Bonjour à tous ! On se retrouve aujourd'hui pour un nouveau chapitre. Et ce chapitre explique à lui seule le choix du titre de cette histoire. Et je sais aussi que c'est un moment que vous attendiez tous avec impatience pour certains. Alors, je ne vous fais pas attendre plus longtemps. Alors, très bonne lecture à tout le monde !
Nekochan 124 : Mais j'aime le teasing ! Tu en le sais pas encore ?
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Fin Octobre 1516
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Rayleigh allait râler de savoir que sa filleule était passée par Shabaody sans lui dire bonjour, mais ils n'avaient pas le temps pour ça. Quand ils furent en vue de l'archipel, Carmen avait laissé leur trimaran ralentir, épuisée après un tel effort accompli avec son fruit. Dans un coin, Ann avait sa sacoche avec du change et de quoi prendre des notes. Elle notait un rapide message sur un bout de papier pour avertir son parrain de la situation et le confia à Iro après l'avoir mis dans une enveloppe. Celle-ci, dès qu'elles seraient à terre, filerait à la recherche du Mei-ö. Elle l'avait déjà vu en photo et la réciproque était vrai, donc, le vieux pirate ne serait pas trop surpris de voir la panthère surgir comme ça. Durgâ avait pris sa lance et en plus de son change, elle avait fourré le denden vidéo dans son sac de toile. Elle avait même préparé des affaires pour Carmen et elle y avait mis le denden mushi pour pouvoir contacter ceux qui avaient besoin de leur aide afin d'avoir un maximum d'information sur la merde dans laquelle ils fonçaient.
Finalement, ils arrivèrent au Grove où ils avaient rendez-vous avec Morgans. Son navire/ballon en forme de théière était déjà à quais, la passerelle descendue, invitant à monter à son bord, avec un journaliste lambda attendant dehors en faisant les cent pas. Ann fut la première à terre, suivi de Iro.
- Je suis Ace, se présenta-t-elle.
Le journaliste la regarda des pieds à la tête.
- L'infâme Ace, hun ? Je te voyais plus vieille.
La D. lui adressa un regard froid avant de faire un signe à Iro de filer. La panthère n'hésita pas plus et partit à toutes pattes dans l'archipel. C'était rare quand elles se séparaient sur une aussi longue période, mais elle avait confiance en son bébé d'adoption pour qu'elle se débrouille sans elle. Et au pire, elle pourrait frapper Rayleigh pour ne pas avoir veillé sur la paramecia.
- Bon, on se dépêche, le patron attend, encouragea le journaliste à l'adresse des trois filles.
Pas besoin d'en dire plus, elles passèrent à bord. Tout juste dedans, le gars ramena la passerelle, fermant le navire derrière elles, et poussa un verrou pour le garder fermé. Il gueula à quelqu'un qu'ils étaient bon à partir et bientôt, le navire décolla.
- Par ici, le patron vous attend, leur dit leur guide.
Et avec un vague geste du bras, il les embarqua jusqu'à une grande salle qui servait à la rédaction du journal. Et au milieu des humains, Morgans s'élevait comme un géant de plumes.
- Bonjour mesdames ! salua plaisamment le directeur du journal. Je doute d'avoir besoin de me présenter.
- Merci infiniment pour le trajet, s'inclina profondément la yôkai.
- Et donc, ce scoop, tu peux m'en dire plus ?
- Non, et pour une fois, c'est pas pour protéger ma peau. Je sais juste qu'on a un Yonkou en difficulté et que si je tarde, je vais louper les évènements. C'est tout ce que mon informateur m'a dit sur le sujet.
Ce n'était pas vraiment ça, mais c'était aussi proche que de la vérité que possible. Une fois dans le Shin Sekai, elle dirait à Carmen de contacter sa famille pour qu'ils en sachent plus.
Morgans eut un air dubitatif.
- Tu as foi en ton contact ?
- Mille pour cent.
- Ne me déçoit pas. Et j'attends toujours ton gros dossier.
- Et il grossit de plus en plus. Je peux juste dire qu'il aurait fait baver mon oncle.
Le sourire revint sur le bec de l'albatros.
- Bien ! En route pour le Nouveau Monde !
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Morgans ne s'était pas occupé plus d'eux. Il avait juste remis à Ann les archives qu'elle lui avait demandé quelques temps avant pour son enquête et qu'elle rangea précieusement dans sa sacoche. Elle avait passé le temps en fouinant dans les annales à bord pour se servir dans les journaux relatant les faits d'armes de son père ou des Rocks. Quand elle n'aurait plus rien à se mettre sous la dent, elle pourrait revenir à son os et trouver ce qui avait fait peur au Sekai Seifu et à la Marine pour qu'on exécute son père.
Carmen avait réussi à rappeler sa famille et donc, passer les informations aux deux autres femmes. Avec ces informations en main, Ann avait fait ses devoirs, découvrant dans les archives et autres documentations sur la zone, la politique et leur histoire. Elle avait une petite idée de comment ça allait se passer. Et elle savait ce qu'elle dirait. Certains de ses collègues cherchèrent à en savoir plus, mais elle refusa de communiquer. Ce n'était que des notes de préparations. Le reste, elle le déciderait quand elle verrait ce qu'il se passe réellement.
C'est ainsi qu'ils se posèrent dans le Red Port. Morgans leur souhaita un bon voyage, après avoir insisté pour qu'Ann le contact juste avant qu'elle ne commence le direct, qu'il puisse assister au spectacle.
La yôkai s'était retenue de lui dire que ce ne serait pas un spectacle. Cela serait la froide réalité. Leur navire d'emprunt les attendait au port, elle n'avait donc pas le temps de perdre quelques instants dans la dispute.
- Je prends la barre, occupez-vous des voiles, ça ira plus vite, avait dit froidement la journaliste après avoir posé ses affaires dans la cabine rustique du navire.
Carmen donna une Vivre Card à Ann avant de rejoindre Durgâ aux voiles.
- Voilà pour guider jusqu'à destination.
La D. regarda le papier entre ses mains. Elle se souvenait du même genre de papier qu'Amelia avait conservé précieusement, des années durant, avant qu'il ne soit réduit en cendre à la mort de Javier. Elle referma son poing dessus et fit tourner la barre. De chaque côté du pont, avec une synchronisation parfaite, Durgâ et Carmen jouèrent des voiles et de leur akuma no mi.
La météo n'était pas de leur côté et les mers du Nouveau Monde était loin d'être aussi paisible qu'en South Blue ou dans le Paradis, mais elle avait l'océan dans le sang. Sans compter qu'elle avait littéralement Roja et Roger qui lui donnaient des conseils régulièrement pour faire face à cette épreuve.
- Carmen ! Pousse le vent ! T'en fait pas pour moi, j'ai le Kaizoku Ou derrière l'épaule ! Alors donne-nous plus de vitesse ! demanda Ann qui était déjà en mode chat mouillé avec la pluie et les éclaboussures de la mer déchaînée.
Elle emmerdait l'océan et la météo. Elle n'avait pas peur. Dans d'autres circonstances, elle aurait ri comme une démente devant les éléments déchaînées. Seulement voilà, le temps était contre elles, on avait besoin de leur aide (enfin, surtout celle de Carmen) et des innocents mourraient pendant qu'elles traînaient. Alors, il fallait bouger.
Carmen marmonna quelque chose dans sa langue natale, avant de disparaître quasiment. Elle était intangible et quasi invisible. On discerna vaguement qu'elle monta ses bras vers le ciel, concentrant comme une bulle de courant d'air immense.
Ann serra les dents en s'accrochant encore plus fort au gouvernail.
Le bateau sauta presque de la mer avec la bourrasque qui les prit par derrière. Le mât émit un craquement sinistre peut rassurant. Il se serait arraché si un bras d'air ne poussait la poupe de leur embarcation, répartissant la force et la pression sur la totalité du navire et non plus dans les voiles uniquement. La D. protégea de son mieux la Vivre Card pour la consulter sans qu'elle ne s'envole, avant de la ranger dans sa poche et de reprendre le contrôle de la barre.
- Vous réalisez que ce que vous faîtes est de la folie, en navigant dans le Shin Sekai avec juste une Vivre Card comme outil de navigation ? se renseigna Roger.
- Duuh, grommela Ann.
Elle banda ses muscles pour lutter contre le courant et garder le cap sur leur destination qui était l'île d'Ostcrest. Elles n'avaient que peu d'informations sur ce qu'il se passait en ce moment là-bas, elles plongeaient quasi à l'aveugle.
Ainsi soit-il.
Un éclair déchira le ciel devant elles.
Il ne manquait plus que ça.
Ann serra les dents mais garda le cap. Peu importe la météo et les obstacles, elles arriveraient à temps.
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Quand elles arrivèrent en vue de l'île, ce fut le chant du canon et les cris des combats qui les accueillirent. L'infâme Moby Dick n'était pas en vue, certainement à lutter contre les troupes maritimes de l'un des royaumes voisins. L'air sentait le souffre, la poudre, le sang et la poussière. L'eau de la baie était rouge sang alors qu'elles jetaient l'ancre dans le port.
- On accoste et je rejoins la ligne de front pour évacuer les civils. Si vous croisez un des gars de l'équipage, dite juste que vous êtes avec moi, lança Carmen.
- Go, t'as du boulot, on gère le navire, pressa Ann à l'adresse de Carmen.
C'est tout juste si elle ne mit pas son pied aux fesses de la logia. Elles en étaient à trois jours sans dormir et elles n'avaient fait que grignoter depuis Beleriand. Compréhensible qu'elles soient sur les nerfs. Mais elles se reposeraient une fois que la situation se serait calmée. Les deux zoans regardèrent Carmen partir avec une capuche et le visage un maximum masqué pour éviter une prime, certainement, les laissant seules pour amarrer leur navire d'emprunt.
- On procède comment, reporter Portgas ? demanda Durgâ alors qu'elles sortaient enfin sur le quai.
L'elfe usait de sa lance comme d'un bâton de marche alors qu'Ann avait, sur le dos, le sac contentant le denden vidéo et le denden de Carmen pour contacter Morgans. Dans sa main gauche, elle avait déjà la hache à incendie de dégainer.
- On va faire un rapide tour de l'île, pour mieux voir la situation et ce qui est fait, avant de passer à l'écran, lui dit la nekomata.
Elle arrangea sa casquette sur son crâne, assez enfoncée pour masquer ses yeux avec sa visière. Elle ne tenait pas à rajouter la merde de Roger à la situation déjà épineuse. Elles rétablirent de justesse leur équilibre quand un tremblement de terre secoua l'île.
- C'est le vieux Newgate. Il doit être de mauvaise humeur, soupçonna Roger.
- C'est le Yonkou, transmis Ann à Durgâ qui hocha la tête.
Et veillant à ne pas se faire trop remarquer, elles foncèrent pour faire un point sur la situation de l'île, faisant le tour de la zone côtière au pas de course. Clairement, les civils n'avaient pas les moyens de se défendre. Pas d'armée, pas de milice. D'où pourquoi Shirohige avait dû décider d'en faire son territoire. Un terrain fragile, sans défense et pacifique. Le genre de chose qui correspondait à l'image qu'Ann s'était faite de lui en écoutant les histoires du fantôme de son père.
Alors que la pluie tombait, elles arrêtèrent leur tour du propriétaire pour se stopper devant une tente de fortune dans laquelle un grand homme blond venait d'entrée. Vue sa tenue, ce devait être un des pirates, certainement un des médecins de l'équipage.
- On est bon ici, on peut commencer.
Le sac fut posé au sol et Durgâ prit le denden vidéo dans ses bras. Ann se saisit de l'autre et composa rapidement le numéro de Morgans.
- OI ! VOUS FAÎTES QUOI LÀ ?! cria quelqu'un en se rapprochant.
Pour toutes réponses, la D. brandit sa carte presse ce qui fit grogner d'agacement l'homme en blanc.
- Patron, je vais commencer, annonça la brune au denden dès qu'elle fut connectée.
« Je fais les réglages et… tu as une minute pour te mettre en place et être présentable ! » annonça Morgans.
Ann se redressa d'un bond devant le denden, arrangea sa casquette même si cela permit à deux mèches de s'échapper de dessous. Elle hésita un instant, puis du doigt, repoussa un peu la visière pour mieux dévoiler son visage. Elle retira quelques plis de son costume mauve et se saisit du micro raccordé au denden vidéo avant de souffler un instant pour s'armer de courage.
- Non, mais c'est une zone de combat ici, pas un terrain de jeu ! continua le pirate.
Le denden vidéo redressa sa tête, signe qu'il enregistrait et retransmettait à présent.
- Ici Ace, pour le Sekai Keizai Shinbun, en direct de l'île Ostcret. Depuis maintenant une semaine, l'île est sous attaque conjointe de ses voisins Melide Isles et la République Très Démocratique du Gondwana, connu notamment pour ses frasques pour prétendre respecter les principes de la démocratie alors qu'il en s'agit ni plus ni moins d'une dictature, avec Président Fondateur à sa tête, comme les élections surprises ou les votes à demi-tour. Mais ce n'est pas pour ça que je suis ici pour le SEKEI.
- Mais allez vous mettre à l'abri, bande de gamines, c'est pas un jeu ! insista l'homme en blanc qui continuait de se rapprocher pour les retirer manuellement de la zone.
Ann leva au dernier moment sa hache.
Sboing
L'homme recula en grognant, se tenant son nez sous son immense pompadour cuivrée.
- Pour comprendre la situation ici, il faut saisir quelque chose d'important sur le fonctionnement des frontières maritimes. Voyez-vous, un territoire ne s'arrête pas à ses frontières terrestres. Il y a plusieurs zones maritimes qui sont encore sujettes à la souveraineté d'une nation. Et cela s'étend très loin. La dernière limite avant la zone maritime internationale est à six cent quarante-huit kilomètre des terres. C'est loin. Et malheureusement pour Ostcret, petite île pacifique et sans défense qui ne demande qu'à vivre en paix, ses terres sont dans les limites de cette zone pour ses deux voisins. Concrètement parlant, sur toute la surface de l'île, il n'y a que deux petits kilomètres carrés que personne ne peut lui disputer, normalement. Mais ses voisins sont gourmands et cupides, d'où le problème.
Elle ignora royalement le grognement de douleur du pirate à côté d'elle pour continuer, se fiant au pouce levé de Durgâ qui lui disait qu'elle faisait du bon boulot.
- Et pire encore, pour les civils, contrairement à leurs deux voisins, ils ne font pas partis du Gouvernement Mondial. Et même si ça avait été le cas, cela ne les aurait pas protégés. Pourquoi ? Parce que la Marine ne peut tout simplement pas se battre contre l'armée d'une nation qui est sous sa protection. Ce qui explique encore plus le carnage actuel.
Elle arrangea son équilibre quand le sol se remit à s'agiter suite à un nouveau tremblement de terre.
- Sans l'intervention de l'équipage du Yonkou Edward Newgate, connu sous le nom de Shirohige, cette île aurait été rayée de la carte parce qu'elle est tout simplement au mauvais endroit. Île qui est désormais de son territoire. C'est pour ça que nous avons des pirates qui se battent contre deux armées, à l'heure où je vous parle, tout en apportant autant que possible leur aide aux victimes de ce combat. Je n'ai pas encore de chiffre sur les blessés et les morts, mais soyez certain que-
- J'AI BESOIN DE SANG EN URGENCE !
Le médecin blond était sorti de la tente, les lunettes sur le nez, ses gants médicaux couvert de tellement de sang que ça tâchait le mauve de sa chemise.
Un autre pirate s'approchait par derrière Durgâ pour les faire bouger. Un homme gros et grand avec une dentition à revoir et un air méchant. Le pauvre gars se prit littéralement le micro d'Ann dans la figure quand elle le balança à l'aveugle pour rejoindre en courant le médecin.
- Je suis donneuse universelle et en pleine forme ! T'as besoin de sang, sers-toi !
- Euuh… c'est gentil, mais… commença le grand blond.
- TU VEUX DU SANG OU PAS BORDEL DE MERDE !? T'ES MEDECIN ! TU VAS VRAIMENT CRACHER SUR UN DONNEUR PARCE QUE TU PEUX PAS FAIRE DES VERIFICATIONS !? JE SUIS CLEAN, TU VEUX QUOI DE PLUS ! MON EXTRAIT DE NAISSANCE !?
- …D'accord, accepta le médecin en clignant des yeux de surprise. Par ici.
Et il embarqua la yôkai dans la tente.
- C'était Ace pour le SEKEI, conclu Durgâ avec amusement avant d'éteindre le denden et de raccrocher celui de Morgans.
Carmen n'allait pas être contente. Mais c'était pour la bonne cause. Et puis, la D. était solide.
Dans la tente, Ann était déjà assise sur une chaise pliante, le médecin la raccordant à une poche de sang. Note à soi-même, se faire faire une carte de donneuse, cela serait plus simple à l'avenir. Elle se massa le nez avec fatigue et, n'ayant rien de plus à faire, elle regarda autour d'elle. Elle n'allait pas parler, cela pourrait troubler la concentration de l'équipe médicale. Durgâ allait lui en vouloir, certainement de l'avoir laissé en plan comme ça.
C'était un hôpital de guerre comme un autre. Certes, ça se voyait que les Shirohige avait les moyens, mais c'était la guerre et les blessés s'accumulaient. D'autres ne passeraient pas l'heure.
- C'est rare de voir une journaliste tout lâcher pour aider à sauver des vies. Je doute que Morgans soit content de ce que tu as fait, yoi, pointa le blond qui surveillait l'avancée de la récolte de sang.
Ann regarda le médecin et sentit sa gorge s'asséchée subitement. L'homme n'était pas "beau" à proprement parler, mais il avait un charisme qui le compensait aisément. Et un air calme et posé en dépit de son inquiétude et des soucis qu'on devinait dans ses yeux, derrière ses paupières tombantes. Et il était fin. Grand et fin. Blond aux yeux bleus et de la parfaite tranche démographique pour ce qui devait être de son âge probable. Il se déplaçait avec légèreté et élégance, mais sans entraver l'efficacité d'un combattant. Et dieu ces muscles… Rob Lucci pouvait se rhabiller, elle avait trouvé mieux. Et sa voix… dieu quelle voix. Elle lui donnait envie de fermer les yeux en ronronnant. Elle était tombée sur « l'oncle M », il semblerait. Et ça valait le détour.
- Tout va bien ?
Deux yeux bleus inquiets se penchèrent sous la casquette pour voir ceux argentés de la yôkai.
- Euh oui, oui… juste perdue dans mes pensées.
- Bien sombre, si j'en crois ta tête… Ace, si j'ai bien entendu, yoi ?
- C'est mon nom dans le métier. C'est comme ça que mon père voulait m'appeler. Ma mère a choisi Anabela. Ann pour faire plus court.
- Enchanté. Je suis le premier commandant Marco, mais si tu es journaliste, tu dois déjà le savoir.
Bon sang, ce sourire…
Ann déglutit et détourna la tête pour masquer qu'elle était en train de rougir comme une pivoine.
- C'est pas la première fois que je donne mon sang comme ça… mon… mon oncle disait que si j'étais donneuse universelle, c'était pour aider ceux qui avaient besoin d'un peu d'espoir pour s'en sortir. Que parfois, même une goutte de sang peut faire la différence.
- J'aime bien la mentalité de ton oncle, yoi.
- Il est mort quand j'avais six ans. Assassiné par la Marine dans le port de mon île natale.
- Mes condoléances.
- Gracias.
Elle laissa aller son menton sur son poing, l'autre bras toujours tendu pour son don de sang.
- Prends ce dont tu as besoin, je suis plus solide que j'en ai l'air.
- Mon nez ne va pas dire le contraire, grommela le roux de tout à l'heure en entrant dans la tente.
Marco jeta un œil par-dessus son épaule pour observer l'état de son camarade, puis revint vers la brunette qui abordait la mine la plus angélique et innocente possible. Puis, le médecin remarqua la hache à incendie avec un peu de sang que la journaliste avait sur la cuisse et fit tout seul l'addition.
- Je te soignerais plus tard, Thatch, j'ai plus urgent et grave que toi sur les bras pour le moment.
- Comme essayer de draguer la petite brunette qui donne son sang ?
- Je mords. Fort, averti Ann avec un regard noir.
Elle respira profondément. Sa tête commençait à lui tourner. Elle commençait à se sentir détacher.
- PORTGAS D. ANN ! SANCTAIDD SHIT ! JE PEUX SAVOIR CE QUE PUTAIN TU FAIS ?!
Le coup de gueule de Carmen fit sauter de sa chaise Ann qui se retrouva accroupit un peu plus loin en crachotant comme un chat en colère. Pour le coup, la transfusion avait été brutalement arrachée de son bras et Marco dû intervenir rapidement pour que le sang ne s'échappe pas. Cependant, le mouvement brusque donna l'impression à la nekomata que son cerveau nageait dans sa boîte crânienne. Rhyddid Carmen était aussi furax que les tempêtes qu'elles avaient affrontées pour venir. Et elle le prouva en engueulant royalement le premier commandant qui était justement sur le point de lui remonter les bretelles.
- Et tu as osé me faire répéter jusqu'à l'épuisement chaque procédure d'urgence et tu les fous au trou directement ! Et ton putain de détecteur de mensonge ?
Le roux au nez cassé s'effondra sur le côté en riant comme un idiot, sa blessure totalement oubliée alors qu'il se tordait d'hilarité devant l'air interdit et un brin coupable de son camarade blond. Mais Carmen n'avait pas fini :
- Et toi ? On n'a pas mangé depuis hier matin ! On vient de faire un non-stop pour venir ! Et tu donnes ton sang alors que tu es à deux doigts de faire un malaise, Ann ?!
- Alors, pour sa défense, je lui ai pas laissé le temps d'en placer une, et pour la mienne, je vais très bien par rapport aux gens qui ont besoin de ce sang. J'te jure, j'ai des gènes monstrueux. Tio dit que je tiens ça de mon vieux. Et puis, je ne suis pas du tout sur le point de faire un malaise.
Elle offrit un sourire resplendissant à Carmen qu'elle voyait légèrement floue.
- Je me sens très bien, même. Aussi bien que la fois où mes frères ont voulu tester l'effet de l'herbe à chat sur moi. Et puis, faut avouer que c'est rare de rencontrer un médecin avec une telle voix de velours qui te donne limite un orgasme.
Et son sourire se fit encore plus grand sous l'air exaspéré de son père alors qu'elle n'avait même plus conscience de ce qu'elle disait comme bêtise. Ses yeux roulèrent dans ses orbites et elle s'effondra en arrière avec toujours son grand sourire en dépit qu'elle venait de littéralement perdre connaissance.
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Elle était une arme de guerre.
Défectueuse ou non, c'était ce pourquoi elle avait été conçue. Pas pour l'amour, la paix ou quoique ce soit. Elle était née pour le sang et la violence. Outre des entraînements contre Carmen et Ann, Durgâ ne s'était jamais battue. Water Seven ne comptait pas, ce n'était que des voleurs des bas-fonds, rien capable de faire bouillir ainsi son sang dans ses veines.
Elle ne savait pas si c'était ses compétences d'armes qui se réveillaient si c'était un coup de main de Quetzalcóatl ou juste l'adrénaline, mais étrangement, la lance lui semblait presque légère dans son maniement. Comme une extension de son corps.
Le sang qui jaillissait autour d'elle ne la faisait même pas cillée.
Etrange à dire, mais elle se sentait bien.
Une étrange vibration sous ses pieds l'alerta.
Elle ouvrit la bouche pour goûter l'air… et vu rouge. Elle reconnaissait cette odeur rance de sueur, de sang et de sperme.
Alors qu'à une époque, elle aurait été trop terrifiée pour ne serait-ce que fuir, aujourd'hui, elle n'hésita pas. Elle fonça à toute vitesse. Elle allait de plus en plus vite sans être essoufflée. Son saut se fit si simplement pour passer par-dessus des gravats. Elle arriva dans une ruelle en ruine et trouva ce qu'elle avait senti. Un homme, le pantalon et le caleçon aux chevilles, retenait à terre une gamine de même pas dix ans. Et il avait déjà une main dans les sous-vêtements de la fillette qui hurlait à l'aide.
Le temps de cligner des yeux, et l'elfe tombait du ciel sur l'assaillant, ses plumes dorées brillant comme le soleil au milieu de sa chevelure étrangement neigeuse. Le foulard qui servait normalement à masquer la collerette était entre les mains de la zoan.
Le soldat n'eut pas le temps de réagir que le tissu grisé s'enroula autour de sa gorge.
Elle tira. Fort.
Très fort.
L'homme lutta, cherchant à l'atteindre, à desserrer le tissu qui l'étouffait. Mais rien à faire. Même quand les membres lâchèrent, elle continua de maintenir la pression. La fillette se redressa en tremblant et fila se cacher entre des gravats. Les minutes s'écoulèrent et finalement, la zoan hésita. Elle porta une main au poignard dans la large ceinture de son saroual, puis finalement, y renonça relâchant la pression définitivement.
Le salaud tomba au sol sans vie.
Elle cracha un mollard plein de venin sur l'homme et alla s'asseoir sur un morceau de mur effondré à proximité, prenant ses cheveux devenus totalement blanc dans ses mains pour les observer.
- …Pourquoi ? demanda l'enfant.
- « Elle se munit d'une immense épée, se rendit au-devant du monstre et le découpa en morceaux. Mais aussitôt que le sang touchait le sol, de chaque goutte naissait un nouveau démon, aussi terrible que le premier… » répondit avec calme l'elfe.
- Pardon ?
La zoan se contenta de lui sourire d'un air rassurant.
- Vous êtes qui ? demanda doucement la petite.
- Kali la Grise.
Et elle tira sa langue de serpent.
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Ann ouvrit les yeux difficilement. Son crâne la tuait. Il s'était passé quoi ?
- Alors, ça partait d'une bonne intention, mais dans ton état, ce n'était pas une bonne idée, même si tu es solide, dit le fantôme de Javier en la regardant de toute sa hauteur depuis le bord du lit.
La brune se redressa et regarda autour d'elle. On l'avait mise dans un lit à l'écart dans la tente médicale. A peine plus loin, Marco s'occupait d'autres patients.
- Mais j'admets que tu as le don pour faire de magnifiques premières impressions… surtout auprès de monsieur le docteur à la voix de velours capable de provoquer un orgasme, intervint Roja avec amusement. Et si tu te le demandes, sache que ton père est parti grogner plus loin.
La nekomata manqua de s'étrangler. Elle n'avait tout de même pas dit ça ?
Les deux fantômes hochèrent la tête pour lui confirmer que oui, elle l'avait fait.
Chiotte.
En silence, elle prit sa forme animale et se laissa rouler hors du lit de camp. Elle remarqua son sac avec les dendens dedans et saisit les lanières dans sa gueule. Un dernier regard au personnel médical qui n'avait encore rien remarqué et elle prit ses patounes à son cou.
Elle se sentait extrêmement stupide. Le genre de situation où elle aimerait que le ridicule soit vraiment capable de tuer. Elle se faufila aisément entre les jambes des pirates et des quelques civils encore aptes à se déplacer. Ses deux queues tressées ensemble ne semblait en faire qu'une avec la fourrure mi-longue qu'elle avait. En moins de deux, elle avait traversé tout le terrain qui la séparer de la baie et sauta sur le navire d'emprunt. Elle sauta sur la table de la micro-cuisine pour y laisser son sac et se réfugia dans les dortoirs pour se cacher sous la couverture, toujours sous sa forme de chat. Elle mit ses patounes sur ses oreilles, les yeux tellement fermés qu'ils en étaient crispés.
La honte. Clairement.
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Kali tressait son imposante crinière blanche quand Carmen arriva. La médecin semblait sur les rotules alors que l'elfe ne s'était jamais sentit aussi vivante aussi loin que remonte ses souvenirs. Les yeux de la logia allèrent sur la fillette qui se cachait dans les gravats, puis à l'elfe tranquillement assise sur son rocher.
- Tu l'as eu, Durgâ ? se fit confirmer la bicolore en voyant l'homme à terre.
- Kali.
Carmen cligna des yeux et garda un instant le silence, avant d'apparemment comprendre ce que voulait dire l'elfe.
- On va remonter au campement, Kali. Même si je m'octroie le droit de t'appeler Durgâ parfois.
La nouvellement baptisée haussa des épaules. Ce n'était pas bien différent des fois où on appelait Ann par son autre prénom.
Elle resta tranquillement assise sur son siège improvisé, regardant le ciel en remettant son foulard autour de sa crête de plumes. Au loin, les sons des combats commençaient à se calmer. Son attention vers le haut lui fit louper le regard de reconnaissance de la petite vers elle, alors que Carmen la soignait avec des pansements décorés de petites fleurs. Puis, il fut temps de retourner à ce qui tenait lieu de civilisation au milieu de ce champ de bataille. Et pour elle, retrouver une certaine nekomata qui l'avait laissé en plan.
Kali se leva et épousseta son saroual. Elle fit quelques pas pour reprendre sa lance et se retourna pour voir que la petite était à présent accrochée à la main de Carmen et tendait sa seconde main vers sa sauveuse.
L'adolescente leva un sourcil perplexe en regardant la petite main tendue vers elle, puis Carmen, avant de serrer la main et ensuite la relâcher.
- Kali… soupira avec affection Carmen. Elle te demande de la prendre par la main pour la ramener à sa famille car elle se sent en sécurité avec toi, tout simplement. C'est une des nombreuses façons de dire merci pour l'avoir sauvé.
La petite retendit la main, mordillant le bord de sa lèvre pour masquer sa nervosité. Mais elle regardait toujours la jeune elfe à la peau noire avec espoir que celle-ci l'attrape à nouveau.
- Ah ? fit la zoan.
Elle regarda la main tendue comme si c'était un objet inconnu et se gratta la tête avec une certaine nervosité.
- Euuuh…
Kali regarda sa propre main, semblant au milieu d'un calcul très complexe, et finalement, lui prit sa main. Une petite main douce et chaude. Elle sentait le cœur de la petite battre dans leur paume de mains jointes.
- Comme ça ?
La plus petite entre les deux se mit à sourire, ravie. Et il était clair qu'elle serrait bien plus la main de Kali que de Carmen. Kali était de plus en plus perplexe.
- Tu as une fan, nota la médecin. Et tu t'appelles comment, un bach ?
- Maya ! cria d'excitation la petite. Elle est venue du ciel. Comme un ange. Tu es un ange ? C'est pour ça que tu as des plumes en or ? Tu as la peau douce, comment tu fais ? Je pourrais être aussi forte que toi ? Il y a aussi le capitaine Barbe Blanche. Tu es de son équipage ? Ma sœur m'a dit qu'elle voudrait en faire partie. Mais… mais je l'ai perdue de vue. Il y avait trop de fumée. … Je retrouverais ma grande-sœur ?
La zoan aurait bien voulu se masser le nez. Elle avait vraiment la tête d'un ange ? Et elle ne pouvait pas se taire au lieu de dire des bêtises ? Ouep. Première occasion, elle allait laisser la petite entre les mains de Carmen et elle irait retrouver Ann. Elle avait besoin d'une peluche. Et actuellement, le plus proche de la description, c'était un gros nekomata d'un bon mètre quatre-vingts de long.
Alors, s'efforçant d'ignorer le babillage de la petite, Kali suivi la route et surtout Carmen, resserrant son autre main sur la hampe de sa lance. La petite continuait de parler, parler et parler, histoire d'évacuer la panique, alors qu'on l'escortait jusqu'au camp des réfugiés.
- MAYA !
Une adolescente arriva, un bandage autour de sa tête et ayant perdu des cheveux à cause des flammes, clairement. Et la petite partit, lâchant leur main pour sauter dans les bras de la plus âgée en larmes. Maintenant, c'était l'occasion de prendre la fuite. Kali allait prendre la clef de champs quand la petite Maya revint à la charge, tenant un bout du cardigan de l'elfe. Elle avait une peluche abîmée par les combats dans son autre bras.
- Merci Kali. C'est mon trésor. Monsieur Griffouille. Il est à toi ! Comme ça, tu m'oublieras pas, promis ?
Un petit chat en peluche.
L'elfe regarda la petite qui lui donnait sa peluche favorite, puis Carmen, lui demandant silencieusement de l'aide pour savoir quoi faire. Puis, voyant que la médecin n'avait pas envie de l'aider et que la petite lui tendait toujours la peluche, l'elfe s'accroupit, sans lâcher sa lance et tendit doucement sa main à plat, laissant à la gamine la possibilité de changer d'avis. Tout sourire, l'enfant y déposa le petit chat et la zoan ajusta la prise pour le tenir par le cou.
- Merci. J'en prendrais soin.
Elle se releva et se détourna sans un mot de plus. Oui. Se cacher était une bonne idée à l'instant T. Juste un coin tranquille pour remettre de l'ordre dans son cerveau après cette scène… si bizarre. Elle regarda la peluche en marchant et finalement, la serra contre sa poitrine en soufflant par le nez. Elle allait méditer. Ça lui ferait du bien. Et ça aiderait avec son souci de contrôle. Bien heureusement que Carmen n'avait pas commenté sur ses cheveux blancs.
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Ann dormait, toujours cachée sous la couverture de la couchette qu'elle n'avait quasi pas utilisé dans le voyage. Elle tuerait pour retrouver le nid du Calypso, mais elle ferait avec. Elle était un chat, elle pouvait dormir n'importe où.
Elle avait entendu Durgâ, pardon, Kali rentrer qui lui avait expliqué les circonstances de son changement de prénom, mais avait refusé de s'étaler sur pourquoi ses cheveux avaient blanchi. Juste que c'était temporaire.
Elle se réveilla à moitié en entendant Carmen revenir.
- Hey. Comment vous allez ? lança la femme dans le navire.
De dessous la couette, Ann n'avait aucune idée d'où était la logia.
- Mieux, répondit Kali quelque part dans le dortoir.
La nekomata s'enroula un peu plus sur elle-même et referma les yeux sans répondre. Une humiliation dans la journée, c'était suffisant.
- Tu comptes disparaitre là-dessous combien de temps, Ann ? Et as-tu manger un truc au moins ?
- …oui. Et je resterai ici jusqu'à la fin des temps.
- Donc… sachant que Shirohige en personne souhaite vous avoir à sa table, ce soir, on oublie. Et, malheureusement, « non » est une réponse qu'il n'accepte pas vraiment…
- Trop d'hommes pour moi dans un seul et unique endroit. C'est quelqu'un d'important pour toi, alors, il a le droit à des excuses de ma part, répondit Kali sous sa forme divine de serpent à plume.
Elle ferma les yeux, et remonta une de ses ailes sur sa tête.
- Je vais passer mon tour.
- Faut quelqu'un pour tenir compagnie à Kali, justifia Ann de dessous la couette. C'est ta famille, amuses-toi. Au pire, reste avec eux, j'appellerais Morgans pour retourner à Shabaody.
Pas moyen qu'elle sorte de ce trou après l'humiliation qu'elle s'était infligée. Sans compter qu'elle avait frappé un commandant, mit en difficulté un second en plus de l'embarrasser. Il y avait aussi Roja qui n'arrêtait pas de la taquiner sur son crush évident. Il y avait aussi qu'elle restait la fille de Gol D. Roger. En vingt ans, un équipage peut beaucoup changer. Rien ne disait que les hommes actuellement sous les ordres de Shirohige accepteraient sa présence sans protester. Et causer des ennuis sur le navire d'un homme que son père appréciait, ce n'était pas dans sa To-Do List.
Une odeur inconnue vint chatouiller le museau du chat qui tourna doucement la tête sous la couverture en direction de la porte. Le pas était léger. Presque aérien. Quasi imperceptible à l'oreille. Et justement, c'est ce « quasi » qui disait que ce n'était pas Carmen. Parce que dû à son logia, il était impossible d'entendre le bruit de ses pas quand elle s'y mettait.
- Alors ? La réponse de tes amies ?
Merde.
Cette voix de velours liquide…
C'était le premier commandant qui venait d'arriver.
- Comme je te l'ai dit, Kali aura du mal à venir avec toutes les personnes présentes. Et c'est compréhensible, expliqua Carmen. Mais, Ace, en revanche…
- Un souci, yoi ?
Kali ouvrit juste une paupière, laissa pendre un instant sa langue d'amusement en regardant la nekomata qui s'était figée sous la couverture, avant de le refermer en sifflant.
La garce, elle se foutait d'elle.
- Allez, sort de là, il va pas te manger, Ann, encouragea Roja. Au moins pour embête ton père.
Nop, pas moyen, même pour faire chier Roger.
Elle tenta d'ouvrir la bouche pour trouver une excuse sur son refus de l'invitation, puis la referma. Sa voix se refusait à elle. Elle avait presque envie de pleurer de désespoir.
- Miss culot fait sa timide, nota avec amusement Kali sans rouvrir les yeux.
Ann tourna la tête vers la direction où était l'immense serpent. Elle allait l'étouffer avec un coussin.
- Mais je suis sûre qu'Ace serait ravie si tu lui demandes, oncle Marco.
Le ton de voix disait clairement que Carmen se foutait d'elle. Elle n'était pas aidée.
- Yoi… je dois commencer à m'inquiéter ou non ? Néanmoins, vous êtes invitée à venir manger à la table du capitaine et des commandants.
- Vas-y avant que ton père ne trouve un moyen de faire comprendre à ta mère de t'envoyer dans le couvent le plus reclus de South Blue, encouragea Roja en riant. Allez, petit chat, il va pas te manger.
Elle allait tuer les fantômes. Vraiment.
Ann reprit sa forme humaine et se glissa hors de la couverture en rougissant furieusement. Elle ajusta sa casquette sur son crâne pour masquer son visage et surtout, les oreilles de chat, avant de pointer un doigt vers ses deux camarades.
- On ne retrouvera jamais vos corps.
Kali se contenta d'agiter les cascabelles au bout de sa queue pour dire qu'elle avait entendu mais qu'elle n'en avait rien à faire.
Puis, la journaliste enfonça ses mains dans ses poches en rentrant la tête dans ses épaules. Elle aurait bien voulu dire quelque chose. S'excuser pour la scène de tout à l'heure, de l'avoir mit en porte-à-faux, mais elle n'arrivait tout simplement pas parler au blond devant elle. Elle ne pouvait que regarder en bas, admirer les longues jambes musclées du commandant. Elle n'avait pas envie d'être à l'autre bout d'un coup de pied vu la puissance qu'il avait l'air de cacher dans ces muscles si finement dessinés.
Bon, c'était officielle, elle était sous le charme. Elle était dans la merde.
- Tu me diras, il est plutôt mignon. Le visage est peut-être un peu trop long à mon goût, mais il a son charme, commenta Roja avec un sourire à l'oreille de sa descendante. Et ça fait un beau parallèle avec le couple de ta mère. Une tête brune qui fonce et réfléchi après, qui tombe sous le charme d'une tête blonde posée et calme.
En plus de tuer ses camarades, Ann allait faire un bel exorcisme. Elle enfonça un peu plus sa casquette sur son crâne, espérant masquer un peu plus son ascendance et ses rougeurs.
- Bien. On va pouvoir y aller, alors. Oncle M est celui qui t'emmène au navire. J'ai interdiction de transporter des gens par Cassandra pour le reste de la journée, informa Carmen.
- Compréhensible, commenta Marco. Tu es venue du triangle de Florian jusqu'ici en moins d'une journée et demie. Miss ? Après vous, yoi.
- Amusez-vous bien, marmonna Kali.
Elle retira sa tête de sous son aile et la glissa entre deux de ses anneaux pour poursuivre sa sieste.
Ann, quant elle, était figée sur place. Son cerveau avait fait un arrêt sur image. Transporter ? Lentement, très lentement, elle tourna la tête vers Carmen.
- Transporter ? réussi-t-elle à sortir.
Si ses frères l'entendaient, ils se seraient moqués d'elle pour produire une voix de souris alors qu'elle était une nekomata. Elle inspira profondément pour essayer de reprendre un semblant de calme, et, toujours en s'adressant à Carmen, parce que parler à Marco était impossible en l'état des choses, elle continua :
- J'ai deux jambes, tu sais. Je peux marcher.
Chouette, sa voix n'était plus un cri d'agonie d'un rongeur.
- Ça, oui, répondit Carmen. Mais le navire a été déplacé dans la baie. Donc, à moins que tu ne puisses marcher sur l'eau ou sauter, très très loin, il va falloir que l'un de nous deux t'emmène. Et puisque je suis interdite de le faire…
- Ah… répondit la journaliste avec une voix étranglée.
Si seulement Roja voulait bien arrêter de rire, ça l'aiderait énormément.
- Je peux vraiment pas rester ici, avec Kali ? Y'a des nouilles instantanées. C'est bien les nouilles, souffla avec espoir la demoiselle.
Elle se sentait de plus en plus ridicule. Elle avait envie de se cacher dans un trou. Elle pourrait essayer de poser une illusion pour faire croire qu'elle était venue et basta ? Non, Carmen n'apprécierait pas qu'elle fasse ça à sa famille.
Puisqu'aucune réponse ne venait, Ann se résigna et sortit du dortoir pour rejoindre la pièce à vivre du petit navire. Elle attrapa sa hache qu'elle avait posé sur la table et la glissa dans le holster à sa cuisse en rejoignant le pont. De là où ils étaient, le navire de Shirohige était assez loin, bien au large.
- Ah, le Moby Dick, il y a longtemps ! commenta en souriant Roger. Avec de la chance, je pourrais te présenter à ce bon vieux Oden !
Ann n'avait pas du tout envie qu'on la présente à quiconque. Elle était en train de regarder par-dessus bord, considérant l'option de la noyade pour mettre fin à la situation embarrassante. Elle avait charmé plus de mecs qu'elle n'avait d'années, et la voilà incapable de prononcer un mot ou de regarder en face un simple pirate. Certes, c'était tout de même un gros nom du milieu, mais ce n'était pas une raison.
Finalement, elle se tourna vers les deux autres, les mains dans les poches, attendant la suite.
- Je pars devant. On se retrouve sur le pont. À tout de suite, lança Carmen.
Et elle usa de son logia pour s'envoler littéralement et rejoindre l'autre navire, sans voir l'air d'Ann qui avait l'impression d'être abandonnée à son malheur. Marco regarda sa filleule partir, puis la jeune femme qui était toujours aussi figée.
- Et si on faisait comme si rien ne s'était passé, yoi ? proposa le blond.
La seule réaction fut la tentative de la journaliste pour se faire oublier. Le pirate soupira et dans un embrasement bleuté, il prit la forme d'un immense oiseau aux plumes de feu azurées, avec une queue et une crête d'or pur.
La bouche d'Ann s'assécha à nouveau. Cette forme animale était le coup de grâce.
Derrière, Roja riait aux éclats.
