TW : Dissociation/ Déréalisation
C'était la première chose qui lui était venue à l'esprit. Drago n'avait pas réfléchi bien longtemps. Seulement, maintenant qu'il se retrouvait devant le fait accompli, il ne savait quoi faire. Il était perdu.
Il avait fait bouillir de l'eau, mais n'était pas certain qu'un chocolat chaud se préparait ainsi. Il n'avait jamais vu de recette qui puisse lui indiquer comment faire. Pourquoi avait-il proposé cela ? Il avait envie de s'enterrer dans un trou et ne jamais en sortir. Pansy allait être déçue. Granger allait lui en vouloir. Il allait tout faire foirer. Et il détestait cela.
L'eau bouillait depuis quelques secondes déjà, mais Drago n'osait pas s'en approcher. Il se trouvait pitoyable ainsi. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il faisait chauffer de l'eau, il aurait dû pouvoir improviser quelque chose. Il en était pourtant incapable, c'était comme si son cerveau s'était vidé de toutes ses connaissances en cuisine.
Il s'était appuyé sur l'ilot central, la tête dans les mains, pour chercher une solution. Il n'avait pas de livre de recettes sous la main puisqu'il les avait tous laissés à l'étage. Il n'avait pas non plus d'idée de comment réaliser ce foutu chocolat chaud. Du chocolat, il en avait, mais de quoi d'autre avait-il besoin ? De l'eau ? Du sucre ? Du lait ? Il n'en avait aucune idée !
Toutes ces réflexions lui donnaient le tournis. Depuis quand prenait-il tant à cœur le fait de servir Hermione Granger ? Elle n'avait rien demandé, pourtant, il se retrouvait là à se torturer l'esprit pour la satisfaire. Pansy, c'était une chose, mais Granger ? Il ne la connaissait pas ! Elle n'était pas son amie ! Et si elle trouvait étrange le fait qu'il fasse autant de choses chez elle, pour elle ? Et si elle le disputait pour cet excès de confiance ?
Après tout, il cuisinait tous les jours depuis seulement une semaine et cela ne faisait que trois jours qu'il préparait les repas du midi. Il restait raisonnable, il ne s'imposait pas. Il n'osait même pas proposer à Granger de faire ceux du soir. Il avait peur qu'elle se mette en colère, sans trop savoir pourquoi. Il avait l'impression de marcher sur des œufs. Il s'attendait chaque matin à ce qu'elle lui demande d'arrêter, qu'elle lui fasse comprendre qu'il s'imposait trop et qu'il n'avait pas sa place ici.
Et pourtant, après si peu de temps et malgré toutes ces craintes, il se donnait déjà comme mission de satisfaire Granger et Pansy, de leur faire plaisir. Du moins, s'il parvenait à faire autre chose que bouillir de l'eau. Il voulait faire les choses bien. Il leur avait promis du chocolat chaud, pas du thé ou du café !
Cependant, plus les secondes passaient et plus Drago prenait de recul sur la situation. C'était invraisemblable. Plus rien n'avait de sens, il perdait la tête. Depuis quand avait-il pris la place des elfes avec lesquels il avait grandi ? Depuis quand le fait de cuisiner ou faire la vaisselle était devenu un plaisir et non plus une tâche ingrate ?
Soudainement, il avait l'impression de ne plus appartenir à sa propre réalité. Il observait la cuisine qui l'entourait sans la reconnaître, sans reconnaître quoi que ce soit. Il n'était pas censé être là. Ce n'était pas sa vie. Cette réalité ne lui appartenait pas. On lui mentait, on lui jouait un tour.
Il n'appartenait plus à son corps, il observait la scène depuis l'extérieur. Il était vide, il ne se souvenait pas avoir mis les pieds ici. Il cligna plusieurs fois des yeux, comme pour se réveiller, mais cela ne changea rien. Que faisait-il ici ? Ce n'était pas lui, ce n'était pas sa vie, sa présence ici n'avait pas de sens.
Il sentait la panique monter alors qu'il luttait pour remettre les pieds sur Terre. Ce n'était pas lui. Il ne cuisinait pas, il n'avait jamais appris à faire ça. Il était un sorcier, il était censé se servir de sa baguette. Que dirait son père lorsqu'il apprendrait qu'il remplaçait les elfes dans la cuisine ? Que penserait sa mère de lui si elle le voyait faire les tâches ingrates ? Que diraient ses amis lorsqu'ils le verraient ainsi ?
Son père le punirait probablement. Sa mère serait déçue, très certainement. Et ses amis… Il les perdrait, sans aucun doute. Il se retrouverait bientôt seul, abandonné. On le moquerait, on l'humilierait. Lui-même se sentait faible, insignifiant, il était tombé bien bas.
Tout cela était irréel. Il ne pouvait pas être là. Ce qu'il pensait vivre depuis des mois n'avait été qu'un jeu de son esprit, n'est-ce pas ? Ce n'était pas possible.
– Malefoy ?
Il sursauta et se retourna vivement vers Granger, qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Elle avait les sourcils froncés et le regardait avec inquiétude.
– Tout va bien ? demanda-t-elle. Pansy… Pansy m'a dit de venir voir, elle n'arrive pas à décrocher du film.
Drago déglutit et serra ses doigts sur le bois de l'ilot central. Il avait l'impression d'avoir perdu connaissance, que toutes ses réflexions n'avaient été qu'illusions. Sa tête tournait légèrement, il en avait des vertiges.
Comment une simple histoire de chocolat chaud avait-elle pu le mettre dans un tel état ?
Ce n'était pas lui ! Il aurait dû rire au nez de Granger et faire une remarque désobligeante sur ses cheveux fous, n'est-ce pas ? C'était lui, c'était ce Drago Malefoy qu'il était, n'est-ce pas ? Il aurait dû la regarder avec condescendance, il aurait dû être entouré de ses amis et la menacer.
Pourtant, les cheveux de Granger n'étaient pas fous. Ils étaient attachés en une queue de cheval lâche dans son dos et il n'avait aucune envie de lui rire au nez. Il n'avait pas souhaité le faire une seule fois depuis son arrivée ici. Il était seul et cela lui plaisait. Il ne voulait pas faire de mal à qui que ce soit. C'était absurde. Ce n'était pas lui, ce n'était plus lui.
Pourtant, il n'avait rien à faire là, il aurait dû être ailleurs, pas dans une maison perdue dans le sud de la France. Il aurait dû être à la tête d'une armée, comme le Seigneur des Ténèbres le lui avait promis le lendemain de son ralliement à ses rangs. Il aurait dû être dans son manoir et diriger une dizaine d'elfes de maison. Il aurait dû être marié à une Sang-Pur et avoir un héritier. Il aurait dû…
Il n'avait jamais voulu de ça. Il ne voulait pas de ça. Ce n'était pas lui non plus. Jamais. Pas avant, pas maintenant. Jamais. Ce n'était pas sa vie, il n'aspirait pas à cela. Cette époque lui semblait si lointaine, si éloignée de sa réalité, de son présent.
– Tu veux de l'aide ?
Il sursauta. Il avait oublié Granger. Il ferma les yeux et prit une grande inspiration. Il devait chasser toutes ces pensées, il devait oublier cette dimension qu'aurait été sa vie si les choses étaient différentes. Il était là, il était dans le présent, dans sa réalité.
– Non, non.
Il n'avait pas besoin d'elle, se répétait-il. Il était capable de se débrouiller. Il savait faire tout ça. N'est-ce pas ?
Et puis, il ne voulait pas lui devoir quelque chose. Qui savait ce qu'elle pourrait lui demander en retour suite à cela ? Qui savait quelles seraient les conséquences de tout cela ?
Néanmoins, il restait surpris de cette proposition. Depuis quand proposait-elle de l'aider ? C'était nouveau. Elle ne l'avait jamais fait. Il était perdu. Il avait mal au crâne tant ses pensées étaient embrouillées, mêlées à des souvenirs ambitieux et sombres.
Tout était nouveau. Tout ce qu'il vivait, tout ce qui l'entourait, tous ceux qui l'entouraient. Il ne reconnaissait rien, les choses changeaient trop vite, cela le déstabilisait. C'était comme si chaque fois qu'il parvenait à construire quelque chose de stable, quelque chose venait déranger les piliers qu'il avait bâti dans sa vie. Ses habitudes étaient trop souvent dérangées pour qu'il puisse garder les pieds sur terre et la tête droite.
Il avait des vertiges, sa tête tournait alors qu'il essayait de reprendre conscience de sa réalité.
Ce n'était pas la première fois que Granger était aimable avec lui, gentille même. Il s'en souvenait désormais. Elle n'avait jamais rien demandé en retour. Elle n'avait pas manifesté la moindre colère envers lui. Plus maintenant. Plus depuis longtemps.
Il se tourna vers elle et la scanna du regard silencieusement. Elle lui sembla alors plus intriguée qu'inquiète, comme si elle cherchait à le comprendre. Il se sentait tout petit. Incapable. Un enfant pris en faute, un enfant face à l'autorité d'un adulte. C'était absurde.
Préparer un chocolat chaud. Cela semblait si simple quand on y pensait.
– On a toujours complimenté mes chocolats chauds, dit-elle alors en haussant une épaule.
Était-ce une proposition ? Cela le surprit. Il le fut davantage lorsqu'il hocha la tête. Il ne savait pas vraiment ce qu'il venait d'accepter.
Elle lui sourit timidement avant d'entrer dans la cuisine et de le dépasser pour rejoindre la casserole d'eau bouillante. Il resta immobile. Il devait garder la tête haute, ne pas montrer la panique qui grondait en lui.
Il n'était bon qu'à ça : cacher ce qu'il ressentait. Il avait grandi ainsi. C'était sa nature. Il serra les dents en réalisant qu'il suivait ce schéma sans même y réfléchir. Il avait changé, il devait s'en défaire, il n'était pas cet homme, plus cet homme.
Granger était dos à lui, face au réfrigérateur. Drago ne la quittait pas des yeux. Il analysait chacun de ses mouvements pour essayer de comprendre ce qu'elle faisait.
Elle attrapa le lait et se dirigea vers le garde-manger, dont elle sortit avec une boîte de cacao en poudre non sucré. Elle retourna ensuite vers les plaques de cuisson et s'empara d'un bol et d'une cuillère au passage. Avec ceux-ci, elle mélangea un peu d'eau chaude avec du sucre et du cacao, jusqu'à obtenir une préparation homogène.
Elle versa l'eau qui restait dans l'évier et la remplaça par du lait, posant à nouveau la casserole sur le feu. Le silence complet reprit place dans la pièce lorsqu'elle s'éloigna des plaques.
Drago entendait parfois des bribes d'une musique étrange provenant du salon, mais autrement, Granger et lui s'étaient plongés dans un long silence . Juste assez long pour que le blond se demande si sa colocataire n'avait pas oublié ce qu'elle était censée faire.
Finalement, elle se remit en mouvement, sous l'œil avisé de Drago, et retira la casserole du feu. S'il nota qu'elle n'avait pas utilisé une seule fois sa baguette, il garda cela dans un coin de son esprit. Visiblement, elle avait repris ses habitudes moldues.
Il songea au fait que quelques années plus tôt, il aurait été agacé par cela. Peut-être l'aurait-il même insultée. Il grimaça en y songeant. Ce n'était plus sa réalité. Aujourd'hui, il n'y voyait aucun inconvénient, après tout, lui-même n'avait pas utilisé sa baguette depuis près de huit ans. C'était même naturel pour lui désormais, la magie n'était plus un réflexe. Ce n'était plus sa réalité.
Il se demandait parfois si elle coulait encore dans ses veines, s'il était encore capable de produire la moindre étincelle, le moindre charme.
Granger sortit deux tasses d'un placard, avant de s'immobiliser et se tourner vers lui. Son regard était hésitant lorsqu'elle le braqua dans celui de Drago. Il n'osa pas dire quoi que ce soit, figé par l'attention qu'elle lui prêtait.
– Est-ce que tu en veux aussi ?
Il était toujours surpris qu'elle lui adresse la parole, qu'elle s'intéresse à lui d'une quelconque façon. Pourquoi prenait-elle la peine de le faire ? Est-ce qu'elle avait pitié de lui ? Est-ce qu'elle voulait le manipuler ? Le piéger ? C'était ce qu'il se demandait chaque fois.
Néanmoins, il finissait toujours par rationaliser la situation et répondre.
– Oui.
Granger hocha la tête en souriant timidement et se retourna vers la casserole.
Le cœur de Drago se fit plus léger. Ils interagissaient cordialement, même gentiment, et il fallait qu'il en profite. C'était rassurant, en quelque sorte.
oOo
Harry essuya ses larmes du revers de la main et se releva en fixant une dernière fois la tombe de ses parents. Il était seul ce soir-là. Il détestait être seul.
Il aurait voulu que Théo soit là, qu'il l'accompagne, qu'il le soutienne. Mais c'était impossible. Son mari était bloqué hors de la Grande-Bretagne et, jamais, il ne pourrait l'y suivre pour saluer ses parents et leur rendre hommage.
Il était seul ce soir-là. Il détestait être seul. Hermione n'était pas là non plus, comme tous les ans. Elle ne l'avait accompagné qu'une fois lors de la chasse aux horcruxes et pourtant, Harry rêvait chaque année qu'elle revienne avec lui. C'était utopique, il en était conscient, mais il ne pouvait pas s'empêcher de le vouloir terriblement.
Ils étaient si loin. Les deux personnes les plus importantes de sa vie étaient absentes. Il était seul ce soir-là. Il détestait être seul.
Il sortit sa baguette en reniflant bruyamment et fit apparaître un cercle de fleurs sur la tombe de ses parents. Celles de l'année dernière avaient disparu avec le temps, probablement envolées ou décomposées. Il ne venait qu'une seule fois par an, au mois d'octobre. Il ne supportait pas de venir plus souvent. Il passait l'année à tenter d'oublier que ses parents n'étaient pas là, qu'ils ne l'avaient jamais vraiment été. Il passait la journée du 31 octobre à subir la douleur de son deuil pour une année complète.
Il recula de quelques pas, les yeux toujours fixés sur la tombe. Il n'avait pas envie de partir. C'était sa journée, le moment de l'année où personne n'avait le droit de l'embêter, de lui demander quoi que ce soit. Le moment de l'année où il s'autorisait pleurs, fatalisme et pensées négatives. Le moment de l'année où il pouvait souffler, où il n'avait aucune obligation. Il détestait les obligations. Il se sentait pris au piège, incapable de faire les choix qu'il aurait voulu faire.
Or, en ce lieu empli de la lourdeur du deuil, du vent frais matinal et de ses sanglots, Harry se sentait libre. Seul, mais libre.
– À l'année prochaine, Maman. À l'année prochaine, Papa. Je vous promets qu'un jour, je ne serai plus seul ici.
Le vent secoua les lys qu'il avait déposés sur la tombe. C'était une réponse suffisante à ses yeux.
Il posa son doigt sur le portoloin qui le ramènerait chez lui, sans un regard de plus pour le cimetière de Godric's Hollow.
Il tomba à genoux aussitôt arrivé et pleura à chaudes larmes, tête baissée sur le carrelage de l'entrée du manoir. Il n'avait plus de force, plus assez d'énergie pour continuer. Il se trouva misérable, ainsi échoué sur le sol. C'était le seul jour de l'année où il se laissait périr ainsi, où il ne luttait pas pour garder la tête haute.
– Tout va bien, Harry, je suis là, fit la voix de son mari, alors que celui-ci le rejoignait au sol.
Il se blottit contre lui sans cesser de sangloter, incapable de prononcer le moindre mot.
Cette année était plus difficile à vivre que les autres, il le réalisait. Théo était là, sans vraiment l'être, et cela lui brisait le cœur. Il ne pouvait pas faire tout ce qu'il voulait, il n'était pas libre. Et Harry se sentait seul. Il détestait être seul.
Il s'accrocha au col de la chemise de son époux comme si sa vie en dépendait. Comme s'il s'agissait de la seule chose qui lui permettait de garder les pieds sur Terre. Peut-être était-ce le cas, en réalité. Il n'en savait trop rien. Il était perdu.
Jamais ne s'était-il senti si mal en revenant de Godric's Hollow. C'était devenu une tradition de s'y rendre chaque année après qu'il eut découvert le cimetière pour la première fois. Pourtant, les choses avaient été drastiquement différentes.
Tous ses malheurs s'étaient réveillés, ils lui avaient fait un peu plus ouvrir les yeux sur sa réalité. Cette réalité distordue dans laquelle le héros qu'il s'était promis d'être se révélait l'antagoniste de ses propres proches. Minable, c'était ainsi qu'il se sentait.
– Je suis là, Harry. Je suis là, répétait Théodore à son oreille en caressant ses cheveux.
Harry entendit son mari parler à Satine, sans vraiment écouter ce qu'ils se disaient. Il ne voulait pas essayer d'aller bien, de relever la tête. Il ne faisait pas d'effort, il s'autorisait à pleurer.
Il lui était si étrange d'inverser les rôles, d'être celui qu'on réconfortait quand il le faisait depuis des mois avec son entourage. Néanmoins, il se laissa aller à ce contact. Il se sentait humain, il se sentait aimé dans les bras de Théo.
Bientôt, ce dernier l'aida à se lever et, ensemble, ils se rendirent jusqu'à leur chambre. Harry avait serré sa main dans celle de son époux, il gardait ce contact si précieux qui lui rappelait qu'il n'était plus seul. Plus vraiment.
Théo le fit s'asseoir au bord du lit et l'aida à retirer ses vêtements un à un.
Sa cape. Son écharpe aux couleurs usées de sa maison à Poudlard. Ses gants en cuir, offerts en sixième année par son mari.
Harry sourit tristement au travers de ses larmes et son chagrin. Il n'aurait pas imaginé tant aimer qu'on prenne soin de lui. Il ne se souvenait pas de la dernière fois que cela lui était arrivé.
Lui qui se pensait pourtant si égoïste depuis des semaines se retrouvait à chercher la moindre petite attention. Il voulait être aidé, être accompagné et soutenu. Il rêvait d'un monde où il n'aurait plus à faire d'efforts. Un monde où il n'aurait pas à s'occuper des autres avant lui-même.
Il voulait abandonner, arrêter de se battre. Il voulait avouer à ses proches qu'il n'en pouvait plus, il voulait s'excuser d'abandonner.
Cela lui avait valu des nuits blanches passées dans son bureau à rédiger des lettres qu'il n'enverrait jamais. Toutes celles qu'il avait écrites à Hermione s'étaient retrouvées dans les flammes de la cheminée. Il était tout simplement incapable de les lui envoyer, trop effrayé à l'idée de la perdre. Et si avouer ses torts ouvrait les yeux à sa meilleure amie ? Si elle réalisait qu'il ne valait rien ?
Cette journée était affreuse. Elle amplifiait tous ses malheurs.
Il déglutit alors que Théo défaisait les boutons de sa chemise noire. Il avait cessé de sangloter, il était perdu dans ses pensées sombres. Plus le temps passait et plus il lui était simple de s'y laisser plonger.
Quelques minutes plus tard, il était allongé contre son mari, des vestiges de ses larmes encore humides sur ses joues. Il tremblait très légèrement, le poing serré dans la chemise repassée de Théo.
– Je suis désolé, chuchota Harry d'une voix chevrotante.
– Désolé de quoi ? répondit Théo en fronçant les sourcils.
– D'être arrivé ainsi. J'aurais dû me calmer avant de rentrer.
Théodore resta silencieux pendant plusieurs secondes avant de soulever le menton de son époux pour qu'il le regarde. Il lui retira ses lunettes et essuya ses larmes avec son pouce.
– Harry, tu as le droit de pleurer et de te sentir mal. Tu as le droit d'être endeuillé. Aujourd'hui plus que n'importe quand. Je ne te jugerai pas pour ça.
– Je ne devrais pas te faire subir ça aussi, répliqua Harry en secouant la tête. Ce n'est pas juste.
– Ce qui n'est pas juste, c'est que tu y ailles seul. Si tu savais tout ce que je ferais pour pouvoir t'accompagner ne serait-ce que cinq minutes.
Harry ferma douloureusement les yeux. Il était tellement en colère.
– J'aurais dû me battre pour que tu…
– Tu as fait tout ce qui était possible et imaginable, l'interrompit Théo en posant une main sur sa joue, le regard sérieux. Profitons de ce que nous avons ici plutôt que de rêver de ce que nous aurions pu avoir. Je suis heureux d'être là, avec toi, de pouvoir te réconforter et te prendre dans mes bras. S'il te plaît, Harry, profite de ça.
Ce dernier se mordit l'intérieur des joues en détournant les yeux.
– J'ai l'impression de tout foirer en ce moment, avoua-t-il en chuchotant. En fait, j'ai même l'impression que ça dure depuis des années.
– Harry, tu ne peux pas sauver tout le monde.
Théo avait murmuré cela en braquant son regard dans le sien d'un air si sérieux que Harry eut envie de pleurer à nouveau.
– Je fais tout pour en tout cas, répondit-il en laissant son front retomber contre celui de son époux.
– Oh ça je sais, rit doucement celui-ci. Et je te promets de faire de mon mieux pour t'y aider désormais. Même si pour cela, nous devons accueillir Weasley chez nous.
Harry se recula vivement, braquant des yeux écarquillés dans ceux de Théo.
– Tu es sérieux ? murmura-t-il sans y croire.
– Si ça suffit à te rendre le sourire, répondit Theo en haussant une épaule.
– Tu ne le fais pas à contrecœur, hein ? vérifia Harry en reposant son front contre le sien.
– Non. Promis.
Harry ferma les yeux, un sourire aux lèvres.
– Théodore Potter, si je n'étais pas déjà marié à vous, je vous épouserais sur le champ !
oOo
"Ginny,
Je suis désolé d'avoir mis autant de temps à te répondre. Pour être honnête, Théo et moi avions besoin d'en discuter, d'y réfléchir.
Je suis terriblement navré d'apprendre ce qu'il s'est passé entre Astoria et toi, même si tes descriptions sont rapides et vagues. Mais Ginny, nous t'accueillerons. Je ne supporterais pas l'idée que tu restes seule et à la rue. Je veux te revoir, je veux que tu me racontes tout.
Je ne sais pas si tu prévois de passer voir tes parents quand même, mais Théo et moi sommes prêts à t'accueillir dès que tu le souhaites.
J'espère sincèrement que tu vas bien,
Harry.
PS : Théo exige que tu lui rapportes du thé directement récolté dans l'est de l'Inde. Je cite : "C'est la contrepartie à ce qu'on l'accueille"."
Un fanart a été réalisé pour ce chapitre, vous pouvez le retrouver sur mes différents réseaux sociaux, où je suis sous le pseudo NovaFrogster.
Merci à Lyra et Damelith pour leur aide !
