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... J'ai comme un sentiment de déjà-vu.
Moi, malaisé comme jamais, dans notre salon, qui fixe la table basse en ayant le cerveau qui carbure beaucoup trop vite. Et Ace, à mes côtés, qui...
Se tape un fixe comme je l'ai jamais vu en péter un d'ma vie ?
Il a les yeux rivés sur la table lui aussi, dans une expression lointaine comme je lui en ai rarement vu. Surtout quand il est « sobre ». Et j'sais qu'il est sobre. Il a pas fumé depuis qu'il s'est levé et j'ai trouvé ça assez inhabituel pour le noter. C'est bien qu'y'a vraiment un truc qui va pas, non ?
J'lève l'index et appuie sur son épaule pour attirer son attention et il émerge aussitôt pour me regarder, en tout cas bien plus vite que c'que j'pensais. Il était p't'être pas parti aussi loin que j'l'imaginais...
J'ai l'droit à un de ces sourires inhabituellement hyper lumineux et j'me fais appuyer sur la joue à mon tour.
- ... Ça va ? lui demandé-je d'un ton pas très assuré.
- Oui... Et toi ?
J'baisse les yeux, vachement moins certain d'ma réponse que lui.
Ça irait... Si j'me posais pas un milliard de questions. Si une petite voix énervante en moi arrêtait d'me répéter en boucle que j'suis en train de faire la plus grosse bêtise de ma vie...
- ... J'ai... Un peu agis sans réfléchir, hier soir... soufflé-je, le regard toujours bas et les sourcils froncés. Enfin... J'dirais plutôt qu'j'ai repoussé les questions au fond d'moi et que j'me suis lancé, parce que...
J'relève les yeux sur mon frère qui m'envoie une expression paniquée ou horrifiée, au choix... Le reste de ma phrase se transforme en murmure tellement ça m'décompose.
- ... J'suis Monkey D. Luffy... Le mec pas trop du genre à réfléchir...
- Et c'est ce qui est bien avec toi, s'empresse d'me répondre Ace d'un air bizarrement déterminé. Il y a des gens qui courent toute leur putain de vie après le bonheur et ils passent à côté parce qu'ils réfléchissent trop... Toi t'es pas comme ça, Lu'. Tu fonces, tu prends ce que tu as à prendre, et cette fois... Tu as pris pour nous deux, je suppose.
J'lui envoie un regard interrogateur, pas vraiment sûr de le suivre dans son raisonnement.
- Je... J'en avais envie, moi aussi... m'explique-t-il alors que j'le sens se tendre sans comprendre pourquoi. Et je... Toute la joie que ça me procure... Me fait me dire que ça serait stupide d'y réfléchir plus longtemps. T'as agi sur un coup de tête peut-être, mais c'est certainement ce dont on avait besoin... Toi comme moi.
J'médite là-dessus en promenant de nouveau mes yeux dans la pièce à la recherche de je sais pas trop quelle réponse miracle. Mon cerveau surchauffe encore beaucoup trop, j'vais exploser si ça continue.
- J'veux dire... T'es heureux de l'avoir fait, non ?
J'reviens à Ace. Sa question m'étonne un peu, parce que... Parce que la réponse est super logique, pour moi.
- ... Ouais.
J'ai encore le droit à un sourire... Et sérieux : j'crois qu'j'vais vite devenir accro s'il continue ça.
- Alors y'a pas à se poser de question, Luffy. T'es heureux, j'suis heureux, on en crève d'envie tous les deux... Je vois pas où il y a le moindre problème.
« Il en crevait d'envie »... ? J'pensais que c'était moi, ça. J'savais au fond d'moi que je serais pas repoussé hier, mais l'entendre me dire carrément qu'il en crevait d'envie... Woh. Ça m'flatte un peu malgré moi. Genre, je l'attire autant qu'il m'attire, en fait... ?
Mais même si j'suis totalement d'accord avec son raisonnement, il reste ce truc-là qui m'chiffonne...
- ... Mais, qu'on soit heureux ou pas... Ça vaut vraiment dans notre situation ?
C'est à lui de m'interroger du regard, cette fois. Les sourcils froncés, comme s'il savait d'avance qu'il va pas aimer ce que j'vais dire.
- Ben... Le fait qu'on soit frères...
J'le vois hausser les épaules et zieuter ailleurs : j'sens clairement que la question l'énerve. Vous avez dit étonnant ? Moi j'dis Portgas D. Ace : le mec que j'connais le plus par cœur dans l'monde entier.
- Ça te dérange, toi ? me demande-t-il en revenant à moi.
- ... Pas vraiment, sinon j't'aurais pas embrassé et... Tous les autres trucs...
Est-ce que j'suis en train de rougir ? J'suis quand même pas en train de rougir ?! Hey ! J'suis plus un p'tit puceau timide, quand même ! Pourquoi j'rougis ?! C'est juste Ace !
- Enfin, c'est pas la question ! m'empressé-je d'ajouter en le fuyant alors que mes joues s'transforment en chaudières vivantes. C'est plutôt que, hmmm... Regarde, on va pas l'dire à Shanks et encore moins à Jiji...
- Ça les regarde pas.
J'suis étonné du ton tranchant avec lequel il dit ça, mais encore plus d'le voir de nouveau m'envoyer une expression énervée.
- ... Un peu quand même. C'est notre famille...
- Notre famille qui ne comprendra pas, complète-t-il toujours aussi catégoriquement. Ils sont de la vieille école autant l'un que l'autre, et de toute façon, la majorité des gens pensent que ce genre de relation est...
Il se mord les lèvres en cherchant son mot... Ou plutôt en essayant d'en trouver un autre moins désagréable à prononcer, j'ai l'impression.
- ... Que c'est « mal », finit-il par lâcher. Et j't'ai déjà expliqué comme le « bien » et le « mal » peuvent être des notions abstraites. Subjectives, aussi.
- ... Ça veut dire quoi déjà, « subjective »... ?
- Que c'est toi qui le pense, que c'est TON avis. Pas l'avis général, ni la vérité. Et même dans ce cas, ce n'est pas parce que la majorité des gens peut penser que telle chose est « bien » ou « mal » qu'elle l'est vraiment ! Ce n'est pas parce que la majorité des gens voit les relations entre frères d'un mauvais œil que c'est le cas... Bien au contraire !
Il s'redresse et se fait craquer le cou, tic que j'connais bien : il chasse sa nervosité ou son énervement. Ou même les deux. Normalement, dans pas longtemps, il va avoir envie de fumer...
- ... Surtout qu'on est pas de vrais frères, ajoute-t-il à voix basse, comme s'il avait peur d'me froisser.
Ça m'froisse pas. Pas quand il le dit pas d'un ton dédaigneux comme il aimait bien l'faire quand on était petits pour m'embêter, en tout cas... J'dirais même que pour une fois, le fait qu'on soit pas du même sang m'arrange beaucoup...
Oh... Bah tiens, v'là qu'il sort son grinder de dessous la table. Qui c'est qui connaît son grand-frère par cœur... ?
- ... Ça change vraiment quelque chose ? lui demandé-je pour me recentrer sur la conversation.
- C'est à toi de le voir, ça. Et c'est subjectif aussi. Ça pourrait faire toute la différence pour des gens, aucune pour d'autres...
J'le vois s'arrêter dans sa préparation et inspirer un grand coup.
- ... Genre pour notre crétin de grand-père ou notre connasse de tante, à mon avis, ça changerait rien du tout...
- ... Ça prouve qu'ils nous considèrent vraiment comme des vrais frères, j'suppose ? relativisé-je, mais ça fait rire Ace jaune.
- Le Vieux oui. Betty... ? J'ai un doute.
Je grimace : il a pas tort. C'est p't'être certainement la raison principale du pourquoi elle peut pas piffrer Ace... Parce qu'il est « pas un Monkey », parce qu'il est « qu'une pièce rajoutée à la famille » et qu'il « n'a fait que nous causer des ennuis depuis qu'il est arrivé »...
Mais c'est souvent pas rose, les familles. J'ai que des exemples de familles éclatées autour de moi. Et franchement, les crises d'Ace à l'époque, c'était du gâteau à côté de la famille de Nami ou de Sanji, pour citer que les pires.
Enfin, j'dis ça avec ma vision de gamin... J'sais pas si Papa et Maman pensaient aussi sereinement, eux...
- ... Et Papa et Maman... Tu crois qu'ils diraient quoi ?
Le silence me répond, alors j'pars à la rencontre des yeux d'mon frère : son regard dur s'est fané et j'trouve que d'la peine et encore cette panique bizarre sur ses traits...
- ... Il aurait mieux valu qu'ils ne le sachent pas non plus, souffle-t-il en déglutissant et en retournant à son roulage.
... Ça m'rassure pas.
Pas du tout, même.
- Alors... J'ai l'droit d'me poser des questions, quand même...
Un nouveau soupir et j'sursaute presque quand l'bras d'Ace vient m'attraper le cou pour me coller à lui. J'ai le droit à un bisou dans les cheveux et ça m'fait sourire malgré moi.
- J'vais pas te dire de pas t'en poser, Lu'... Mais tu l'as dit toi-même : Monkey D. Luffy n'est pas le genre de mec qui se prend la tête. Je suis désolé de dire ça comme ça, mais... Maman et Papa, ils sont plus là pour le voir. Y'a que nous deux... Littéralement, parce qu'on vit pas avec le Vieux et Shanks. Y'a que nous deux pour juger, que nous deux pour savoir ce qui nous rendra heureux ou pas...
Ses paroles me font un peu mal malgré moi, mais je sais qu'il a pas tort... Si on vivait encore avec Maman et Papa, la situation n'aurait rien à voir. J'aurais sûrement pas osé franchir cette limite par peur de les décevoir, et en plus... J'aurais p't'être pas eu autant besoin de cette proximité avec Ace, dans l'fond...
- ... On a besoin l'un de l'autre, rajoute mon frère comme s'il lisait dans mes pensées. Et si cette nouvelle étape dans notre relation nous fait du bien à toi comme à moi... J'veux dire, j'pense qu'on a urgemment besoin d'être heureux autant l'un que l'autre en ce moment... Tu crois pas ?
- Si, réponds-je en réfléchissant. Mais... Imagine ça part en couilles ?
Il m'attrape le visage et j'me laisse guider jusqu'à ses yeux qui se rivent dans les miens. Son sourire m'illumine encore à m'en faire éclater le cœur.
- Pourquoi ça partirait en couilles... ?
- ... J'sais pas... chuchoté-je.
- On s'est quasiment jamais embrouillés de notre vie, tu crois vraiment qu'c'est maintenant qu'on va commencer ? On s'connait par cœur, toi et moi... On aura même pas besoin de passer par l'étape chiante de découvrir tous les défauts de l'autre, vu qu'on les connait déjà...
- C'est vrai... J'sais déjà que t'es un vrai psychopathe quand t'as décidé d'faire chier quelqu'un, bougonné-je en faisant la moue pour le sport.
Il rit et frotte le bout d'son nez au mien.
- Et moi, je sais déjà qu'il faut avoir le porte-monnaie bien accroché quand on t'emmène en courses ou au resto... J'serais même pas forcé d'accepter tes caprices les premières fois pour m'faire bien voir ! Si c'est pas beau, ça ?!
J'ris à mon tour alors qu'nos nez sont toujours collés et j'me noie dans ses yeux avant de l'embrasser tout doucement.
- Alors... On sort ensemble... ? lui demandé-je, juste pour être sûr.
- ... Ouais. Si c'est ce que tu veux.
Ce que j'veux...
Ce que j'veux, c'est rester sur ce nuage sur lequel j'suis quand j'embrasse Ace. Le nuage super confortable qui m'enveloppe quand j'pose mes mains sur sa peau et que j'le sens me toucher en retour. Quand on est dans ces moments-là rien qu'à nous, où toute mon attention est tournée vers lui et que j'sais qu'y'a rien qui déviera la sienne de moi.
Y'a plus rien dans ce genre de moment. Rien que nous deux. Et avec tout ce qu'on a traversé ces derniers temps... Ouais. J'pense qu'on en a bien besoin. Besoin de faire une pause hors du temps, une pause où y'a pas d'famille, pas d'pote, pas d'téléphone, pas d'responsabilité, pas d'tristesse... Ou y'a juste lui et moi. Ses lèvres sur les miennes qui se répondent comme si elles se connaissaient déjà par cœur, ses mains qui se baladent sur moi comme s'il voulait apprendre le moindre recoin de mon corps, l'air et cette proximité qu'on partage et qui m'fait me demander si c'était pas ce qu'il nous manquait pour être vraiment complets l'un comme l'autre depuis tout c'temps...
Depuis combien de temps exactement, j'en sais rien. En tout cas, Ace m'embrasse comme si c'était depuis toujours, et c'est une sensation super grisante.
Je sais que j'étais important aux yeux d'Barto. Il me mettait sur un piédestal pour une raison qu'j'ai toujours pas vraiment comprise, mais même sa façon passionnée de m'embrasser et d'me désirer était pas la même que m'offre Ace depuis hier. Ace me donne l'impression qu'il pourrait s'offrir à moi corps et âme sans hésitation. Il me donne l'impression qu'il a peur d'me casser ou d'me perdre à chacun des gestes qu'il pose sur moi. Comme un enfant qui chérirait son cadeau de Noël de tout son cœur. J'ai vraiment l'impression d'être important, et le fait que ça soit Ace, mon grand-frère que j'admire -un adulte, aussi-, me ravit un peu plus.
Même si j'arrête pas d'me demander « pourquoi moi »... ? Qu'est-ce que j'ai fait de plus pour mériter l'attention d'Ace plutôt qu'un autre ? Est-ce qu'il me trouve vraiment aussi sexy que moi j'le trouve sexy à en tomber ? Est-ce que lui aussi, ça lui est déjà arrivé de me relooker quand j'avais l'dos tourné... ?
Sa main brûlante passe sous mon t-shirt pour me caresser le bas du dos et j'm'entends soupirer de bien-être. J'veux qu'il me touche comme ça encore et encore... J'crois que j'pourrais jamais me lasser de cette façon si particulière qu'il a de glisser sur ma peau avec ses doigts. J'ai l'impression qu'il hésite constamment entre s'accrocher à moi à m'en faire mal ou à me caresser super délicatement, en essayant d'en profiter autant qu'moi...
J'sens mon envie de lui se réveiller, encore. Et alors que j'me mets à califourchon sur lui sans lâcher sa bouche en m'disant vaguement que décidément, ce canapé va finir par nous haïr, j'en viens à m'demander aussi s'il aurait envie d'aller plus loin que du simple touche-pipi un peu plus élaboré...
J'ouvre les yeux pour l'regarder se noyer de plaisir contre mes lèvres : on a jamais parlé de sexe... Et maintenant plus que n'importe quand, j'me demande vraiment pourquoi.
Mon frère est pas un prude, j'en suis sûr. Est-ce que c'est parce que j'étais le petit frère, plus jeune et innocent ? Qu'il voulait m'préserver ou j'sais pas quoi... ?
- Ace... ? soufflé-je dans sa bouche.
- Oui...
J'ai une vague d'excitation qui s'répand brutalement en moi en entendant ce « oui » tellement lascif. Il est totalement perdu dans son envie de moi là, et sérieux... Le voir comme ça, c'est juste bandant.
Y'a pas d'autre mot.
- Pourquoi on a jamais parlé d'sexe... ? lui demandé-je sur le même ton, tout en encourageant sa pluie de baisers dans mon cou en relevant le visage pour le laisser passer.
J'le sens faire un court arrêt et ça m'étonne qu'à moitié. Le sujet l'a toujours dérangé, j'vois pas pourquoi ça changerait aujourd'hui...
- ... Parce que... J'étais pas à l'aise à l'idée d'en parler avec...
J'baisse la tête pour lui faire face et nos yeux se rivent les uns dans les autres.
- ... Avec mon petit-frère, termine-t-il en me regardant avec tout le sérieux du monde.
C'était bien ça, alors...
- J'suis pas si innocent qu'tu le crois ! bougonné-je en faisant la moue, et ça l'fait rire doucement.
- Ça, je l'ai bien compris... Entre l'histoire du mec que tu t'es tapé en soirée ou j'sais pas quoi et ce que tu m'as montré ces deux derniers jours...
... Ne pas penser à Kidd maintenant. Nop. Parce que ça me met mal à l'aise pour une raison que j'pige moyennement et que j'ai, en vérité, pas du tout envie d'piger.
- Mouais ok... marmonné-je. Mais pourquoi tu m'as jamais parlé des gars avec qui t'es sorti ?
- ... Parce qu'y'a pas grand-chose à raconter, me répond-il avec sérieux, soudainement. Et y'a surtout rien d'intéressant.
- Pourquoi ça serait pas intéressant ? Moi ça m'intéresse !
Il plisse les yeux sur moi et me repousse doucement de ses cuisses. Argh, j'ai fait capoter l'ambiance et sévère, j'crois... Est-ce qu'il m'en veut... ?
J'descends de lui pour reprendre ma place à ses côtés et il termine son roulage en réfléchissant, on dirait.
- ... Ça m'intéresse, parce que c'est ta vie, quoi... ajouté-je pour insister sans le brusquer. Et en plus, maintenant ça devient une partie d'toi qui va encore plus me concerner... Et j'me rends compte que j'y connais rien. J'connais rien de toi là-dessus... J'suis même pas sûr que t'es juste gay ou que tu t'en fous, comme moi !
Il pouffe et j'suis rassuré d'le voir sourire.
- Non, j'suis bien gay... Tu t'y connais certainement plus en femme que moi, pour le coup.
Oh. J'avais pas vu les choses sous cet angle, mais s'il a jamais couché avec une nana...
- Tu m'as bien dit que t'étais sorti avec une fille ? s'assure-t-il en s'tournant vers moi.
- Oui. Shiraoshi, qu'elle s'appelle. On est sortis ensemble pendant quelques mois l'année dernière.
- C'était sérieux, alors... ?
Je hausse les épaules, pas sûr de la définition du mot « sérieux ».
- J'sais pas, j'comprends pas trop c'que ça veut dire « sérieux ». Mais en tout cas, elle avait rencontré Maman, moi j'avais rencontré sa famille... J'allais souvent chez elle, en fait. On était le couple star de la classe à un moment, il paraît.
- Oh... Et... Vous avez déjà...
Il me regarde pas en posant la question, plissant le nez sur son joint fini. Ça m'fait sourire malgré moi : Ace reste Ace...
- Couché ? Ouais, plein de fois ! C'était sympa.
J'le vois buguer et ça m'étonne pas du tout. J'suis déjà un peu plus étonné quand il se met à ricaner.
- Merde alors... Mon petit frère a plus d'expérience que moi dans ce domaine... !
- Shishishi, ouais apparemment ! T'as jamais essayé avec les filles ? Jamais jamais ?
- Non, ça m'a jamais attiré. J'ai su tôt que je préférais les mecs...
Il allume sa roulée et tire dessus pensivement.
- Quand ? insisté-je, curieux.
- J'en sais rien... Tôt. 13/14 ans, peut-être.
Je siffle, presque impressionné.
- C'est super tôt ! Moi avant Shiraoshi, j'm'intéressais même pas vraiment à ça...
- Ça m'étonne pas de toi. La bouffe est quand même vachement plus intéressante que le sexe, pas vrai... ?
J'réfléchis à la question. C'est une question super sérieuse, ça. Parce que ouais : manger c'est super important. C'est aussi vital que trop bien, et d'ailleurs ça m'fait penser que j'ai la dalle et mon ventre se met à rugir à ce rappel, provoquant un rire contrit à mon frère. Mais faire du sexe, c'est sympa aussi... Moins vital et moins fun sur plein de points, mais par moments, j'me rappelle avoir atteint une sorte d'extase qui m'aurait vraiment fait perdre la tête pour de bon d'plaisir... Chose que la bouffe m'a jamais provoquée.
Genre, mes trois fois avec Kidd.
J'voudrais arrêter de penser à ce crétin, s'il vous plaît.
- Ça t'est déjà arrivé... entamé-je sans vraiment m'en rendre compte. De coucher avec certaines personnes avec qui ça... Enfin... Avec qui c'était carrément mieux ? Carrément meilleur ?
Le petit silence qui m'répond me fait sortir de mes réflexions et j'tombe nez-à-nez avec l'expression pensive de mon frère à cette question. Il me dévisage comme s'il essayait de deviner exactement c'que j'entends par là, et j'regrette beaucoup d'avoir ouvert ma bouche, tout à coup. Parce qu'autant parler de sexe en général avec Ace, ça m'dérange pas plus que ça. Mais parler de mes fois avec Kidd... ? Même pour déconner et embêter les copains, j'ai jamais osé. Alors que j'me gênais pas quand c'était avec Shira' ou Barto'. Parce qu'avec Kidd, c'est vraiment super différent pour une raison que j'arriverais sûrement jamais à expliquer... J'ai l'impression d'me lâcher plus avec lui, de « m'abandonner » comme j'ai déjà pu le lire dans une des fics d'Usopp... Ouais, « s'abandonner » c'est l'bon terme. Et c'est franchement beaucoup trop intime pour que j'reste serein à parler de ça ouvertement.
Surtout avec Ace... Surtout à ce moment précis où on démarre une relation, lui et moi...
J'suis con.
- Oublie c'que j'ai dit, bafouillé-je, en colère contre moi-même. J'sais pas pourquoi j'ai demandé ça...
- Je vois ce que tu veux dire, me coupe-t-il. Mais ça s'explique simplement. On a pas la même façon de coucher avec tout le monde. Et comme pour les relations sociales, le sexe matche plus facilement avec des personnes bien précises plutôt que d'autres.
J'suis surpris de cette explication qui m'intéresse beaucoup, tiens. L'point de vue d'Ace m'intéresse toujours, et j'suis d'autant plus content qu'il me donne celui qu'il a à ce sujet, vu qu'j'ai jamais pu en parler avant avec lui.
- Avec les personnes avec qui tu vas « mieux » t'entendre au niveau sexuel, ça sera effectivement meilleur. C'est logique. Compare ça à une relation amoureuse tout court, si ça peut t'aider. Tu vas forcément passer de meilleurs moments avec quelqu'un qui a les mêmes centres d'intérêt que toi...
- ... Oui c'est logique, lui réponds-je en me plongeant dans mes pensées. Mais c'est normal quand ça arrive avec quelqu'un qu'on aime pas trop, à la base ? Alors que c'est pas arrivé avec des gens à qui on tenait vraiment ?
J'le vois lâcher un petit sourire en coin : j'crois que ça l'intéresse autant que sa vie à moi m'intéresse, en fait.
- Bien sûr, ça veut rien dire. J'connais des couples qui ont une vie sexuelle de malade alors qu'au quotidien, c'est engueulade sur engueulade. Alors que d'autres s'entendent très bien mais ne sont pas du tout sur la même longueur d'onde au niveau sexuel... J'suppose que le mieux, c'est de bien s'entendre sur les deux plans pour qu'un couple fonctionne vraiment.
- ... Et toi et moi ? Tu crois qu'on va bien s'entendre sur les deux plans ?
Ma question était aussi maladroite que stupide, j'crois. J'sais vraiment jamais quand j'dois fermer ma bouche.
Mais Ace ne réagit pas mal ou n'est pas gêné comme j'le pensais : il se pince les lèvres en réfléchissant, affichant un air un peu amusé qui me rend curieux.
- J'sais pas... On va vite le savoir, je suppose...
J'écarquille les yeux face au regard qu'il m'envoie.
J'crois... Que jamais personne m'a regardé comme ça.
Une invitation ouverte en recommandé, avec demande de réponse express. Ses iris m'envoient tellement de luxure que j'sens mon bas-ventre se réveiller d'un seul coup et j'ai qu'une envie : me jeter sur lui pour lui arracher ses vêtements.
Je sais pas trop ce qui m'retient, en fait.
J'lui attrape les bretelles de son débardeur pour l'approcher brusquement de moi et écrase mes lèvres sur les siennes pour un baiser aussi exalté qu'affamé. Ma langue force le passage de sa bouche et je bourrine tellement dans mes mouvements brûlants d'excitation que j'l'entends rire contre moi. Il me répond tout aussi fiévreusement, ses merveilleuses mains retrouvant ma peau pour m'offrir de nouveau ses caresses aussi douces que douloureuses. J'ai envie de plus, bon sang. J'ai faim d'lui comme j'ai rarement eu faim de quelqu'un dans ma vie, et j'ai l'impression que j'arriverais jamais à être totalement rassasié. C'est une sensation aussi grisante qu'enivrante. C'est limite un peu flippant, mais dans le bon sens... Parce que là, maintenant, j'ai tout le temps pour me noyer dans ce désir de lui et de m'complaire dans cette non-satisfaction qui me fera y revenir encore et encore.
J'veux y revenir encore et encore.
J'veux profiter de chaque seconde où sa peau rencontre la mienne, de ce moment agréablement exaltant où il fait glisser mes vêtements au sol. Où chaque bout de tissu en moins semble nous emmener un peu plus près d'un plaisir dans lequel j'pourrais me perdre pour toujours.
J'sais pas pour le sexe en tant que tel, mais... Ouais. Ça m'fait un peu mal de me l'dire, mais j'préfère rester avec Ace à faire ça que d'aller manger, pour le moment. Et ça m'rassure pour la suite.
J'espère vraiment qu'on sera sur la même longueur d'onde, lui et moi. J'veux qu'il m'fasse oublier à quel point le meilleur sexe que j'ai eu de toute ma vie, c'est avec cette tête de tulipe insupportable. J'veux arrêter de buguer sur lui quand j'le croise en soirée juste parce que j'ai jamais réussi à retrouver avec les autres le plaisir de malade que lui en particulier m'donne, j'sais pas trop pourquoi.
Je sais que ça va être bon avec Ace. J'le sens.
J'ai envie d'le savoir maintenant...
Mes doigts arrivent à la rencontre de son sexe érigé et le rappel qu'il l'est pour moi m'arrache un sourire idiot de satisfaction. Savoir qu'Ace se met dans des états pareils juste pour moi... Cette sensation-là aussi, j'vais avoir du mal à m'en passer.
Comme hier soir, on se caresse de nouveau en laissant échapper des soupirs plus ou moins sonores qui ricochent sur le visage de l'autre. J'essaie de garder la tête la plus froide possible, histoire de pas encore me faire surprendre comme un idiot comme c'matin... Sérieux, il m'a fait tellement du bien que j'ai même pas réussi à lui rendre la pareille... Ça m'énerve rien que d'y repenser. Okay, hier, ça faisait longtemps que j'avais rien fait. Mais 'faut encore que j'm'habitue au toucher d'Ace, j'crois... La délicatesse dont il fait preuve quand il me touche me fait beaucoup trop d'bien pour pas m'faire planer si j'm'accroche pas un minimum à la réalité.
Le plaisir nous prend autant l'un que l'autre alors que des milliers de pensées plus ou moins bêtes me traversent la tête en un éclair... Ça fait la troisième fois en moins de vingt-quatre heures. J'ai déjà fait pire avec Shiraoshi, mais quand même... Est-ce que notre vie va se résumer à ça, à partir de maintenant ? On parle, on baise, on parle, on baise...
Et on mange. Si on rajoute cet élément crucial régulièrement, j'avoue que ça m'déplaît pas trop.
Y'a juste un détail qui m'chagrine et j'me rends compte que j'ai pas du tout résolu ma première question de base quand j'nous ai lancé moi-même sur l'sujet.
- Ace... J'ai envie d'plus...
Ses mouvements sur mon pénis ralentissent et il ouvre les yeux sur moi. Ils ont beau hurler la débauche, j'arrive à y déceler un peu d'inquiétude.
- ... Moi aussi, souffle-t-il et c'est certainement le plus beau truc qu'il m'ait dit de toute notre vie. Mais... On pourrait peut-être prendre notre temps... Qu'est-ce que t'en penses ?
J'm'arrête net et fronce les sourcils.
- Comment ça ?
Il cesse lui aussi tout mouvement pour de bon et dégage même sa main pour revenir me caresser le dos tout en embrassant doucement mon visage.
- Y'a... Un sentiment d'inconnu plutôt sympa dans une relation quand on a pas encore couché... Bon, j't'accorde qu'on est déjà allés loin, mais... Je sais pas, toi et moi... C'est particulier. J'crève d'envie d'aller plus loin, n'en doute pas, mais j'me dis que si on attendait un peu, ça sera peut-être encore meilleur quand on y sera...
OK... J'crois voir où il veut en venir. Pourquoi pas... Mais j'suis pas certain que j'tiendrais le coup, en fait.
- Tu penses à combien de temps, au juste... ?
Il se lèche les lèvres tout en m'offrant un sourire beaucoup trop allumeur. J'le déteste.
- Je sais pas... T'as attendu combien de temps avec tes exs ?
J'plisse le nez : il me soûle avec ses questions. Pas que j'veux pas parler d'ça, mais on faisait un truc vachement plus intéressant, là...
- Ça compte pas avec Shiraoshi parce qu'elle flippait, au début, réponds-je malgré tout de mauvaise grâce. Quatre mois, du coup, un truc comme ça... Et avec Barto', un mois p't'être... Mais j'avais pas envie de lui comme j'ai envie d'toi !
Ses yeux s'illuminent à cette phrase, comme si je le rendais super heureux de lui dire ça. Bah quoi ? Il s'en est pas rendu compte ? Oui j'ai envie d'lui, beaucoup trop, même !
- ... Va pour un mois ? me propose-t-il et j'm'entends hurler.
- UN MOIS ?! MAIS ÇA VA PAS LA TÊTE !
Il explose de rire et resserre sa prise sur moi pour me coller un peu plus contre lui. J'pose mon menton sur son épaule et jette une expression boudeuse au mur : il veut m'tuer ? Nous tuer tous les deux ?
- J'déconne... ricane-t-il et me voilà rassuré. Même moi je pourrais jamais tenir aussi longtemps... Une semaine, sinon ?
- J'comprends même pas pourquoi tu veux absolument attendre... râlé-je dans son dos.
- J'te l'ai dit... Toi et moi c'est particulier. J'ai envie de prendre mon temps, c'est tout... Une semaine, ça fait trop pour tes petites hormones adolescentes ?
J'le mords dans la nuque pour me venger de cette pique pas cool. Il couine de douleur et me repousse pour me fusiller du regard, mais à notre façon. La façon rivalité fraternelle, donc.
J'suppose que même après dix années de couple, ça partira peut-être jamais, ça...
- Une semaine, ça fait pour ton anniversaire... noté-je soudainement.
- ... C'est vrai. Et j'aime beaucoup l'idée.
J'réfléchis à la question et me mets à ricaner.
- J't'offre mon corps comme cadeau d'anniversaire, alors ? Ça t'dit ?
J'm'attendais à l'faire rire, pas à le décomposer sur place. J'comprends pas trop le regard halluciné qu'il m'envoie et encore moins le silence qui s'étire entre nous... Il me fixe comme si j'lui avais proposé d'me sacrifier pour lui ou j'sais pas trop quoi. Comme si c'était trop fou pour être vrai.
J'comprends vraiment pas ce genre de réactions bizarres qu'il a depuis hier...
- ... Oui, ça me dit... souffle-t-il dans un murmure. Ça me dit carrément, même...
- ... Ace, j'déconnais hein, lui réponds-je en haussant un sourcil.
Il est malade s'il croit que j'vais rien lui offrir pour son anniversaire.
Il est encore surpris de ma remarque et j'le vois... Ben, rougir, oui.
Sérieusement.
Bon sang, qu'est-ce qui lui prend aujourd'hui ?!
- Oh... Oui, 'scuse. Enfin... Ça ferait un beau cadeau symbolique que j'accepterai avec plaisir, en tout cas... rajoute-t-il et j'sais pas trop s'il cherche à insister ou à m'rassurer.
- Ouais, j'en doute pas... Mais t'auras quand même un cadeau physique, hein !
- ... T'es un cadeau physique, en soi... insiste-t-il pour de bon.
Son sérieux me fait super drôle.
J'secoue la tête d'un air contrit avant de le reprendre dans mes bras.
- T'es bizaaaaarre... commenté-je en ne cherchant pas à comprendre plus loin.
Je l'entends rire légèrement dans mon dos et resserrer encore sa prise sur moi. L'ambiance est retombée pour de bon, mais personnellement ça m'gêne pas. On est bien là aussi, à juste se câliner comme si notre vie en dépendait.
Ça change pas vraiment de nos moments câlins habituels, à vrai dire. Disons qu'on est un peu moins proches et un peu plus habillés d'habitude, quoi. Ça a un côté rassurant, en un sens : ça me donne l'impression que cette nouvelle étape va pas changer tant de choses que ça...
Il a pas tort je pense : on a que du bon à tirer de cette histoire si on y trouve tous les deux notre compte.
Et pour le moment, on est vraiment sur la même longueur d'onde lui et moi, j'ai l'impression...
Ça annonce du bon pour l'avenir, j'suppose. En tout cas, une chose est certaine : j'ai jamais eu autant hâte d'être au Nouvel An de toute ma vie...
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- Arctic Monkeys - I Wanna Be Yours -
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Ça y eeeest, les frangins sont officiellement ensemble ! Sortez les confettis, faut fêter tout ce futur sexe qui nous attend avec entrain !
