Hermione avait tout prévu. Avec minutie. Depuis des jours.

Elle avait tout imaginé en avance, lors de ses pauses à la librairie, lorsqu'elle préparait les repas ou encore quand elle étendait le linge. Elle avait changé d'avis une bonne dizaine de fois avant de se tenir à un plan fixe. Elle était prête mentalement.

La table de la salle à manger était mise pour deux. Un grand plateau en bois était prêt à être monté à l'étage. Trois bouteilles de bière moldue étaient posées sur la table basse du salon. Elle avait aussi sorti du jus de pomme, incertaine de ce que ses invités boiraient.

Harry lui avait proposé une semaine plus tôt de venir avec Théo pour qu'ils puissent toutes et tous se voir. Il avait l'air de vouloir changer les choses. Elle n'avait pas pu refuser.

L'envie s'était faite ressentir, cependant. Elle avait songé à un refus, se remémorant l'absence de son meilleur ami ces derniers mois et ses lettres égocentrées auxquelles elle ne répondait jamais. Elle s'était souvenue de toutes ces fois où elle avait espéré qu'il abandonnerait l'idée qu'elle accueille Malefoy, où elle avait espéré qu'ils renoueraient. Cette lettre lui avait rappelé ces fois où elle aurait aimé qu'il la contacte juste pour se voir, discuter, sortir, et non pas pour la supplier.

Pourtant, elle avait bien vite oublié tout cela en se remémorant le visage et le sourire de son meilleur ami. Harry lui manquait bien trop. Elle avait besoin de lui, quoique son besoin de solitude puisse en penser, quoique sa rancune puisse lui suggérer. Elle avait besoin de lui parler, de se confier, de le serrer dans ses bras et de lui dire à quel point il lui manquait.

Elle se mentirait à elle-même en disant que ce n'était pas le cas.

Il était son meilleur ami. Son seul ami, en réalité. Sa seule famille. La seule personne qui comptait vraiment pour elle.

Elle avait été dans le déni pendant des semaines, elle s'était sentie capable de s'en sortir sans personne. Elle s'était persuadée de ne plus avoir besoin de lui, alors même qu'elle ressentait autant de jalousie en lisant ses récits si parfaits. Elle avait besoin de Harry. Elle avait besoin de son soutien, de sa présence, de son amour.

Alors elle angoissait. Elle préparait son arrivée depuis deux jours. Elle n'était pas allée travailler depuis. Elle avait besoin de calme et de temps. Elle avait besoin de se préparer à le revoir.

Le fait qu'Harry lui présente officiellement son mari n'arrangeait en rien sa panique déjà bien présente.

Bien sûr, elle avait déjà croisé Théo à Poudlard et lui avait même parlé quelques fois, mais les circonstances de leur sixième année avaient rendu la rencontre "officielle" impossible. Et elle ne voulait pas compter les procès comme tel, étant donné l'état dans lequel s'était trouvé son meilleur ami à l'époque.

Elle se souvenait de son regard vide, de ses épaules basses et de ses paroles fatalistes. Il n'avait pas eu l'impression d'avoir remporté la guerre.

La tension qui subsistait dans la nuque d'Hermione lui pesait depuis quelques jours. Elle n'arrivait pas à se détendre et savait qu'il s'agissait d'une des conséquences de son stress. Ses muscles étaient si contractés qu'elle en devenait migraineuse. Elle avait besoin de bouger, de marcher, pour ne pas exploser, pour ne pas craquer.

Ce fut le bruit cahotant d'un moteur qui la sortit de ses pensées. Les battements de son cœur s'accélérèrent, un poids se forma dans son estomac et des fourmillements apparurent dans le bout de ses doigts. Tous ses symptômes de stress.

Elle se passa une main derrière la nuque, espérant détendre ses épaules pour se calmer.

Ce n'était que Harry. Ce n'était que son meilleur ami, celui avec qui elle avait grandi, avec qui elle avait déjà tout vécu.

Elle dut attendre quelques minutes avant que la sonnette moldue résonne dans le séjour. Elle était restée figée au milieu de son salon, incapable de réfléchir de manière concise. Toutes ses pensées s'emmêlaient.

Elle prit alors une longue inspiration. La dernière fois que cette mélodie avait résonné à ses oreilles, on lui avait annoncé un décès. Un décès important.

Elle ferma les yeux. Ce n'était que Harry. Il n'allait rien lui annoncer de désastreux.

Albert se mit à aboyer depuis sa place près de la cheminée et se leva pour rejoindre la porte d'entrée. Il se frotta à ses jambes au passage, mais elle le remarqua à peine.

Ce n'était que Harry.

Elle se mit en marche, sa migraine frappant toujours à ses tempes, et posa sa main sur la poignée.

Harry portait un pull d'hiver brun et un jean délavé qui lui tirèrent presque un sourire. Il avait toujours tendance à trop se vêtir lorsqu'il venait lui rendre visite. Lorsqu'elle avait emménagé en France, il s'était renseigné sur la région – dont il n'avait jamais entendu parler auparavant – et avait appris que, même en été, il avait tendance à faire plus froid qu'ailleurs.

Ainsi, à chacun de ses passages chez elle, il portait un pull, ou bien un manteau, qui contrastait la majorité du temps avec la température extérieure. Hermione dut cependant reconnaître que si cette journée était ensoleillée et que la température était tempérée, ce n'avait pas été le cas de la semaine passée. Comme quoi, Harry n'avait pas toujours tort.

Théodore était habillé plus légèrement, mais avec une élégance sans faille. Un pantalon en lin beige, une chemise blanche ouverte de deux boutons, une paire de bretelles noires fermement accrochées à son pantalon, un veston beige et des chaussures de villes noires. Une vraie tenue de moldu.

Elle ne put s'empêcher de faire une comparaison avec Malefoy, qui était lui aussi sorti d'Azkaban trois mois plus tôt, mais qui pourtant n'avait rien à voir avec l'homme qui lui faisait face. Le contraste était frappant.

Il était propre, calme et se tenait fièrement debout derrière son époux. Il avait une prestance qu'elle n'avait pas vue chez Malefoy depuis leurs années à Poudlard.

Elle tourna les yeux vers son meilleur ami qui, lui, ne se tenait pas aussi droit que son mari.

Les cheveux de Harry étaient en bataille, pour changer. Ceux de Théo étaient coiffés avec précision.

Les lunettes de Harry étaient abîmées. Celles de Théo ne l'étaient pas, elles semblaient même luxueuses.

La montre au poignet d'Harry était moldue et en plastique. La chaîne en or de la montre à gousset de Théo était parfaitement ajustée dans la poche de son veston.

Le regard vert de Harry la transperçait. Les yeux marrons de Théo observaient les alentours avec curiosité.

Il était étrange de les voir côte à côte tant leurs disparités étaient flagrantes. Ils lui semblèrent si différents que, l'espace d'un instant, Hermione se demanda ce qui avait un jour pu les rapprocher.

Puis Théo tourna les yeux vers son mari et elle se souvint. L'étincelle qu'elle y vit, alors qu'il repositionnait son bras sous celui de Harry, lui rappela l'amour flagrant qui flottait entre eux. Cette étincelle de reconnaissance, de tendresse, de fierté, mais aussi et surtout d'abnégation. Théodore aurait été prêt à tout pour lui et Hermione savait que la réciproque était vraie.

Elle tourna la tête vers Harry qui, lui, n'avait pas cessé une seule seconde de la regarder depuis qu'elle avait ouvert la porte. Elle se plongea dans son regard pendant quelques instants.

Le temps semblait s'être arrêté alors qu'elle réalisait celui qu'ils avaient perdu. Ces quelques mois avaient paru durer une éternité comparé à tous ces moments passés l'un avec l'autre. Le manque lui enserrait le ventre.

– Harry, chuchota-t-elle comme un appel.

Et il le reçut ainsi.

Elle lui tomba dans les bras et blottit son visage dans le creux de son cou, alors que le reste du monde disparaissait autour d'elle, autour d'eux. Il n'y avait plus que lui, son torse, sa chaleur et le menton qu'il avait posé sur son crâne.

Ils ne parlèrent pas, ils n'en avaient pas encore besoin. Ils se retrouvaient et c'était tout ce qui comptait.

Ce n'était que Harry, après tout.

Quelques minutes passèrent ainsi, en silence. Si silencieusement qu'Hermione crut entendre les battements du cœur de son meilleur ami.

Finalement, ce fut un aboiement d'Albert qui les sépara. Il avait aperçu Théodore – qui s'était éloigné de son mari pour leur laisser de la place – derrière Harry. Il grognait, les dents sorties et le regard fixé sur l'intrus qu'il n'avait jamais vu dans les alentours.

Et comme chaque fois que la jeune femme baissait les yeux vers son chien, Hermione sentit toutes ses appréhensions précédentes et les émotions multiples qui la tiraillaient disparaître en un clin d'oeil. Elle s'agenouilla près d'Albert et posa une main sur son crâne poilu au passage.

– Tout va bien, mon grand, chuchota-t-elle en passant un bras autour de lui pour le calmer. C'est Théodore, le mari de Harry.

En disant cela, Hermione leva les yeux vers le concerné, qui l'observait avec une curiosité évidente. Il se tenait parfaitement droit, les mains dans les poches, la bouche tordue par un très léger rictus. Ses paupières étaient plissées, comme si, d'un seul regard, il cherchait à trouver sur son visage les réponses à toutes ses questions.

C'était un homme étrange, Hermione l'avait toujours pensé. Pas négativement, bien sûr, il restait le compagnon de Harry et elle n'avait rien contre lui. Même si elle ne lui avait que vaguement parlé à Poudlard – par l'intervalle de Harry – cela ne l'avait jamais empêchée de se faire sa propre opinion de lui. Une bonne opinion de lui. Il rendait son meilleur ami heureux, elle ne pouvait pas lui en demander plus.

Cependant, Théodore avait toujours cette tendance à la regarder comme s'il comprenait chacune de ses intentions, de ses pensées ou de ses émotions. Comme s'il lisait en elle tel un livre ouvert.

Oh bien sûr, elle n'était pas du genre à cacher ce qu'elle ressentait, elle ne l'avait d'ailleurs jamais été. Mais Hermione ne se considérait pas comme quelqu'un d'extraverti, de particulièrement ouvert aux autres – au contraire –, ni même très transparente sur ses ressentis pour autant.

Pourtant, Théodore savait. Elle en était certaine. Elle ne savait pas quoi exactement, mais il savait.

– Granger, la salua-t-il avec un mouvement de tête.

– Nott, répondit-elle d'un ton tout aussi formel que le sien, en se levant, la main toujours posée sur le crâne d'Albert.

– Nous avons apporté le déjeuner, intervint Harry, les coupant dans leur jeu de regards.

Elle tourna les yeux et le remercia, bien qu'elle sache déjà qu'il l'avait fait. Elle comprit qu'il avait seulement voulu interrompre cet instant qui aurait pu durer une éternité.

– Entrez, leur proposa-t-elle en se décalant pour les laisser passer.

Ce faisant, ses angoisses reprirent place au creux de son estomac. Les retrouvailles passées, la réalité la frappait de nouveau.

Harry sortit quelque chose de sa poche et dégaina sa baguette. Elle fit de son mieux pour ne pas reculer à ce geste. Il agrandit ensuite ce qu'il tenait avec un sort et une glacière moldue des plus basiques fit son apparition. Il la déposa sur la table, suivi de près par Théodore, et se tourna vers elle.

Avant même qu'il ne puisse s'exprimer, elle l'interrompit.

– J'ai tout préparé, dit-elle rapidement en désignant les assiettes et le plateau posés sur la table. Malefoy est en haut et… Je crois qu'il préfère manger là-haut.

Elle se contenta de cette justification. Elle n'avait pas envie de s'étaler sur le peu de déplacements de son colocataire, pas plus que cela ne la regardait. Elle vivait avec lui, c'était tout. Elle ne voulait pas connaître ses ressentis ni même les raisons de son isolement. Cela lui convenait. C'était simple.

Elle lui apportait ses repas, lavait son linge et remplissait son placard avec des potions. Par simple politesse. Par simple humanité. Par simple compassion.

Théodore la fixa quelques secondes, du même regard calculateur que précédemment, avant de hocher la tête. Il s'empara de quelques boîtes en plastique dans la glacière et les déposa sur le plateau. Il se tourna ensuite vers Harry.

Hermione observa alors quelque chose qu'elle n'avait pas vu depuis des années. Leur amour, le lien qui les unissait.

Théo semblait regarder son mari d'une manière toute aussi mystérieuse qu'il l'avait fait avec elle et, pourtant, cela suffit à ce que Harry s'approche de lui et prenne son visage en coupe, comme s'il le comprenait d'un seul regard. Le tout comme si elle n'était pas là. C'était impressionnant. Ils avaient toujours eu cette capacité à se comprendre par un simple regard.

– Hey, tout va bien, sourit Harry en caressant sa joue.

Hermione se sentit soudainement de trop. Elle eut envie de s'en aller, de leur laisser de l'espace. Elle comprenait que Théodore puisse être anxieux à l'idée de retrouver son ami, du moins, ce fut ainsi qu'elle interpréta leur échange. Après tout, elle réagissait elle-même ainsi.

Finalement, avant qu'elle n'ait pu se motiver à changer de pièce, Théodore hocha la tête et Harry l'embrassa sur le front. Ce dernier le regarda ensuite récupérer le plateau, jeter un œil à la maîtresse de maison, puis se diriger vers les escaliers qui menaient à l'étage. Une seconde plus tard, il n'était plus là.

Et le silence reprit place. Lourd. Pesant. Douloureux.

Elle voulait dire quelque chose. Elle voulait ouvrir la bouche et briser ce silence, mais elle n'y parvenait pas. Elle n'arrivait même pas à regarder Harry. Elle fixait l'escalier, comme si cela allait l'aider à oublier qu'il était là, à deux mètres d'elle et qu'ils allaient devoir déjeuner ensemble.

– Je lui ai expliqué où était la chambre de Malefoy, se justifia soudainement Harry.

Elle leva la tête vers lui et cligna des yeux plusieurs fois, incertaine de savoir quoi répondre. Elle ne s'était même pas demandée comment Théodore avait su où se trouvait la chambre de Malefoy. Et elle s'en fichait. C'était bien le dernier de ses soucis en cet instant.

Elle hocha la tête et s'approcha de la glacière pour en sortir son contenu. Il fallait qu'elle se concentre sur autre chose, sur une tâche simple. Installer le repas sur la table en était une et ce serait parfait.

La tête baissée sur ses mains tremblantes et crispées, elle s'exécuta avec précipitation. Elle fit tomber plusieurs fois des couverts ou aliments et se morigéna intérieurement pour sa maladresse.

Harry sembla enclin à l'aider, mais elle fit semblant de ne pas le voir. Elle continua jusqu'à ce qu'ils soient assis l'un en face de l'autre, en silence.

Bizarrement, si, à l'instant où elle l'avait vu, Hermione avait voulu se blottir dans les bras de Harry, ce n'était plus du tout le cas. Ses appréhensions étaient de retour et sa colère envers lui gonflait dans sa poitrine.

Elle se remémorait une à une les lettres de son meilleur ami, son absence et les moments d'horreurs qu'elle avait vécus, lors desquels elle avait espéré que Harry vienne la soutenir. Il n'avait jamais été là. Et elle lui en voulait.

Pourtant, elle restait immobile et silencieuse. Elle n'avait rien à lui dire pour le moment. Elle attendait.

Elle se contentait de garder la tête basse, fixait son assiette vide et écoutait les ronflements d'Albert qui s'était allongé près de la cheminée aussitôt avait-il compris qu'aucun danger ne les menaçait.

– Je suis désolé, fit soudainement Harry.

Elle ne releva pas la tête. Elle se contenta de déglutir en silence. Elle n'avait rien de plus à lui dire, rien à lui répondre. Elle commença à tripoter sa fourchette, dans un mouvement qui trahissait son anxiété. Sa gorge était bien trop serrée pour qu'elle puisse avaler quoi que ce soit.

Elle songea que son ami était probablement en train de faire la même chose qu'elle. Ruminer. Elle le connaissait par cœur, elle savait qu'il était aussi anxieux qu'elle. Elle n'avait pas besoin de le regarder pour ça.

Et elle savait qu'il le montrait tout autant qu'elle. En mordillant sa lèvre inférieure, en réajustant ses lunettes sur son nez, en triturant les fils qui dépassaient de son pull ou en rongeant les peaux mortes autour des ongles. Il avait des tas de façons de le laisser paraître.

– J'ai été le pire des égoïstes, reprit-il après un long silence. Je n'ai pensé qu'à moi ces derniers mois.

Ces dernières années, pensa-t-elle amèrement sans oser le dire à voix haute. À vrai dire, elle le réalisait petit à petit. Elle n'était pas prête à l'assumer, elle se trouvait trop faible de ne jamais avoir agi. Elle avait exprimé elle-même son besoin de solitude, mais avec le recul, Hermione réalisait que la réaction de ses proches n'aurait pas dû être celle qu'ils avaient eue. Ils n'auraient pas dû accepter en silence. Ce n'était pas ce qu'elle aurait fait pour eux.

Elle sentait des larmes lui monter aux yeux.

– J'étais aveuglé par… Je ne sais pas par quoi, peut-être par mon envie de retrouver Théo, ou bien…

Il se tut. Elle n'eut pas besoin de le regarder pour savoir qu'il avait détourné les yeux et qu'il serrait les dents. Elle le connaissait par cœur. Même après toutes ces années.

– Je suis désolé, Hermione, continua-t-il.

Du coin de l'œil, elle le vit se prendre la tête dans les mains.

– J'ai merdé. J'ai même plus que merdé. J'ai été égoïste et je t'ai abandonnée.

Elle déglutit pour retenir un sanglot. Ses larmes coulaient librement désormais, mais elle se gardait de le lui montrer. Elle avait honte.

Elle entendit la chaise de Harry racler sur le sol et deux secondes plus tard, il se trouvait accroupi à sa droite et il posa ses mains sur sa cuisse avec hésitation.

– Regarde-moi, la supplia-t-il à voix basse.

Elle ferma les yeux, les mains tremblant au-dessus de son assiette.

– Je suis tellement désolé, Hermione. Je n'ai aucune idée de comment me faire pardonner. J'ai…

Il retint un sanglot et utilisa la manche de son pull pour s'essuyer le nez. Il était dans le même état qu'elle. Hermione le sentait, l'entendait, le voyait.

– J'ai réalisé que je m'étais enfermé dans une bulle qui n'était pas la réalité, qui était même très éloignée de la réalité. J'étais avec Théo, je… je ne voyais personne d'autre et je me contentais d'envoyer des lettres pour raconter mon quotidien avec lui. J'ai été égoïste. Je croyais que… Je croyais que ça suffisait. Je croyais que c'était ce que tout le monde attendait, après toutes ces années de combat pour qu'il soit libéré. J'ai cru que ça suffirait à ce que les choses rentrent dans l'ordre, qu'après mon comportement de ces dernières années et la façon dont j'ai traité tout le monde pour que Théo soit libéré… je vous devais bien ça.

D'autres larmes s'échappèrent des yeux d'Hermione, mais elle ne le regarda pas. Elle n'avait rien à dire. Ou trop à dire.

– J'ai été égoïste, répéta-t-il une énième fois. Tout allait bien entre Théo et moi, alors je me suis dit que… je me suis dit que c'était le cas pour les autres. Et puis je l'ai vu essayer de me cacher qu'il ne se remettait pas aussi bien d'Azkaban que ce qu'il essayait de me faire croire et… J'ai réalisé que je m'étais bercé d'illusions le concernant, mais aussi vous concernant. J'ai été aveuglé. J'ai été tellement… tellement con, Hermione.

Il se tut à nouveau et baissa la tête. Il laissa retomber ses mains sur ses propres cuisses et Hermione se sentit nue, abandonnée. Elle déglutit, incertaine de quoi faire, ou bien quoi dire.

Il aurait été hypocrite de sa part de dire qu'elle ne comprenait pas le point de vue de Harry. Elle l'avait écouté et elle s'était mise à sa place. Cela faisait sens, d'une certaine façon.

Cependant, cela ne l'excusait en rien. Elle le savait.

– Je ne sais pas quoi faire pour me faire pardonner, Hermione, avoua-t-il dans un murmure. Je pensais que m'excuser apaiserait les choses, idiotement, mais maintenant, je réalise que ça ne suffit pas. Ça ne suffira jamais, en fait.

Hermione se sentait tiraillée.

Elle lui en voulait. Elle s'était sentie abandonnée, seule – malgré le fait qu'elle l'ait voulu en partie – et terriblement mal.

Pourtant, le voir ainsi, si triste, presque détruit par ses remords, et agenouillé à ses côtés, en pleurs, lui brisait le cœur. Son meilleur ami lui manquait. Sa présence, ses mots, ses sourires et ses embrassades lui manquaient. Et même si, lors des années précédant la loi Mangemort, il n'avait pas été présent chaque jour à ses côtés, il l'avait tout de même été par l'esprit, et par les courriers sincères qu'il lui envoyait. Et elle ne pouvait pas cracher dessus.

C'était comme ça qu'ils fonctionnaient, n'est-ce pas ? Ils merdaient, s'excusaient et tout rentrait dans l'ordre. Ils avaient toujours agi ainsi.

Le raclement de sa chaise fit un bruit d'enfer, si bien qu'elle craignit de réveiller Albert, mais celui-ci était un bien trop grand dormeur pour cela.

Elle tomba à genoux devant Harry et attrapa ses mains à l'instant même où il leva les yeux vers elle.

– Je veux que tu me fasses une promesse, fit-elle, le cœur battant et les yeux embués par les larmes.

Il hocha la tête sans attendre.

– Plus jamais ça. Parce que Harry, la prochaine fois, je ne pourrai pas passer outre.

oOo

Théo était immobile, figé à l'entrée de la chambre. Le plateau dans les mains et la porte grande ouverte, il fixait Drago droit dans les yeux.

Celui-ci n'avait aucune idée de quoi faire, il resta donc silencieux et tout aussi immobile que son ami. Il avait du mal à croire qu'il lui faisait face.

Et lorsqu'il comprit que Théodore avait grimpé les marches de l'escalier, qu'il était venu le rejoindre dans sa chambre avec leur repas et qu'il avait fait tout cela pour lui, Drago sentit une vague de jalousie le traverser. Il avait réussi. Il faisait des choses dont Drago se sentait tout simplement incapable.

Mais il n'y avait pas que ça . Il y avait quelque chose d'autre. Quelque chose de plus fort.

– Salut, vieux.

De la détermination. Oui. C'était ça.


Et voilà pour aujourd'hui ! Merci à Lyra, Damelith et Akhmaleone pour leur aide et soutien ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite ! N'oubliez pas de laisser un commentaire et de suivre l'histoire pour me soutenir !