Désolée de ne pas avoir répondu aux reviews, je traverse un mois compliqué. Mais je les ai toutes lues et je vous remercie grandement de me les envoyer, ça aide beaucoup.


Hermione était installée derrière son comptoir, occupée à finaliser sa dernière commande. Celle-ci était arrivée la veille, après plusieurs semaines d'attente, elle devait donc à présent trier les ouvrages, vérifier que le bon de livraison correspondait bien à ses demandes puis ajouter les livres dans son registre avant de les ranger en rayon.

Elle adorait ce genre de tâches. C'était un moyen parfait de se vider l'esprit et de se laisser aller. Elle se désolidarisait de sa tête, de ses pensées, il n'y avait plus que ses mains et ces livres. Elle n'avait pas besoin de réfléchir à autre chose que ces ouvrages, qui devaient être rangés à leur place, dans le bon rayon, dans la bonne étagère, dans le bon ordre. C'était son moment à elle.

Elle s'en occupait dès son arrivée à la librairie, juste avant l'ouverture. Elle commençait ainsi sa journée du bon pied, sans avoir à s'angoisser des potentiels clients désagréables ou dangereux qu'elle pourrait rencontrer.

Rares étaient ces occasions, mais elle en profitait chaque fois.

Et en ce matin de dix-neuf septembre, Hermione savait qu'elle en aurait plus besoin qu'un autre jour.

Albert avait senti son anxiété dès son réveil et ne l'avait pas quittée depuis. Il la suivait partout, au point qu'elle ait dû rester près de lui pour qu'il accepte de manger. C'était le parfait soutien moral. Si Albert sentait qu'elle n'allait pas bien – peu importait la raison – il trouvait toujours un moyen de la soutenir.

Elle se rappelait d'un soir, lors d'une crise d'angoisse, où il avait ramené dans sa gueule l'un de ses jouets en mousse, pensant l'aider à se calmer. Sa simple présence avait suffi. Il était son meilleur compagnon, son meilleur ami.

Pourtant, en ce début de journée, rien ne semblait capable d'apaiser Hermione. Ses mains tremblaient alors qu'elle essayait de noter les noms des ouvrages qu'elle avait reçus. Son écriture était illisible. L'intérieur de sa joue était gonflé à force d'avoir été mordillé. Ses jambes étaient lourdes tant elle était tendue.

Elle ne célébrait plus son anniversaire depuis longtemps. Elle ne voulait pas. Harry avait tenté de la faire sortir les premières années suivant la guerre, mais elle avait fini par lui demander d'arrêter.

Il n'avait plus jamais essayé.

Cette date était bien trop marquée par des souvenirs de ses parents, avec qui elle avait fêté la majorité de ses anniversaires. Ce jour de septembre lui laissait un goût amer dans la bouche, lui enserrait le cœur et la submergeait de tristesse. Sa mémoire était teintée par le deuil et non plus par l'amour.

Elle était donc décidée à faire de cette journée quelque chose de normal.

Et tout se déroulait à merveille, jusqu'à ce que la mélodie de la sonnette se déclenche dans l'entrée de la boutique. Elle fronça les sourcils. Elle n'était pas encore ouverte. Ce n'était pas normal.

La panique grimpa en flèche. Plus que de l'angoisse, c'était désormais une terreur qui l'envahissait. Les battements de son cœur s'accélérèrent aussitôt, alors qu'elle luttait pour ne pas lever les yeux vers la porte, trop effrayée à l'idée de tomber sur l'un des mangemorts qui hantaient ses nuits. C'était le plus probable, n'est-ce pas ? Qui d'autre pourrait lui vouloir quoi que ce soit à cette heure de la journée ?

Les yeux rouges de Greyback après s'être écarté du cou ensanglanté de Lavande Brown.

Les cheveux touffus et crasseux de Bellatrix Lestrange lui recouvrant le visage alors qu'elle la torturait.

Le sourire narquois et terrifiant de Yaxley.

L'haleine chaude et puante de Dolohov.

La cane et la tenue sur mesure de Lucius Malefoy.

Les regards fous des jumeaux Carrow.

Hermione était pétrifiée par la peur. Il était bien trop tôt pour recevoir de la visite. Le facteur ne venait jamais à cette heure-là.

Et si elle avait été suivie ? Et si quelqu'un attendait qu'elle soit occupée et distraite pour attaquer ? Après tout, elle avait perdu en vigilance ces dernières semaines. Elle s'était laissée prendre par les événements récents, elle n'avait pas fait assez attention.

Elle s'imaginait déjà enfermée dans un cachot délabré et torturée sous la baguette d'un monstre sanguinaire. Ses mains tremblaient sur ses feuilles de compte, alors qu'elle gardait obstinément la tête baissée.

Elle avait si peur. Albert n'avait qu'à peine réagi à l'entrée soudaine dans le magasin, habitué aux clients du village, mais Hermione savait que cela n'était pas normal. Elle envisageait le pire.

Ce fut le raclement de gorge de son visiteur qui l'obligea à bouger. Et ce furent les yeux émeraudes de Harry Potter qu'elle croisa.

– Nous avons utilisé un Retourneur de temps pour sauver Buck et Sirius en troisième année ! fit-il avant même qu'elle ne puisse vérifier son identité.

Ses appréhensions la quittèrent d'un seul coup. Elles s'échappèrent de son corps comme si on lui retirait violemment ses vêtements. Elle se sentait vidée.

– Harry, murmura-t-elle, peinant à y croire.

– Hermione ! Tout va bien ? s'inquiéta-t-il aussitôt en enjambant la distance qui les séparait pour la rejoindre.

Elle avait eu si peur. Si peur qu'elle n'eut pas à réfléchir une seule seconde avant de se laisser tomber dans les bras de Harry.

Elle éclata en sanglots en s'accrochant à lui comme si sa vie en dépendait. Sa présence lui permettait enfin de respirer, d'ouvrir les yeux et de réaliser que tout allait bien. C'était libérateur.

– Que se passe-t-il ? paniqua Harry en la serrant contre lui.

Albert aboyait derrière eux, mais elle n'y prêta pas attention, pas plus qu'elle ne répondit à son ami. Elle était ailleurs, loin, perdue dans ce changement d'émotion si soudain. Elle avait été tant chamboulée qu'il lui était encore difficile de s'en remettre.

Elle sentit qu'on la déplaçait, mais fut incapable de se concentrer sur le mouvement. Elle essayait de se concentrer sur sa respiration et de calmer le flux de pensées incohérentes qui avait envahi son esprit. C'était comme un millier de moucherons qui tournaient et bourdonnaient dans son crâne pour l'empêcher de se détendre. Il fallait qu'elle les évacue un par un.

Bientôt, lorsqu'elle reprit petit à petit conscience du monde qui l'entourait, elle réalisa qu'elle était sur les genoux de Harry, dans un fauteuil de lecture. Sa respiration était encore rapide et son rythme cardiaque aussi, mais, cette fois, Hermione pouvait entendre et comprendre les paroles de Harry.

– Tout va bien, Hermione, tout va bien. Je suis là et personne ne te veut du mal, répétait-il en murmurant.

Ainsi, il avait compris ce qui l'avait mise dans un tel état, réalisa-t-elle alors qu'elle fermait les yeux pour caler sa respiration sur la sienne. Il avait passé une main à la base de son crâne et caressait le haut de sa nuque pour l'apaiser. Il savait exactement comment s'y prendre.

– J'ai cru que… J'ai cru que j'allais me faire… attaquer, sanglota-t-elle en reniflant sans aucune grâce.

– Ce n'est que moi, Hermione, répondit-il tout bas. Je suis désolé de t'avoir fait aussi peur. Je voulais te faire une surprise.

L'aveu lui fit froncer les sourcils. Elle s'essuya les yeux et leva la tête vers lui.

– Une surprise ? répéta-t-elle, confuse.

Il se gratta l'arrière de la tête et détourna les yeux.

– Je sais que tu ne veux jamais fêter ton anniversaire, mais je voulais t'emmener quelque part aujourd'hui. Exceptionnellement.

Il avait parlé trop vite, pour ne pas qu'elle le coupe avant qu'il ne termine. Il semblait craindre sa réaction.

Celle-ci ne se fit pas attendre. Hermione se redressa dans ses bras et le scruta, incertaine de comment réagir.

Une partie d'elle se gonflait de colère en comprenant qu'il n'avait pas respecté sa volonté de faire de cette journée quelque chose de banal. Elle se l'était répété tant de fois avant qu'il ne rentre dans la boutique.

Pourtant, le voir ainsi, après tant d'émotions, lui donnait envie de passer du temps avec lui. Leur relation restait distante, malgré la dernière visite du brun jusqu'à chez elle. Ils s'envoyaient quelques courriers, mais Hermione avait encore du mal à interagir naturellement avec lui. Elle ne se confiait pas vraiment, elle n'en ressentait pas le besoin.

Ainsi, elle songea qu'il s'agirait peut-être de l'occasion de ressouder avec lui. Maintenant qu'il était là, près d'elle, Hermione fut transportée quelques années plus tôt, quand tout était normal, quand tout était bien.

– Où ? demanda-t-elle en se retirant de ses genoux.

Albert vint se frotter à ses jambes. Elle passa sa main dans son pelage blanc, alors que Harry lui renvoyait un regard étonné. Il ne s'était visiblement pas attendu à ce qu'elle accepte.

– C'est une surprise, répondit-il en faisant de son mieux pour cacher son excitation.

Hermione se mordit la lèvre, incertaine. Elle était tentée de le suivre, mais les souvenirs de leur dernière escapade à deux lui revinrent à l'esprit. Et si, pour une quelconque raison, ils se devaient de fuir et de parcourir le pays pour se cacher ?

– Nous serons en voiture, reprit Harry, la coupant dans ses pensées négatives.

– La même que la dernière fois ? demanda-t-elle en posant sa main sur l'avant-bras du jeune homme avec excitation.

– La même, acquiesça-t-il avec un petit rire. Nous avons deux heures et demie de route.

Aussitôt, Hermione commença à réfléchir aux différentes possibilités qu'un voyage de cette durée leur offrirait. L'Espagne ? Pau ? La mer ? L'océan ?

Elle imaginait des tas de choses et, ce faisant, Harry en profita pour fermer la boutique avec quelques coups de baguette, puis la fit sortir en la tirant par la main.

– Dis moi où nous allons, répéta-t-elle plusieurs fois sur le chemin jusqu'à la voiture.

Mais Harry refusa à chaque fois en riant.

Étrangement, rouler lui fit le plus grand bien. Elle se gardait de penser à sa librairie, à sa routine bousculée ou encore au fait que Harry lui rendait visite pour son anniversaire.

Elle se concentrait sur les paysages qui défilaient devant ses yeux, sur la voix de son meilleur ami alors qu'il lui parlait de son quotidien avec Théo et sur la tête d'Albert posée sur genoux, assis entre eux à l'avant.

Elle fermait parfois les yeux pour profiter du vent frais sur son visage au travers de la fenêtre. Elle se sentait bien. Elle se sentait apaisée.

Puis la mer se dessina devant ses yeux, après plusieurs heures de route et Hermione sourit largement.

– Je le savais ! s'exclama-t-elle avec joie.

Elle surprit le regard attendri de Harry, mais ne fit aucun commentaire à ce propos. Elle était bien trop heureuse de se trouver là.

Quelques minutes plus tard, ils atteignaient l'océan et la plage des côtes des Pyrénées Atlantiques se dessina quelques mètres sous eux.

Quand la voiture fut arrêtée, Hermione ouvrit la portière et sortit pour profiter de l'air maritime qui soufflait dans les alentours.

Elle tendit les bras en croix et prit une grande inspiration en fermant les yeux.

– C'est merveilleux, s'exclama-t-elle.

Le vent se déchaînait sur la côte, étouffant sa voix.

– Je sais à quel point tu aimes la mer, lui dit Harry en la rejoignant.

Elle faisait face à l'océan. Il leur faudrait marcher une centaine de mètres pour rejoindre la plage. Ils se trouvaient à l'orée d'une grande forêt.

– Je me suis dit que ça te changerait un peu d'air, ajouta-t-il en haussant les épaules.

Elle rouvrit les yeux et se tourna vers lui, un sourire doux sur les lèvres.

– Merci, fit-elle avec sincérité. Je crois que j'en avais besoin.

Elle se sentait bien. Elle se sentait apaisée.

oOo

Harry l'avait déposé une demi-heure plus tôt et pourtant, Théodore n'avait pas bougé de devant l'entrée. Il était immobile et fixait la porte comme si elle n'existait pas.

Il n'arrivait pas à se convaincre d'entrer. Il était anxieux.

Anxieux à l'idée que Drago, son meilleur ami, se révèle être encore une fois au fond du trou. Il ne gardait pas de bons souvenirs de leur dernière rencontre.

Le blond avait été silencieux tout du long, il n'avait qu'à peine osé croiser son regard, alors que Théo tentait de comprendre son état.

Après cela, il avait demandé des dizaines de fois à son mari de lui expliquer ce qui était arrivé à son meilleur ami, de lui expliquer les raisons de cet état presque léthargique dans lequel il l'avait retrouvé. Harry avait été incapable de lui répondre. Il n'avait pas voulu lui dire quoi que ce soit.

Cela avait été le moteur de disputes qui s'étaient chaque fois terminées au bord des larmes. Harry lui répétait que c'était à Drago de le lui dire et qu'il ne voulait pas lui faire du mal. Théo lui répondait qu'il avait besoin de savoir, qu'il s'inquiétait et qu'il était injuste qu'il ne soit pas dans la confidence de ce qui semblait être des horreurs.

Harry n'avait pas cédé. Pas plus que Pansy, ou Blaise. Et Théo continuait de s'inquiéter.

De plus, avec le décès récent de Daphné, il craignait de retrouver Drago dans un état plus pitoyable qu'auparavant. Il savait au moins une chose : son meilleur ami avait terriblement mal vécu l'annonce du décès de sa mère.

Harry lui avait proposé de rester chez eux, mais il avait refusé. Il n'avait aucune envie de rester seul et rater l'occasion de voir Drago, peu importait son état. Il préférait rester à ses côtés et lui montrer son soutien plutôt que de le laisser seul. Il était prêt à tout pour renouer avec lui.

Et puis, bien qu'il soit encore réticent à l'idée de se balader dans les villages adjacents et de se mêler à des inconnus, il restait tout de même envieux de voir ses amis. Pansy leur avait rendu visite quelques fois et ce, pour son plus grand plaisir.

Harry l'avait emmené une fois dans le village le plus proche. Il lui avait tenu fermement la main tout du long pour le rassurer, mais cela n'avait pas réussi à calmer Théo qui n'avait pas voulu rester plus de dix minutes.

Les gens les observaient, les jugeaient pour leur proximité, chuchotaient sur leur passage et cela avait été terrible à vivre. Théodore s'était senti oppressé. Il avait voulu courir sans s'arrêter et s'enfuir de cet endroit qui lui était affreux.

Harry avait fini par lui avouer que ses visites au village avaient changé depuis qu'ils s'y étaient rendus ensemble. Les habitants étaient parfois aigris, méchants, voire irrespectueux. Théodore en avait été choqué.

Une raison de plus de ne pas y retourner. Lui qui s'était imaginé que les Moldus seraient plus cléments puisqu'ils ne connaissaient pas son passé de Mangemort s'était lourdement trompé. Il ne voulait plus jamais y mettre les pieds, c'était bien trop traumatisant.

Ainsi, quitter le domaine du manoir pour se rendre jusque dans les Pyrénées se révélait être une épreuve de plus pour le jeune homme. Il abandonnait sa routine confortable, qui se résumait à du dessin et du repos.

Satine et Harry étaient les seules interactions qu'il avait. Il ne comptait pas les quelques visites de Pansy, c'était bien trop léger.

Et ce jour-là, il sortirait de sa zone de confort pour aller de lui-même voir Drago. Ils seraient seuls.

Après une longue réflexion, Théo se décida enfin à entrer dans la maison. La douce chaleur du foyer l'envahit et il ferma les yeux. Il y avait une odeur de cannelle qui flottait dans l'air, une odeur chaleureuse qui lui rappelait son atelier. C'était vivant.

Il ne s'attarda pas plus longtemps au rez-de-chaussée et se décida à rejoindre l'étage.

Quelle ne fut sa surprise, en se dirigeant vers les escaliers, de tomber nez à nez avec Drago, debout sur la dernière marche.

Ils s'immobilisèrent tous les deux. Théo était sous le choc, persuadé que son meilleur ami n'avait encore jamais quitté sa chambre. Après tout, Pansy ne lui avait jamais dit le contraire. Il s'était imaginé que Drago passait ses journées dans sa chambre à se morfondre et tourner en rond. Il s'était révolté de son état inerte et de cette pièce déshumanisante au possible. Les toilettes magiques installées par Pansy lui laissaient un goût amer dans la bouche.

Pourtant, Drago se tenait là, debout devant lui, accroché à la rambarde d'escaliers, et il semblait aussi choqué que Théo l'était.

Mais avant que celui-ci n'ait pu faire quoi que ce soit, le blond eut un mouvement de recul, comme effrayé.

– Attends ! s'exclama-t-il en le voyant remonter les marches sans le quitter des yeux. Tout va bien ! Je suis venu pour la journée.

Il s'en voulut alors de ne pas l'avoir prévenu. Si Harry faisait une surprise à Granger, cela n'aurait pas dû être son cas. Drago avait toujours détesté les surprises. Il devait désormais les haïr. Comment avait-il pu être si idiot ?

– Nous pouvons rester là-haut, si tu préfères, tenta-t-il en commençant à le suivre.

– Qu'est-ce que tu fais là ? lâcha Drago en atteignant le haut des marches.

Théo baissa les yeux sur la main du blond qu'il serrait si fort sur la rambarde que ses phalanges en devenaient blanches.

Théodore déglutit. Il était gêné, il ne se sentait pas à sa place. Il n'aurait pas dû venir.

– Harry est sorti avec Granger pour son anniversaire. Je me suis dit que…

Il hésita. Il se trouvait bête. Drago n'avait peut-être aucune envie de le voir. Peut-être ne l'imaginait-il même plus comme son ami. Il aurait dû prendre du recul, le laisser faire le premier pas pour ne pas le brusquer. Pourquoi était-il si sage quand cela concernait les autres, mais n'était-il pas capable de faire de même ?

– Je me suis dit que je pourrais en profiter pour venir te voir, finit-il par avouer.

Drago resta silencieux. Cela dura si longtemps que Théodore fut prêt à partir. Il s'imaginait déjà attendre toute la journée dans le séjour que Harry rentre.

Finalement, le blond se détourna et rejoignit sa chambre. La porte ne claqua pas. Ce fut un signe pour Théo, qui se décida à le rejoindre.

La pièce n'avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois. Les draps du lit étaient les mêmes, les meubles n'avaient pas bougé, la chouette – Wynn, d'après ce que Pansy lui avait dit – était endormie dans sa cage et la fenêtre était grande ouverte.

Le seul changement qu'il remarqua fut une pile de linge propre posée sur la commode de la chambre. C'était nouveau. Un autre indice qui prouvait que l'état de son ami n'était pas celui qu'il s'était imaginé.

Drago se tenait devant la fenêtre, les mains serrées dans les poches de son jogging gris, le regard perdu vers l'extérieur.

Théo l'observa quelques secondes. Son dos était courbé, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules. Ses cheveux avaient poussé jusqu'au bas de sa nuque et ses vêtements étaient trop grands. Il semblait flotter dedans.

Si d'apparence, Drago Malefoy n'était pas fatigué, son regard vers l'extérieur était empli d'un épuisement qui semblait ne jamais avoir été soulagé. Son âme était exténuée.

Théo déglutit. Il se sentait mal tout d'un coup. Ses questionnements revenaient à la charge. Pourquoi Drago n'était-il pas dans le même état que lui ? Pourquoi semblait-il avoir vécu bien pire ? Était-ce le cas ? Personne ne lui avait dit quoi que ce soit. Il s'était donc contenté d'assumer qu'ils avaient vécu la même chose. Il avait été naïf. C'était désormais si surréaliste…

Théo ne savait pas quoi dire, pas quoi faire. Il avait envie de renouer avec son ami, alors même qu'il avait l'impression qu'ils étaient à mille lieues l'un de l'autre. Alors même qu'il se sentait chanceux par rapport à lui. Alors même qu'il avait été capable de traverser le pays tandis que lui ne sortait pas de chez lui. Comment pourrait-il daigner lui adresser la parole alors qu'il avait vécu un paradis quand lui semblait avoir traversé les enfers ?

Il se sentait idiot de vouloir renouer. Harry l'avait poussé plusieurs fois à lui envoyer du courrier, il avait argué qu'une discussion par écrit serait peut-être plus simple, mais Théo avait refusé. Et heureusement. Il voulait que les choses se passent normalement, qu'ils puissent échanger de vive voix. Comme avant.

Mais peut-être avait-il été trop optimiste.

Drago semblait fermé à la discussion et son intrusion impromptue n'arrangeait rien à cela.

– Je suis désolé, j'aurais dû t'envoyer une lettre pour te prévenir de mon arrivée.

Drago haussa les épaules, mais Théo savait que cela lui importait plus qu'il ne l'admettrait jamais.

Il se balançait d'un pied sur l'autre.

– Tu veux sortir ? demanda-t-il, incertain.

Il voulait à tout prix faire un pas vers Drago, mais n'avait aucune idée de comment faire.

– Je suis bien ici, répondit-il d'un ton rauque, comme si le simple fait de parler était une épreuve.

Théo déglutit. Plus le temps passait et plus il se sentait mal à l'aise. Il se passa une main derrière la nuque.

– Tu veux que je m'en aille ? suggéra-t-il en grimaçant.

Alors, Drago tourna la tête vers lui et braqua son regard dans le sien.

Théo défaillit. Il se sentit assailli par la puissance des émotions qu'il y lut.

Tristesse. Colère. Jalousie. Anxiété. Tourment. Désespoir. Douleur.

Il sentit son cœur s'accélérer en voyant cela. C'était puissant. Il se recevait tout en pleine figure.

– Pourquoi es-tu là ?

Cette question le toucha plus qu'il ne l'aurait cru. Comme un pic, planté en plein cœur.

– Parce que tu es mon ami, répondit-il comme si c'était évident.

Son ton avait été enroué par l'émotion.

– Parce que nous l'avons toujours été, ajouta-t-il.

– Et c'est une raison de le rester ? Après tout ce qu'il s'est passé ?

Théo fronça les sourcils. Que voulait-il dire ?

– Il ne s'est rien passé.

Drago eut un rire ironique. Il souriait pour la première fois devant lui, bien que cela soit plus faux que tout.

– Tu te mens à toi-même. Il s'est passé bien trop de choses.

Le cœur de Théo battait la chamade, mais il se força à ne pas réagir. Il restait de marbre.

– Tu ne devrais pas être là.

– Bien sûr que si. Tu es mon meilleur ami.

– Tu crois ça ? Un meilleur ami ne mène pas ses amis en prison. Un meilleur ami ne pousse pas ses amis à servir le diable !

Théodore recula d'un pas, sous le choc. Alors c'était pour cela qu'il était si fermé ? Parce qu'il se sentait coupable ? Cela n'avait aucun sens. Cela aurait dû être autre chose, quelque chose de bien plus grave. Comment pouvait-il uniquement se concentrer là-dessus, après tout ce qu'il avait vécu ?

– Tu n'as rien fait de tout ça. Tu nous as toujours poussés au contraire car tu savais que le Seigneur des Ténèbres était mauvais. Tu n'as jamais cru à tout ça, Drago.

Celui-ci secoua la tête et se tourna à nouveau vers la fenêtre.

– Vous m'avez suivi et je ne vous en ai pas empêchés.

– Tu n'aurais pas pu. Mon père avait décidé quel serait mon avenir avant même que je naisse. Il voulait que je le suive dans ses combats, que je sois le même fidèle serviteur du Seigneur des Ténèbres qu'il l'était. Pansy n'a pas eu le choix non plus. Et même si nous l'avions pu, nous ne t'aurions jamais laissé seul !

– Vous avez risqué vos vies. Tu as perdu sept années de la tienne.

– Et tu n'y es pour rien. Nous étions en guerre, quoi que tu fasses, le résultat aurait été le même. J'ai été marqué contre mon gré. Personne n'aurait pu l'empêcher sans risque de se faire tuer. Ne te morigène pas pour quelque chose que tu n'as pas fait.

Drago resta silencieux et Théo en profita pour s'avancer précautionneusement vers lui.

– Si tu as besoin d'être pardonné, même pour quelque chose dont tu n'es pas coupable, je te pardonne, Drago.

Alors, les épaules du blond se détendirent et Théo sut qu'il avait eu raison de le faire.

oOo

Harry et Hermione se tenaient face à l'océan. La jeune femme avait relevé son pantalon jusqu'à ses genoux pour mettre les pieds dans l'eau, tandis que son ami l'observait, allongé sur le sable blanc.

L'après-midi était déjà bien entamée. Ils avaient passé une matinée merveilleuse, pleine de contemplations et de discussions. Beaucoup de choses avaient été mises à plat.

Ils avaient profité de ces instants pour aborder des sujets dont ils n'avaient encore jamais parlé. La manière dont chacun avait vécu les semaines de voyages qu'avait été la chasse aux horcruxes, les parents d'Hermione à qui elle n'avait jamais réussi à rendre la mémoire, ou encore ce qu'étaient devenues leurs différentes connaissances.

Si Harry avait remarqué la réticence qu'avait eue Hermione à parler de son état depuis la fin de la guerre – comme souvent – il n'avait fait aucun commentaire. Il n'avait aucune envie de gâcher cette journée. Il avait l'espoir que les choses fonctionnent entre eux, qu'enfin Hermione serait ouverte à renouer. Il avait l'impression qu'elle avait compris sa position, qu'elle avait compris qu'il avait fait de son mieux. C'était bien.

– Luna a rencontré Charlie lorsqu'elle est partie en vacances à la recherche de la femme qui a découvert les Nargoles. Elle ne l'a jamais trouvée et a fini par atterrir en Roumanie, où elle a logé chez Charlie. Ils ne se quittent plus depuis. Il paraît même qu'il envisage de rentrer en Angleterre.

Les informations comme celle-ci fusaient. Parfois, Hermione posait des questions, parfois elle se contentait d'hocher la tête.

– Angelina et George se sont séparés. Elle n'en pouvait plus de devoir supporter un deuil supplémentaire. D'après Bill, c'était pour le mieux.

Harry avait gardé contact avec l'aîné de la fratrie. Il échangeait parfois des lettres avec Molly, mais son principal contact avec le Royaume-Uni restait Bill. Ron ne lui parlait plus et Percy avait une dent contre lui. Inutile de mentionner George, qui ne s'en sortait pas entre alcool et dépression, ou Ginny, qui n'habitait même plus dans le pays.

– Dean vit dans le monde moldu, d'après les échos que j'ai eus. Il n'a presque plus aucun lien avec le monde magique, mis à part Seamus.

Hermione restait pensive la plupart du temps, comme si elle essayait de choisir si elle devait réagir ou non. Elle ne le faisait presque pas.

– Neville a repris le poste de Chourave.

Lorsque le soleil commença à décliner dans le ciel, ils se décidèrent à rentrer.

Harry se sentit libéré d'un poids. Il avait l'impression de retrouver sa meilleure amie.


Et voilà pour aujourd'hui ! Merci à Lyra, Damelith et Akhmaleone pour leur aide et soutien ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite ! N'oubliez pas de laisser un commentaire et de suivre l'histoire pour me soutenir !