Les mains tremblantes, Drago attrapa la petite lame et la leva à hauteur de son visage. Elle brillait sous la lumière du soleil qui passait à travers la fenêtre de la salle de bain. On aurait dit le halo aveuglant des premières lueurs du jour au réveil. C'était à la fois gênant et agréable.
Drago déglutit. Tout lui semblait si simple maintenant qu'il avait trouvé la solution pour mettre fin à ses jours. Désormais, il savait qu'il avait une issue, un moyen d'en finir.
Il passa son pouce sur la lame avec une lenteur absolue. Il voulait la tester. Juste la tester. Connaître sa puissance, sa violence. Il voulait être conscient de chaque marque qu'elle pouvait infliger, chaque blessure, chaque vie qu'elle pouvait retirer.
Malgré la précaution dont il venait de faire preuve, il se coupa légèrement la peau. Une goutte de sang perla sur son doigt et s'écoula le long de ses phalanges, puis de sa paume, avant de s'échouer sur le sol.
Il resta pétrifié face à cela. Il suivit la goutte du regard, la bouche sèche et le regard humide de larmes, jusqu'à ce qu'elle tombe. Elle s'éclata en un petit cercle rouge, contraste frappant avec le carrelage blanc.
Il n'avait pas eu mal, cependant, la simple vue de ce sang lui fit lâcher la lame. Son cœur, qui avait semblé s'arrêter l'espace de cet instant, commença à tambouriner dans sa poitrine comme s'il tentait de lui faire passer un message.
Voir tout ce sang lui remémora ses cauchemars, ses blessures et ses tortures, comme des flashs de lumière qui viendraient l'éblouir. Pourtant ce n'étaient que des souvenirs venus lui crier de partir.
Son regard devint fou, alors que la panique s'emparait de lui. Il scruta chaque recoin de la pièce à la recherche d'une sortie, comme s'il en avait oublié comment se repérer dans cette salle de bain, qui n'était pourtant pas si grande.
En essayant de bouger, Drago se prit les pieds dans les objets qui traînaient sur le sol après qu'il les ait sortis en vitesse de leurs tiroirs. Il tomba à genoux, puis sur les paumes, qu'il s'écorcha avec les morceaux de verre du reste d'un flacon de potion.
En baissant les yeux vers celui-ci, il remarqua que d'autres flacons, encore en bon état, étaient éparpillés autour de lui. Tous contenaient une potion d'un bleu nuit hypnotisant, qui semblait contenir toutes les étoiles de l'univers. Une sorte de ciel sombre et pailleté.
Il en fut subjugué et son regard s'y perdit pendant de longues minutes, tant et si bien qu'il en oublia les douleurs de ses blessures aux mains.
Il se souvenait de cette potion. Il la connaissait, pour l'avoir lui-même préparée et consommée plusieurs fois. Elle s'était révélée être d'une nécessité absolue lors de l'été qui avait suivi sa sixième année. Il s'en rappelait encore parfaitement.
Toutes les nuits qu'il avait passées sans angoisse dans son lit, alors même que Voldemort vivait dans l'enceinte de son manoir et que la Marque à son bras le brûlait plusieurs fois par jour, lors des appels de son Maître.
Des nuits de sommeil sans rêves. Sans cauchemar. Sans horreurs. Sans rien. Des nuits de calme.
Il sortit brusquement de sa léthargie en entendant un aboiement au loin. Il eut l'impression d'avoir reçu un coup de massue en pleine tête, le sortant de l'état végétatif qu'il arborait depuis des semaines.
Il se releva immédiatement et s'apprêtait à quitter la pièce pour rejoindre sa chambre, mais se figea. Il baissa les yeux sur les flacons éparpillés sur le sol et prit le temps d'y réfléchir, l'espace de quelques secondes.
Finalement, il se décida à en ramasser le plus possible, ne cherchant pas à connaître quelles pourraient être les conséquences de cet acte.
Quittant la pièce sans la remettre en ordre, il se rua dans sa chambre, les bras débordant de potions et le cœur battant la chamade. Il avait l'impression de fuir quelque chose, de fuir quelqu'un. Une fois arrivé, il referma aussitôt la porte derrière lui et se laissa glisser contre celle-ci en fermant les yeux avec force. Il appuya le talon de ses mains sur ses yeux et tenta de calmer sa respiration haletante.
Il se sentait à la limite de l'inconscience, tant l'angoisse le prenait aux tripes. Il réalisait à peine qu'il venait de sortir de sa chambre pour la première fois. Il n'avait conscience que des battements de son cœur et de ses maux de têtes. Les seuls ressentis qui avaient leur place dans ce capharnaüm d'angoisses.
Il n'avait entendu aucun autre aboiement, mais ne put s'empêcher de paniquer à l'idée que Granger – ou qui que ce soit d'autre – puisse découvrir ce qu'il venait de faire.
Il réalisa alors l'ampleur de son acte. Il avait volé des potions. Si Granger le découvrait, elle aurait sa peau. Elle voudrait le confronter et les récupérer. Et Drago en serait incapable.
oOo
La journée touchait à sa fin lorsque Pansy utilisa son portoloin pour rejoindre la France. Son emploi du temps s'était avéré plus chargé que prévu et elle avait donc dû décaler sa visite.
La bonne nouvelle étant qu'elle pourrait ainsi prendre le temps de discuter avec Granger de ce qu'il s'était passé entre elle et Blaise. Pansy comptait bien s'excuser à la place de son mari et en son propre nom, pour tout ce qu'elle avait enduré, notamment la solitude du mois passé.
Elle n'avait pas adressé la parole à Blaise depuis leur dispute. Elle avait dormi dans leur résidence secondaire, au nord de l'Écosse, une petite maison de vacances qu'ils avaient achetée deux ans après leur mariage. Elle lui avait demandé de ne pas venir et il avait respecté son souhait. Elle lui avait envoyé un hibou, lui disant qu'elle avait besoin de réfléchir et de prendre du temps pour elle, à cause de tout ce qu'il se passait dans sa vie ces derniers temps.
Elle avait eu l'impression de perdre son seul point d'ancrage ce soir-là. La seule personne en qui elle avait entièrement confiance. Cette même personne qui, pourtant, lui avait menti pendant un mois. Elle n'avait pas réussi à passer outre, surtout quand cela mettait en danger la vie de l'un de leurs amis.
Elle s'était donc réfugiée ailleurs, passant ses journées à rédiger des courriers aux familles sorcières riches qu'elle connaissait afin d'obtenir des dons pour sa fondation. Elle s'était sentie si seule, si désespérée…
Pour l'heure, elle avait donc prévu de passer du temps avec Drago, qu'elle retrouva assis au bord de la fenêtre de sa chambre en arrivant. Elle ne put d'ailleurs empêcher le sourire qui étira ses lèvres en le découvrant comme cela. Habituellement, il était allongé dans son lit à ruminer, pleurer ou tenter de s'arracher les cheveux. Elle fut presque émue de le voir ainsi. Il semblait aller mieux.
– Salut, lança-t-elle en posant ses affaires sur le fauteuil de la chambre – qu'elle avait fini par laisser là – et en s'approchant de lui.
Il tourna la tête vers elle, mais ne répondit pas.
Elle put alors distinguer l'absence de cernes sur son visage. Il semblait toujours malade et était encore bien pâle, mais il se montrait plus reposé. Elle ne l'avait pas vu ainsi depuis des semaines. La dernière fois qu'elle était venue, il ressemblait à un inferius, mentalement, comme physiquement.
– Tu as bonne mine, lui fit-elle remarquer en s'approchant lentement, jusqu'à poser une main sur son bras.
Il sursauta légèrement à ce geste, mais ne fit rien d'autre prouvant que ce contact le dérangeait. Il se contenta de s'éloigner pour qu'elle retire sa main, puis haussa les épaules et tourna la tête vers l'extérieur. Elle s'en voulut d'avoir osé le toucher, mais fut tout de même fière de voir qu'il n'avait pas fait de bon de deux mètres.
Pansy laissa son regard voyager sur les traits de son ami, sur les vêtements appartenant à Blaise, sur sa barbe de quelques jours – qui prouvait donc que son mari n'était pas venu depuis un moment – puis sur le bout de ses manches, sous lesquelles il cachait ses mains.
Pansy fronça les sourcils. Pourquoi portait-il une chemise à manches longues en plein été ? Il faisait particulièrement chaud dans la région depuis deux jours, elle avait vérifié la météo dans les journaux, et le soleil tapait directement sur sa fenêtre.
Elle remonta son regard jusqu'à son visage et remarqua alors qu'une légère goutte de sueur perlait sur la tempe de Drago. Était-ce dû à son anxiété ou à la chaleur ?
– Tu n'as pas chaud comme ça ? demanda-t-elle alors, en faisant l'effort de ne pas paraître suspicieuse.
Il haussa les épaules comme simple réponse, ce qui ne fit qu'agacer Pansy. Elle voulait qu'il réponde honnêtement. Il n'était pas normal qu'il soit habillé ainsi par cette chaleur ! Décidant qu'elle n'avait pas la patience d'attendre qu'il daigne lui expliquer ce qu'il avait, elle releva soudainement ses manches, le faisant sursauter violemment.
Il eut un mouvement de recul qui le fit tomber du rebord de la fenêtre, jusqu'au parquet de la chambre. Lorsqu'elle baissa la tête vers lui, elle croisa son regard terrifié, caché derrière ses coudes.
– Je suis désolée ! s'exclama-t-elle aussitôt en s'agenouillant à ses côtés, l'air inquiet.
Qu'avait-elle fait ? Qu'est-ce qui lui avait pris ?
– Je voulais simplement…
– Va-t-en, sanglota-t-il en se blottissant un peu plus contre le sol.
– Drago, je…
– Va-t-en, répéta-t-il, cette fois en criant.
L'entièreté de son corps tremblait, alors qu'il tentait de s'éloigner d'elle le plus possible.
Des larmes se formèrent dans les yeux de Pansy et elle déglutit, incapable de bouger. Elle ne voulait pas le laisser ici seul et dans un tel état, elle s'en voulait terriblement. Elle remarqua les égratignures et coupures qu'il avait sur les paumes, mais ne fit aucun commentaire à ce propos. Elle savait que cela ne ferait qu'empirer les choses.
Elle ferma les yeux et inspira longuement pour se donner du courage et enfin bouger.
– Je serai… Je serai en bas si tu as besoin de moi, murmura-t-elle simplement avant de quitter la chambre.
Une fois la porte fermée, elle s'appuya dessus et laissa retomber sa tête en avant en soupirant. Elle se prit le visage entre les mains et se mit à sangloter silencieusement.
Elle était à bout de nerfs.
oOo
La nuit commençait à tomber lorsque la porte d'entrée s'ouvrit sur Hermione, accompagnée d'Albert. Pansy l'avait attendue toute la soirée, durant laquelle elle s'était contentée de tourner en rond dans le salon. Drago n'était pas venu la voir, sans surprise, et elle avait lutté contre l'envie de monter le rejoindre pour discuter et s'excuser. Elle ne l'avait pas fait, sachant que cela ne rimerait à rien et qu'il y avait peu de chances qu'il y réagisse. Il fallait lui laisser du temps pour se calmer.
Elle était installée dans un fauteuil, duquel elle se leva dès l'arrivée de son amie.
Amie était un grand mot, la jeune femme en était consciente, mais elle voulait la considérer comme telle, même si elles ne se connaissaient que peu et ne se voyaient pas souvent. Pansy avait découvert en Hermione une femme qu'elle n'aurait jamais imaginé ainsi auparavant.
Elle avait rencontré une personne sensible, qui avait caché toute sa vie ses faiblesses. Quelqu'un qui, malgré son courage et son besoin de justice, avait besoin de solitude et de calme depuis la fin des combats. Elle vivait une période d'après-guerre qui faisait ressortir ses traits de caractère les plus enfouis.
Pansy était bien consciente que sans l'épreuve qu'était son parcours vers la reconstruction, elle n'aurait jamais appris à apprécier Hermione pour qui elle était devenue. Lors de leur scolarité, et ce majoritairement à cause de son entourage mais aussi à cause de son besoin d'attention, Pansy avait eu beaucoup de mal avec elle et s'était fait un plaisir de le montrer. Tout avait été une excuse au harcèlement et au besoin d'écraser les autres pour se mettre en avant. Elle avait mis du temps à le comprendre.
Ainsi, maintenant que Pansy était en paix avec elle-même, du moins en paix avec l'image qu'elle avait d'elle-même, elle parvenait à accueillir d'autres personnes dans sa vie. Elle n'en fréquentait pas beaucoup, non pas à cause de son rôle dans la guerre, mais principalement parce qu'elle n'en avait ni l'envie ni le besoin. Elle fréquentait quelques personnes et s'en contentait.
Hermione Granger en faisait plus ou moins partie. Elles s'étaient vues très rarement et pourtant, Pansy ressentait le besoin de se rapprocher d'elle, de la comprendre et désormais aussi de l'aider.
Elle avait le sentiment de lui ressembler, d'une certaine façon. Depuis qu'elles avaient toutes les deux évolué en deux femmes victimes de la guerre, Pansy se trouvait des points communs avec elle. Leur sensibilité, leur côté rancunier, leur générosité, leur besoin de solitude et surtout, leur besoin de justice.
Ce dernier point était probablement celui qui avait intrigué le plus Pansy. Bien que Granger ne se soit que très peu battue pour la justice après la guerre – du moins contrairement à elle – la jeune femme réalisait qu'il s'agissait d'une chose qui les animait toutes les deux, malgré les épreuves qu'elles vivaient.
Pansy se battait depuis des semaines pour faire valoir sa fondation, qui pourtant naissait tout juste. Hermione s'était battue tout le long de sa scolarité à Poudlard, et continuait de le faire, même si elle ne le montrait pas. Malgré la panique qu'avait été cette journée, Pansy se souvenait parfaitement de la haine qu'elle avait vue dans le regard de son amie envers la brigade britannique à l'arrivée de Drago, début mai. Elle avait vu dnas ses yeux à quel point elle aurait voulu leur lancer un sort cuisant pour leur faire payer l'état dans lequel Malefoy était arrivé chez elle. Malgré tout. Malgré son état. Malgré son passé avec le blond. Malgré la pression qui avait été mise sur ses épaules pour qu'elle l'épouse.
Et Pansy l'admirait pour cela.
Elle la comprenait aussi parfaitement car leurs états depuis la fin de la guerre étaient plutôt similaires.
Ce fut pour cette raison qu'elle leva immédiatement les mains au ciel pour montrer qu'elle était désarmée, en voyant Hermione entrer. D'autant qu'après la gaffe de son mari, elle ne voulait certainement pas qu'elle pense que cela allait se répéter.
Et comme elle se l'était imaginé, Granger se figea et pâlit considérablement en la voyant dans son salon. Elle dégaina sa baguette avant que Pansy n'ait eu le temps de dire Quidditch et la pointa vers elle.
Albert, debout à ses pieds, commença à grogner dangereusement, prêt à sauter sur elle à tout moment. Granger devait l'avoir bien dressé pour qu'il ne l'ait pas déjà fait.
– Je viens en amie, s'exclama Pansy en levant ses mains plus haut. Je ne suis pas armée, ma baguette est posée sur la table !
Elle vit la main d'Hermione trembler et le bout de sa baguette en faire de même. Son regard était terrifié, elle était au bord des larmes.
– Je t'assure que je ne te veux rien de mal, je te le promets, reprit Pansy.
Finalement, Hermione baissa sa baguette, sans la lâcher des yeux pour autant. Sa respiration semblait agitée, de là où se tenait Pansy. Elle était en panique.
Elle se tourna vers la porte d'entrée et l'ouvrit pour laisser passer Albert. La Serpentard laissa échapper un petit soupir de soulagement en la voyant faire. Le chien semblait prêt à lui sauter dessus à tout moment et elle n'avait aucune envie de rentrer chez elle avec un bras ou une jambe en moins.
Lorsque Hermione revint dans le salon, Pansy remarqua qu'elle évitait volontairement son regard. Elle n'avait pas arrêté de trembler.
– Tu veux boire quelque chose ? lui demanda-t-elle. J'ai du thé ou du jus de…
– Je veux bien une tasse de thé, s'il te plaît, répondit Pansy en se rasseyant dans le canapé.
Hermione hocha la tête et se rendit dans la petite cuisine, en s'essuyant les mains sur son jean. Visiblement, son anxiété lui donnait les mains moites.
Pansy attendit patiemment dans le séjour, les mains posées sur ses cuisses et mal à l'aise au possible. Elle n'avait pas voulu déclencher une telle réaction chez l'autre jeune femme et s'en voulait terriblement.
Plus de dix minutes passèrent sans qu'Hermione ne revienne de la cuisine, ce qui commença à l'inquiéter. Elle fronça les sourcils et se mordilla la lèvre inférieure, incertaine de savoir quoi faire.
Finalement, elle se décida à la rejoindre pour vérifier que tout allait bien. En arrivant dans la pièce adjacente, elle découvrit que son amie était accoudée au plan de travail, la tête dans les mains.
– Gr… Hermione ? chuchota Pansy pour ne pas la brusquer. Tu as besoin d'aide ?
Cela fit tout de même sursauter la jeune femme, qui releva brusquement la tête vers elle. Son regard était toujours aussi effrayé qu'à son arrivée dans la maison. Pansy s'en voulut terriblement. Elle avait l'impression de revoir Drago. Cela fit gonfler un élan de culpabilité dans sa poitrine.
– Tout va bien, mentit Hermione en se redressant et en s'approchant de sa théière, qui sifflait sur le gaz. Retourne dans le salon, j'arrive, continua-t-elle d'une voix chevrotante en tentant de leur servir une tasse.
Cependant, ses mains tremblantes l'en empêchèrent et elle dut s'y reprendre à trois fois avant de parvenir à verser le thé correctement dans les tasses. Des gouttes tombèrent le long des tasses, formant une tâche brune sur la table. Pansy se retint de faire un pas de plus pour l'aider. Il fallait qu'elle attende, il ne fallait pas effrayer Granger plus qu'elle ne l'était déjà.
– Je peux t'aider, si tu…
– Je peux me débrouiller toute seule, la coupa Hermione d'une voix où sonnaient ses sanglots.
Pansy déglutit et hocha la tête, avant de finalement quitter la pièce. Elle ne voulait pas la contrarier davantage. Elle avait l'impression de tout gâcher ces temps-ci. Que chaque chose qu'elle approchait, touchait ou à laquelle elle s'intéressait, était vouée à l'échec.
Dix autres minutes étaient passées lorsque Granger revint dans le salon, tenant deux tasses dans les mains. Elle les déposa sur la table basse et s'installa dans un fauteuil, le regard volontairement braqué vers l'extérieur, où les aboiements lointains d'Albert pouvaient être entendus.
– Merci, murmura Pansy en récupérant son thé, qu'elle porta à ses lèvres en silence.
Hermione hocha la tête en réponse et le silence se réinstalla. Gênant. Pesant.
Si bien que Pansy se sentit obligée de reprendre la parole. C'était invivable. Elle ne supportait pas les silences.
– Je ne te vois jamais utiliser ta baguette, fit-elle remarquer.
– Ma magie est trop instable. Je fais des dégâts quand je l'utilise. Alors je préfère le faire uniquement en cas d'urgence, expliqua-t-elle en se cachant derrière sa tasse.
– Elle est aussi instable lorsque tu n'as pas ta baguette ? s'enquit Pansy avec intérêt.
Elle voyait là une ouverture à une discussion cordiale, voire amicale. Elle sauta donc sur l'occasion.
Hermione ne répondit pas. Elle se contenta de poser sa tasse sur la table, en faisant de son mieux pour empêcher ses mains de trembler. Elle se recula dans son fauteuil et braqua son regard dans celui de Pansy.
Celle-ci y vit de la détermination, une première depuis des années.
– Pourquoi es-tu là ? demanda Hermione d'un ton accusateur.
Elle aurait dû s'y attendre. Après tout, elle ne lui rendait jamais visite. Elles n'étaient pas aussi amies qu'elle l'aurait voulu.
– Je suis venue m'excuser, annonça-t-elle en reposant sa tasse, après s'être raclé la gorge. Pour ce que Blaise a fait, mais aussi pour…
– Il s'est déjà excusé.
– Je sais, mais cela compte pour moi de le répéter. Nous n'avons pas été présents pour toi depuis des semaines et…
– Vous n'avez pas à le faire, la coupa une nouvelle fois Hermione en détournant le regard vers l'extérieur. Nous ne sommes pas amis.
Pansy se tut l'espace d'un instant, incertaine de quoi répondre. Elle était surprise par ses mots, ne comprenant pas qu'elle puisse rejeter ainsi le pas qu'elle faisait vers elle. Elle comprenait son besoin de solitude, plus que quiconque à vrai dire, mais était certaine que personne ne pouvait supporter une telle solitude sur le long terme.
– C'est vraiment ce que tu penses ? demanda-t-elle alors. Que nous ne sommes pas amis ? Et donc que nous ne devons pas t'aider ?
– Vous avez mieux à faire. Malefoy a bien plus besoin de vous que moi. Je n'ai pas besoin d'aide. Tu m'as bien fait comprendre la dernière fois que j'étais capable de me débrouiller seule, que je n'aurais pas besoin de me soucier de vous parce que vous vous occuperiez de Malefoy, fit-elle avec ironie. Et c'est ce que vous faites, n'est-ce pas ? Vous faites vos allers-retours ici, vous restez une heure ou deux avec lui, et vous vous barrez comme si vous n'étiez jamais venus.
Pansy déglutit. Elle était prise d'un élan de culpabilité. Maintenant que Granger en parlait, elle réalisait à quel point ils avaient été distants.
– Ce n'était pas notre intention, répondit-elle alors en s'avançant dans son siège, jusqu'à poser ses coudes sur ses genoux. Je pensais… Je pensais bêtement que tu serais mieux sans nous, que tu préférerais que nous soyons discrets.
Hermione renifla avec sarcasme, avant de hausser les épaules.
– Qu'est-ce que ça change ? Zabini avait raison, n'est-ce pas ? Il avait raison de croire que j'aurais pu faire quelque chose à Malefoy. Après tout, qui d'autre aurait pu ? Je suis la seule à vivre ici. Je suis la coupable toute trouvée.
– Il s'est trompé. Il le sait et je suis terriblement désolée pour ce qu'il a fait, Hermione. Il avait tort, nous savons très bien que tu n'aurais jamais fait une telle chose. Drago ne sort même pas de sa chambre, il passe ses journées dedans, et tu passes les tiennes à ta librairie. Je suis dé…
– Il ne sort pas ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils et en regardant Pansy.
– Jamais, répondit celle-ci d'un air dépité. Il parle à peine et je me demande s'il comprend parfois tout ce que l'on dit.
– Pourquoi ne comprendrait-il pas ?
Pansy se retint de sourire. Elle voyait au regard d'Hermione qu'elle avait piqué sa curiosité.
– Il ne réagit pas vraiment, c'est comme s'il n'était plus à l'intérieur de son corps.
– Il est peut-être simplement traumatisé. S'il a vécu tant d'années seul à Azkaban, il n'est pas étonnant qu'il soit si renfermé sur lui-même, lui fit remarquer Hermione dans un élan de lucidité.
– Tu crois ? s'inquiéta Pansy avant de soupirer. J'ai l'impression de ne pas faire assez pour l'aider…
– Il n'y a pas grand chose que tu puisses faire. C'est un travail qu'il va faire lui-même, je l'ai lu dans un livre de psychologie sorcière. Votre présence lui est bénéfique, mais à une fréquence trop régulière, cela peut donner l'inverse du résultat attendu. Il faut lui laisser de l'espace, lui laisser le temps de faire un pas vers vous de lui-même et d'avancer de son côté.
– Nous n'avons pas le choix, il faut bien vérifier qu'il est en bonne santé et lui amener à manger ! répliqua Pansy d'un air dépassé.
Cette dernière vit alors Hermione se mordre la lèvre et détourner la tête. Elle tripotait les manches de son haut avec anxiété, comme si elle cherchait à dire quelque chose mais qu'elle n'osait pas.
– Si c'est le fait de devoir lui fournir des repas qui pose problème, je pourrais le faire, annonça-t-elle timidement. Je crois que vous avez tous les deux beaucoup de travail et…
– Tu ferais ça ? demanda Pansy, subjuguée.
– Si ça peut aider, répondit Hermione en haussant les épaules.
– Je croyais que tu ne voulais plus avoir à le faire, que tu ne voulais plus entendre parler de lui ni l'aider d'une quelconque façon ?
Elle haussa les épaules à nouveau, visiblement peu encline à en discuter davantage.
– Merci, Granger. Merci pour tout. Je crois que nous oublions trop souvent que tout ça est grâce à toi.
Pansy eut juste le temps d'apercevoir un léger sourire sur ses lèvres, avant qu'il ne disparaisse.
oOo
Pansy était restée dîner. Hermione et elle avaient passé la soirée ensemble à discuter calmement, à la plus grande surprise de la Gryffondor. Elles n'avaient jamais été particulièrement proches, ni n'avaient beaucoup échangé, Hermione avait alors eu l'occasion de découvrir une jeune femme particulièrement intelligente et qui avait le don de savoir comment s'y prendre avec elle.
Lorsque Pansy avait quitté la France en portoloin, il était minuit passé. Hermione en ressortait épuisée. Leurs discussions avaient tourné autour de sujets lourds et importants dans leurs vies à toutes les deux. Elle avait alors réalisé à quel point elles se ressemblaient.
Pansy lui avait fait part de ses craintes depuis la fin de la guerre, de ses cauchemars et des réflexes qu'elle n'avait jamais perdus. Hermione lui avait parlé des siens, de ses crises de panique et de son incapacité à se servir de la magie correctement.
Toute cette conversation, installées sous les étoiles du mois de juin, sur la table extérieure de sa maison, lui avait rappelé celles qu'elle avait pu avoir enfant avec ses cousins moldus, à l'heure du coucher. Hermione savait que ce moment avait été unique, une exception à leurs vies mouvementées, et elle s'en satisfaisait. Elles étaient restées ainsi jusqu'à ce que Pansy commence à s'endormir.
Elle était partie seulement dix minutes plus tôt et pourtant, Hermione se sentait déjà terriblement seule. Ce semblant de sociabilité lui avait fait plus de bien qu'elle ne l'aurait cru, bien que cela soit une épreuve considérable.
En rentrant dans son séjour, accompagnée par Albert qui était revenu à ses côtés dès que Pansy était partie, elle fixa du regard le grand sofa sur lequel elle dormait depuis des semaines. Elle serra les dents. Elle n'avait aucune envie de dormir ici ce soir-là. Son lit lui manquait plus qu'elle ne l'aurait cru.
Ainsi, après avoir préparé une gamelle pour Albert, elle prit son courage à deux mains et se dirigea vers l'étage. Elle monta difficilement chacune des marches, l'appréhension la prenant aux tripes.
Ses mains tremblaient sur la rambarde, mais elle ne s'arrêta pas en chemin. Elle voulait dormir dans son lit.
Elle souffla un grand coup en posant son pied sur le parquet de l'étage. Elle y était presque. Elle faisait désormais face à la porte ouverte de la salle de bain.
Ouverte ?
Elle fronça les sourcils. Les portes de la maison restaient toujours fermées pour ne pas laisser passer Albert n'importe où.
Elle remarqua alors que la pièce était sens dessus dessous. Des débris de verres et des résidus de potions en tous genres étaient éparpillés sur le sol. Sa brosse à dent, des serviettes de bain et un bloc de savon étaient mêlés à ce bazard. Elle osa à peine s'en approcher.
Son cœur tambourinait dans sa poitrine alors qu'elle cherchait une explication à ce qu'elle venait de découvrir.
Est-ce qu'on l'avait cambriolée ? Est-ce que quelqu'un se cachait chez elle sans qu'elle ne le sache ?
Après tout, Pansy lui avait bien dit que Malefoy ne sortait pas de sa chambre, n'est-ce pas ?
Et si elle s'était trompée ?
Hermione s'approcha lentement de la porte, la respiration particulièrement rapide. Elle s'agenouilla sur le sol, en prenant garde à ne pas se blesser avec du verre et observa attentivement les restes de ce qui ressemblait à une tempête intérieure.
Elle remarqua alors quelques gouttes de sang sur le carrelage blanc et les morceaux de verre. Ce n'était donc pas volontaire, elle doutait du fait qu'un cambrioleur soit assez maladroit pour se blesser. Et puis, que pourrait-on bien vouloir voler ?
Ce furent les quelques cheveux blonds sur le sol qui lui firent réaliser qui était entré. Elle resta sous le choc. Il était donc sorti. Pansy se trompait.
Elle se leva et recula, comme poussée en arrière par une force invisible. Une force aussi appelée la peur. S'il avait pu entrer là, où était-il entré d'autre ?
Cette simple idée réveilla ses plus profondes angoisses. Elle s'apprêtait à s'enfuir au rez-de-chaussé, à rappeler Pansy et lui dire d'oublier sa proposition, lorsque…
Elle vit l'armoire vide. L'armoire qui contenait ses potions de sommeil sans rêves.
Il avait pris ses potions. Et pas qu'un peu.
Cette réalisation la calma aussitôt. Il avait récupéré de quoi dormir.
Elle se laissa tomber dans le fauteuil du couloir et se prit le visage dans les mains. Il fallait qu'elle se calme, qu'elle prenne sur elle et qu'elle s'empêche de contacter Parkinson. Elle pouvait le faire. Elle pouvait tenir sa promesse.
Il était un humain, comme elle. Il semblait être dans le même état qu'elle, voire pire. Elle ne pouvait pas lui faire payer ses propres angoisses. Hermione Granger ne pouvait pas se le permettre.
Elle releva la tête vers la porte de la chambre d'ami que Malefoy habitait depuis près de deux mois et la fixa pendant de longues secondes. Devait-elle le prévenir de ce qu'elle avait décidé avec Pansy ? Devait-elle lui proposer de partager la réserve de potions qu'elle avait, avec lui ?
Après tout, si quelqu'un pouvait comprendre à quel point ces potions étaient utiles, c'était bien elle. Elle ne pouvait pas les lui refuser. Elle en avait un stock complet pour elle dans la salle de bain du rez-de-chaussée.
Elle se décida à se lever et s'approcha silencieusement de la porte.
Humain. Il était humain et souffrait, comme elle. C'était ce qu'elle se répétait pour se convaincre de ne pas reculer.
Elle leva la main à hauteur de son visage, prête à toquer. Et s'il ne répondait pas ? Et s'il réagissait mal ?
Après tout, ils ne s'étaient jamais parlé. Elle n'avait jamais approché cette porte ni son étage lorsqu'il était réveillé.
Elle se mordit la lèvre et laissa retomber sa main.
Pas ce soir. Elle n'était pas prête. Il lui faudrait faire les choses petit à petit si elle voulait lui prouver qu'elle ne lui voulait aucun mal. Elle se contenterait de réapprovisionner la salle de bain de l'étage en potions et de la nettoyer.
Elle le ferait le lendemain.
Et voilà pour aujourd'hui ! Merci à Lyra, Damelith et Akhmaleone pour leur aide et soutien !
On se retrouve lundi 26/12 pour la suite !
N'oubliez pas de laisser un commentaire et de suivre l'histoire pour me soutenir !
