hagrid, je sens que c'est ce que je dois faire.
- Tu sens que tu dois aller enterrer une araignée géante ? demanda Ron, abasourdi.
- Oui, assura Potter en sortant sa cape d'invisibilité de son sac. J'ai l'intuition que c'est là qu'il faut être ce soir, vous voyez ce que je veux dire ?
- Non, répondirent Ron et Hermione d'une même voix.
Ils semblaient tous deux très inquiets. Megan observait Potter d'un œil méfiant.
- Megan, tu as peut-être raison… C'est bien du Felix Felicis ? interrogea Hermione, anxieuse, en levant le flacon à la lumière tandis que Potter déployait sa cape sur ses épaules.
Il éclata de rire et Ron et Hermione parurent encore plus alarmés. Megan haussa un sourcil.
- Ayez confiance, dit-il, je sais ce que je fais… ou en tout cas… Felix le sait.
Il s'avança vers la porte d'un pas confiant, remonta sa cape d'invisibilité sur sa tête et descendit l'escalier, Ron et Hermione se hâtant derrière lui. Megan demeura dans le dortoir un instant, contemplant le flacon avec envie. Potter n'aurait pas dû le recevoir. Elle était une bien meilleure Potionniste que lui. Hermione aussi… Draco aussi. Il allait bénéficier de plusieurs heures de chance, c'était déjà bien assez.
Des éclats de voix lui parvinrent. Megan attrapa le flacon, le glissa dans sa poche, et quitta le dortoir. Lorsqu'elle parvint au pied des marches, elle découvrit Lavender Brown en larmes, qui hurlait sur Ron qu'elle venait de voir sortir du dortoir des garçons en compagnie de Hermione, incapable de voir Potter sous sa cape. Tous les regards étaient braqués sur eux, et Ron avait les oreilles rouge vif.
- Écoute, dit le jeune homme en haussant la voix pour se faire entendre malgré les cris, je n'ai pas à me justifier en permanence !
- Te justifier ? s'époumona Brown, indifférente aux élèves de Gryffondor qui assistaient à la scène de ménage en silence. Comment veux-tu que je te fasse confiance ?
- Eh bien ne me fais pas confiance ! répliqua Ron.
- C'est bien ce que je vais faire ! dit Brown en éclatant en sanglots. Maintenant, toi et moi, c'est terminé !
Dans un large mouvement de ses cheveux nattés, elle fit volte-face et gravit précipitamment les marches qui menaient à son dortoir. Parvati Patil lui emboîta aussitôt le pas, après avoir jeté au jeune homme un regard noir.
Ron et Megan échangèrent un regard puis haussèrent les épaules. Hermione, dont le teint était d'un rose particulièrement soutenu, n'osait rien dire.
- Venez, marmonna Ron, désireux d'échapper à tous les regards braqués sur lui.
Il se hissa dans le trou pour quitter la salle commune, suivi par ses amies. Hermione vivait visiblement une très belle soirée. Lorsqu'ils émergèrent du portrait de la Grosse Dame, ils trouvèrent cette fois Ginny et Dean en pleine dispute, ce qui sembla apaiser Ron.
- Ça me crispe, je ne supporte pas ! s'exclamait sa petite sœur à l'attention de son petit ami qui semblait furieux. J'en ai marre. On arrête.
Dean écarquilla les yeux. Son regard se posa sur Megan, Ron et Hermione, qui s'étaient immobilisés pour assister à la scène. Il se redressa et franchit le portrait sans un mot.
- Vous aussi ? lança Megan d'un ton badin. Mauvaise soirée pour Cupidon.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'enquit Hermione en s'approchant de Ginny d'un air soucieux.
- Oh, une connerie, s'agaça Ginny en rejetant en arrière sa chevelure flamboyante. Il essaye toujours de m'aider à passer par le trou du portrait, comme si j'étais une pauvre demoiselle en détresse qui ne pouvait pas faire un pas sans assistance.
- Vous avez rompu pour ça ? s'étonna Ron, visiblement ravi que l'attention se porte sur une autre rupture que la sienne.
- C'est pas juste ça, ça fait un moment que d'autres trucs m'agaçaient. Pourquoi « vous aussi », Megan ?
- Ton frère vient aussi de larguer sa dulcinée.
- Ginny se retourna vers Ron d'un air ravi.
- Grande nouvelle, se réjouit-elle. Comment est-ce que tu as enfin accompli ce miracle tant attendu ?
- J'ai eu de la chance, marmonna Ron.
C'était très probable, réalisa Megan : Potter n'en pouvait plus de la relation entre Brown et son meilleur ami. Potter en pinçait également pour Ginny. Felix était-il à l'origine de ces deux ruptures soudaines et salvatrices, en l'espace de quelques minutes ?
- Du coup, Brown est en train d'inonder la tour de Gryffondor de ses larmes, reprit Megan. Je te déconseille la zone, pour le moment. On allait aller faire un tour, le temps que l'orage passe. Tu viens ?
Ravie de l'opportunité de ne pas se retrouver face à face avec Dean de l'autre côté du portrait, Ginny leur emboîta le pas. Les couloirs s'étaient vidés. Il serait bientôt l'heure pour les préfets-en‑chef de commencer leurs rondes et pour les élèves de rejoindre leurs salles communes, sous peine de retenue, mais ils avaient encore une demi-heure devant eux. Ron raconta à sa sœur son échec au permis (contrairement à Dean, ce qui le contraria) et ils repartirent pour une nouvelle tournée d'insultes à l'attention de l'examinateur, puis furent intrigués par les voix qui leur parvenaient d'une des salles de classe. Une dizaine d'élèves, de tous âges et de toutes maisons, étaient réunis autour de deux filles qui se tenaient sur l'estrade avec aplomb. L'une d'elles était Cathy. Derrière elles, sur le tableau noir, était écrit en grosses lettres « Stop à la métatorture des animaux ». Échangeant des regards surpris, tous les quatre s'approchèrent pour écouter le discours véhément de la deuxième fille. Visiblement elle aussi élève de troisième année à Serdaigle, elle haranguait les autres au sujet de la maltraitance que constituait la métamorphose.
- À votre avis, qu'est-ce que ressent une chouette qui est transformée en paire de jumelles de théâtre ? s'exclamait-elle. AUCUNE étude n'a été menée sur le fait que les animaux continuent à ressentir de la douleur sous leur forme transformée. Et quand bien même ils ne ressentiraient plus rien, qui sommes-nous pour les priver de leur existence ?
- J'ai des flashbacks de la SALE, murmura Ron, qui s'attira un coup de coudes dans les côtes de la part de Hermione.
Cette dernière semblait avoir beaucoup d'intérêt pour le discours de l'élève.
- Il n'existe AUCUNE loi ni AUCUN règlement ministériel pour réguler l'usage de la métamorphose sur les animaux, continuait la jeune fille. Certains animaux ne retrouvent leur forme vivante qu'au décès du sorcier ou de la sorcière qui avait lancé le sort, et oublié de le renverser !
- Dans le monde des Moldus, il existe une règlementation contre la maltraitance animale, affirma Cathy, qui avait jusque-là hoché vigoureusement de la tête aux assertions de sa camarade. Ceux qui commettent des actes contraires à ces règles sont traduits en justice et condamnés, parfois à de la prison ! Les sorciers ne sont pas et ne devraient pas être au‑dessus des lois. Les animaux ne devraient pas recevoir moins de considération de notre part qu'ils n'en reçoivent de la part des Moldus. Nous avons rédigé un projet de règlementation à destination du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, pour le service des animaux, ajouta Cathy en prenant sur le bureau une pile de parchemins qu'elle fit circuler parmi les élèves. Nous sommes preneuses de tous vos conseils pour améliorer ce projet, avant de l'envoyer au ministère à la fin de la semaine. Nous avons également rédigé une pétition, que nous enverrons avec. Je vous invite à la signer et à la faire passer autour de vous. Chaque voix compte !
Hermione s'avança pour recevoir un exemplaire des documents sous le regard consterné de Ron.
- Tu ne vas pas vraiment signer ce truc ? s'enquit-il.
- Tu as entendu ce qu'elles ont dit ? Je n'arrive pas à croire que je n'y ai pas pensé moi-même plus tôt, répondit Hermione, effarée.
- On parle d'animaux, Hermione, insista Ron en écarquillant les yeux. Aidez-moi un peu, les filles.
Megan et Ginny n'avaient toutefois pas vraiment d'avis sur la question. Elles non plus n'y avaient jamais pensé jusqu'à présent. La métamorphose animale faisait partie des sujets d'étude classiques, réservés à des élèves avancés dans leur scolarité en raison de la difficulté que celle-ci représentait, et les spécimens utilisés n'avaient jamais été considérés comme autre chose que de simples cobayes.
- Je ferais bien un peu de métatorture sur Pettigrew, marmonna Megan.
- Eh, on connait l'une de ces filles, non ? dit Ginny, qui avait poliment refusé la pétition et observait les deux organisatrices du rassemblement désormais terminé ranger leurs affaires et répondre aux sollicitations de ceux qui étaient venus les écouter. Elle ne faisait pas partie de l'AD ?
- Si, répondit Megan. C'est Cathy Davison, une Mutmag.
- Oui, je me souviens d'elle, acquiesça Hermione. Elle était plutôt douée. J'étais étonnée que des deuxième année nous rejoignent. C'est toi qui les avais invités, Megan, non ? Elle était venue avec un garçon… Derek.
- Ouais. Je ne sais plus pourquoi, mentit-elle. En tout cas, ça l'a visiblement inspirée pour créer son propre groupe.
- C'est un chouette projet, affirma Hermione tandis qu'ils reprenaient le chemin de la tour de Gryffondor. J'espère que ça va marcher. Je vais garder un œil dessus. Tant qu'ils ne se réunissent pas après les heures autorisées…
- Ah oui, commenta Ron, qui avaient momentanément oublié qu'il était préfet.
Brown et Dean ne se trouvaient pas dans la salle commune lorsqu'ils la rejoignirent, ce qui fut visiblement un soulagement pour Ron et Ginny. Tous deux se lancèrent dans une partie de cartes avec Megan, tandis que Hermione lisait avec attention le projet de loi rédigé par Cathy et son amie, et y apportait corrections, annotations et suggestions. Une heure plus tard, Ginny monta se coucher, mais les trois autres attendaient le retour de Potter. Celui-ci ne s'était toutefois toujours pas présenté lorsque l'horloge de l'école sonna minuit, et ils tombaient de fatigue. Ils choisirent donc d'attendre le lendemain matin pour entendre son récit.
Le petit-déjeuner et le cours de botanique n'étaient pas propices à la discussion. Ce ne fut donc qu'au cours de la classe de sortilèges, et après avoir fait usage d'Assurdiato sur leurs voisins, que Potter put se lancer dans son récit :
- J'ai eu raison d'aller à l'enterrement d'Aragog au lieu d'aller voir Slughorn directement, raconta-t-il : je l'ai croisé en chemin, et il a décidé de m'accompagner pour avoir l'occasion de prélever du venin d'Acromentula sur le cadavre encore frais.
Ron grimaça en agitant distraitement la flasque de vinaigre qu'il devait changer en vin.
- Il est aussi venu avec des bouteilles pour qu'on « boive à la santé d'Aragog », s'amusa Potter. Et je n'ai jamais aussi bien réussi le sortilège de Remplissage ! Lui et Hagrid se sont noyés dans l'alcool, Hagrid a fini par s'endormir, et j'en ai profité pour rappeler à Slughorn – qui adorait ma mère – comment elle était morte, et que c'était son tour de m'aider à détruire Voldemort.
Hermione plaqua ses mains sur sa bouche, les yeux humides.
- Oh, Harry…
- Il a hésité un moment, puis il a accepté de me donner son souvenir, poursuivit Potter sans émoi. Et avec tout ce qu'il a bu, je suis certain qu'il ne se souvient de rien aujourd'hui.
- Bien joué, se réjouit Ron en lui donnant une tape sur l'épaule.
Lui et Hermione semblaient très impressionnés par la façon dont Potter s'y était pris pour récupérer le souvenir de Slughorn. Pas Megan : c'était elle qui lui avait donné l'idée de se servir du Felix Felicis, et c'était la potion qui avait fait le reste.
- Quand je suis retourné au château, Nick Quasi-Sans-Tête m'a dit que Dumbledore était revenu aussi, reprit Potter. C'est pour ça que je suis rentré aussi tard, je suis allé tout de suite dans son bureau, et on a pu regarder le souvenir.
L'excitation parcourut les trois collégiens, qui avaient longtemps attendu ce moment.
- Slughorn a bien expliqué à Riddle ce qu'étaient des Horcruxes. C'est effectivement de la magie très noire : ça consiste à séparer son âme en deux, et à en dissimuler un fragment dans un objet. De cette façon, si le corps du sorcier est tué, il ne meurt pas : son âme demeure sur terre, sous une forme très diminuée, mais en vie. C'est pour ça qu'il s'en veut autant et qu'il a falsifié son souvenir : Slughorn a donné à Voldemort le moyen de devenir immortel.
- C'est stupide, commenta Megan. Voldemort aurait trouvé la réponse ailleurs si Slughorn ne lui avait rien dit.
- Attends, attends, intervint Ron. Séparer son âme en deux ?
- Oui. Avec un sortilège. Mais surtout, pour y parvenir, il faut commettre un meurtre. Slughorn lui a expliqué que le fait de tuer déchire l'âme. Et cette partie arrachée peut être enfermée dans un objet.
- Quel genre d'objet ? demanda Megan.
- N'importe lequel, c'est bien le problème. Mais les autres souvenirs que j'ai vu de la vie de Voldemort ont permis de comprendre qu'il n'aurait jamais enfermé son âme dans n'importe quel objet, comme un grain de sable sur la plage ou un détritus il était attiré par les trésors, les objets d'une grande valeur magique, et liés à Poudlard.
Tous les trois hochèrent lentement la tête. Tout cela ressemblait effectivement à Voldemort.
- Et Dumbledore ne savait pas déjà tout ça ? demanda Megan en fronçant les sourcils. Le Manitou Suprême n'a sûrement pas découvert hier soir ce que sont les Horcruxes et comment on les crée, si ?
- Non. Ce qui était véritablement important dans ce souvenir, c'est le fait que Voldemort a demandé à Slughorn s'il n'était pas possible de séparer son âme en plus que deux morceaux. En sept morceaux, plus précisément.
Hermione écarquilla les yeux, effrayée.
- Sept ? répéta-t-elle dans un souffle.
- Oui. Six Horcruxes, et un fragment dans son corps. Le journal intime que j'ai détruit en deuxième année, c'en était un.
- Bien sûr, murmura Megan.
Les pièces du puzzle s'alignaient : Voldemort avait survécu au sortilège de la Mort car une partie de son âme était enfermée dans des Horcruxes. Elle se souvenait très bien du jeune et séduisant Tom Riddle qui avait émergé du journal intime pour se vanter d'être l'Héritier de Serpentard, et aspirer la vie de Ginny. Par ce moyen, il avait défié Dumbledore, attaqué plusieurs élèves, et tenté de revenir à la vie. Voilà pourquoi Megan se sentait aussi mal à l'aise lorsqu'elle avait touché le journal à l'époque : elle avait senti la partie de l'âme de Voldemort qu'elle renfermait, sans le comprendre. Voilà également pourquoi Dumbledore avait affirmé que Voldemort ne pouvait pas encore être vaincu : tant qu'il disposait de ses Horcruxes, détruire son corps n'aurait aucun effet, et ne le rendrait que plus difficile à retrouver. Il fallait d'abord détruire les Horcruxes.
- Dumbledore s'est brûlé la main en en détruisant un autre, poursuivait Potter, la bague des Gaunt. Voldemort l'avait dissimulée dans les ruines de leur maison. Le sortilège s'est retourné contre Dumbledore quand il l'a détruit, et d'après lui il n'a survécu que grâce à l'aide de Snape ensuite. Même si ce ne sont que des fragments d'âme, ils ont leur propre protection et leur propre capacité à faire du mal. Les détruire sera difficile.
- Est-ce qu'on sait ce que sont les quatre autres Horcruxes ? s'enquit Ron en comptant sur ses doigts.
- Le médaillon de Salazar Serpentard et la coupe de Helga Poufsouffle qu'il a volés à Hepzibah Smith, répondit Potter. Et, d'après Dumbledore en tout cas, quelque chose qui appartiendrait à Godric Gryffondor ou à Rowena Serdaigle, et Nagini.
- Nagini ? répéta Megan. Son serpent ?
- Oui, c'est la théorie de Dumbledore.
- Pour Nagini, au moins, c'est facile de savoir où le trouver : il ne s'en sépare jamais, commenta Megan, qui se souvenait de l'hideuse bête noire qui accompagnait Voldemort au manoir des Riddle. Pour les autres…
- Dumbledore a une idée de l'endroit où pourrait se trouver l'un des Horcruxes, leur apprit Potter. Et il m'a dit que je pourrai l'accompagner quand il irait le chercher et le détruire.
Hermione laissa échapper un cri étranglé.
- Oh, Harry, mais ce sera terriblement dangereux !
- Je sais. Mais je dois le faire. Dumbledore dit que j'ai gagné ce droit.
Ron et Hermione semblaient positivement effrayés par les révélations de Potter sur les Horcruxes et la perspective que le garçon participe à la destruction du prochain. Megan se rembrunit et croisa les bras sur sa poitrine. N'avait-elle pas encore plus gagné ce droit ? N'avait-elle pas été torturée par Voldemort ? N'avait-il pas tué ses parents à elle aussi ? Et Cedric ? Et Sirius ? Et Anita ? Ne menaçait-il pas la vie de tous ceux qu'elle aimait ?
- Wouaoh, lâcha Ron en agitant distraitement sa baguette vers le plafond. Wouaoh. tu vas vraiment accompagner Dumbledore… et essayer de détruire… Wouaoh…
- Ron, tu fais tomber de la neige, signala Hermione d'une voix patiente.
Elle lui saisit le poignet et détourna sa baguette du plafond d'où de gros flocons blancs avaient en effet commencé à tomber. Brown, les yeux très rouges, lança d'une table voisine des regards flamboyants à Hermione, qui lâcha aussitôt le bras de Ron.
- Ah, oui, tiens, remarqua Ron, vaguement surpris, en regardant ses épaules. Désolé… On dirait d'horribles pellicules…
Il enleva la fausse neige de l'épaule d'Hermione et Brown fondit en larmes. L'air infiniment coupable, Ron lui tourna le dos.
- On a rompu, murmura-t-il à Potter du coin des lèvres. Hier soir. Quand elle m'a vu sortir du dortoir avec Hermione. Bien entendu, toi, elle ne pouvait pas te voir, elle a donc cru qu'on était seulement tous les deux.
- Ah. Bah, tu t'en fiches que ce soit fini, non ?
- Oui, admit Ron. C'était assez pénible quand elle a commencé à crier, mais au moins ce n'est pas moi qui ai été obligé de la quitter.
- Trouillard, lança Hermione, tout en paraissant amusée. D'une manière générale, la soirée n'a pas été très bonne pour les histoires d'amour. Ginny et Dean se sont séparés aussi, Harry, ajouta-t-elle d'un petit air entendu.
- Comment ça se fait ? demanda Potter, qui déployait visiblement d'importants efforts pour paraître indifférent.
- Oh, une histoire vraiment bête… Elle a dit qu'il essayait toujours de l'aider à passer par le trou du portrait comme si elle n'était pas capable de se débrouiller toute seule… Mais il y a longtemps qu'ils ne s'entendaient plus très bien.
Potter jeta un coup d'œil vers Dean, assis à l'autre bout de la classe. En effet, il n'avait pas l'air très heureux. Seamus, en revanche, semblait aussi léger que Hermione.
- L'ambiance va être sympa dans l'équipe de Quidditch, commenta Megan. Tu devrais prendre Lavender comme poursuiveuse pour que ce soit vraiment l'angoisse.
- Ah… Ah oui.
Il n'était visiblement pas bouleversé par la perspective que son équipe soit perturbée.
- Attention, voilà Flitwick, les prévint Ron.
Le minuscule maître des sortilèges se dirigeait vers eux d'une démarche sautillante. Megan et Hermione étaient les seules à avoir réussi à changer leur vinaigre en vin. Leurs flasques de verre étaient remplies d'un liquide rouge sombre tandis que celles de Ron et de Potter avaient toujours la même couleur terreuse.
- Allons, allons, les garçons, dit le professeur Flitwick de sa voix flûtée, le ton réprobateur. Si vous parliez un peu moins et si vous agissiez un peu plus… Montrez-moi donc ce que vous savez faire.
Tous deux levèrent leurs baguettes en se concentrant de toutes leurs forces et les pointèrent sur leurs flasques. Le vinaigre de Potter se changea en glace, celui de Ron explosa. Megan, qui s'était protégée des éclats de verre d'un coup de baguette, ne put s'empêcher d'en rire.
- Bien… alors, comme devoirs…, reprit le professeur Flitwick qui sortit de sous la table en enlevant les morceaux de verre plantés dans son chapeau, vous devrez pratiquer cet exercice.
Après le cours, ils disposaient d'une de leurs rares périodes communes de temps libre et ils retournèrent ensemble dans la tour de Gryffondor. Ron paraissait ravi d'avoir mis fin à sa liaison avec Brown. Hermione aussi avait l'air joyeux, mais quand on lui demandait ce qui la faisait sourire ainsi, elle se contentait de répondre : « C'est une belle journée. » Megan, elle, était plongée dans ses pensées. Elle savait désormais comment détruire Voldemort. Mais elle ne comprenait pas le rôle que devrait jouer Potter dans cela Dumbledore lui avait dit que le garçon serait essentiel, mais si la faiblesse du Seigneur des Ténèbres résidait dans la destruction de ses fragments d'âme, quel rôle indispensable pouvait bien avoir Potter ? Ils franchirent le trou du portrait pour entrer dans la salle commune ensoleillée, où ils trouvèrent un petit groupe d'élèves de septième année rassemblé. Hermione fut la première à comprendre ce qui se passait :
- Katie ! Tu es revenue ! Comment ça va ?
- Je vais très bien ! assura la jeune femme d'un ton enjoué, assise au milieu de ses amis visiblement ravis de la revoir en pleine forme. Ils m'ont laissée sortir de Ste Mangouste hier, j'ai passé la journée avec mes parents et je suis revenue ici ce matin. Leanne était en train de me raconter ce qui s'est passé avec McLaggen pendant le dernier match, Harry…
- Eh oui, dit-il, mais maintenant, tu es de retour et Ron est guéri, nous avons donc une bonne chance d'écraser Serdaigle, ce qui signifie que nous pouvons encore nous battre pour la coupe.
Le Quidditch reprenait sa place centrale au cœur des mœurs de Poudlard, constata Megan. Elle se demanda si Chad était au courant du rétablissement de son ex-petite amie. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle lui avait parlé.
- On va être en retard pour le cours de métamorphose ! s'exclama soudain Leanne en regardant sa montre.
Le groupe de septième année s'empressa de ramasser leurs affaires, mais Potter attrapa l'attrapeuse par le bras.
- Écoute, Katie…, dit-il à voix basse. Ce collier… tu te souviens, maintenant, qui te l'a donné ?
Megan se figea. Bouleversée que Draco soit à l'origine de l'empoisonnement de Ron, elle avait oublié qu'il avait aussi failli tuer Katie. D'ailleurs, elle ne savait pas comment il s'y était pris. Katie avait-elle dévoilé son secret ? Les Aurors étaient-ils en route pour arrêter Draco ?
- Non, répondit Katie en hochant la tête avec tristesse. Tout le monde me le demande mais je n'en ai aucune idée. La seule chose dont je me souvienne, c'est d'être entrée dans les toilettes des Trois Balais.
- Alors, tu es vraiment allée aux toilettes ? interrogea Hermione.
- Je sais en tout cas que j'ai poussé la porte, je pense donc que la personne qui m'a soumise à l'Imperium devait se trouver juste derrière. Après, mes seuls souvenirs remontent à quinze jours, quand j'étais à Ste Mangouste. Écoute, il faut que j'y aille. McGonagall est bien capable de me donner des lignes à copier même le jour de mon retour…
Elle prit son sac et ses livres et se dépêcha de suivre ses amis, laissant les quatre autres assis à une table près de la fenêtre, réfléchir à ce qu'elle venait de leur dire.
- C'est sûrement une fille, ou une femme, qui a donné le collier à Katie, fit remarquer Hermione, si ça s'est passé dans les toilettes des dames.
- Ou quelqu'un qui avait l'apparence d'une fille ou d'une femme, ajouta Potter. N'oublie pas qu'il y avait un chaudron plein de Polynectar à l'école. On sait qu'une certaine quantité en a été volée… Je crois que je vais prendre une autre gorgée de Felix, et essayer encore une fois d'entrer dans la Salle sur Demande.
- Ce serait gaspiller la potion, répliqua Megan en posant sur la table d'un coup sec l'exemplaire du Syllabaire Lunerousse qu'elle venait de prendre dans son sac. La chance a des limites. Obtenir de Slughorn ce souvenir n'était pas impossible, il te suffisait d'un petit coup de main dans les circonstances, mais la Salle sur Demande est protégée par un puissant enchantement. La potion ne suffirait pas.
Et surtout, la potion n'était plus dans le dortoir de Potter. Elle préférait éviter que le garçon s'en aperçoive dès aujourd'hui. Elle-même n'avait pas encore décidé de quelle manière elle souhaitait s'en servir.
- Megan a raison, acquiesça Hermione. Ne perds pas le reste de ta potion ! Tu auras besoin de toute la chance dont tu peux disposer si Dumbledore t'emmène avec lui…, ajouta-t-elle dans un murmure.
- On ne pourrait pas en fabriquer nous-mêmes ? demanda Ron à Potter, sans écouter Megan et Hermione. Ce serait formidable d'en avoir une provision… Regarde un peu dans le livre…
Potter prit dans son sac son Manuel avancé de préparation des potions et le consulta.
- Te fatigue pas, Potter, ce n'est pas de ton niveau, commenta Megan, plongée dans son Syllabaire.
- … C'est très compliqué, avoua Potter après avoir parcouru la liste des ingrédients. Et ça prend six mois… Il faut laisser mijoter…
- Ça ne m'étonne pas, soupira Ron.
Megan tâcha de se concentrer sur la traduction de runes qu'elle préparait pour le cours du lendemain, mais son esprit ne cessait de revenir vers les Horcruxes. Comment pouvait-on les détruire ? Le journal avait été transpercé par le crochet du Basilic qui avait failli la tuer. La bague des Gaunt… Megan l'ignorait, elle ne connaissait que le résultat néfaste que le procédé avait eu sur le corps de Dumbledore. Au moins le vieux sorcier connaissait un moyen de se débarrasser de ces débris de l'âme de Voldemort. Et qui était mieux placé qu'elle pour les trouver ?
La journée lui parut interminable. McGonagall déroula son cours de métamorphose avec l'expression de celle qui ne souciait pas de la métatorture. Ron avala l'équivalent d'un bœuf entier au cours du déjeuner. Slughorn ne se rappelait visiblement pas grand-chose de sa soirée de la veille et semblait souffrir d'un mal de tête douloureux, aussi il demanda aux élèves de ne pas parler trop fort pendant son cours, et adressa des sourires polis et fuyants à Potter. Mandy Brocklehurst eut une expression triomphale lorsqu'elle découvrit qu'elle avait eu une note plus élevée que celle de Megan au devoir d'Arithmancie que rendit le professeur Vector. Puis, enfin, la journée se termina, et Megan put fausser compagnie à ses amis et se rendre dans le bureau du directeur de Poudlard, qu'elle savait revenu de son dernier voyage.
Il était surprenant de constater que Dumbledore en savait si long sur le moindre événement au sein de l'école alors qu'il ne quittait visiblement son bureau que pour prendre ses repas. Les nombreux portraits suspendus dans la pièce circulaire n'y étaient probablement pas étrangers. Comme d'ordinaire, tous feignaient le sommeil, y compris Phineas Nigellus Black.
- Je m'attendais à ta visite, la salua Dumbledore lorsqu'elle entra. J'imagine que Harry t'a fait part de ses découvertes d'hier soir.
- Évidemment. Il lui en aura fallu du temps pour récupérer ce souvenir. Pas sûre que vous ayez misé sur le bon Kelpie.
- Pour cette mission en particulier, ou de manière plus générale ? lui demande Dumbledore avec un sourire en coin.
Ce n'était qu'une question rhétorique. Megan avait clairement exprimé auprès du directeur qu'elle doutait de la capacité de Potter à détruire Voldemort, et qu'elle se trouvait bien plus désignée pour le faire.
- Alors Voldemort a six Horcruxes, dit-elle en s'adossant au mur qui faisait face au bureau de Dumbledore et en croisant les bras sur sa poitrine. Il n'en reste que quatre, maintenant.
- Tout à fait.
- C'est pour ça que vous ne vouliez pas que je le tue, il y a deux ans, quand j'étais avec lui ?
- Je ne suis pas surpris que tu l'aies compris.
- Donc il faut d'abord détruire ses Horcruxes. Ok. Comment est-ce qu'on les détruit ?
Dumbledore prit une profonde inspiration suivie d'un profond soupir.
- Cela nécessite une magie très puissante. Il ne s'agit pas d'un simple objet enchanté qui pourrait être manipulé au gré du sorcier qui l'aurait en sa possession. Le fragment d'âme enfermé à l'intérieur a sa propre « conscience », si je puis l'exprimer ainsi, et se défend.
Le regard de Megan se posa sur la main noircie de Dumbledore, et le vieux sorcier acquiesça lentement. Il portait toujours la bague au doigt, comme un trophée. Voldemort aurait été révolté.
- S'il faut de la puissance magique pour les détruire, pourquoi avoir demandé son aide à Potter ?
- Je sens une pointe d'irritation dans ta voix, est-ce que je me trompe ?
- Arrêtez de vous foutre de moi.
Dans leurs tableaux, plusieurs portraits tressaillirent, trahissant leur faux sommeil.
- Je peux sentir la présence de Voldemort, je la sentais dans le journal il y a quatre ans, personne ne serait plus efficace que moi pour trouver les Horcruxes, asséna-t-elle.
- Je n'ignore pas les effets de ce lien très spécial que tu partages avec Voldemort, acquiesça Dumbledore. Toutefois je te rassure, les effluves sinistres qui émanent des Horcruxes sont suffisamment puissantes pour être perçues par des tiers aux sens aiguisés – comme moi.
- Dans ce cas, à quoi vous sert Potter ?
- J'estime que Harry a gagné ce droit de participer à cette étape importante dans la lutte contre le Mal.
- Mais pas moi ? Qu'est-ce que je dois faire de plus que tout ce que j'ai déjà fait depuis ma naissance pour gagner le droit de détruire ce qui maintient Voldemort en vie ? Qu'est-ce que tout ça a à voir avec Potter ? Je sais ce que disait cette foutue prophétie, mais en quoi est-ce que c'est réel ?
Pendant un instant, Megan vit Dumbledore hésiter, comme s'il souhaitait lui avouer quelque chose, mais qu'il ne parvenait pas à se résoudre à prononcer ces mots. Puis il se ravisa, et le moment passa.
- Voldemort a choisi de prendre la prophétie au sérieux, et a désigné Harry comme son rival, répondit-il. Dès lors, il a créé entre eux un lien qui permet à Harry d'interagir avec l'esprit de Voldemort, de comprendre la langue des serpents dans laquelle il donne ses ordres, et il a créé en lui un besoin de vengeance que rien d'autre que sa destruction n'éteindra. Oh, bien sûr, il existe des similitudes avec ta situation : tu possèdes toi aussi un lien étroit avec Voldemort, tu es également une Fourchelang, et tu souhaites également ardemment la destruction de Voldemort, mais le choix qu'il a fait, en partageant un peu de sa noirceur avec toi il y a 16 ans, a également eu d'autres effets. Contrairement à Harry, ton cœur n'est pas pur.
Megan regarda Dumbledore d'un air interloqué.
- Je vous demande pardon ?
- Je regrette profondément ce qui t'a été infligé, Meganna, crois-moi. Cette malédiction…
Dumbledore passa machinalement sa main valide sur l'autre.
- … Cette part de Voldemort qui est en toi, et dont tu ne peux pas te séparer, a corrompu tout le reste. Tu seras toujours irrémédiablement attirée par le Mal. Tu ne pourras jamais t'en détourner. J'en suis navré, Meganna.
- Je suis maudite, c'est ça que vous essayez de dire ?
Elle tentait de conserver un ton ironique, mais son cœur s'était mis à battre la chamade. Ses mots avaient du sens. Son regard bleu, empli de pitié. Pourtant, elle ne voulait pas l'accepter.
- C'est pour cette raison que je ne souhaite pas que tu m'accompagnes dans la recherche des Horcruxes, ajouta doucement Dumbledore. Leurs vices résonneraient en toi. Je ne peux pas… eh bien, te faire confiance.
Megan laissa échapper un rire froid.
- Après tout ce que j'ai déjà prouvé ? C'est moi qui ai tué le monstre de l'Héritier de Serpentard et qui ai sorti Potter du cimetière. Sans moi, Voldemort aurait retrouvé ses pouvoirs et tué Potter depuis longtemps.
- Je ne remets pas en doute le choix que tu as fait de servir notre cause, affirma Dumbledore. Tu as compris le danger que représentait Voldemort, et tu as choisi de le combattre. Mais les Horcruxes ne sont pas seulement un fragment de son âme. Ils sont l'incarnation d'un Mal profond, ancien et puissant. Leur pouvoir dépasse les seuls desseins néfastes de Voldemort. Je ne souhaite pas que tu y sois confrontée. Pourtant… le temps est compté. Je n'ai pas encore pu identifier avec certitude l'ensemble des quatre Horcruxes restants. Je ne sais pas si je pourrai les détruire avant… Harry devra peut-être mener cette tâche sans moi. Ce jour-là, Meganna, je souhaite que tu te rappelles ce dont nous venons de parler. Que tu aies à l'esprit qu'ils n'auront pas le même effet sur toi que sur les autres. Ce sera l'unique exception à l'accord que nous avions : si, pour fuir les effets des Horcruxes, tu dois renoncer à être aux côtés de Harry alors, je t'en conjure : fais-le.
- Vous parlez comme si les Horcruxes allaient me rendre folle, répondit Megan en tâchant de contrôler la peur que cet échange avait fait naître en elle. Pourtant Ginny et Potter ont baladé le journal intime de Riddle dans la tour de Gryffondor pendant des semaines, et contrairement à ce qu'on raconte, je ne me suis pas soudainement mise à tuer des gens.
- Cet Horcruxe était particulier, Tom avait un objectif supplémentaire en le créant : faire savoir au monde qu'il était l'Héritière de Serpentard, cette fierté dont il n'avait pas pu se vanter à l'époque de l'ouverture de la Chambre des Secrets et, bien sûr, perpétuer le désir de son ancêtre de débarrasser Poudlard des enfants de Moldus. Aussi, le journal ne fonctionnait pas comme un Horcruxe « classique » : il cherchait à interagir avec les sorciers, et notamment à vous rencontrer, toi et Harry. Les choses ne seront pas aussi aisées avec les autres Horcruxes.
- C'est ce qu'on verra, répondit Megan d'un air bravache.
Un long silence s'installa dans le bureau. On n'entendait que le son des instruments étranges qui bourdonnaient dans les armoires de glace, et les faux ronflements qui montaient des portraits. Megan digérait péniblement les menaces de Dumbledore. Son cœur était-il résolument impur ? Cela expliquait-il pourquoi elle ne parvenait pas à aimer Kevan comme il le méritait ? Quels effets auraient véritablement les Horcruxes sur elle ? Elle n'était même pas certaine qu'elle aurait l'occasion d'en toucher un autre un jour : Dumbledore passait tout son temps libre à leur recherche et avait plusieurs longueurs d'avance sur elle. Même si elle décidait de se consacrer à cette tâche l'année prochaine, il allait probablement lui mettre des bâtons dans les roues pour l'en empêcher, s'il n'avait pas déjà détruit tous ceux qui existaient d'ici-là. Pourtant, le vieux sorcier semblait penser que ce serait Potter qui se lancerait à la chasse aux Horcruxes – sans lui. Pensait-il que Voldemort le tuerait avant ? Il y avait quelque chose d'étrange dans les yeux du directeur. Une tristesse immense. Une forme de peur.
