Le silence était pesant dans le salon de la maison d'Hermione. Blaise, Pansy et elle étaient installés autour de la table ronde, une bouteille de jus de pomme ouverte pour l'occasion et une tarte aux framboises décongelée déposée en son centre.
Blaise avait discrètement ajouté du whisky dans son verre. Le mélange était affreux, mais c'était bien le dernier de ses soucis.
Hermione tripotait le sien, la tête baissée, se complaisant dans le malaise ambiant.
Pansy avait allumé une cigarette et la fumait en regardant le soleil se coucher à travers les fenêtres qui encadraient la porte d'entrée.
Ils étaient là depuis des heures. Aucun d'eux n'avait osé bouger. Les verres des deux jeunes femmes étaient vides. Blaise remplissait le sien toutes les heures.
Hermione n'osait pas regarder sa main, ornée d'un tout nouveau bijou. Elle préférait fermer les yeux sur l'événement qui avait animé sa journée. Animer étant un verbe curieux pour la qualifier, cela dit. Elle était dans le déni total. Elle optait pour l'oubli plutôt que la confrontation de la réalité des choses.
Elle baissa les yeux vers Albert, qui était allongé à ses pieds, la tête posée sur ses pattes. Il était probablement le seul à être détendu. Il faisait des allers-retours entre l'extérieur et l'intérieur depuis qu'ils étaient rentrés et venait parfois quémander des caresses à sa maîtresse.
C'était morne, sinistre. Au point où l'on aurait pu croire qu'ils sortaient tous trois d'obsèques et non pas d'un mariage.
Blaise se racla la gorge, sortant Hermione de ses pensées. Elle leva la tête vers lui dans un mouvement identique à celui de Pansy.
– Je pense que nous devrions rentrer, Pans', dit-il gravement en regardant sa femme dans les yeux. Il risque de dormir pendant plusieurs jours et je doute que rester ici soit une idée judicieuse.
Pas besoin d'être un génie pour comprendre que sa dernière phrase était une allusion au besoin de solitude d'Hermione. Elle l'en remercia intérieurement.
Pansy hocha la tête, les mâchoires serrées. Elle n'avait pas vraiment l'air en accord avec son mari, mais ne discuta pas.
– Merci pour le verre, Granger, dit-elle simplement en se levant. Et… merci pour le reste.
Hermione haussa les épaules, pas certaine de savoir quoi répondre. Elle voulait simplement se coucher et que cette journée se termine. Elle voulait retourner à son petit quotidien tranquille et oublier qu'il avait été perturbé par un grand blond aux yeux gris éteints.
Blaise se leva à son tour et sortit sa baguette. Sans le vouloir, Hermione eut un mouvement de recul à ce geste, mais fit de son mieux pour le cacher.
Blaise fit semblant de ne pas l'avoir vu et attira son manteau et celui de sa femme jusqu'à lui. Il se demandait comment Drago allait un jour pouvoir s'en remettre en vivant aux côtés de quelqu'un qui, au bout de sept ans de retraite, restait toujours aussi traumatisé par la guerre. Mais ils n'avaient pas le choix. Granger avait été leur seule solution.
Il se promit cependant de faire de son mieux pour soutenir Drago, malgré la présence de la jeune femme. Elle et lui n'étaient pas proches, mais elle ne l'empêcherait pas d'aider son meilleur ami.
– Merci pour ton hospitalité, Granger, lui dit-il en aidant Pansy à enfiler son manteau. Pourras-tu m'envoyer une lettre ou me contacter par cheminée lorsqu'il sera réveillé ?
– Je ferai au mieux, répondit-elle simplement.
Elle ne savait même pas si elle se sentirait capable d'approcher la porte de la chambre où reposait Malefoy.
Elle n'avait pas bougé de sa chaise et continuait de tripoter son verre vide. Elle ne prit pas la peine de les raccompagner jusqu'à la porte. Ils connaissaient le chemin, après tout.
Blaise la salua d'un ultime hochement de tête et glissa son bras sous celui de sa femme pour l'escorter vers la sortie. Quelques secondes plus tard, la porte d'entrée se refermait et Hermione se permit enfin de souffler un coup.
Elle avait eu le sentiment que son espace personnel était constamment envahi depuis l'arrivée de la délégation anglaise et des amis de Malefoy. Elle s'était sentie mal tout le long et avait vidé plusieurs fioles de philtres calmants, en plus d'un paquet de cigarettes. Ses poumons en pâtiraient considérablement, mais c'était le dernier de ses soucis. Elle se demandait simplement comment elle avait pu tenir si longtemps sans crier aux Zabini de déguerpir de chez elle.
Elle soupira et laissa tomber sa tête dans ses mains. Dans quoi venait-elle de s'embarquer ?
Elle ne voulait pas casser sa routine, elle voulait s'y replonger le plus rapidement possible.
Pour y parvenir, il lui fallait commencer immédiatement. Elle rangea les verres qu'ils avaient utilisés dans l'évier de la cuisine et jeta la tarte peu ragoûtante qu'elle avait inutilement décongelée. Albert la suivit ensuite jusqu'au garde-manger, où sa gamelle l'attendait.
Hermione avait acheté un petit réfrigérateur dans lequel elle conservait uniquement la nourriture qu'elle préparait pour son chien. Sachant que sa journée serait longue, elle avait cuisiné sa gamelle la veille pour éviter de lui donner des croquettes industrielles.
Du bœuf provenant du boucher du village, un reste de carottes et de courgettes qu'elle avait achetées au marché, quelques coquilles d'œuf broyées et des compléments alimentaires que son vétérinaire lui avait conseillés. Elle s'y rendait une fois par an, prenant le train moldu jusqu'à la ville la plus proche.
Elle sortit donc la barquette préparée pour Albert et la versa dans sa gamelle. Il se jeta immédiatement dessus, ce qui tira un sourire à la jeune femme. Elle lui caressa la tête durant quelques secondes, puis lui remplit une autre gamelle d'eau et quitta le garde-manger.
Elle commençait à être réellement fatiguée. Elle ne tarderait pas à s'écrouler de sommeil.
Elle prit le temps de vérifier chaque fenêtre et chaque porte, puis éteignit les lumières du rez-de-chaussée. Elle fonça ensuite dans la salle de bains qui s'y trouvait, souhaitant à tout prix éviter de monter tout de suite à l'étage.
Elle fit sa toilette, s'y attardant le plus longtemps possible, attrapa une fiole de potion de sommeil sans rêves et quitta la salle de bain. Elle inspira un grand coup.
Elle faisait face aux escaliers qui lui semblaient particulièrement longs. Plus que d'habitude. Sa tête en tournait presque. Sa chambre se trouvait tout au bout du couloir de l'étage. C'était la plus grande de la maison.
Mais pour s'y rendre, elle devait passer devant les autres et elle savait parfaitement ce que cela engendrerait.
Elle osa monter une première marche, puis une seconde et se figea. Son cœur battait la chamade. Elle essayait de se raisonner, mais l'irrationnel prenait le dessus.
Que pourrait-il bien se passer ? tentait-elle de se dire.
La réponse rationnelle devait être "rien", mais Hermione ne l'était pas face à ses angoisses.
Ainsi, elle serra fortement sa baguette dans son poing, prit une grande inspiration et se répéta intérieurement que tout allait bien. Qu'elle pourrait affronter cela. Qu'elle pourrait se défendre en cas de problème.
Une marche. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Onze.
Elle y était. La porte derrière laquelle son mari dormait se trouvait en face d'elle. Elle osa y jeter un œil, ne faisant qu' accélérer les battements de son cœur ainsi que sa respiration.
Elle n'arrivait pas à comprendre son angoisse. Cela n'avait aucun sens.
Drago Malefoy était allongé dans le lit de cette chambre depuis près de dix heures. Il n'y avait aucune raison pour qu'il fasse quoi que ce soit de dangereux. Il dormait profondément et semblait – d'après ce qu'elle avait pu voir – mourant ce qui le garderait de faire quoi que ce soit d'inquiétant.
Tout comme Blaise et Pansy, Hermione avait été particulièrement choquée de découvrir l'état dans lequel il était arrivé chez elle. Malefoy était apparu en portoloin aux côtés de Zabini, plus pâle que jamais.
Elle était assise avec Pansy sur les marches en pierre qui menaient à sa maison lorsqu'ils étaient arrivés. Elle l'avait vu s'écrouler dans les bras de Blaise en atterrissant. Pansy s'était relevée vivement en voyant cela, accourant aux côtés de son mari pour l'aider à porter leur ami.
Hermione n'avait pas su quoi faire. Elle était sidérée de le voir ainsi. Il avait l'air à moitié mort. Un inferius dans des habits à rayures.
Blaise avait métamorphosé ses vêtements noirs de prisonnier en un pantalon bleu nuit et une simple chemise blanche, qui s'était aussitôt tachée de sang dans son dos et le long de ses bras. Hermione se souvenait avoir vu Pansy pâlir considérablement à cette vue et avait elle-même plaqué une main sur sa bouche.
Blaise avait hurlé sur les membres du ministère venus prononcer le mariage et le Serment Inviolable, lorsqu'ils s'étaient précipités sur eux pour s'exécuter au plus vite. Il avait été choqué de voir un tel manque de compassion. Pansy y avait elle aussi mis du sien, leur rappelant qu'ils ne pourraient pas faire quoi que ce soit si Malefoy était trop faible.
Ils n'avaient rien voulu entendre. Blaise avait dû tenir Malefoy tout le long de la cérémonie. Hermione n'avait pas osé parler une seule fois, mis à part pour prononcer son serment et ses vœux de mariage.
Le reste des événements s'était déroulé devant ses yeux sans qu'elle ne sache quoi faire. Blaise avait signé quelques papiers, les membres du Ministère avaient posé la Trace magique sur Malefoy alors même que celui-ci avait perdu connaissance, puis avaient quitté la France avec un autre portoloin. Les Zabini s'étaient empressés de s'occuper de leur meilleur ami et lui avaient demandé avec urgence où se trouvait la chambre qu'elle avait préparée pour lui.
Elle la leur avait indiquée, sans vraiment réaliser ce qu'il se passait. Elle les avait suivis tel un fantôme, le regard vide et encore sous le choc de tout ce qu'il s'était passé. Du peu qu'elle avait vu, ils avaient lancé quelques sorts de guérison à Malefoy, mais largement insuffisants pour soigner l'intégralité de ses blessures. Elle n'avait pas réussi à distinguer en détail ce qu'il avait.
Une fois cela fait, ils avaient tous quitté la chambre pour le laisser dormir et s'étaient installés dans le salon.
Et Malefoy était toujours là. Chez elle. Dans l'une de ses chambres. Allongé dans l'un de ses lits. Sous ses couvertures. Et il portait l'alliance qu'elle lui avait enfilée.
Elle avait besoin d'en avoir le cœur net. Elle voulait être sûre de ne pas avoir rêvé. Après tout, il lui était déjà arrivé d'avoir des hallucinations, effets secondaires du manque provoqué par ses potions de sommeil sans rêves.
Les mains tremblantes et le cœur battant, elle tendit donc le bras jusqu'à la poignée de la porte. Elle déglutit en entrant en contact avec le métal froid de cette dernière et ferma les yeux l'espace d'un instant.
Qu'était-elle en train de faire ? Elle devrait déjà dormir. Elle aurait pu continuer son chemin jusqu'à sa chambre. Mais non. Elle se trouvait là, au pas de la porte de sa chambre d'ami, celle dans laquelle Drago Malefoy reposait.
Ses yeux se remplirent de larmes lorsqu'elle poussa la poignée. Elle se sentait mal, et pourtant, elle était incapable de s'arrêter. Elle était bien trop curieuse. Elle avait besoin de savoir.
Et il était bien là. Allongé sur le ventre, par-dessus les couvertures du lit, des bandages ensanglantés recouvrant son dos, ses jambes et ses bras, dormant à poings fermés.
Hermione se figea. Elle n'avait pas halluciné, tout était vrai. Ses souvenirs n'étaient pas faussés. Drago Malefoy gisait dans l'une de ses chambres d'ami, sortant tout juste de sept années d'enfermement, le corps meurtri par cette longue période d'horreur.
Elle avait encore du mal à y croire. Elle dut se maintenir à la porte pour ne pas chanceler.
Tout ce sang…
Ses blessures avaient dû s'ouvrir à cause du voyage en portoloin. Certaines devaient être infectées, ou bien magiques pour que le résultat soit si horrifique.
Elle n'osait pas s'approcher. Elle avait l'impression qu'il se réveillerait à l'instant même où elle mettrait un pied dans la pièce.
Elle se contenta donc de rester debout sur le pas de la porte, le regard fixé sur le jeune homme qui avait pourtant l'air d'avoir le double de son âge. L'enfermement l'avait vieilli.
Elle l'observa attentivement malgré la distance. Il était rasé de près, ce qui l'étonna quelque peu, sans qu'elle s'attarde sur ce détail pour autant. Les années de prison avaient laissé des traces sur son visage. Ses traits étaient plus fatigués, plus usés, comme s'il avait travaillé dans un chantier pendant toutes ces années, sans s'arrêter une seule seconde. Pourtant, la réalité était toute autre.
Des cernes entouraient ses yeux, ses lèvres étaient pâles et sa peau luisait de sueur. Elle remarqua alors que ses sourcils étaient froncés, que son visage était déformé par ses émotions, sans qu'elle ne puisse pour autant déterminer lesquelles. Elle songea alors à un mauvais rêve. Cela pourrait expliquer la sueur.
Elle se mordit la lèvre, ne sachant que faire. Elle était tout à fait incapable d'entrer dans la pièce, et pourtant, son envie de l'aider enflait dans sa poitrine. Une envie qu'elle avait enterrée depuis des années.
Et cela l'effrayait. Tant et si bien qu'elle tourna les talons sans un regard de plus et s'enfuit jusqu'à sa chambre. Elle n'avait même pas pris la peine de fermer la porte derrière elle.
Une fois arrivée, elle claqua la sienne et se laissa tomber contre celle-ci. Sa respiration était erratique.
Elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas ressentir cela. Elle avait enterré cette envie. Elle l'avait oubliée. Elle ne voulait plus d'elle.
Plaquant ses mains sur ses yeux, elle commença à se balancer d'avant en arrière inlassablement. Sa tête frappa plusieurs fois la porte de bois, mais elle n'y prêta pas attention. Elle voulait oublier. Elle voulait envoyer balader les pensées qu'elle venait d'avoir.
Ses mouvements firent chuter une fiole de potion de sommeil sans rêves de sa poche et elle baissa vivement les yeux vers elle.
Sans même y réfléchir, elle l'attrapa, fit sauter le bouchon et avala son contenu cul sec.
Elle ne sentit même pas le sommeil venir. Elle dormait déjà, avachie contre la porte de sa chambre.
Ce furent les aboiements d'Albert qui la réveillèrent le lendemain matin. Sa nuit avait été excellente, elle n'avait pas été réveillée une seule fois et son sommeil n'avait pas été perturbé.
Il faisait déjà jour, ce qui signifiait qu'elle avait dormi assez longtemps. Et elle ne s'en plaindrait pas. Si les effets de la potion de sommeil sans rêves étaient efficaces sur la qualité de ses nuits, ce n'était que rarement le cas à propos de la longueur de celles-ci.
Cela dit, le fait d'être réveillée par son fidèle compagnon était inhabituel. Celui-ci dormait au rez-de-chaussée et ne la rejoignait que lorsqu'elle descendait prendre son petit-déjeuner.
– Que se passe-t-il ? s'inquiéta-t-elle en se redressant dans le lit.
Elle avait dû se lever dans la nuit, sans s'en souvenir pour autant.
Albert avait posé ses pattes sur le matelas et ne cessait d'aboyer. Hermione fronça les sourcils et sortit de sous les couvertures pour le rejoindre. Elle n'eut qu'à faire un seul pas pour qu'il se dirige vers la sortie de la chambre. Il voulait visiblement qu'elle le suive.
Cela ne l'inquiéta que davantage et elle sortit sa baguette par réflexe.
Cependant, elle fut vite rassurée lorsque les pas d'Albert les amenèrent jusqu'à la chambre d'ami qu'elle avait visitée la veille.
Les souvenirs de cette journée catastrophique lui revinrent d'un coup et elle s'immobilisa. Elle n'avait pas besoin de suivre son chien plus loin. Elle venait de comprendre la raison de son excitation si soudaine.
Elle n'avait pas pensé à fermer la porte de la chambre d'ami. Drago Malefoy était à découvert, en travers du lit et l'odeur du sang avait dû attirer Albert.
Son cœur battait la chamade à nouveau, mais elle s'efforça de déglutir pour se détendre. Elle devait calmer son chien en priorité. Elle ne voulait pas risquer de réveiller Malefoy.
Elle tenta de se convaincre que c'était en raison de sa santé, mais sa conscience lui répondit qu'elle appréhendait surtout l'idée de confronter le jeune homme.
Elle s'agenouilla face à Albert et lui chuchota quelques paroles en lui caressant le dessus du crâne. Bientôt, ses aboiements se calmèrent et elle put fermer la porte de la chambre, puis l'accompagner jusqu'à la cuisine pour lui servir de quoi manger.
Une occupation. C'était exactement ce dont Hermione avait besoin. Il lui fallait reprendre le cours de son quotidien. Comme si rien ne s'était passé.
Si elle laissait le temps à son esprit de divaguer et repenser aux événements de la veille, elle se savait perdue d'avance.
Ainsi s'occupa-t-elle de sa maison comme elle en avait l'habitude chaque matin.
Elle commença par nourrir Albert – après l'avoir éloigné des escaliers, devant lesquels il avait continué d'aboyer – puis prépara son propre petit-déjeuner. Comme chaque mardi, elle cuisina des œufs, du lard, des scones et des haricots à la sauce tomate.
Elle dégusta sa préparation face à la lumière matinale, dans son jardin. Elle s'installa, Albert à ses pieds, après avoir récupéré le journal de la région dans sa boîte aux lettres. Elle lisait seulement les nouvelles moldues. Elle n'avait presque plus aucun contact avec le monde sorcier, tant et si bien que sans sa baguette et ses quelques échanges avec Harry – et Blaise depuis quelques années – n'importe quel sorcier l'aurait prise pour une moldue.
Ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle n'avait, de toute manière, plus les mêmes capacités magiques qu'auparavant. Elle ne contrôlait plus aussi bien sa magie.
Elle n'avait pas eu besoin de réfléchir bien longtemps à sa destination lorsqu'elle avait quitté son pays natal. Elle voulait une retraite éloignée de la civilisation et, particulièrement, du monde sorcier qui l'avait accueillie pendant les huit années précédentes.
Elle était reconnaissante de tout ce qu'elle y avait appris et n'oserait jamais cracher sur sa nature sorcière, cependant, elle n'était pas aveugle et naïve au point de penser que cela n'avait été que positif. Elle en ressortait changée, certes, mais aussi bien positivement que négativement.
Elle avait énormément souffert. Elle avait perdu beaucoup de proches pendant la guerre, mais elle s'était aussi et surtout perdue elle-même. Elle ne se reconnaissait plus, elle n'était plus l'Hermione de ses années d'école.
Cette adolescente-là avait été enterrée en même temps que toutes les victimes de la guerre.
Hermione n'avait pas tenté une seule fois de recoller les morceaux. Elle n'y avait même pas songé, à vrai dire. Intérieurement, elle était persuadée qu'il s'agissait d'une cause perdue.
Elle avait choisi d'évoluer autrement, de faire son propre chemin avec les vestiges de son passé qu'il lui restait. Elle ne pourrait pas réparer ce qui avait été détruit, mais elle comptait bien reconstruire quelque chose avec ce qu'il restait.
Une fois son petit-déjeuner terminé, elle se chargea de nettoyer la vaisselle sale qu'elle avait laissée la veille. Elle n'utilisa pas sa baguette pour cela cependant, elle considérait cette tâche ménagère comme un bon moyen de se vider l'esprit.
Elle se concentrait sur les couverts qu'elle lavait, sur la mousse entre ses mains, sur l'eau qui coulait sur ses doigts, puis sur le chiffon qu'elle utilisa pour les sécher. Il n'y avait rien d'autre à faire, rien d'autre à penser.
Décidant qu'elle n'était pas prête à remonter à l'étage pour le moment et qu'elle avait besoin d'un instant pour elle-même, elle récupéra une serviette dans la salle de bain et sortit dans son jardin. Elle irait faire sa toilette dans la rivière qui longeait le bout de son terrain, juste au bord de la forêt.
Il était rare qu'elle s'y baigne, peut-être une fois tous les deux mois. Elle voulait garder ces instants de calme exceptionnels. C'était si pur et paisible.
Elle récupéra quelques vêtements sur un fil à linge et traversa son domaine, Albert sur ses talons.
La matinée était bien avancée lorsqu'elle put enfin mettre les pieds dans l'eau. Celle-ci était particulièrement froide, mais Hermione n'avait jamais été frileuse. Elle se déshabilla et se laissa emporter par le courant, jusqu'à un regroupement de pierres sur lesquelles elle s'installa.
Albert l'avait vite rejointe dans l'eau et courait le long de la rive, là où il avait encore pied.
Hermione se permit alors de sourire. Elle se sentait parfaitement bien. Elle était apaisée. Son esprit était vide de tout tracas et son corps était détendu.
Elle refusait à toute pensée négative de s'introduire dans sa tête. C'était son moment. Elle l'avait décidé.
Une fois lavée, elle s'allongea sur un grand et long rocher, juste au-dessus de l'eau, et profita du soleil et de la brise pour se sécher. Le vent chatouillait chacun de ses membres, répandant une chair de poule le long de sa peau, mais cela ne suffit pas à la sortir de sa somnolence.
Elle finit même par s'endormir, allongée nue sous les rayons du soleil de mai.
Encore une fois, ce furent les aboiements d'Albert qui la réveillèrent. Assis à quelques mètres d'elle, sur la terre ferme, il semblait vouloir désespérément la réveiller.
Elle se redressa doucement et le rejoignit en prenant garde à ne pas glisser sur les pierres trempées. Elle s'habilla rapidement et la hauteur du soleil lui indiqua qu'il était quinze heures passées. Elle comprenait mieux l'impatience de son chien.
– Désolée, Albert, soupira-t-elle en lui caressant la tête. Visiblement, malgré ma longue nuit, mon corps avait besoin de plus.
Il aboya en réponse, avant de courir en direction de la maison, la dépassant très largement.
Elle était en retard sur son emploi du temps quotidien. Elle n'avait pas lancé de machine à laver ni étendu son linge de l'avant-veille, et certains vêtements étaient encore accrochés à l'extérieur. Elle n'avait pas non plus nourri les chevaux, bien que ceux-ci soient apparemment partis en vadrouille, considérant leur absence lorsqu'elle se rendit dans l'écurie.
Elle prit tout de même le temps de remplir et nettoyer les box, avant de rejoindre la serre. Elle avait commencé à jardiner deux mois plus tôt, sur un coup de tête. Elle était tombée sur quelques livres de jardinage dans la bibliothèque ayant appartenu à ses grands-parents, et s'était plongée dans la lecture de l'un d'entre eux.
L'envie de démarrer son propre potager s'était alors fait ressentir. Elle s'était cependant vite rendu compte qu'elle avait perdu beaucoup de ses talents dans ce domaine avec le temps. De plus, l'absence de matériel nécessaire au soin de ses plantes – comme cela avait pu être le cas dans les serres de Poudlard – rendait les résultats peu encourageants. Certains plants étaient déjà morts, quand d'autres sortaient à peine leurs premières feuilles. Sans les encouragements de l'un de ses clients, lors d'une discussion à propos de son propre potager, elle aurait probablement déjà abandonné.
Elle avait d'ailleurs décidé de fermer la librairie pour la semaine. Malgré le fait que son emploi soit déterminant dans son chemin vers la paix intérieure – comme elle aimait l'appeler – et soit un vrai pilier dans son quotidien, Hermione n'avait pas été dupe. Même si elle aurait préféré se plonger dans un déni complet et continuer de travailler malgré les événements récents, elle avait rationalisé les choses et pris une semaine de congés.
Elle se rendait désormais compte qu'elle avait eu raison de le faire.
En revenant de la serre, et ce après avoir jeté d'autres plants morts et desséchés, elle s'attela à la préparation de son déjeuner, bien que tardif.
Elle songea alors à son tout nouveau colocataire. Elle se fit la réflexion qu'elle était probablement censée le nourrir, surtout considérant son état de santé. Cependant, elle réalisait que cela signifiait entrer dans la chambre. Cela voudrait dire le réveiller, le toucher, l'aider…
L'aider. Cette simple pensée suffit à la faire frissonner.
Zabini n'avait-il pas dit de le prévenir si Malefoy se réveillait ? Est-ce qu'un réveil causé par un sort ou par les aboiements d'Albert compterait ?
Elle se morigéna en réalisant le genre de pensées qu'elle avait. Malefoy restait un être vivant. Un être humain, même. Bien qu'elle ait tendance à penser qu'il tendait plutôt à être un inferius qu'un véritable humain.
Zabini avait probablement une vie chargée. Il ne pourrait pas venir tous les jours en France pour s'occuper de Malefoy, jusqu'à ce que celui-ci soit capable d'être autonome. Hermione avait un minimum de bon sens.
Mais cette réalité l'effrayait plus que de mesure. Elle allait devoir s'occuper de lui. Elle allait devoir aider quelqu'un.
Elle laissa tomber le couteau de cuisine qu'elle tenait sur la table et se prit la tête dans les mains.
Il lui fallait un plan, une méthode, quelque chose à appliquer par étape pour ne pas réfléchir. Si elle se concentrait sur chaque action avec précision, son esprit ne pourrait pas divaguer. Il lui fallait quelque chose de clair, net et sans difficulté.
Elle alla chercher de quoi écrire et prit une grande inspiration. Elle se trouvait ridicule. Devoir faire une liste pour maintenir en vie un être humain. Absurde. Complètement absurde.
Pourtant, elle déboucha son stylo moldu et se mit en action.
Premièrement, il lui faudrait augmenter les quantités de son repas pour une deuxième personne.
Deuxièmement, il lui faudrait noter sur un morceau de papier la liste de courses à faire pour sa prochaine excursion au marché. Une personne à nourrir en plus signifiait davantage de provisions.
Troisièmement, elle préparerait un plateau, sur lequel elle disposerait précautionneusement le repas de Malefoy. Elle le porterait jusqu'à sa chambre, puis elle ouvrirait la porte.
L'étape suivante serait la plus difficile, Hermione en était consciente.
Quatrièmement, elle devrait entrer dans la chambre et avancer jusqu'au lit. Puis elle devrait réveiller Malefoy et le nourrir.
Hermione lâcha son stylo et prit une grande inspiration. Elle n'arrivait pas à savoir quelle serait la réaction du blond. Et s'il ne se réveillait pas ? Et s'il était violent, ou bien qu'il n'était pas conciliant ? Devrait-elle appeler Blaise ? Ou bien Pansy ?
Elle ne connaissait pas Malefoy, elle ne savait pas comment interagir avec lui. Ils n'avaient aucun point en commun, aucun passé en commun, si ce n'était un passé négatif empli de harcèlement, de haine réciproque et d'insultes. Comment était-elle censée s'occuper de lui ?
Cette pensée sembla rallumer quelque chose dans son esprit.
Elle ne devait pas s'occuper de lui. Elle n'en avait aucunement l'obligation. Elle l'avait répété tant de fois à Blaise et Harry, eux-mêmes lui ayant promis le contraire.
Alors pourquoi s'obstinait-elle à vouloir le faire ?
Sa conscience lui souffla que c'était sa nature et qu'elle ne pouvait s'empêcher d'aider les autres ni de se sentir coupable pour un rien. Elle lui répondit d'aller se faire voir.
Elle était à la fois perdue et déterminée. C'était un mélange étrange. Comme si son esprit était séparé en deux, comme si sa volonté ne lui appartenait plus vraiment et se retrouvait au centre de ses angoisses et de sa nature profonde.
C'était perturbant. Elle eut envie de s'arracher les cheveux, d'effacer, ou d'écarteler ces pensées perturbatrices. Ne pouvait-elle pas tout simplement agir sans réfléchir ?
Sa conscience lui souffla qu'elle ne serait pas elle-même sans ses réflexions. Et Hermione ne put lui donner tort.
Cependant, elle se décida à agir avant de réfléchir, pour une fois. Elle allait faire quelque chose, telle la Gryffondor qu'elle était censée être, et non pas comme une Serdaigle qui aurait été placée dans la mauvaise maison.
Elle relut une dizaine de fois sa liste et se mit au travail.
Elle prépara un repas pour deux, quelque chose de sain et nourrissant pour que Malefoy puisse reprendre des forces. Bientôt, la cuisine fut imprégnée d'odeurs de légumes et de viande. Hermione n'avait aucun talent culinaire, elle en était bien consciente, mais elle avait au moins le mérite de savoir suivre – plus ou moins – une recette, jusqu'à présenter un plat mangeable, bien que peu savoureux.
Elle se fit la réflexion que personne, et surtout pas Malefoy après sept ans de nourriture de prison, ne viendrait s'en plaindre.
Après cela, elle étudia le contenu de son garde-manger et des deux réfrigérateurs pour pouvoir établir une liste complète des ingrédients dont elle aurait besoin pour sa prochaine excursion au marché du village. Elle ne s'y était pas rendue depuis près d'une semaine, ce qui expliqua la longueur de sa liste.
Lorsque le minuteur moldu qu'elle avait enclenché retentit, elle se précipita jusqu'aux plaques à gaz de la cuisine pour éteindre le feu. Elle n'était, certes, pas bonne cuisinière, mais elle ne faisait pas pour autant brûler ses plats.
Elle attrapa un plateau en bois, sur lequel elle déposa une assiette chaude et pleine, des couverts, un verre, une carafe d'eau, ainsi qu'une demi-baguette de pain.
Elle se doutait bien que Malefoy ne mangerait pas énormément et qu'elle avait vu les choses en grand, cependant, elle préférait préparer trop de choses que pas assez. C'était sa petite angoisse à elle. Une de plus, du moins.
Elle se rassura en songeant que les restes – s'il y en avait – pourraient servir au repas d'Albert.
Elle souffla un grand coup, vida son esprit et se répéta inlassablement le contenu de sa petite liste. Ne pas penser.
Elle avala rapidement son propre repas, avant de gravir les marches de l'escalier, le plateau dans les mains, et de se diriger jusqu'à la porte de la chambre d'ami. Elle prit une autre inspiration et osa enfin ouvrir la porte.
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