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Hello, me revoilà ! Quoi de neuf ?

De mon côté, y a du positif (moins de dossiers au taff) et du négatif (entretien annuel... grosse critique négative TT_TT). M'enfin. Je prends trop les chose sà coeur, il faut que je garde de la distance.

Also, c'est bientôt Kandoryaaaaaaa! Je trépigne d'impatience xD

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Passons aux réponses aux reviews !

Salut Naptis ! Tu gagne un cookie x) Pour le Rasengan explosif, c'est encore juste une ébauche. J'avoue que je ne suis pas très sûre de quelle attaque de rang S Tsunami va se servir...

Tiph l'Andouille les deux auraient eu du sens, mais c'est Tenten l'experte en bukijutsu x) T'inquiète, dans ce chapitre on verra plein d'autres Genins, au lieu de rester concentrés sur les Uchiha !

Coucou Yuedra ! Oh là là, c'est le travail de toute une vie ça. Orochimaru a foutu des Horcruxes partout ! Et oui, pour se lancer dans cette quête, il faut déjà survivre à l'affrontement x) Une chose à la fois ! Et pour la technique de rang S... je sais pas encore x) Pour ce qui est des Hyuga je headcanon qu'Hashirama voulait TELLEMENT que les clans rejoigne le village (pour stopper les guerres entre clans) qu'il leur a demandé de rejoindre Konoha en leur assurant que leurs traditions seraient respectées. Il avait vaguement dans l'idée que par la suite, il pourrait les pousser à changer. Mais il n'a jamais eu le temps de s'en préoccuper. Et ensuite, c'était la guerre, et... la situation n'a jamais changé. BREF! Oui j'avais dans l'idée de rendre Lee plus malin que dans le canon, lui donner un petit côté stratège par exemple x) Bien vu ! Quant à Izumi, MDR, tu n'y es pas du tout ! Elle travaille tard parce qu'elle est ANBU ! Pour ce qui est de Iruka, ah ouais, ça aurait pu marcher o_O Du coup je suis dégoûtée de ne pas y avoir pensé. Mais bon, dans le canon Iruka n'a pas de talent prodigieux avec les Shurikens. Sorry ! x)

Hey Redheadead ! Sorry j'ai pas du tout vu ta review... Mais celle-là, je l'ai vue ! xD Oui, Orochimaru est increvable. Je me casse la tête à trouver une solution. Et la technique de rang S de Tsunami pédale dans la semoule avec le reste de mon inspiration, en ce moment... Mais bon. Il me reste encore quelques chap' à publier, donc ça ira x)

Coucou Vyrush ! Oh, bon plan, l'épée du Nidaime. Je me garde ça sous le coude. Franchement je suis toujours indécise quant à cette super technique xD

Bien vu Rose-Eliade ! Mais c'est Tenten plus que Naruto qui utilise les shurikens et les kunais x)

Merci Robinet667 !

Yep, Eliie Evans, sur tes trois hypothèses, une est bonne x) Peut-être même deux, mais pour l'instant, une seule ! Sinon, mon inspi pour Naruto est toujours en panne sèche. J'espère la retrouver, mais pour l'instant je suis vraiment à fonds sur MHA. J'ai à peu près 900 pages d'écrites sur la fic Self-Insertd ans cet univers xDDD

Tu n'as pas eu de notification liamireldib-b, mais moi non plus ! Heureusement que j'ai jeté un oeil aux reviews avant de poster ce chap', parce que le site ne m'as jamais prévenue ! Je me disais "ah bah y a plus grand-monde qui lis..." mais c'ets le site qui déconne u_u Sinon : bravo ! Tu as deviné juste et tu gagnes un cookie x)

Salut Leen Hogwarts ! Ah bah 4 chap' d'un coup, tu as eu de la lecture x) Pour ce qui est de l'héritier du Hiraishin, par contre, tu as faux. Les Uchiha ne peuvent pas tout avoir ! xD

Yo FoxyCha24 ! Nope, c'est pas Shin ni Sai. Perdu ! Sinon je me tordais de rire en imaginant des chats explosifs, merci pour l'image x) Et vu l'engouement d'Orochimaru pour les serpents ET éparpiller des bouts de son âme partout, il fallait que je asse absolument une référence aux Hocruxes de Voldy...

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Waaaah ! Merci à tous de rester si fidèle alors que mon rythme de publication est à l'agonie, et que mon inspi aussi x)

J'ai encore quelques chap' en réserves, j'espère ne pas vous décevoir !

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Passons au chapitre !

Petit zoom sur les Genins qui ne sont pas arrivés juqu'au tournoi. Parce que mine de rien, ce sont tous des persos très intéressants. Et leurs POV respectifs m'ont permis de creuser plein de choses différentes : la loyauté au village, le sentiment de ne pas être assez fort... Mais aussi la façon dont la Sôke et la Bunke sont vus par la Sôke et/ou les gens extérieurs aux Hyuga, autrement dit ceux qui pourraient agir : et pourquoi ils n'agissent pas, justement.

Oh, et on aura aussi le POV d'un que j'attend d'introduire depuis des LUSTRES ! La fameuse Pakura, Jounin de Suna.

Et on reverra aussi Sumire, l'ANBU au masque de chouette =)

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Le sens du devoir

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Au total, douze Genins se préparaient à passer à la seconde phase de l'examen. La phase publique, la phase individuelle, celle que tous les gamins avides de gloire ou juste d'action attendaient avec impatience.

Mais ils avaient été nombreux à entrer dans cet examen. Douze heureux élus étaient parvenus jusqu'à la dernière ligne droite… Mais pour les autres, il fallait apprendre à encaisser l'échec.

Pour certains, l'échec avait le goût de l'humiliation. Yakumo Kurama avait fondé tant d'espoirs sur ce test ! C'était sa chance de regagner son honneur perdu, de racheter sa faute, de prouver au monde mais surtout à elle-même qu'elle pouvait enfin faire quelque chose de bien pour racheter tout le mal qu'elle avait fait à sa famille. Mais elle avait perdu. Elle avait perdu en moins de cinq minutes, contre une Uzumaki, une étrangère à Konoha ! Une utilisatrice de taijutsu, en plus, et c'était ça qui lui brûlait sans doute le plus la gorge. Ce foutu taijutsu. Yakumo s'était donné beaucoup de mal pour être une kunoichi malgré son handicap. Son corps était faible et elle ne pourrait jamais combattre au corps à corps, mais elle avait tellement travaillé son Shunshin ! Et ses genjutsu ! Elle aurait dû être capable de tenir la distance… Mais Karin Uzumaki avait été trop rapide, trop brutale. Elle l'avait écrasée comme si Yakumo n'était rien, comme si tous ses efforts étaient sans valeur. Et pour Karin, cette victoire n'avait sans doute rien de remarquable. Alors que… Yakumo en aurait pleuré.

Mais elle ne pleura pas. Après qu'elle ait découvert sa responsabilité dans la mort de ses parents, elle avait tellement sangloté qu'il lui semblait avoir épuisé toutes ses réserves de larmes. Yakumo ne pleurerait plus.

C'était une façon stupide de perdre son temps, quand on pouvait s'entraîner à la place. S'entraîner, encore et encore, jusqu'à être meilleure. Jusqu'à être assez. Jusqu'à ne plus faire honte au clan Kurama : jusqu'à ne plus avoir honte, elle, de qui elle était et de ce qu'elle avait fait. Yakumo avait échoué à cet examen, et la rage impuissante lui serrait la gorge comme un nœud coulant. Mais ce n'était pas la fin. Elle pouvait encore essayer : tenter sa chance à un autre examen, ou prendre des missions plus dangereuses, jusqu'à gagner une promotion sur le champ de bataille. Ce n'était pas la fin : ce ne serait la fin que quand Yakumo serait morte, et Yakumo Kurama n'était pas du genre à se laisser tuer facilement.

Pour d'autres, l'échec avec le goût familier de la résignation.

Hinata avait été hospitalisée durant deux semaines après son combat contre Neji. Son père était venu la voir, avec son grand-oncle, membre du conseil des Anciens du clan. Ils avaient été mécontents de son état, mais d'une certaine façon, leur colère n'avait pas été dirigé contre Hinata. Oh, ils ne s'étaient pas privés de lui dire qu'elle aurait dû s'attendre à ce genre de résultat si elle affrontait Neji, comme si elle était une stupide petite fille dont qui s'obstinait à les embarrasser avec ses blessures pathétiques. Mais leur mécontentement était plutôt orienté vers la situation en général. De quoi ça aurait l'air pour les autres clans. De quoi ça avait eu l'air pour les Jounins-sensei qui avaient assistés à la scène. Est-ce que Neji représenterait correctement les Hyuga dans le tournoi à venir, avec son attitude irrespectueuse. Pour eux… C'était comme si Hinata n'était qu'un objet du décor, inconvénient et exaspérant, mais pas au point d'être responsable de ce qui se passait.

Hinata était habituée. Depuis qu'elle avait quatre ans, elle sentait le poids du dédain de tous les Hyuga peser sur ses épaules. Elle était habituée au goût de l'échec. Mais ça ne voulait pas dire que ça avait cessé de lui faire mal.

Neji… Jadis, ils avaient été proches. Hinata s'en souvenait mal : ils étaient si jeunes à l'époque. Et puis il y avait eu le kidnapping… la mort du père de Neji… et petit à petit, son cousin s'était éloigné, renfermé. Il la regardait avec rancœur. Au départ la distance n'avait été qu'émotionnelle, parce que comme tous les Hyuga, Neji avait son foyer ici. Même si ses parents étaient morts, c'était le clan qui s'occupait de lui. Et puis, avec le temps… Il avait trouvé le moyen de rentrer de plus en plus tard, se cachant à la bibliothèque ou s'entraînant jusqu'au crépuscule. Et après qu'il ait rencontré cette fille à l'Académie, Karin Uzumaki… Neji avait mis les voiles pour de bon, passant tout son temps libre avec elle et les Uchiha, loin des Hyuga. Loin d'Hinata.

Il lui en voulait, et Hinata le savait : mais elle n'avait pas réalisé à quel point le temps et la distance, au lieu de panser ses blessures, les avaient envenimées. A présent, le visage de Neji se tordait de dégoût et de colère quand on évoquait son rôle de protecteur. Il fixait Hinata avec mépris. Un jour, il y avait déjà plusieurs années de ça, elle avait tenté de l'appeler Ni-sama, « grand frère », comme elle le faisait jadis… Et Neji était entré dans une fureur noire, une colère glacée qui avait donné lieu à un entraînement tellement brutal qu'il avait fallu l'intervention de deux serviteurs pour que Neji cesse de s'acharner.

Après ce combat, Hinata avait songé, fugacement, que l'expression haineuse de Neji semblait presque terrifiée. Mais de quoi aurait-il eu peur, lui, le génie des Hyuga ? Et surtout, pourquoi aurait-il eu peur d'elle… Elle qui était si faible, tellement faible qu'elle ne savait que se résigner à sa haine ? Hinata s'était persuadée qu'elle avait mal vu.

Et pourtant, étendue dans son lit (les médics avaient accepté de la laisser sortir, mais elle avait interdiction de s'entraîner pendant encore plusieurs jours), n'ayant rien d'autre à faire que de contempler son échec… Hinata ne pouvait s'empêcher d'y repenser. Peut-être qu'elle n'avait rien imaginé. Peut-être que c'était bien de la peur qu'il y avait eu sous la fureur de Neji. Oh, une partie de sa colère était très certainement légitime, prenant racine dans son sentiment d'impuissance et la rancœur qu'il nourrissait contre le clan. Mais cette violence… Ce rejet absolu, pas juste de la Sôke, mais d'Hinata personnellement… Peut-être que ça venait bien d'un sentiment de peur.

Parce que des années après… Le regard de Neji était exactement le même. Furieux, et terrifié. Et Hinata ne pouvait s'empêcher de se demander, avec un sentiment distant d'horreur et d'incrédulité mêlés, ce qui pouvait tant effrayer son cousin si stoïque. Après tout, ce n'était pas comme si le clan Hyuga avait autre chose à lui arracher… Non ?

Pour les deux kunoichis de l'équipe de Kurenai, l'échec avait un goût amer. Mais c'était différent pour les élèves d'Asuma. Car pour certains, l'échec n'était pas difficile à accepter. Oh, bien sûr, ça ne faisait pas plaisir. C'était irritant, c'était triste, c'était décevant. Mais c'était attendu.

Shiho avait toujours su qu'elle ne passerait jamais Chuunin à douze ans.

Soyons raisonnables, enfin ! Elle était une orpheline sans nom, sans kekkei genkai, sans réserves de chakra extraordinaires, au contrôle du chakra à peine moyen, et aux compétences physiques tout juste suffisantes pour être diplômée. Et en prime, elle était myope comme une taupe ! Oh, elle était extrêmement intelligente, mais son talent ne résidait pas forcément dans la stratégie, la politique, la manipulation émotionnelle, ou tout autre domaine de ce type. Non, Shiho était intelligente parce qu'elle avait un esprit d'analyse cartésien et rationnel… Et surtout, une mémoire photographique absolument phénoménale. Elle n'oubliait jamais rien.

Être placé dans une équipe avec un Jounin-sensei, au lieu d'être reléguée à la Division Genin… Déjà, ça avait été inattendu. Certains jours Shiho se disait qu'elle se serait sans doute davantage épanouie dans la Division Genin. Sans sensei pour la pousser en avant, elle aurait progressé à son rythme. Elle se serait éloignée du combat actif pour entrer dans la Section Intelligence, dans le Département de Cryptologie ou encore celui de Contre-espionnage, peut-être. Elle aurait eu une carrière paisible… pépère, même… Et ça lui aurait très bien convenu. Shiho était un rat de bibliothèque. Sa place était au milieu des bouquins, pas aux côtés des génies comme Shikamaru Nara !

Mais voilà, on lui avait assigné une équipe de Genin et ils avaient réussi le test de leur Jounin-sensei. Et maintenant, Shiho devait s'adapter. Elle avait amélioré son taijutsu… Elle avait mis à profit sa formidable mémoire pour se plonger dans la concoction de poisons et autres cocktails chimiques… Mais voilà, elle savait qu'elle ne passerait pas Chuunin de sitôt. Et en fait, elle était plutôt soulagée d'avoir raté l'examen.

Shiho n'était pas très ambitieuse. Ça ne la dérangerait pas, de rester Genin toute sa vie. Être un ninja gratte-papier était considéré comme dégradant par la plupart des shinobi (qui rêvaient de gloire, de violence, et de grandeur), mais pour Shiho, c'était le paradis.

Et Shiho ne voyait pas quel était le problème avec ça. Ses deux coéquipiers pouvaient progresser : elle les soutiendrait, elle les aiderait, et elle serait ravie pour eux. Mais elle ? Non, ça ne l'intéressait pas. Tant qu'elle avait des livres à lire, des puzzles à résoudre, et qu'elle pouvait passer du temps avec Shikamaru et Hakuhyō… Elle n'en désirait pas davantage. Et certainement pas une promotion !

Pour Hakuhyō, cela dit, c'était différent.

Hakuhyō Yuki était un immigrant du pays de l'Eau : il y avait une certaine pression pesant sur lui, l'attente implicite qu'il prouve que Konoha avait bien fait de l'accueillir et de lui donner sa chance. Et puis, lui aussi, personnellement, il voulait briller. Il voulait prouver sa force et son talent, et obtenir tous les honneurs dont sa mère s'était volontairement privée quand elle était revenue à la vie civile afin de pouvoir rejoindre Konoha. Hakuhyō était quelqu'un de doux et sensible sous ses dehors abrupts et solitaires… Mais il était aussi un ninja, jusqu'au fond de son âme. Il était doué, et il était fier d'être doué. Alors oui, il aurait aimé aller plus loin dans l'examen. Il aurait aimé aller jusqu'au bout : il aurait aimé être promu…

Mais cette envie s'était envolée dès que les Genins de Kiri avaient formé une alliance avec eux.

Hakuhyō savait que son kekkei genkai était rare et convoité. C'était un point sensible pour lui. Il était un utilisateur du Hyôton, il contrôlait la glace, il venait d'un clan disparu : plus qu'un ninja, ça faisait de lui un trophée. Hakuhyō détestait ça. Il avait mis du temps à s'ouvrir à ses camarades de Konoha pour cette raison. Il savait qu'il resterait toujours un étranger, une prise de guerre, et qu'il ne supportait pas cette idée d'être regardé de haut par ceux en qui il devait avoir confiance. Mais au moins Konoha avait le bon goût d'être discrète à ce sujet. Les gens étaient gentils. Shikamaru, Shiho et Asuma-sensei le respectaient. Hakuhyō commençait à s'ouvrir à eux, petit à petit.

Mais Kiri ? Le village de Kiri avait massacré son clan. Le village de Kiri avait forcé ses parents à fuir, poussé son père à l'alcoolisme, obligé sa mère à renoncer à la vie de kunoichi. C'était à cause de Kiri que le Hyôton était un trophée : c'était à cause Kiri que Hakuhyō avait grandi sans pouvoir s'ouvrir à quiconque, sans pouvoir faire confiance à personne. Et maintenant, sous prétexte que quelques années avaient passé, ils voulaient faire table rase du passé ?! Non, il ne pourrait jamais y avoir de pardon. Hakuhyō s'en fichait que Kiri ait changé, que ces Genins soient innocents des crimes de leurs parents. Il avait vu leurs regards. Il avait vu la façon ils avaient reconnu le Hyôton, et il avait reconnu leur empressement à sympathiser avec lui. Que ce soit pour la gloire, pour renforcer leur village, ou juste par curiosité morbide… Ils étaient comme les autres. Ils voulaient le Hyôton comme trophée, comme leurs ancêtres jadis…

Pas question. A partir du moment où l'alliance avait été formé avec eux (et oh, Hakuhyō savait que cette alliance avait été nécessaire, vu l'état de Shiho, mais tout de même, ça lui laissait un goût amer dans la bouche) … Hakuhyō avait immédiatement décidé de déclarer forfait dès la fin de l'épreuve. Il refusait que son succès soit lié à Kiri de quelque manière que ce soit.

Mais tout de même… Il aurait voulu réussir. Le fait que ça soit son choix de renoncer, que ça ait été mûrement réfléchi et calmement décidé… Ça ne l'empêchait pas d'avoir des regrets. Il aurait vraiment pu décrocher une promotion, il en était sûr.

Mais il en avait parlé à sa mère, et… Elle était d'accord avec lui. Dans la même situation, elle n'aurait sans doute pas été aussi dure (Kahyō ne détestait pas autant Kiri que lui, et elle était plus mesurée, plus encline à faire des compromis), certes : mais un succès obtenu par le biais de moyens dont on a honte est un succès qui ne peut apporter aucune joie. Si Hakuhyō avait senti par la suite qu'il ne méritait pas sa promotion à cause de l'alliance avec Kiri, alors pourquoi tenter de l'obtenir ? Il fallait rester fidèle à soi-même. Le but n'était pas de grimper les échelons de la hiérarchie le plus vite possible. Le but était de pouvoir vivre chaque jour en paix avec soi-même.

Ce n'était pas la fin du monde. Il obtiendrait sa promotion au prochain examen, voilà tout.

Asuma avait invité Kurenai au restaurant, comme souvent. Et non, ils ne sortaient pas ensemble, bon sang. Même si Kurenai était très jolie et qu'ils étaient très proches… Et que, occasionnellement, ils flirtaient un peu… Et qu'elle était la seule femme avec qui il s'imaginait passer le reste de sa vie… Ahem. Reste concentré, Asuma.

Non, Kurenai et Asuma n'allaient pas au restaurant parce qu'ils sortaient ensemble. C'était une tradition datant de leur adolescence, qui s'était poursuivi avec les années. Et ces derniers temps, ces repas leur permettaient aussi de faire des briefings sur leurs Genins. Chaque Jounin-sensei s'occupait personnellement de son équipe, mais… Ça ne faisait pas de mal d'échanger leurs observations, de partager leurs idées, d'avoir un nouveau point de vue sur leurs problèmes.

D'autres Jounins allaient un pas plus loin et entraînaient carrément leurs élèves ensemble (Tsunami et Gai, ou bien Kakashi et Tenzō) mais Asuma et Kurenai n'en étaient pas encore là. Déjà parce que leurs élèves avaient besoin de l'attention exclusive de leur sensei… Et ensuite parce que certains de leurs Genins (autrement dit : Ino Yamanaka et Shikamaru Nara) se mettaient immédiatement à les taquiner sur leur relation dès qu'ils les voyaient ensemble !

– Comment se débrouille Ino ? demanda Asuma en remplissant leurs verres.

Kurenai esquissa un petit sourire :

– Pas mal du tout. Ses genjutsu s'améliorent. J'ai doublé ses entraînements au kenjutsu avec Yūgao. Bien sûr, elle va affronter l'élève de Tsunami, alors on peut s'attendre à quelques techniques de shurikens et du ninjutsu… Mais Ino n'a pas forcément à se montrer plus forte. Juste plus maligne.

– Fais attention à ne pas la sous-estimer, l'averti Asuma.

Kurenai agita vaguement la main. Elle connaissait Tsunami depuis que celle-ci avait, quoi, onze ans ? Elles n'étaient pas proches mais elles avaient constamment évalué dans le même cercle de connaissances, avec Genma, Izumo, Kotetsu, Gai… Et surtout Anko. Kurenai savait comment Tsunami se battait. Mais surtout, elle savait aussi quelles étaient ses faiblesses.

– Tsunami est toujours directe. Les pièges, les stratégies sur le long terme, les double-bluffs, ce n'est pas son genre… Du moins, pas en combat. Ses élèves ont été formés avec cette mentalité. Si Ino peut mener Tenten dans un piège, elle l'emportera.

Asuma émit un bruit pensif mais ne la contredit pas. Il ne connaissait pas assez le chef du clan Uchiha pour en juger.

– Et au niveau du mental ? s'enquit-il. Est-ce qu'elle est stressée, impatiente ?

– Les deux, admit Kurenai. Mais elle a surtout hâte d'en découdre. Ino est… particulièrement protectrice de ses coéquipières. Les voir vaincues de cette façon, et surtout si aisément dédaignées par leurs adversaires… Ça l'a rendue furieuse. Ma plus grande crainte est qu'elle ne prenne pas Tenten au sérieux parce que son attention sera concentrée sur les matchs suivants, contre Neji ou Karin.

Il y eut un court silence pensif. L'équipe 8 n'avait pas eu de chance, avec Yakumo battue par Karin et Hinata battue par Neji. Le prodige des Hyuga et la furie rousse… Ces deux-là, même quand ils étaient à l'Académie, on entendait parler d'eux. Surtout l'année de leur diplôme, en fait. Ils étaient arrogants, brutaux, et co-dépendants à l'extrême : tous les Jounins priaient secrètement pour ne se les voir assigner !

– Et toi, comment progresse Shikamaru ? demanda Kurenai avec intérêt.

– Il est à la fois peu motivé, et absolument opposé à l'idée de repasser l'examen plus tard, donc c'est particulier ! sourit Asuma.

– Ne me dis pas qu'il traîne les pieds pour s'entraîner !

– Un peu, mais il n'a pas vraiment le choix, non ? Il n'a aucune chance de battre cette fille de Suna avec de la force brute. Ce sera un match axé sur la stratégie, l'adaptabilité, et la vitesse de réaction. Il s'entraîne beaucoup au shōgi… Et à éviter les attaques de Fuuton.

– Oh, je parie qu'il adore ça…

– Tout à fait ! rit Asuma. Bondir, rouler et courir vite, tu imagines bien que c'est une seconde nature pour lui !

Ils échangèrent un sourire complice. Asuma s'était suffisamment plaint de la paresse de Shikamaru pour que Kurenai devine exactement à quel point le jeune Nara devait se plaindre de ces exercices…

Ils étaient plutôt contents de leurs résultats, songea Asuma tandis qu'ils échangeaient encore quelques taquineries sur la flemme légendaire des Nara. Il était rare que les rookies, Genins depuis à peine quelques mois, soient inscrits à l'examen Chuunin. Il était encore plus rare que ces Genins réussissent à parvenir jusqu'au tournoi final… Et pourtant, Kurenai et lui avaient chacun un élève dans la course !

Bon, Kakashi en avait un aussi. Gai et Tenzō également. Tsunami en avait carrément deux. Mais c'était normal : eux, ils étaient des monstres, le genre de tank qu'on envoie en première ligne contre des régiments… Et leurs élèves étaient quasiment tous des prodiges, ou bien des Uzumaki (qui n'étaient peut-être pas très futés, mais qui étaient complètement terrifiants). Alors, ce succès ? C'était attendu. Le fait qu'Asuma et Kurenai, qui étaient puissants mais relativement normaux, aient pu pousser leurs élèves jusque-là… C'était quelque chose dont ils pouvaient être fiers, en tant que professeurs mais aussi en tant que ninja. Et le mieux ? C'était qu'Ino et Shikamaru avaient tous les deux une réelle chance de passer Chuunin, alors que le petit Uchiha, le prodige des Hyuga, le Jinchuuriki, et la furie rousse… Ils étaient tous bien trop immatures.

Ah, est-ce que ça ne serait pas beau ? Que les enfants normaux dépassent les prodiges, pour une fois ?

Ni Asuma ni Kurenai ne mentionnèrent l'invasion imminente de Suna, ou la menace d'Orochimaru, ou la multitude de choses qui interromprait à coup sûr cet examen. Ils étaient Jounins, ils avaient été prévenus, et ils s'y préparaient. Mais leur rôle était aussi de prétendre qu'il ne se passait rien. Prétendre que personne n'avait rien remarqué, et que leur plus grande préoccupation était le succès de leur équipe.

On ne sait jamais qui peut écouter, après tout.

oOoOoOo

Le jour du tournoi était proche. Le jour de l'invasion aussi. Pakura inspira profondément, puis fronça le nez. Elle pouvait certainement voir l'attrait de cet endroit, avec son climat tempéré, son soleil chaleureux, l'odeur boisée des grands arbres dont les feuilles bruissaient dans le vent. Mais ça ne vaudrait jamais l'air pur du désert, les dunes s'étalant à perte de vue, le bleu aveuglant du ciel sans nuage. Pakura n'avait rien contre Konoha, non, pas personnellement. Mais Suna était son foyer. Elle ferait ce qui était nécessaire pour les défendre.

Suna avait son lot de problème. Et peut-être qu'une invasion n'était pas le meilleur moyen de les régler, mais quelque chose devait céder. La source des problèmes de Suna était triple : l'économie, la réputation, et leur Jinchuuriki meurtrier. Le Daimyo était un pleutre vénal qui sous-traitait leurs missions à Konoha afin de payer moins cher. Du coup, ils avaient moins de revenus. Ils fréquentaient moins de clients, avaient moins de visibilité, et perdaient en réputation. Le pays de l'Herbe avait également diminué son commerce avec eux, et certes, c'était parce qu'Orochimaru avait fait faire un bond en avant à leur médecine… Mais il y avait aussi le fait que Kusa était en train de devenir un village fort, alors qu'au contraire Suna s'affaiblissait. Et pour finir, il y avait Gaara. Ses crises de rage, son manque de contrôle, son incompréhension des concepts d'amour et de loyauté, sa mentalité de bête traquée. Il était l'arme de Suna, mais quelle protection est une épée sans poignée, qui vous déchire les mains dès que vous tentez de la brandir ? Gaara était davantage un danger pour ses concitoyens que pour les ennemis du village.

Oui, Suna avait trois sources de problèmes : son économie, sa réputation, et son Jinchuuriki. Et… Tous ses problèmes pouvaient être retracés jusqu'à une seule personne : Rasa, leur Yondaime Kazekage.

Peut-être qu'il n'avait pas eu de mauvaises intentions, au début. Mais Rasa s'était montré trop avide, trop arrogant. Il avait créé le conflit avec le Daimyo, d'abord et se disputant avec lui pour des broutilles, puis en envenimant sans cesse la situation, jusqu'à mener Suna au bord de la faillite. Rasa avait également décrédibilisé leurs shinobis en poignardant dans le dos plusieurs potentiels alliés ces dernières années, et rabaissant constament ses meilleurs combattants, tout simplement parce qu'ils ne lui léchaient pas assez les bottes. Et puis… Pire que tout… Il y avait la façon dont il avait géré leur Jinchuuriki. D'un point de vue personnel, Pakura trouvait sa cruauté révoltante. Les enfants devaient être chéris et protégés. Mais aussi d'un point de vue professionnel, en tant que kunoichi qui avait à cœur les intérêts de Suna, elle était horrifiée par l'incompétence de leur Kazekage.

Rasa avait créé Gaara, scellant le démon en lui in utero, même au risque de tuer son épouse. Puis il avait blâmé l'enfant pour la mort de sa mère… Une réaction émotionnelle naturelle, mais illogique, cruelle, et dommageable sur le long terme. En tant que Kage de leur village, Rasa n'aurait pas dû succomber à cette rancœur irrationnelle. Cela l'avait poussé à dédaigner Gaara, à le détester, à le voir comme une arme défectueuse et non un enfant perdu. Et puis il y avait eu cette histoire avec Yashamaru. La version officielle était que Yashamaru, l'oncle de Gaara et son tuteur (puisque Rasa refusait que Gaara vive avec son frère et sa sœur dans sa maison), avait tenté de tuer Gaara dans un accès de chagrin. Mais Pakura n'était pas stupide. Yashamaru avait été trop doux, trop posé, trop stable pour succomber à un moment de folie. Il était plus que probable que le Kazekage lui ait ordonné de tuer Gaara afin de se débarrasser d'un Jinchuuriki au contrôle erratique du sable ou, à défaut, dans le but de suffisamment traumatiser le gosse pour qu'il éveille enfin l'instinct de tueur de son Bijuu. Et… Tout ce que Rasa avait réussi à faire… Ça avait été de briser son propre fils de façon irréparable.

Peut-être pas de façon irréparable, amenda mentalement Pakura. Gaara n'était pas complètement perdu. C'était un garçon intelligent et réceptif. Simplement, les concepts de gentillesse, de respect et de réciprocité lui étaient complètement étrangers. Depuis que Pakura avait été nommée Jounin-sensei de leur équipe pour ces examens… Elle avait pu approcher Gaara bien davantage qu'au cours des dix dernières années. Et c'était un garçon sensible. Têtu, silencieux, en colère, effrayé, violent. Mais pas monstrueux. Ce n'était pas une bête sauvage. Rasa et ses sbires parlaient à Gaara comme à un chien enragé, mais… Si on le traitait avec courtoisie, si on récompensait son bon comportement au lieu de simplement multiplier les punitions au moindre écart… Il réagissait bien. Il s'ouvrait. Il parlait.

Pakura n'avait jamais voulu d'enfant. Mais parfois, elle songeait que… Peut-être…

Enfin bref. Il n'avait pas été difficile de décider qu'il fallait tuer Rasa. Leur Kazekage devait servir Suna : et le Yondaime travaillait activement contre les intérêts du village. Dans ce cas, il était du devoir de Pakura de mettre fin à cette farce.

Alors elle avait pris contact avec Orochimaru.

Orochimaru et Rasa complotaient ensemble, bien évidemment, planifiant déjà l'attaque de Konoha. Tous les Jounins du village étaient au courant. Il n'avait pas été difficile d'attendre Orochimaru près de la frontière… Et le Sannin s'était montré absolument ravi d'entendre son plan. Peut-être parce qu'il aimait l'idée de doubler Rasa. Ou simplement parce qu'il éprouvait un plaisir sadique en voyant des gens trahir leurs Kage… Ah. C'était probablement ça. Bah, ce qui était fait était fait, de toute façon. Rasa complotait avec Orochimaru, Pakura complotait avec Orochimaru, Rasa et Pakura complotaient l'un contre l'autre, et absolument personne n'avait l'intention d'honorer ses engagements. Il était inévitable que ça finisse dans le sang.

Alors Orochimaru allait tuer Rasa avant le début du tournoi. Et en échange, Pakura allait… allait faire quelque chose qui allait contre ses principes, mais qui était nécessaire à la sauvegarde de Suna.

– Sensei, on peut faire une pause ? cria Kankuro depuis l'autre bout du terrain d'entraînement.

Temari brandit son éventail :

– T'abandonne, lopette ?!

– Te servir de cible nécessite une sacrée motivation et je n'ai pas encore déjeuné ! rétorqua son frère.

– Tu ne me servirais pas de cible si tu avais passé l'examen préliminaire, au lieu de te faire écrabouiller !

Gaara, assis un peu plus loin dans l'ombre d'un arbre, frémit d'un air agacé. Pakura posa sur lui un regard inflexible. Jadis, Gaara l'aurait ignorée comme il ignorait habituellement tout le monde : il aurait manifesté son mécontentement avec une vague de sable aux intentions létales, peut-être en direction du buisson le plus proche, mais peut-être en direction de son frère et sa sœur dont les braillements l'incommodaient. Mais… Trois mois sous la tutelle de Pakura lui avaient appris un peu de calme et de contrôle. Il crispa la mâchoire, puis sembla faire un effort sur lui-même et lâcha froidement :

– Ils m'agacent.

Temari et Kankuro avaient l'ouïe fine, parce qu'ils pâlirent tous les deux. Pakura inclina la tête, et se leva :

– Une pause pour reprendre des forces, dans ce cas. Gaara, veux-tu venir manger en ville, ou rester ici ?

Gaara réfléchit à sa réponse avec plus de gravité que la question n'en méritait vraiment. Encore une chose que Pakura avait réalisé à son sujet… Gaara n'avait pas l'habitude qu'on le consulte sur quoi que ce soit, et encore moins sur ce qu'il désirait. Lui accorer cette simple miette d'autonomie avait fait des merveilles pour permettre à Pakura de gagner son respect, et peut-être même son affection.

Cela dit, Pakura n'était pas naïve au point de croire que Gaara hésiterait un instant à la tuer. Il avait broyé Yashamaru, son oncle bien-aimé, sans le moindre remords. Après ça, comment croire que l'amour suffirait à retenir la soif de sang du Ichibi ?

– Rester ici.

Pakura inclina la tête :

– Moi aussi. Temari, Kankuro, vous avez une heure pour manger, puis revenir. Ne soyez pas en retard.

Les deux adolescents obéirent, non sans jeter un dernier regard inquiet par-dessus leur épaule. Pakura ne put s'empêcher de ressentir une pointe de chagrin en contemplant leurs visages. Temari avait le même nez que son père, et ses yeux en amande. Kankuro avait les mêmes cheveux hérissés, la même mâchoire forte, le même menton carré. Ils étaient les élèves de Pakura et elle les appréciait, mais… Ils étaient loyaux à leur Kazekage. Quel gâchis.

Pakura avait apprécié Rasa jadis, et malgré leurs différents elle le respectait encore. Mais cela faisait des années qu'ils se tournaient autour, n'osant jamais attaquer le premier par crainte de créer le chaos à Suna, mais cherchant inlassablement l'opportunité de se débarrasser de l'autre. Il était temps que cela se termine. Pakura n'en retirerait aucune joie. Elle appréciait Rasa. Elle appréciait aussi bon nombre des ninjas qui lui étaient loyaux… Baki. Chiyo. Ebizō. Isago.

Contrairement à bon nombre de shinobi, Pakura n'avait pas honte d'admettre qu'elle éprouvait de l'affection pour ses pairs. C'était un signe d'humanité. C'était parce que Pakura n'avait pas fermé son cœur à autrui qu'elle avait été capable de gagner autant de support au sein de son village : les gens qui avaient peur de l'insensibilité de Rasa voyaient en Pakura quelqu'un de plus mesuré, parce qu'elle avait davantage de compassion. Elle aimait son élève, Maki. Elle aimait ses collègues, même ceux qui avaient donné leur allégeance à Rasa. Elle aimait ses élèves, même si elle planifiait d'assassiner leur père. Elle appréciait même les nukenins de Kiri à qui elle avait offert asile dans le désert en échange de leur soutien. Ou même la chef du clan Uchiha avec qui elle avait discuté lors des derniers examens, et qui avait attiré l'œil de Maki ! Pakura était quelqu'un de digne et de mesuré, mais elle était aussi quelqu'un qui aimait. C'était un fait.

Elle s'attachait aux gens. C'était une faiblesse.

C'était une faiblesse, mais ça n'avait pas à être un handicap.

L'amour devenait un handicap quand ça entravait tout le reste. Elle n'avait pas l'intention de laisser ça arriver. Les ninjas n'en parlaient pas, ils ne le réalisaient sans doute pas, mais chacun avait un ordre de priorité bien précis. Pour la plupart des gens, il s'agissait de protéger ceux qui leur étaient cher. Quand ils parlaient de « pour le bien du village », ils voulaient dire « pour le bien de ceux que j'aime ». Et c'était risqué de trop s'attacher, parce qu'alors une seule personne pouvait prendre la priorité sur tout le reste, et c'était…. dangereux. Alors les ninjas clamaient fièrement n'aimer rien davantage que le village. C'était n'importe quoi. Il suffisait de garder ses priorités en ordre. On pouvait aimer les gens sans pour autant laisser ce sentiment se mettre en travers de son chemin.

On pouvait aimer quelqu'un et lui mentir, aimer quelqu'un et le manipuler, aimer quelqu'un et le blesser… Ou même aimer quelqu'un et le tuer. L'amour ne devait pas être la fin de tout. Parce que dans ce monde qui était si cruel, se laisser entraver par l'amour c'était se condamner à mort.

Alors oui, Pakura s'était attachée. Cela lui ferait de la peine de voir l'horreur sur le visage de ses trois élèves quand ils réaliseraient le sort de Rasa. Kankuro, Temari et Gaara connaissaient sa véritable allégeance. Ils la surveillaient toujours du coin de l'œil. Mais ils avaient été maître et élèves durant des mois, et inévitablement un lien s'était formé entre eux. Pakura regrettait déjà le moment où ses trois élèves comprendraient qu'elle avait tué leur père.

Mais elle n'avait plus le choix. Rasa était nuisible à leur village, et Pakura était une loyale kunoichi de Suna. Elle ferait son devoir.

oOoOoOo

Trois semaines avaient passé depuis la fin de la deuxième épreuve de l'examen Chuunin. L'échec n'en devenait pas plus facile à digérer pour Shino Aburame. Leur équipe avait échoué à l'examen Chuunin. Malgré tous leurs efforts, ils n'avaient pas réussi à avoir le rouleau de la Terre et celui du Ciel à temps. Ils avaient perdu leur rouleau face à une équipe de Kiri, avaient récupéré un autre rouleau un peu plus tard d'une équipe de Taki, puis affronté trois équipes différentes sans jamais réussir à mettre la main sur le rouleau qu'il leur fallait. Était-ce la faute du manque d'endurance de Ranmaru, qui les avait considérablement ralentis ? Du manque d'initiative de Chōji, qui n'avait pas été assez déterminé ? Du manque de compétence de Shino lui-même ? Ou la faute à pas de chance ? En tous les cas, le résultat était là. Ils avaient échoué.

Ranmaru et Chōji avaient accepté leur défaite avec fatalisme et un peu de légèreté, et avaient repris l'entraînement comme si de rien n'était. Shino avait essayé de calquer leur attitude sur la leur, mais… Non, rien à faire. Sa défaite lui restait en travers de la gorge. Il avait l'impression d'avoir laissé tomber Hoheto-sensei. De s'être laissé tomber lui-même, aussi. Il aurait dû réussir !

Lorsque Shino Aburame était devenu Genin, il était un peu… incertain de son équipe. Chōji et Ranmaru étaient tous les deux d'un naturel gentil et respectueux, mais ils manquaient tous les deux d'initiative. Quant à Shino lui-même … Il n'était pas du genre à imposer ses ambitions à autrui. Il était discret, réservé, laconique. Shino avait songé que leur équipe avait du potentiel, mais il avait regretté qu'aucun leader-né ne les rejoigne. Quelqu'un de charismatique comme Naruto ou Ino ou encore Shikamaru, quelqu'un de déterminé et énergique comme Kiba, Sasuke, ou même Yakumo.

Mais Hoheto-sensei l'avait vite désabusé de ces idées puériles. Un leader n'est pas un leader digne de ce nom parce qu'il attire les regards ou charme les gens : il l'est parce qu'il le mérite, parce qu'il en a les capacités. Il était inacceptable que Shino reste en retrait parce qu'il n'aimait pas être le centre de l'attention. A partir du moment où il avait de plus grands talents que ses camarades, alors il devenait de son devoir de les protéger et les guider.

Le clan Aburame n'était pas très vaste, ni très riche, ni très important. Les insectes mettaient toujours les gens un peu mal à l'aise. Le profil des ninjas du clan Aburame ne se prêtait pas non plus à leur faire une bonne publicité… Ils se spécialisaient dans l'espionnage, la reconnaissance, le vol, l'assassinat. Bref, ce n'était pas le genre de mission où on se couvrait de gloire, où on accomplissait de haut-faits, où on pouvait gagner une bonne réputation. Les Aburame étaient forts, mais… en marge. Un peu louches, un peu glauques, un peu dangereux : mais sans grandes ambitions, et donc laissés en paix.

Le nombre d'Aburame qui sortaient du moule se comptaient sur les doigts d'une main, et parmi eux se trouvaient Shibi. Le chef de clan, le père de Shino : un héros de la Troisième Guerre Ninjas, aux réserves de chakras immenses et au calme aussi impeccable que sa stratégie. Lui, il n'était pas considéré comme glauque ou louche. Et ses ambitions étaient considérées comme tout à fait respectables. Shino avait toujours voulu devenir comme son père, sans pouvoir vraiment l'imaginer. Parce que personne ne pouvait arriver à la cheville de Shibi. Oh, Shibi était un père aimant et attentif, mais il n'avait aucune idée de l'ombre immense qu'il projetait. Et le petit Shino ne savait pas comment mettre en mots son sentiment de ne pas être assez.

Jusqu'à ce que Hoheto-sensei déclare, d'un ton de certitude inébranlable que Shino serait leur leader. Et Shino, qui n'avait jamais vraiment été vu pour lui-même avant ce jour, s'était accroché de toutes ses forces à ces mots.

Hoheto Hyuga enseignait à ses trois élèves avec patience, mais aussi sévérité. Chōji boudait devant les contraintes, et Ranmaru affichait une résignation attristée : mais Shino s'épanouissait sous ce genre de tutelle (du moins, autant qu'un Aburame puisse véritablement s'épanouir). C'était avec lui que Hoheto-sensei passait le plus de temps : pour affiner son taijutsu, lui faire apprendre d'énormes manuels d'Histoire ou de stratégie… Mais aussi, parfois, tout simplement pour parler.

Shino parlait peu. Mais Hoheto-sensei était quelqu'un qui ne disait jamais de platitudes inutiles. Il était strict, direct, et froid. Il souriait peu, et le regard blanc de son Byakugan était intimidant : mais il était toujours franc et honnête. Il ne tournait jamais autour du pot.

– Tu te demandes pourquoi je suis si certain de tes capacités de leader, déclara soudain Hoheto-sensei.

Shino marqua un infime temps de surprise, puis inclina la tête. Il n'aurait servi à rien de nier. Surtout à présent. Il jeta un regard furtif à ses coéquipiers : mais Chōji et Ranmaru étaient toujours en train de s'exercer au lancer de shurikens un peu plus loin, et ne semblaient pas avoir remarqué que Hoheto-sensei s'était approché de Shino (qui, perché sur un promontoire rocheux, était supposé travailler son contrôle sur ses insectes).

– Oui, sensei, admit Shino.

– Pourquoi ?

– Pourquoi ? répéta Shino avec incompréhension. Parce que… nous avons échoué à l'examen. Je n'ai pas été assez fort. Depuis le début, je ne suis pas assez… Ce qu'on attendrait d'un leader. Inspirant, charismatique.

– Le charisme n'est pas une qualité nécessaire chez un leader. Tu ne te poses pas la bonne question.

Shino réfléchit un instant :

– La bonne question est… Qu'est-ce qui est nécessaire pour être leader ?

Hoheto-sensei inclina la tête.

– Correct. Ou plutôt : qu'est-ce qui fait un leader. Et la réponse n'est pas son pouvoir, son charisme, sa popularité. Ce qui fait un leader, ce sont les circonstances. Ou, tout simplement, le destin.

– Le destin ? répéta Shino avec une pointe de surprise.

Hoheto-sensei était si posé et si rationnel, il ne l'aurait pas pensé du genre à croire à ce genre de chose. Mais… Après tout, pourquoi pas ? S'il y avait bien une personne capable de rendre le destin logique, c'était sans doute Hoheto-sensei.

– En effet, déclara calmement le Jounin. Le Yondaime Hokage n'est pas né puissant, riche, ou membre d'un clan renommé. Mais les circonstances ont voulu qu'il maîtrise une technique imbattable et qu'il possède un sens acéré de la stratégie au moment où nous étions plongés au plus profond de la guerre. Les circonstances ont fait de lui un leader, puis un Hokage, alors que la logique aurait voulu que le Yondaime soit quelqu'un de plus expérimenté. Par la suite, ce sont ces mêmes circonstances qui ont voulu que le Yondaime, le premier défenseur du village, maîtrise les compétences précise pour neutraliser le Kyūbi.

Shino se surpris à hocher la tête à ces paroles. Tout le monde connaissait la légende du Yondaime. Il avait quasiment mis fin tout seul à la Troisième Guerre, en devenant une force si impossible à stopper que même les plus sanguinaires de leurs ennemis avaient dû reculer. Et ensuite, il avait battu le Kyūbi : un démon surgit de nulle part, que même une armée entière n'aurait pas fait frémir. Les compétences du Yondaime tenaient presque du mythe, et à chaque fois, elles avaient été parfaitement adaptées à neutraliser la menace qui planait sur le village.

Ce n'était pas parce que le Yondaime avait été Hokage qu'il avait appris un Jutsu permettant de neutraliser le Kyūbi et de sauver le village. La causalité était dans l'autre sens. C'était parce qu'il connaissait ce Jutsu qu'il était devenu Hokage, et ainsi qu'il s'était retrouvé en première ligne lorsque, par un coup du sort extraordinaire, le Kyūbi avait attaqué. C'était les circonstances qui avaient placé leur meilleur défenseur au bon endroit, au bon moment. Et ça… Oui, on pouvait sans doute parler de destin.

Hoheto-sensei attendit calmement qu'il ait terminé d'y réfléchir, son regard pâle et indéchiffrable ne quittant pas Shino un seul instant. Puis il reprit, d'un ton plus bas :

– Il est inutile d'attendre un signe du ciel indiquant qu'il te faut devenir un meneur d'homme. Il est tout aussi vain d'espérer que, parce que tu préfères rester en retrait, le monde se montrera accommodant. Les circonstances de ta naissance ont déjà commencé à tracer ton destin, dès le début de ta vie. En tant que fils du chef de clan, tu es destiné au leadership. Ton placement dans cette équipe ne fait que le confirmer.

Shino hésita un instant.

– Mon destin n'était pas écrit à ma naissance. Pourquoi ? Parce que trop d'éléments ont changé depuis. Le futur est toujours en mouvement.

– Pas en totalité, concéda le Jounin. Certaines choses peuvent changer. Un décès, une naissance, une rencontre, une défaite, une victoire. Bien des choses peuvent altérer le chemin qui t'es tracé. Mais l'essentiel est fixé. Ton identité est fixée. Et ainsi… Ton destin est fixé.

Shino fronça les sourcils :

– Il reste le libre-arbitre. L'auto-détermination reste un facteur important, et il n'est certainement pas fixé à la naissance.

– Le destin n'est pas affecté par l'auto-détermination, contra Hoheto-sensei. Il peut être façonné par les circonstances : mais il est inutile d'essayer de le modifier par soi-même.

Ce n'était pas une réponse qui lui allait. Shino cligna lentement des yeux derrière ses lunettes de soleil.

– Pouvez-vous expliquer davantage, sensei ?

Son professeur prit le temps de peser ses mots.

– La partie de ta vie qui dépend de ton destin ne croise guère celle qui dépend de tes choix. Peux-tu choisir de ne plus être le fils de Shibi Aburame ? Peux-tu choisir de changer le passé, qui t'a placé sous ma tutelle avec Ranmaru et Chōji ? Non. Alors tu ne peux pas davantage choisir te de dérober à tes obligations. Car ton destin est aussi ton devoir. Pour certains, il s'agit d'obéir, de servir, ou de protéger. Pour d'autre, il s'agit de guider et ordonner.

Comme un leader, songea Shino. Comme un Jounin-sensei, aussi. Il en tira un étrange réconfort. Le leadership était un fardeau, parfois : effrayant et intimidant. Mais au moins Hoheto-sensei partageait cela avec lui. Lui aussi, il voyait le rôle de meneur comme un devoir plutôt qu'une source de gloire.

Hoheto-sensei lui adressa un très mince sourire, puis retrouva son air grave :

– Ce devoir… Ce n'est pas quelque chose qu'il te faut craindre, Shino. C'est ton destin. Cela peut te sembler intimidant, ou déplaisant, mais ce n'est pas quelque chose contre quoi tu peux lutter… Ni même quelque chose contre quoi tu devrais lutter. Accepte ta place dans l'univers. Tu es fait pour elle. Tu seras un leader, Shino.

Et ça ressemblait à une promesse.

Les trois élèves d'un Jounin-sensei étaient supposés être égaux, mais parfois un lien exclusif se créait entre le sensei et l'un de ses élèves. Entre Gai et Lee. Entre Asuma et Shikamaru. Et entre Hoheto Hyuga et Shino Aburame. Si deux personnalités étaient similaires, il n'est pas rare qu'un peu de favoritisme puisse apparaître.

Alors Shino se sentait proche de Hoheto-sensei. Son laconisme, son côté stoïque et sérieux, mais aussi son inébranlable assurance. Shino se sentait proche de son sensei, et c'était pour ça qu'il avait tellement voulu réussir l'examen. Il aurait voulu lui prouver que sa confiance n'était pas mal placée. Hoheto-sensei méritait d'avoir des élèves qui réussissaient, parce qu'il avait été si patient, si déterminé. Il les avait menés si loin. Il avait mené Shino si loin, surtout. Et après tous ces efforts… Leur équipe avait échoué.

– Je suis désolé de vous avoir laissé tomber, lâcha Shino en regardant ailleurs. Nous aurions dû mieux faire lors de cet examen.

Mais Hoheto-sensei secoua la tête.

– Non. Vous avez fait de votre mieux.

– Si mon destin est d'être un leader…

– Cela ne signifie pas un succès immédiat. Parce qu'une chose t'es destinée, cela ne signifie pas qu'elle viendra toujours aisément.

Hoheto-sensei hésita un instant, puis s'assit à côté de Shino. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix était grave.

– Laisse-moi te donner un exemple plus personnel. Les Hyuga sont séparés en deux branches : la Sôke, la branche principale, et la Bunke, la branche secondaire. La Sôke a pour tâche de préserver les traditions, choisir la politique du clan, gérer ses finances, faire honneur à sa réputation, et veiller à la préservation de notre Dôjutsu. La Bunke a pour tâche de protéger et servir la Sôke.

Il marqua une pause, puis reprit d'un ton plus bas :

– Je suis né membre de la Sôke. Ce sont les circonstances qui l'ont voulu : mon père était membre de la Sôke, ma mère également, et je suis leur fils unique. Mais en grandissant je trouvais mes responsabilités difficiles. J'étais un enfant impatient. Je n'avais pas de proches cousins de mon âge, et les enfants de la Bunke n'étaient pas considérés comme des camarades de jeu acceptable. L'entraînement était strict, et souvent douloureux. A la mort de mon père, ma mère a été remariée à un membre de la Bunke et a quitté la maison, sans que je ne puisse m'y opposer. Il m'a été interdit de participer à trois examens Chuunins avant qu'enfin l'examen ne se tienne à Konoha.

– Vous n'aviez pas le droit de passer l'examen hors de Konoha ? répéta Shino.

– Non. Les membres de la Bunke possèdent un sceau qui assure la destruction de leur Byakugan après leur mort, pour empêcher tout vol de kekkei genkai. Ils sont donc plus libres de leurs mouvements. La quasi-totalité des ninjas du clan Hyuga sont membres de la Bunke. Les membres de la Sôke possèdent un Byakugan non-scellé, et notre Dôjutsu est très convoité par les autres nations. Pour cette raison, les Hyuga de la Sôke doivent respecter des restrictions. Nous ne prenons aucune mission hors des frontières du pays du Feu, par exemple, et cela inclus les examens Chuunins.

Ah. La Sôke avait plus de pouvoir, mais la Bunke avait plus de liberté. Dit comme ça, cela semblait équitable. Shino ne pouvait pas vraiment en juger : son clan n'était pas séparé de cette façon, et il ne pouvait donc pas juger de l'efficacité de cette division. Et puis, il ne connaissait pas grand-chose des Hyuga. C'était un clan très secret.

Hoheto-sensei inspira profondément, et reprit :

– Ce que je voulais dire est… Le poids qui vient avec l'appartenance à la Sôke est difficile à porter. Je n'aimais pas les contraintes. Je n'aimais pas cette idée de responsabilité envers des membres du clan plus faibles et moins méritants. Mais au final… Peu de gens sont satisfaits de leur place. Les membres de la Bunke ont une grande jalousie envers les membres du clan qui les dirigent : et en contrepartie la Sôke, et moi-même, ressentons de l'exaspération devant leur ingratitude. Ce n'est pas une situation idéale. Est-ce que cela change nos obligations respectives pour autant ? Non. Chacun a sa place et son devoir, même s'il est parfois inconfortable. Le respect de l'ordre bénéficie au clan, et ce qui bénéficie au clan bénéficie à tous les Hyuga.

Shino inclina la tête, voyant où Hoheto-sensei en venir avec cette analogie. Ce qui bénéficiait au clan bénéficiait à tous les Hyuga, peu importe leurs insatisfactions individuelles. De même, ce qui bénéficiait à toute l'équipe bénéficiait à chacun de ses membres, comme par exemple l'opportunité de s'entraîner encore un an avant de repasser l'examen… Et ce, même si Shino aurait préféré une réussite immédiate.

– Mes sentiments personnels ne changement pas les circonstances de ma naissance, poursuivit Hoheto-sensei en regardant Shino droit dans les eux. En tant que membre de la Sôke, j'ai dû faire face à des choix difficiles et des situations douloureuses. Cela n'est jamais devenu plus facile avec le temps. Mais la difficulté fait partie du devoir.

Comme pour adoucir ses propos, Hoheto-sensei esquissa un mince sourire.

– Cet échec n'est pas la fin, Shino. Au contraire. Il s'agit d'une leçon. Peut-être que la faute ne vient pas de toi. Peut-être que Ranmaru était trop lent, que Chōji était trop effrayé, que vos adversaires étaient trop malins. On ne peut pas lutter contre le destin : on peut simplement l'accepter. Aujourd'hui, tu as échoué. Demain, tu reprendras l'entraînement. Peut-être que tu échoueras aussi à l'examen suivant, et à celui d'après. Mais tu passeras Chuunin, Shino. Parce que c'est ta responsabilité, en tant que leader de cette équipe, de montrer que tu mérites ce rang.

Puis le regard d'Hoheto-sensei dériva ailleurs, au-delà du terrain d'entraînement, en direction de l'arène où se déroulerait le tournoi. Ses prochains mots furent dits d'un ton si bas que Shino faillit ne pas les entendre :

– Et l'occasion se présentera sans doute plus vite que tu ne le pense…

oOoOoOo

Le début du tournoi était dans trois jours. Et Orochimaru n'était pas à Konoha. Ou plutôt, il n'était pas encore à Konoha… Mais il y avait été, il y avait moins d'un mois de cela ! Il était passé sous leur nez pour menacer Hikari, marquer Sasuke, provoquer Tsunami, et personne n'avait rien pu faire… !

Izumi serra les dents derrière son masque de porcelaine.

Les ANBU avaient quadrillé le village et retourné la moindre pierre de la forêt de la Mort, sans succès. En revanche, ils avaient trouvé un Jounin de Kusa mort à l'orée du bois, ce qui indiquait que c'était probablement en endossant son identité que le Sannin aux Serpents avait pris la clef des champs sans être vu. C'était affreusement frustrant. Orochimaru avait déserté Konoha depuis plus d'une décennie à présent ! Comment pouvait-il connaître leur fonctionnement sur le bout des doigts ? Avait-il des taupes ?!

(Probable. Ce n'était pas dit à voix haute, mais les policiers chargés de l'affaire, et tous les ANBU ayant pour mission de traquer le Sannin, en avaient bien conscience. Ça avait de quoi créer une certaine paranoïa…)

Izumi apparut dans l'ombre d'une cheminée, glissa sans un bruit dans l'obscurité d'une ruelle, puis se volatilisa pour réapparaît un peu plus loin, où les bâtiments laissaient place à un taillis touffu qui marquait l'entrée d'un vaste terrain d'entraînement. Sans un bruit, son partenaire Kitsunebi se matérialisa à ses côtés. Deux secondes plus tard, ce furent Towa et Komachi qui apparurent. Pas un son n'accompagna leur arrivée, pas même le souffle d'air habituellement provoqué par le Shunshin.

– Rien à signaler, lâcha Towa.

– Nous non plus, fit Izumi avec contrariété.

Kitsunebi pencha la tête sur la droite, un geste exagéré qui, chez les ANBU au visage perpétuellement masqué, était un peu l'équivalent d'un haussement de sourcil.

– Tu devrais plutôt être soulagée de ne pas trouver de cadavres, Sumire. Avec Orochimaru, c'est toujours une possibilité.

Izumi croisa les bras, vaguement sur la défensive :

– Je sais. Mais il va se passer quelque chose. Le savoir, et n'en trouver aucun signe, c'est… frustrant.

– Mmmh. Tant que tu ne le prends pas personnellement.

Derrière son masque, Izumi leva les yeux au ciel. C'était l'hôpital qui se moquait de la charité ! Kitsunebi aimait leur faire la morale (il lui rappelait un peu Tsunami parfois), alors qu'il était bien loin de l'image de l'assassin sans émotion que tous les ANBU cherchaient à atteindre. Tant mieux, cela dit. Izumi aurait eu du mal à travailler avec une équipe de robots. Bon, l'équipe Kaen n'était pas aussi déjantée qu'Hana ou aussi sereine qu'Hakui, et c'était dur d'être véritablement amis quand on dissimulait son identité. D'un autre côté, c'était aussi dur de ne pas être amis quand on passait des heures ensemble, qu'on n'avait rien d'autre à faire pour tuer le temps que de bavarder ou s'entraîner, et qu'on risquait sa vie à chaque mission.

Kitsunebi avait un côté pompeux et donneur de leçon, mais il avait aussi un très bon sens de la répartie, et cachait un cœur d'or sous son air faussement distant. Il était toujours le premier à veiller à ce que les civils ne se retrouvent pas pris entre deux feux. Et il utilisait fréquemment ses Invocations (des petits lapins, ce qu'Izumi trouvait à la fois trop chou et absolument tordant) pour amuser les enfants, jouer des tours aux passants, ou encore veiller de loin sur des gens dont leurs missions avaient chamboulé la vie.

Towa et Komachi étaient un duo inséparable, un peu plus fun que Kitsunebi, mais si soudés que c'était difficile de les côtoyer sans se sentir comme la troisième roue du carrosse. Ils étaient professionnels et très calmes quand il le fallait, mais… Le plus souvent (et parfois même en plein combat) ils étaient taquins, un peu moqueurs. Ils se lançaient implicitement des défis constants. Komachi aimait railler ses adversaires et Towa était toujours le premier à lancer les provocations. Ils s'aiguillonnaient mutuellement. Izumi était parfois un peu envieuse de leur lien exclusif. Ils étaient de bons compagnons, mais ça se voyait qu'ils se connaissaient en vrai, qu'ils étaient proches, alors que… Eh bien, chez les ANBU, il y avait toujours une certaine distance.

– Entraînement ? proposa joyeusement Towa pour rompre le silence. Je te dois une revanche, Sumire !

– Hey, protesta Izumi. C'était match nul, je n'ai pas perdu !

– Ah ouais ? Parce que je n'ai pas perdu non plus !

– Vous avez tous les deux finis à l'hôpital, pointa Komachi d'un air railleur. Logiquement, c'est donc moi qui ai gagné.

– Tu étais l'arbitre !

Distance ou non, Izumi n'avait pas à se plaindre de l'équipe Kaen. Oh, ils étaient tous bien plus brutaux que ses autres amis (à moins que ça soit leur job qui les désensibilise à ce point à la violence ?), mais ils savaient mettre une bonne ambiance. Et puis, ils respectaient ses capacités d'assassin. Izumi appréciait ça.

Ce n'était pas que ses autres amis n'appréciaient pas ses capacités. Mais pour Hakui, Hana, Tsunami, Hikari, Sasuke, tout le monde… Izumi était avant tout une médic. Ce n'était pas un problème, Izumi était fière d'être médic. Elle était la seule de sa famille à pouvoir protéger sa grande sœur du contrecoup de son Mangekyō : c'était quelque chose d'écrasant et de grandiose à la fois. Mais Izumi n'était pas que médic. Depuis le massacre, elle s'était doucement dirigée vers un autre chemin. Au fond d'elle-même, Izumi savait que sa priorité serait toujours de soigner, réconforter, protéger, aimer : qu'elle serait toujours une médic-nin avant le reste. Mais soigner autrui, ce n'était pas suffisant à remplir sa vie. Et… il y avait aussi quelque chose de libérateur à devenir autre chose. Quelque chose de dangereux, de mortel, dénué de toute la compassion qui parfois pesait si lourd sur les épaules des soigneurs et des médecins. Un assassin. Oui, ça avait quelque chose de grisant de devenir quelqu'un dont les compétences de médic étaient accessoires, qui était aimé et respecté non pas pour son talent à sauver, mais pour son talent à tuer.

Izumi aimait prendre soin des autres. C'était ce qui la poussait en avant, ce qui la motivait, ce à quoi elle voulait passer sa vie. Mais parfois, c'était un fardeau lourd à porter. Être celle qui soigne, qui sourit, qui ne perd jamais patience… C'était fatiguant, mentalement. Alors mettre le masque de Sumire, devenir assassin et rien d'autre, ce n'était pas désagréable. Tout était plus simple en tant qu'ANBU. Personne n'attendait d'elle qu'elle soit douce et gentille, et Izumi n'avait jamais réalisé à quel point elle avait intériorisé cette attente avant d'en être libéré.

Peut-être qu'un jour elle trouverait le parfait équilibre entre médic et assassin. Mais pour l'instant, ça lui plaisait de garder les deux séparés. Elle savait déjà qui elle était en tant qu'Izumi la médic, et le masque de Sumire lui permettait de trouver ses marques en tant qu'Izumi l'assassin. C'était… confortable. Était-ce bizarre, de trouver ça confortable ? Bah. Il y avait tellement de gens cinglés dans l'ANBU qu'Izumi ne devait certainement pas faire tâche.

L'équipe Kaen acheva sa patrouille et se rendit au Q. G. pour faire leur rapport. En tant que capitaine, ce fut Kitsunebi qui se rendit d'un air morose (et comment pouvait-il aussi projeter un air morose tout en ayant un masque ? Les ANBU avaient vraiment un langage corporel vachement expressif, des fois !) au bureau du grand chef pour rendre compte verbalement de ce qu'ils avaient vu. Oui, chez les ANBU, la quasi-totalité des infos étaient transmises verbalement. Il était rare d'écrire ou de lire quoi que ce soit. À chaque fois, Izumi en était toute perturbée : c'était très différent de l'hôpital où on gardait toujours une trace écrite de ce qu'on avait vu, dit, fait, ou même pensé au cours du traitement d'un patient !

Puis Shoho apparut au détour d'un couloir. Towa et Komachi bondirent comme deux gamins pris en faute, ce qu'Izumi trouvait toujours très marrants. Face aux légendes de rang S qu'ils avaient dans l'organisation (le Commandant Ookami, une kunoichi nommée Katori, Shoho lui-même, et Kakashi qui était supposément à la retraite mais se pointait régulièrement pour martyriser les nouvelles recrues) les fauteurs de troubles irrévérencieux se figeaient comme des Genins qui auraient croisé Ibiki Morino dans une ruelle obscure.

Les bons élèves, comme Izumi ou Kitsunebi, avaient la conscience tranquille et ne sursautaient pas dès que le patron apparaissait, au moins. Mais bon, Shoho était un cas particulier. Il était vieux, pour un ANBU : quand la plupart des membres de l'organisation ne vivait pas au-delà de vingt-cinq ans, atteindre trente-six ans tenait de l'exploit. Si on ajoutait à ça sa carrure imposante, son attitude silencieuse, et le visage sombre au regard scrutateur qui se cachait derrière son masque… Shoho, aussi appelé Zō, aussi appelé Kinoto, était une figure fascinante au sein de l'ANBU. Sa réputation dépassait celle du Commandant Ookami. Il s'entraînait de façon régulière avec ses subalternes, et c'était une occasion aussi attendue que redoutée. Il leur bottait les fesses de façon spectaculaire à chaque fois !

– On a une douzaine de recrues à tester dans la forêt interdite, lâcha Shoho d'une voix impavide. Towa, Komachi, c'est à votre tour.

Le duo échangea un bref regard, et Komachi demanda avec espoir :

– On peut aller déjeuner avant de tabasser les newbies ?

– Non.

Leurs épaules s'affaissèrent, et ils disparurent en Shunshin. Izumi ne put s'empêcher de lâcher un reniflement amusé. Du coup, l'attention de Shoho se reporta sur elle, et la jeune fille haussa les épaules, souriant derrière son masque.

– Quoi de neuf, taïcho ?

Il la considéra un instant, puis inclina légèrement la tête :

– Rien de passionnant. Comment s'est passé la patrouille ?

– Rien de passionnant non plus. Ça en est frustrant.

– Hum. Je comprends le sentiment.

C'était plus agréable à entendre que les remontrances de Kitsunebi. C'était pour ça qu'Izumi appréciait Shoho. Quand le capitaine se remit à marcher, son pas était plus mesuré, une invitation implicite, et Izumi lui emboîta le pas sans hésiter.

Shoho était un individu intimidant, et un ANBU légendaire, mais au niveau personnel, il était surtout… réservé. Oh, il était inflexible avec ses collègues et impitoyable en mission (du moins d'après les rumeurs : Izumi n'avait jamais eu la chance de faire une mission à ses côtés), mais était toujours d'un très grand sang-froid, sans jamais une once d'agressivité déplacée. Honnêtement, Izumi admirait sa complète maîtrise de son tempérament. Tous les gens qu'elle connaissait étaient des têtes brûlées à côté de Shoho.

– J'ai maîtrisé le genjutsu que vous m'avez montré la dernière fois, lança-t-elle à brûle-pourpoint. C'est une technique médicale, aussi, non ?

Dire que Shoho lui avait montré la technique était un euphémisme. Il en avait fait la démonstration une semaine plus tôt lors d'un entraînement particulièrement vicieux où il avait affronté cinq adversaires à la fois (dont Izumi, qui avait eu une épaule disloquée dans la bataille), détruit un terrain d'entraînement, et soutiré à ses adversaires (notamment Towa et Komachi) l'info qu'ils étaient supposés protéger… Tout ça en moins de quinze minutes. Shoho n'était pas un ninja de rang S pour rien !

– L'Illusion du Plongeon dans le Passé ? releva son capitaine avec un léger intérêt. C'est un Jutsu de rang A. Tu as été rapide.

– Les genjutsu sont ma spécialité. Et le ninjutsu médical. Alors, quand les deux se combinent…

L'homme inclina la tête, concédant le point. Izumi ne put s'empêcher de songer qu'il semblait plutôt content de sa réussite.

Il était courant que les ANBU s'échangent des techniques de filatures, d'interrogation ou de sabotage avant chaque mission qui nécessitait un type spécifique de compétence. Kitsunebi avait ainsi appris plusieurs Jutsu de dissimulation à Izumi, qui en retour avait enseigné quelques astuces de maniement des shurikens et des senbons à ses partenaires. Partager ses Jutsu étaient quelque chose de très personnel chez les ninjas ordinaires mais… Les ANBU avaient des normes différentes. C'était une activité sociale dans leur organisation, puisqu'ils ne pouvaient ni manger ensemble, ni picoler, ni même sortir le soir pour s'amuser.

Shoho n'enseignait quasiment rien à personne, pas par réticence personnelle mais parce que personne n'osait lui demander. Et puis, il n'était pas très ouvert. Izumi trichait, parce qu'elle avait le Sharingan, mais elle avait beaucoup appris de lui ces dernières semaines. Shoho l'avait remarqué, et il en semblait… Eh bien, presque content. Izumi n'avait pas manqué de remarquer qu'elle était l'une des rares personnes avec qui leur stoïque capitaine faisait la conversation. Elle en était curieusement flattée. Parfois Shoho apparaissait comme un roc tranquille et inébranlable dans l'agitation de Konoha.

(Si Hakui avait été là, elle aurait déclaré d'un ton docte qu'Izumi se projetait sans doute un peu trop, parce qu'elle cherchait la stabilité autour d'elle : entre son père tué dans son enfance, sa mère infirme, et sa Jounin-sensei distante, Izumi n'avait pas vraiment eu d'adulte fort à émuler durant sa vie… Alors était-ce si surprenant que son capitaine remplisse ce rôle ?)

– En effet, déclara Shoho avec une trace d'approbation dans la voix. Ce genjutsu est une méthode pour traiter l'amnésie tout autant qu'une technique d'interrogation. Les subtilités sont dans l'équilibre entre énergie Ying et énergie Yang.

– Je m'en doutais un peu, sourit Izumi derrière son masque. Pour l'interrogation, le genjutsu doit être extrêmement focalisé sur un souvenir spécifique. Mais pour un traitement médical, l'hypnose doit être plus douce, moins profonde mais plus étendue.

– C'est ça. Tu progresses vite.

Quand elle avait débuté dans l'ANBU, Izumi avait déjà été douée. Mais aiguiser ses compétences dans une direction spécifique, avec l'aide de tout un tas de professionnels, eh bien… Ça lui avait fait faire un bond en avant. Elle était dans son élément

C'était dans ce genre de moments qu'Izumi comprenait comment Tsunami avait progressé de façon fulgurante après sa promotion au rang de Chuunin. Avec la capacité d'apprentissage du Sharingan, si on avait la motivation pour avancer et l'endurance pour ne jamais perdre son rythme…

– À ce sujet, fit soudain Izumi d'un air dégagé. On a déjà les postes qui nous seront assignés pour le tournoi ?

– Possible. Pourquoi ?

Izumi hésita brièvement, puis se jeta à l'eau :

– Je voudrais être parmi les gardes de la loge des Kage. Je pense que j'en ai les compétences.

Shoho sembla hésiter un instant. Puis il retira son masque. Ils se trouvaient dans un couloir déserté, et son visage n'était pas un secret (c'était même sa troisième identité, celui de Kinoto, non ?) mais Izumi eut quand même un instant de surprise. Ôter son masque, chez les ANBU, c'était quelque chose de fort. Un geste de confiance, une marque d'honnêteté.

– … Tu penses qu'Orochimaru attaquera par là.

– C'est le plus logique, se défendit Izumi. S'il provoque un affrontement entre ninjas de rang S, ce sera le chaos.

Shoho la regarda un instant. Il avait un visage dur, les sourcils perpétuellement froncés et l'air sévère, mais en cet instant il semblait fatigué. Résigné, presque. Puis il remit son masque, et l'instant passa.

– Tu as raison sur ce point, déclara-t-il d'une voix qui ne trahissait plus aucune émotion. Mais justement pour cette raison, tu ne feras pas partie des gardes.

– Mais… !

– Il est en effet très probable qu'Orochimaru attaque le Sandaime. C'est pour cette raison que le Commandant des ANBU et le Commandant Jounin y placeront leurs meilleurs éléments. Tsunami Uchiha se trouvera dans cette loge. Tu seras assignée ailleurs.

– Pourquoi ?!

– Car si la chef du clan Uchiha est tuée, il est nécessaire que son héritière survive.

Izumi resta figée sur place, comme si elle avait été frappée par la foudre. Shoho inclina la tête, et dit plus doucement :

– Nous avons tous un devoir à accomplir, Sumire. Avec ou sans le masque.

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J'adore le côté froidement pragmatique des ANBU.

Bah oui. Vous pensez bien que si Tsunami a été placée comme garde de l'Hokage, c'est pas pour lui faire plaisir. Et c'est pas non plus parce que ses supérieurs ont une foi absolue en sa survie.

Personne n'est irremplaçable.

BREF ! Sur ces joyeuses paroles je vous laisse mariner dans le suspense, et je vous dis à bientôt pour la suite !

xD