Stiles était là, en chair et en os mais surtout, bien vivant. On l'avait habillé d'une tunique d'hôpital légère et on lui avait fait passer quelques examens préliminaires pendant qu'il était inconscient. Inconscient, oui. Parce qu'il avait perdu connaissance dans les bras de Liam alors que celui-ci le sortait du local. En fait, c'était la peur qui l'avait emporté loin, très loin. Une peur que le louveteau ne pouvait comprendre mais qu'il avait très bien sentie.

Si son père et Melissa avaient été surpris ? Oui, quoique le mot était trop faible pour décrire leur état lorsqu'il leur avait ramené le jeune homme bien vivant. C'était tout d'abord ce qu'il leur avait dit et… Au départ, on ne l'avait pas cru. Cependant, on avait effectivement pu constater qu'il avait repris des couleurs, ce qui n'était pas très courant pour un cadavre. Alors des battements de cœur ? Le docteur Dunbar avait blêmi lorsqu'il avait pris son pouls puis sorti son stéthoscope. Alors ensuite, tout s'était enchaîné. Liam n'avait pas eu le droit de le revoir avant deux bonnes heures durant lesquelles… Melissa lui avait finalement tenu compagnie. Complètement bouleversée suite au « retour » de Stiles, elle avait été incapable de rentrer chez elle pour se coucher. Non, elle avait eu besoin de rester, de s'assurer que tout cela était bien réel. L'infirmière avait d'ailleurs tanné Liam pour qu'il lui raconte la manière dont il avait trouvé Stiles… En détail.

Pour être honnête, le louveteau lui-même ne comprenait pas ce qu'il s'était passé. Il avait suivi une odeur de mouillé en imaginant vaguement qu'elle puisse être liée à son ami par un heureux hasard et… C'était effectivement ce qu'il s'était passé. Pour autant, il n'était pas capable d'expliquer cette peur qu'il avait aussi bien vue que sentie. Stiles avait succombé à cette terreur qui l'avait sans doute mené à se cacher dans ce petit local. Et puis il y avait autre chose : sa nudité. En temps normal, Liam aurait rougi. Même s'il faisait partie de l'équipe de Crosse et que la plupart des joueurs se douchaient en même temps dans les vestiaires – et que Liam, par extension, avait déjà vu bon nombre de fesses et de hampes –, le louveteau se retrouvait toujours gêné. Il était pudique, du genre à préférer se laver avant ou après les autres et ne retirer ses vêtements qu'à l'abri des regards et ce, chaque fois que c'était possible. Mais cette fois-ci, la nudité de Stiles l'avait plus surpris qu'autre chose. Par expérience, Liam savait que chaque corps à la morgue… Était conservé nu, pour des raisons pratiques. Alors forcément, cet état de fait le força à réfléchir à ce qu'il n'avait pas voulu accepter jusqu'à cet instant.

La possibilité que Stiles soit réellement mort cette nuit.

Parce qu'en plus d'être nu, il était glacé. Glacé. D'une pâleur qu'il ne lui avait jamais vue. Une pâleur témoignant d'une absence quasi-totale de vitalité.

Pour autant, Liam fut incapable de considérer cette idée dans son entièreté, ni de lui trouver un semblant de logique. Melissa avait insisté malgré elle et lui avait raconté, épuisée, la nuit qu'elle avait passé. Elle lui fit part de ses ressentis, de ses observations, de ses émotions également. Et même si elle n'était pas censée raconter tout ça, même si ce n'était pas forcément ce que le jeune esprit de Liam devait entendre, elle le fit tout de même.

Liam en ressortit hagard, exsangue. Incapable de se dire que cela avait réellement pu arriver. Que l'étincelle de la meute s'était éteinte… L'espace de quelques heures. D'un moment. D'un instant. Au fond, qui le savait vraiment ? Qui pouvait savoir combien de temps Stiles avait-il passé hors de son corps ? Mais ce qui inquiéta davantage Liam fut de savoir… Comment Stiles l'avait vécu. Melissa lui avait dit qu'on avait apparemment tenté de le tuer, mais… C'était tout. Et Liam avait peur. Peur de ce que pourrait ressentir l'hyperactif à son réveil. De voir les dégâts qu'avaient occasionné cet évènement sur lui.

Peur que la terreur l'ait empêché de le reconnaître, lorsqu'il l'avait trouvé dans ce local.

Vint un moment où son père vint l'obliger à sortir un peu, histoire qu'il se dégourdisse les jambes et qu'il mange un bout. Bien sûr, il lui proposa de rentrer à la maison et de repasser plus tard, une fois que Stiles serait réveillé. Le médecin ne lui parla pas du lycée, car les cours avaient déjà commencé et il était évident que Liam ne se concentrerait pas dessus – au vu des évènements, c'était on ne peut plus normal. Il avait retrouvé vivant un jeune homme dont il n'était censé rester que le corps, alors… Non, le docteur Dunbar n'allait pas faire comme si rien ne s'était. Dans ce cas précis, l'école passait après le moral de son fils. Moral qu'il savait profondément perturbé.

Liam refusa de rentrer, bien sûr. Son père eut beau trouver tous les arguments du monde, le blondinet les réfuta tous. Il avait besoin de rester, besoin d'être là et ce… Même si Stiles ne devait pas se réveiller tout de suite. Le louveteau avait ce truc, cette boule au ventre qui ne le quittait pas. Il fallait qu'il reste là. Si son paternel accepta à contrecœur, il lui imposa d'aller s'acheter un petit quelque chose à boire et à manger – il le rembourserait.

Alors, Liam s'en alla du côté de l'aile centrale de l'hôpital, là où étaient concentrés la plupart des distributeurs. Un homme était déjà là et semblait hésiter devant le choix de cafés qui s'offraient à lui. Un homme dont il reconnut aussi bien la silhouette que l'odeur.

- Jordan ?! Ne put-il s'empêcher de s'exclamer.

L'adjoint du shérif faisant plus ou moins partie de la meute depuis un bon moment, on avait laissé tomber le vouvoiement et le nom de famille malgré sa fonction. Plus personne ne l'appelait Parrish depuis un bon moment… A part les membres les plus âgés de la meute.

Le chien des enfers tourna un visage surpris vers Liam. Un visage aux larges cernes et aux traits tirés.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Articula le blondinet.

La réflexion était peut-être un peu stupide, mais la présence de l'adjoint au shérif ne lui disait rien qui vaille. En fait, elle était criante de vérité. Il s'était définitivement passé quelque chose… De bien plus grand et sombre qu'il ne l'imaginait.

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Ce ne furent que deux heures plus tard et le ventre absolument vide que Liam regagna la chambre de Stiles. Avec la discussion qu'il venait d'avoir, il avait tout sauf faim et en avait carrément oublié de s'acheter un petit quelque chose, comme le lui avait demandé son père. Comment aurait-il pu y penser, avec toutes ces horreurs qu'il avait apprises ? Dans cette histoire qui n'avait ni queue ni tête, Stiles était à l'hôpital… Mais il n'était pas le seul. Jordan avait révélé au louveteau que le shérif et Lydia occupaient chacun une chambre, pour une raison différente. Noah Stilinski était tombé dans un état catatonique inquiétant après avoir été sédaté et la banshee… S'était retrouvée avec de l'eau dans les poumons. Et Stiles ? On avait effectivement délibérément tenté de le tuer. De le noyer, avait ajouté l'adjoint du shérif, le regard dans le vague. Il avait vu son cadavre. Et s'il avait été témoin d'autres choses, comme la déchéance rapide de Noah, il avait gardé ça pour lui. Ce qu'il lui avait appris était déjà bien assez sordide comme cela et en son for intérieur, Liam le savait.

Alors forcément, revoir Stiles lui fit quelque chose. Si le jeune homme restait inconscient et particulièrement pâle, il était là. Bien vivant. Relié à quelques machines alors qu'il n'en avait pas réellement besoin, juste pour s'assurer qu'il était vraiment là. A portée. Vêtu d'une tunique d'hôpital et au chaud sous les draps. Pas seul, caché et nu dans un local de nettoyage.

Techniquement, Liam n'était pas censé avoir le droit de rester avec lui si tôt dans sa convalescence, d'autant que si Stiles avait subi des examens, il en aurait bientôt une autre batterie à passer. C'était l'avantage d'avoir un père médecin travaillant dans cet hôpital : ainsi, le blondinet avait l achance de bénéficier de quelques passe-droits – et c'était loin de lui déplaire. Avec tout ça… Impossible d'aller en cours, ou de rentrer chez lui. Il lui fallait, pour sa santé mentale, rester auprès de cet ami qu'il aurait pu perdre dans la nuit sans le savoir. Et c'est exactement ce à quoi il pensa en s'installant à son chevet. Presque instinctivement, il se remémora les évènements de la matinée. Sa venue à l'hôpital, la morgue, les mots, sa trouvaille… Bordel. De sa vie, jamais Liam n'avait connu de pire matinée. Et rien, absolument rien n'avait de sens.

Merde, Stiles ne sentait même plus le mouillé. Son odeur… Elle était redevenue plus ou moins normale, quoiqu'un peu fade. Ça, c'était parce que l'inconscience profonde dans laquelle il était plongé l'obligeait à ne rien ressentir – Isaac le lui avait appris. Ce qui caractérisait une odeur, outre la nature et l'essence de la personne, c'était bien ses émotions. Or, Stiles n'en ressentait aucune à l'heure actuelle. Il était ailleurs, dans un monde où la peur n'existait pas. Techniquement, il n'était pas dans le coma. Il dormait juste très profondément… Comme si son corps et sa tête avait lâché au même moment. Comme si Stiles avait, en quelque sorte, court-circuité. La seule chose qui rassurait Liam en cet instant ? Le savoir ici. Être avec lui. En soi, ils n'étaient pas plus amis que ça, mais… S'imaginer que l'hyperactif avait failli disparaître de manière définitive lui faisait voir les choses sous un autre angle.

Si la meute était au courant ? Pas encore, et ce n'était pas Liam qui allait leur apprendre cette histoire sordide. Déjà, il ne se sentait pas de parler et… A l'heure actuelle, il avait la gorge trop nouée pour prononcer quelque mot que ce soit. Il n'avait pas pleuré, cependant… Il fallait avouer que cette histoire le secouait en profondeur, d'autant plus qu'il était celui qui avait trouvé Stiles.

Stiles, dont le torse se soulevait doucement et à une allure parfaitement régulière… Comme s'il faisait une simple sieste. Stiles, qui était parfaitement immobile. Silencieux. A l'air fragile, terriblement vulnérable. Aux antipodes de celui qu'il était censé être.

Et changé en profondeur… Jusqu'au codage de son ADN.