" Si j'étais directeur d'école, je me débarrasserais du professeur d'histoire et je le remplacerais par un professeur de chocolat ; mes élèves étudieraient au moins un sujet qui les concerne tous "

- Roald Dahl

Le lendemain matin, dès la première heure, Chouta quitta sa cabine avec un goût très amère de la soirée précédente. Elle traversa le couloir en direction du bureau de son directeur, le professeur Karkaroff. Des murmures s'échappaient à travers les portes des autres cabines... :

- Tu as vu comment elle l'a immobilisé?

- Ouais, surtout avec un sortilège aussi simple! BIM, BAM!

- Severus Rogue se fait cloué par une fille de quinze ans, ça ferait un article dément dans un journal.

- Chouta est quand même un peu cinglée... Et notre réputation alors?

Visiblement, tout le monde ne parlait que de ça. À en croire toutes ces messes basses à son sujet, son entrée en beauté à Poudlard ne laissait personne indifférent. En revanche, le professeur Karkaroff ne voyait pas ça avec son œil de duelliste. Il était très difficile de savoir quel accueil il allait lui réserver.

C'est ce qui arrive quand on ose l'attraper par le col comme un vulgaire objet.

Si c'était à refaire, elle ne s'y serait pas prise de la même façon avec le directeur des Serpentards.

Non, elle aurait faire pire.

Elle n'eut pas besoin de frapper à la porte, le professeur Karkaroff l'avait laissée grand ouverte. Il était assis sur son bureau d'appoint, avec une chaise lui faisant face. Ces yeux étaient cernés et son visage avait l'air comme ratatiné.

Sans dire un mot, il lui indiqua du doigt cette chaise qui lui faisait face. Le professeur Karkaroff ne disait rien, il l'observait en massant son avant-bras droit, là où se trouvais d'antan sa marque des ténèbres. C'était un tique de nervosité, il était vraiment rare de le voir dans cet état.

Devant son silence, Chouta prit les devants en lui racontant en détails ce qui s'était passé avec Rogue. Elle fit allusion à la vision qu'elle avait eue dans la boule de cristal, en prenant bien entendu le soin de ne surtout pas lui révéler qu'il faisait également parti du paysage. Mentir à son propre directeur - ou plutôt, omettre de révéler certains détails - était quelque chose auquel elle n'était pas accoutumée. Une vraie gymnastique mentale.

- Tu as frôlé l'incident diplomatique entre nos deux écoles pour une simple vision, dit-il sévèrement. J'attendais plus de retenue venant de toi.

Il se leva, allant regarder le lac à travers son hublot.

- Dorénavant, je vous promets d'être exemplaire, jura l'adolescente.

Mais sauf votre respect, professeur, je trouve que Rogue...

- Le Professeur Rogue, corrigea sèchement son directeur, toujours le regard plongé sur le lac.

- Je trouve que le "Professeur Rogue" , dit-elle en faisant un geste de guillemets avec ses doigts, est un sorcier pas très adéquat comme professeur. Les élèves de sa propre maison en ont peur.

Il eût un silence... Son directeur repris place dans sa chaise. Elle sentait qu'il voulait rebondir sur le sujet, mais s'y interdisait pour des raisons qu'elle ne pouvait cerner. De toute manière, il ne parlait jamais de sujets confidentiels en présence d'une élève.

- Je te laisse le bénéfice du doute. Considérons cela comme une erreur de parcours, comme un malentendu, dit-il finalement d'une voix neutre. Rien ne changera en ce qui me concerne, mais

J'attends de toi une discipline des plus stricte lorsque tu auras tes heures de retenues avec lui. Tu peux disposer, va prendre ton déjeuner à la Grande Salle.

- Oui professeur Karkaroff, dit-elle en se levant. Merci pour votre clémence.

- Une minute, dit-il soudainement, juste avant qu'elle ferme la porte derrière elle. Tu sais sans doutes que le Tournoi des trois sorciers a fermé ses portes aux élèves mineurs... Quel gâchis.

- Oui, professeur.

- Tu auras une nouvelle chance quand tu seras en dernière année, dit-il d'un ton sérieux. En ce qui concerne l'instant présent, Viktor a déposé son nom dans la coupe hier soir... S'il est élu, j'exige que tu sois son bras droit. Tu devras le préparer aux épreuves, c'est la seule chance que nous avons de garantir la victoire.

Elle bouillonnait de rage tel un volcan en éruption. Comme si le fait d'être inéligible au tournoi n'avais pas suffit. Maintenant, elle allait devoir prêter main forte à un parfait troll des cavernes. Le sort s'acharnait, pire encore, il se deffoulait.

- Cette tâche ne va pas être de tout repos, professeur, répondit-elle malicieusement en contenant sa colère. Viktor n'a pas toutes ses allumettes dans la même boite. Je le ferai pour l'honneur de Durmstrang, pas pour lui.

- Bien, ce n'étais de toute façon pas négociable. J'ai besoin d'un élément comme toi.

- Je ferais comme vous voudrez, dit Chouta avec politesse juste avant de partir.

Dès son arrivée dans la Grande Salle, elle sentit directement les regards appuyés des élèves de Gryffondor. Certains étaient admiratifs, d'autres avaient l'air d'être choqués qu'elle soit toujours en vie après avoir " agressé" LE professeur Rogue.

Un grand roux tapa du coude Harry Potter pour qu'il l'a regarde à son tour. Elle l'avait tout de suite reconnue, avec ses vieilles lunettes rondes cabossées de partout. C'était " Le garçon qui avait survécu " comme le disaient les journaux de l'époque. Quoi qu'on en dise, faire ricocher un sortilège censé donner la mort, ça devait être du caustaud. Surtout en tenant compte du fait qu'il n'avait qu'un an au moment des faits. Sans lui, le monde entier se serait écroulé. Il avait l'air pourtant si banale pour quelqu'un ayant réalisé de telles prouesses. Voldemort était pourtant un sorcier puissant. Horrible, certe, mais puissant.

Leurs regards se croisèrent, avant qu'elle ne lui tourne le dos pour aller s'asseoir en face de Drago, toujours placé entre ses deux acolytes.

- Par Salazar, t'en a mis du temps, lança-t-il avec ironie. J'ai bien cru que tu étais repartie à Durmstrang. Au faite, je peux enfin savoir comme tu t'appelles?

- T'aurais aimé ça, dit-elle avec la même intonation. Chouta, ou je dirais, Byrne Chouta. Mais je t'autorise à m'appeller par mon prénom.

Les deux adolescents éclatèrent d'un rire diabolique. Ils avaient le même humour.

- Tu n'as pas faim? Lui demanda Crabbe en mangeant la bouche ouverte, un main posée sur son ventre.

Il semblait interloqué par son assiette vide. Mais en même temps, comment pouvait-elle avoir faim après de telles péripétie?

- Laisse-la, elle vient à peine d'arriver, dit Drago, exaspéré.

- On a eu cours de potions ce matin, chuchota Goyle d'un air secret avant d'avaler trois oeufs durs d'une traite.

- Et je suppose que le professeur le plus aimant et le plus sympathique de Poudlard devait être d'une humeur à tous vous offrir du jus de citrouilles,

compléta Chouta avec d'une voix sans intérêt.

Goyle fronça les sourcils.

- Heu non pas du tout, il était comme d'habitude, répondit-il d'un air vague.

Il a retiré des points aux Gryffondor, normal.

Il avait le visage de quelqu'un qui n'avait... Rien compris. Chouta se laissa servir des framboises fraîches par Drago.

- C'était de l'ironie, soupira celui aux cheveux blancs. Laisse tomber, Goyle ne comprend pas le second degré... En plus, il ne connait pas les gens si bien que ça. Rogue n'était pas dans son état normal, même une taupe l'aurait remarqué.

- Alors comment était-il ? Demanda-t-elle d'un ton intéressé, faisant le plein de vitamines.

- D'habitude il passe entre les bancs pour observer nos moindres faits et gestes, mais là il se contentait de rester prostré à son bureau.

- Ce qui t'amène à quelle conclusion?

- Je crois qu'il était totalement absent, dit Drago, l'air songeur.

- Alors qu'il le reste jusqu'à la fin de l'année, cracha Chouta en constant qu'à la table des professeurs, la chaise de Rogue était vide.

La grande horloge sonna. Ils avaient encore deux longues et pénibles heures de cours avant de savoir qui allaient être les élus de la Coupe De Feu. La classe de Drago et compagnie avait divination. Quant à Chouta et ses camarades, ils devaient revenir au bateau pour que le professeur Karkaroff leurs enseignent des tactiques de combat.